« Je suis venue pour vous remercier, c’est grâce à vous si les choses se sont passées comme ça… »
« J’ai été aux urgences ce matin pour mon fils qui a convulsé, ils lui ont donné ce traitement pour une otite mais je voulais votre avis avant de le commencer »
« Ma fille (mineure enceinte avec grossesse avancée qui consulte pour la première fois qui ne m’a pas décroché deux mots et dont je n’étais vraiment pas sûre du contact établi) veut vous prendre comme médecin traitant, elle vous a beaucoup aimé »
« Je viens vous voir pour vous dire que ça fait un mois que je ne fume plus et que c’est grâce à vous »
« Non si vous êtes pas là je vais pas voir un autre médecin, c’est vous mon médecin »
« Depuis qu’on est venu vous voir la dernière fois, il ne fait plus pipi au lit… »
« La diabétologue, elle a dit qu’elle restait disponible en cas de besoin mais que c’est pas la peine que je retourne la voir pour l’instant, qu’elle vous connait bien et que vous saurez gérer sans problème »
« Vous m’avez redonné confiance envers les médecins »
« Un spécialiste me dit ça, l’autre me dit autre chose mais VOUS docteur qu’est ce que vous en pensez? »
« Je voulais vous dire merci de ce que vous avez fait pour ma mère… »
« Aux urgences, ils ont dit que vous aviez eu le nez fin et que heureusement que vous m’avez envoyé »
« Mais le pédiatre docteur, qu’est ce qu’il fait de plus que vous? »
Voilà, vous vous doutiez bien que je ne pouvais pas rester sur le post « Orangina Rouge » précédent (mais non moins véridique), mon côté bisounours reprend le dessus pour dire qu’au delà de tout ça, la considération on l’a dans les yeux de la plupart de nos patients et c’est pour ça que notre métier est si beau ….
Et les commentaires me font dire que les mentalités changent peu à peu chez les étudiants quand même …
Je suis tombée par hasard sur mon ordinateur sur ce texte qui trainait que j’avais écrit à l’occasion du numéro de Pratiques consacré au problème de démographie médicale et à l’opération Privés de Déserts. Il n’avait pas servi finalement. Et comme « Faut pas gâcher » et que ces derniers temps, aujourd’hui encore, des rencontres avec des « twittos » me font ressentir pleinement la richesse de ces relations, je me suis dit que j’allais le publier…Et cela évitera que si quelqu’un se connecte sur mon blog, il tombe sur mes élucubrations d’angine (d’ailleurs j’ai à nouveau mal à la gorge…)
Les déserts médicaux évoquent immédiatement à l’esprit les campagnes, le médecin isolé en milieu rural. Le problème de la désertification des campagnes est un réel problème et qui dépasse largement le champ de la médecine.
Cependant, avec l’évolution de la démographie médicale, les déserts avancent.
Je suis médecin généraliste en Seine-Saint-Denis. Je ne suis pas médecin de campagne mais je travaille dans un désert médical. La densité en médecin généraliste dans ce département est une des plus faibles au niveau national.
Personnellement, pour l’instant, cela n’a pas de retentissement sur ma pratique. Mais je sais que dans l’avenir plus ou moins lointain, cela posera problème. Et au-delà du fait de se retrouver submerger par le poids d’une patientèle de plus en plus importante et des problèmes majeurs d’accès aux soins, ce qui me désole, c’est la méconnaissance de la richesse de cette médecine que j’affectionne. J’aime être médecin généraliste en Seine-Saint-Denis tout simplement et je suis sûre qu’il y aurait des choses à faire pour promouvoir cet exercice.
Que faire ? Moi, toute seule, toute petite.
J’ai écrit une thèse sur le sujet, la belle affaire !
C’est déjà un début… Je témoigne régulièrement , j’apporte un point de vue positif sur ce département très décrié. Si par mon témoignage, je peux motiver quelques jeunes médecins, si je peux faire changer la vision de quelques personnes.
Puis je suis maître de stage, je fais venir des étudiants parisiens habitués aux grands CHU dans mon petit cabinet du 93. Petite victoire.
Et moi toute seule, toute petite, j’ai des tas d’idées sur ce que l’on pourrait faire pour attirer les médecins dans mon désert médical.
Et puis, un jour, je suis, c’est une autre histoire, sortie de l’obscurantisme et j’ai découvert la médecine 2.0. J’aurai de nombreuses choses à dire sur tout ce que cela m’apporte.
J’ai maintenant un blog. Je parle de beaucoup de choses mais un de mes objectifs principaux est de témoigner de mon affection pour la médecine générale notamment en Seine-Saint-Denis. J’apporte maintenant mon témoignage à une plus grande échelle. Je sais par les retours que je touche quelques personnes au moins : une goutte d’eau de plus dans l’océan.
Je ne fais pas de pub, je ne dresse pas de tableau idyllique. Je raconte simplement mon quotidien, un quotidien méconnu de tous, un quotidien méconnu des étudiants en médecine à qui l’on ne raconte pas ce que c’est que la médecine libérale, la mienne ou celle des autres…
Parce que dans toutes les petites idées que j’ai, moi toute petite et toute seule, celle qui est à la base de toutes les autres, c’est de faire connaitre la médecine générale aux étudiants en médecine. Oui cela n’est pas une idée lumineuse, cela parait l’évidence même…et pourtant ….
Pourtant, la médecine générale reste encore méconnue dans nos études hospitalo-centrées. Mon blog et celui des autres, ah ben oui, parce que c’est ça qui est chouette, nous sommes de plus en plus à témoigner de notre médecine, est d’abord un témoignage et ensuite un échange. Parce que la médecine 2.0, c’est l’échange, l’échange entre confrères, entre professionnels de santé, entre patients.
Le poids de la blogosphère médicale est de plus en plus important et c’est quelques gouttes dans l’océan en plus. Une diversité d’opinions, de visions, d’expériences qui ont j’aime à penser un impact constructif et positif.
Et puis, ma vision de la médecine générale, mes petites idées, à moi toute petite , toute seule, je m’aperçois qu’elles sont partagées par d’autres. Et puis certains en ont d’autres des idées, me les font partager et je les trouve intéressantes, on échange, on discute.
On se retrouve à plusieurs, autour d’idées communes, beaucoup de ces idées ne sont pas novatrices, d’autres le sont.
Alors, que pour beaucoup, nous ne nous sommes jamais vu, nous élaborons un projet ensemble, dans la concertation et le respect mutuel.
A plusieurs, nous sommes plus forts. Je suis toujours petite, mais plus toute seule et l’ampleur de l’opération « PrivésDeDésert » me surprend.
Il y a d’autres façons, que j’admire de faire changer les choses, que je respecte et que j’admire comme le syndicalisme ou la politique.
Mais il se trouve que moi, nous, nous avons pris, par l’évolution de nos parcours, celle là. Nous avions envie de témoigner de notre amour de notre métier, de notre angoisse devant l’évolution de sa pratique et de donner nos idées à nous, simples acteurs de terrain.
Nous avons été entendus, nous allons être écoutés et cela c’est grâce à la force surprenante du web 2.0, grâce à nos blogs, grâce à twitter, des outils maintenant incontournables.
Davantage de gouttes d’eau dans l’océan.
Je ne suis plus seule.
Peut-être que grâce à nos actions, un jour, mon désert médical n’en sera-t-il plus un (Oui parce que tout ça m’apporte également de rêver un peu parfois).
Et un jour, je serai grande et je devrai prendre plus de choses en main. Je serai alors enrichie de ces lectures, de ces rencontres et de ces échanges.
Il souffle un vent de découragement dans la twittosphère médicale, qui est d’ailleurs probablement représentatif du moral des médecins généralistes (et autres).
(bon à vrai dire, ce vent soufflait il y a déjà un moment quand j’ai commencé à écrire ça, maintenant ça va mieux, mais on va pas gâcher un article…)
Parfois, la morosité et le découragement parvient jusqu’à moi, si, si!
En plus,comme jsuis hyper influençable, quand je lis des trucs comme ça, je me dis que c’est trop vrai et j’ai envie de déprimer aussi!
Parfois, j’ai envie d’écrire des choses négatives, si! si!
Mais j’ai du mal!
Même si j’ai toujours eu, enfin je l’espère, de la mesure dans ce que j’écrivais, en veillant bien à dire que ce que j’écrivais concernait mon cas à moi, et que j’ai toujours eu conscience des difficultés de notre métier, j’ai toujours choisi de parler des choses positives, puisqu’il y avait assez de monde pour en crier les difficultés.
Je sais que je suis le bisounours, la « bécassine en Seine-Saint-Denis » (copyright egora), (même si ceux qui me connaissent un peu savent que parfois je ne suis pas si bête que j’en ai l’air et qu’il peut m’arriver de jouer de cette fausse naiveté, mais ça,faut pas le dire).
Je sais aussi que le jour où DocteurMilie va passer du côté obscur de la force, beaucoup vont se dire que c’est la fin des haricots..si même moi je craque:-)
Le départ de Borée a été une rude épreuve pour beaucoup..
Je porte sur mes épaules le poids de l’espoir de toute une génération, bon je sais, là j’exagère mais en vrai,j’ai une petite pression quand-même, je me vois pas arriver et dire: « Bon, la Seine Saint Denis, c’est pourri, la médecine générale me fait grave chier!! » (sauf si on est un premier avril..)
Pourtant, des fois, pas longtemps, fugacement,j’ai envie de râler, si!si!
Mais y’a le côté bisounours qui vient lutter contre lepauvre côté orangina rouge, méchant, déprimé et révolté, si peu développé.
Celui ci parvient particulièrement à s’exprimer les soirs de pleine lune où je suis de garde à la maison médicale de garde (garde de médecin généraliste de 20h à minuit qui se situe proche des urgences qui nous renvoient les patients relevant d’un médecin généraliste, les patients peuvent aussi être adréssés par le 15 ou venir d’eux-mêmes). Un jour, je ferai un article juste sur ce sujet mais là tout de suite, comme j’y suis, je laisse sortir mon énervement, si un con de patient ne vient pas me faire chier à 23h30, putain en vla un (pause pour sauver une petite de 4 ans qui a vomi 4 fois) (repause pour un bébe de 6 mois qui a fait une chute,bon ne râlons pas, c’est une patiente à moi:je l’ai juste rassurée,je lui ai dit que moi, mon bébé qui est née en même temps que le sien, je la fais tomber tout le temps) .
Bref, quand je suis à la maison médicale, j’arrive à m’énerver comme jamais.
Contre les urgences qui m’envoient des urgences alors que c’est eux les urgences moi je suis généraliste.
Donc hors de moi je crie devant le vigile: « Nan mais les urgences, c’est n’importe quoi là, ils sont complètement cons, j’en peux plus, à chaque fois c’est pareil, la dernière fois c’était l’appendicite, tout à l’heure, une pyélo qui tremblait qu’il m’ont envoyée avec un pot rempli de pipi!!!!! et là, là, tiens toi bien, un mec qui a évacué des calculs toute la journée et qui depuis plusieurs heures n’arrive plus à faire pipi, ils lui ont demandé de pisser dans un pot (alors qu’il peut pas!!!) et me l’ont envoyé…mais ils sont pas nets!!! Je vais les appeler, je vais me les faire !!!!!!!!A chaque fois c’est pareil, j’en ai ras le bol, y font chier!!!!!
Allo, l’accueil des urgences,ça va? excusez moi de vous déranger.elle est pas là l’IAO…c’est la maison médicale, je vous renvoie le monsieur celui qui se tordait de douleur avec les calculs, oui elle l’a renvoyé…jsuis pas très contente quand-même, faut lui dire à l’IAO que quand-même quoi, voilà il va arriver, faut qu’il passe en priorité, tout de suite hein, voilà merci beaucoup et bonne soirée ….
Contre les patients (oui oui vous entendez bien) qui se pointent le soir en garde pour des choses qui durent depuis 3 semaines ou parce que leur gosse est malade mais que c’est bien plus simple de venir à la maison médicale que de se faire chier à voir un médecin la journée.
Alors je fulmine et je tiens des propos extrêmes.
Au vigile: « Nan mais j’en peux plus de ces gardes à la con, les gens ils voient de la lumière,ils croient que c’est la fête, l’autre il vient parce qu’il a mal depuis 6 mois, et puis ils toussent, ils ont mal à la gorge, mais moi aussi je tousse bordayl, jfais chier personne, l’autre ça fait 3 fois que je le vois pour son gosse malade, c’est plus simple de venir direct ici, ils attendent pas que de se débrouiller pour aller voir un médecin la journée, la pédiâtre était pas là, jt’en foutrais de la pédiâtre, et puis les généralistes vous savez…qui me dit, jsuis quoi moi à son avis, mais quel con, et l’autre l’autre elle est venue faire renouveler les soins de son accident de travail pour lequel elle était venue ici,jlui ai dit d’aller se faire foutre, j’aurai pu faire comme les autres et prendre les sous, parce que le problème il est là aussi, y a des médecins qui prennent tout et n’importe quoi alors après ça dégénère, y en a une qui a ramené l’écho qu’on lui a prescris ici…les gens y croient qu’ici c’est un cabinet .C’est du n’importe quoi, les gens ont pas de médecins, et toute façon les médecins la moitié c’est des nuls,jvois passer de ces ordonnances, après c’est sur que j’ai l’air con moi avec mon lavage de nez quand son gosse il est sous oroken et nifluril à chaque fois qu’il a une rhino…Nan mais c’est tout le système qui est pourri, on est foutu…en plus ils sont remboursés et avec le tiers payant…c’est sûr que si les gens devaient payer…(et voilà propos extrêmes je vous l’avais dit)
Au premier patient: « Mais vous avez pas de médecin traitant? Faut vous trouvez un médecin traitant parce que ici vous voyez c’est le médecin de garde pour les urgences, mais ça ne doit pas être systématique et puis il n’y a pas de suivi, ce n’est pas bien pour vous, je vais vous donner une liste de médecins généralistes.En attendant, je vous prescris tout un tas d’examen qui ne sont pas du tout urgent mais qui relèvent de la médecine générale mais que moi c’est ce que je suis généraliste… »
Après, ça devient plutôt « Et vous n’avez pas de médecin? » Réponse: blablabla
Et puis le désespoir m’envahit et je renonce « Donc il est 23h, vous avez mal à la gorge, OK »
Parfois dans un sursaut de perplexité, je demande…
Mais pourquoi???? pourquoi donc???? Pourquoi maintenant…
et puis j’écoute…
Ce monsieur qui emmène son fils à 23 heures qui me raconte qu’il est parti l’après midi en claquant la porte de chez lui en laissant les clés à l’intérieur et qui a passé la journée à essayer d’ouvrir sa porte…
Cette maman qui croyait vraiment que si son enfant vomissait deux fois, c’était inquiétant.
Derrière chaque histoire particulière, il y a des représentations, des peurs, des angoisses, une mauvaise éducation des patients…Je ne croirais jamais que si des parents emmènent leur enfant aux urgences le soir ou la nuit, c’est juste pour emmerder le médecin de garde… Il y a toujours une raison et si l’on écoute pour la trouver, on se retrouve toujours moins énervé à la fin…
J’ai une mère qui au 1er mai l’année dernière nous a trainé aux urgences ophtalmo de garde pour une baisse d’acuité visuelle qui durait depuis des mois…j’en fus la première énervée mais je sais ce qu’il y avait derrière et cela m’aide désormais à ne pas juger…
Même si quand-même, y’a des foutages de gueules et un système totalement imparfait, le but des gens n’est pas juste de nous faire chier…
Au cabinet, je suis nettement moins énervée contre les gens, mes patients à moi, ils sont tous gentils et très bien éduqués.
Des fois je me fache tout rouge! « Non, non, non ce n’est plus possible, je vous ai dit mille fois qu’il fallait prendre RDV, et je vous préviens c’est la dernière fois, la dernière fois hein vous m’entendez que vous ne me payez pas!!! Vous me prenez vraiment pour une idiote: d’ailleurs vous me devez 17 consultations!!!! »
Même que ma collègue de l’étage au dessus elle m’a appelé tellement je criais fort pour voir si j’avais un souci avec un patient.
Et vous voulez pas 100 balles et un mars en plus? (à propos de ce patient dont je parlais ici)
Bon, en vrai jfais semblant de crier et d’être méchante pour avoir l’air d’avoir un peu d’autorité mais il m’énerve pas tant que ça…il fait pas exprès le pauvre…enfin je crois…
Mes patients m’énervent peu et je les aime…
Si on me lance, je peux en trouver quelques uns que j’aime pas tant que ça…des patients que quand je vois leur nom sur l’agenda, je dis « fais chier il me gonfle celui là », des patients qui me fatiguent, qui m’agacent, sans parles des à moitiés tarés, des logorrhéiques, des hypochondriaques, des GROS CONS!!!
Oups je m’emporte, nan mais c’est vrai qu’il y en a des un peu pénibles mais je les aime un peu quand-même…
J’aime TOUT LE MONDE. Mais…
Une fois la boutonnologue m’a soutiré une liste de personnes que je n’aimais pas et ben vous seriez surpris de la longueur de la liste…faut pas me lancer en fait!!!
Mais non vous n’êtes pas sur la liste…enfin quoi que ?
Quand la secrétaire m’appelle, ça donne ça!
« Pff elle fait chier:non, 39 de fièvre, c’est pas une urgence, qu’elle lui donne un doliprane à son gosse et qu’elle vienne demain, là jpeux vraiment pas!! Par contre, vous lui dites que jsuis vraiment désolée, que je peux vraiment pas ce soir, vous la rassurez et si vraiment elle insiste vous mla rajouter…Merci beaucoup, j’ai pas envie de lui parler là parce que je l’aime pasmais vous pouvez passer le message, merci beaucoup!! »
« Oui mais c’est pas une heure pour demander une visite ça 16 heures, en même temps c’est la première fois qu’elle me demande en 2 ans, mais bon sa fille est hypochondriaque, elle s’inquiète pour un rien.Bon, j’ai pas envie de lui parler parce que j’ai pas envie, mais dites lui que si vraiment vraiment elle peut pas attendre demain, j’irai ce soir tard!Merci beaucoup »
« Quoi, monsieur machin il a plus de traitement,non il aura pas de RDV aujourdh’ui, il me fait le coup à chaque fois...Bon dites lui de passer, je lui prépare son ordonnance d’insuline, et je l’engueulerai en même temps!!! »
« Oui, bonjour, vous savez la patiente d’hier, oui celle avec la fille angoissée qui respirait mal, ben j’ai bien fait d’y aller quand-même, elle est partie avec le SAMU… »
Voilà avec les patients, ça se passe bien…
Maintenant la gestion du cabinet, sujet qui est source de nombreuses plaintes!!
Mais non c’est trop bien, y a pas de soucis!
J’ai déjà parlé de mon cas dans « jusqu’ici tout va bien« , quant à la compta, j’en ai parlé ici, c’est trop génial la compta!!
La gestion du cabinet libéral, c’est pas si dur que ça, ça prend pas trop de temps, c’est jouable!
Bon sur les relations entre collègues, j’ai déjà dit je n’aborderai pas le sujet …
Mais quand-même, si il faut chercher, je comprends que certains médecins en aient marre. La paperasse, c’est vrai que c’est un petit peu agaçant des fois, oui d’accord carrément chiant, les duplicatas pour la sécu qui perd tout, les renouvellements de 100% pour des pathologies qui sont toujours les mêmes » Miracle, il n’est plus diabétique, ah ben si pardon j’ai confondu il l’est toujours « , les CERTIFALACONS !!!! , les documents à scanner qui s’entassent.Moi ça va, c’est gérable parce que j’ai une petite patientèle et que je fais peu d’heures mais les médecins qui bossent 50 heures par semaine, je comprends que ce soit la goutte d’eau qui fait déborder le vase! ( zont qu’à moins bosser d’abord)
Bon c’est vrai que ça m’énerve fort quand on prend le généraliste pour un con: « Le chirurgien que j’ai vu hier m’a dit que je devais venir vous voir pour ma prolongation d’arrêt suite à mon opération » « Bonjour, j’ai eu mon IVG aujourd’hui mais le gynéco m’a dit de voir avec mon médecin traitant pour un arrêt « MAIS WTF!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Je suis en combat épistolaire avec un directeur d’école pour les histoires de certificats d’absence:mon dernier courrier c’était « Désolée si mon ton vous a semblé un peu rude, ce n’était pas mon intention, on ne va pas continuer à se battre par articles fluorés interposés, d’ailleurs moi j’ai même pas de fluo, alors je réentoure le texte de loi, mais surtout juste croyez moi, ce que je vous dit, c’est vrai, c’est pas juste pour vous embêter:y’a pas besoin de certificats, y’a pas besoin… »
Et puis bon la compta, c’est marrant mais jpréfererai glander devant la télé quand-même!
Disons que tout ça, c’est chiant mais pour l’instant c’est chiant gérable et je prend ça avec ma résilience hyper développée.
En fait c’est surtout çà, je suis un peu bisounours je l’admets mais c’est aussi surtout que j’ai une forte résilience pour tout ce qui est pénible…
Parce que oui les patients sont chiants parfois, la plupart des médecins sont des nuls, oui la plupart des gens sont des gros cons, le monde tourne de travers, est absurde…Oui c’est à pleurer de voir la manif pour tous, et le score du FN ,et les enfants qui meurent de faim, les riches qui s’enrichissent et mes pauvres patients sans papiers dont tout le monde se fout..
Oui je mélange tout, c’est pour faire court.
En fait je suis tellement désespérée au fond de moi du monde qui est le notre que j’ai choisi d’être un bisounours, d’aimer mon travail et mes patients, de prendre les choses comme elles viennent sans trop me plaindre parce que JE SUIS UNE NANTIE !!!!!!!!!!!!
Et je trouve vraiment que c’est un peu vrai! J’ai beau comprendre les difficultés de certains médecins, je pense que je suis non pas nantie mais chanceuse!
Voilà pas nantie mais chanceuse!
La médecine générale va mal, la pression démographique est de plus en plus forte.La médecine générale est toujours aussi mal vue et ce que me dit mon externe ne me rassure pas:elle est toujours un sous-choix et sous représentée à la fac…
Les choses n’avancent pas. Je n’avais aucune attente ni illusion quand je lui ai dit ça, mais les croissants du ministère ont un petit goût pas amer mais …insipide je dirais …
Moi ça va pour l’instant mais j’ai des conditions idéales, je n’aurais jamais le courage, le dévouement ni les capacités à travailler à la campagne. J’admire Borée pour la décision qu’il a prise de quitter son cabinet, cela doit être déchirant mais il a raison et c’est vraiment courageux.
J’ai peur de l’avenir, quand le verre à moitié vide remplacera le verre à moitié plein…quand j’en aurai marre, quand je me plaindrai tout le temps, quand je devrais travailler tous les jours, quand je me plaindrai de ne pas gagner assez, parce que jtrouve que je gagne bien ma vie et que jtrouve ça normal de payer des impôts mais quand-même LA CARMF CA FAIT MAL AU CUL!!!!
Voilà je vais m’arrêter là mais jsuis une bisounours certes mais jsuis aussi une imposture. Je les connais pas tous mais je pense qu’il n’y a pas un seul des 10 commandements que je n’ai pas transgressé, en fait je suis une fourbe!!! (rire sardonique )
Tous les jours, mes patients me racontent leurs histoires, les unes plus tristes que les autres. Il semble que la vie n’épargne personne. J’aime me réjouir avec mes patients des bonnes nouvelles que la vie offre parfois mais je ne peux pas me permettre de pleurer avec eux à chaque consultation. J’ai appris à me blinder. J’ai appris à faire ça depuis toujours, face aux épreuves que la vie m’a, à moi comme aux autres,imposées. Mais cela ne m’empêche pas de ressentir en plus de l’empathie toute bien comme il faut (on nous a appris à la fac: l’EMPATHIE, pas la sympathie, pas les autres trucs en thie, l’ EMPATHIE) toute une foule de sentiments difficiles parfois à mettre bien en ordre face aux difficultés de la vie de certains.
Je ne sais pas pourquoi certains me touchent plus que d’autres. Depuis la semaine dernière, j’en ai entendu des histoires tristes, vraiment tristes,comme ma patiente que l’on aime qui m’a entre tous ces problèmes de santé,raconté qu’ils faisaient leurs cartons car fin de la trêve hivernale oblige, l’expulsion n’allait pas tarder, mais je ne sais pas pourquoi c’est l’image de Mme A. qui revient dans ma tête.
Son histoire n’est pourtant pas dramatique à Mme A. Mme A. la cinquantaine, vient du Pakistan. C’est une nouvelle patiente et c’est la première fois qu’elle venait seule sans sa belle-soeur qui traduit. Elle ne parle presque pas français, mais elle essaye. A la fin de la consultation, elle me montre l’ordonnance de son mari. Je ne suis pas bien sûre d’avoir bien compris sa demande, mais je crois qu’elle voulait savoir si son traitement pouvait être la cause d’un manque de libido ou quelque chose comme ça. De fil en aiguille, avec la barrière de la langue, je comprends que son mari ne s’occupe pas d’elle, sort toute la journée, rentre tard, ne lui parle pas. Elle est seule, sans famille, sans amis, me dit-elle avec une larme qu’elle essuie dignement. Elle a laissé ses enfants au pays il y a 6 mois pour rejoindre son mari qui lui manquait et recevoir des soins médicaux plus adaptés.Il ne la regarde pas… « Vous avez essayé de lui parler? » « Il m’a dit que j’avais qu’à m’en aller et refaire ma vie … » « Mais ça ne se fait pas chez nous…et puis je l’aime moi mon mari … » « Et c’est comme ça depuis longtemps? » » Depuis mon mariage…à 19 ans… »
C’est la vie…a-t-elle conclue… Je pense à Maupassant….
Cette histoire n’est pas la plus dramatique mais cette patiente m’a profondément touchée. Je ne parviendrais probablement pas à expliquer pourquoi ici.
C’était la journée de la femme, ce jour là. Je pense à cette femme et à toutes les autres. A toutes mes patientes, aux femmes de tous mes patients qui les attendent seules au pays pendant qu’eux galèrent ici à la recherche de meilleures conditions de vie, à toutes les femmes de par le monde dont la vie est si dure.
Et je pense à moi, à la chance que j’ai, d’avoir tout ce qu’une femme devrait avoir: un mari aimant, attentionné, avec lequel je m’épanouis dans une relation d’égalité, des filles magnifiques mais qui ne sont pas toute ma vie, une famille et des amis formidables, une vie professionnelle enrichissante, un travail que j’aime, des loisirs à moi avec le temps de les assouvir.
Pourquoi ai-je moi cette chance là, quand tant de femmes formidables ont une vie de souffrance, d’asservissement, de labeur, d’abnégation. Je trouve parfois mon bonheur indécent…heureusement que j’ai eu mon lot de coups durs, ça me permet de déculpabiliser un peu et d’avoir moins honte quand je me plains parce que vraiment des fois, toute cette chance que j’ai et que mes patients,pour ne parler que d’eux, n’ont pas, c’est lourd à porter.
Quant à Mme A. à part lui serrer fort la main à la fin de la consultation , que puis-je pour elle….
Ah oui, là je sens que le titre vous intrigue…il y en a peu hein!
J’aurai pu continuer la série des patients que l’on aime, il y en a quand-même énormément mais j’ai voulu vous raconter ce médecin que j’aime.
Bon, d’abord, si vous m’avez suivi un peu, vous devez savoir que je n’aime pas énormément les médecins. N’y voyez pas de mal ou de condescendance, c’est juste que la vie a fait que j’en ai rencontré beaucoup et je n’en pas admiré tant que ça. Un jour peut-être je raconterai mon désarroi (faible mot) et ma solitude dans la maladie de ma mère face au corps médical.
Bref, et je pense que beaucoup seront d’accord avec moi, ça ne veut pas dire qu’il n’y en a pas, et je ne prétends d’ailleurs aucunement en faire partie mais les médecins formidables ne se trouvent pas à tous les coins de rue. Et surtout, on a tous tendance à critiquer plutôt qu’à acclamer donc moi, je veux vous raconter que j’en ai rencontrer un, une d’ailleurs, formidable!
Et je suis sûre que beaucoup me diront que leur médecin aussi est formidable…et on pensera un peu moins à tous les autres pendant quelques instants…
Cette fois ci, il ne s’agit pas d’un de mes médecins mais d’une amie qui m’a gentiment laissé plusieurs fois assisté à sa consultation pour que moi, généraliste, j’apprenne la science obscure qu’est la dermatologie…
Oui, elle est dermatologue…en dehors de ça, elle est parfaite!
Jaddo a parlé ici de la dermatologie vue par les généralistes
La dermatologie est pour moi une science obscure parce que c’est compliqué et surtout parce que je ne l’ai jamais appris sauf dans les cours théoriques, mais c’est une discipline qui nécessite de voir les choses et d’avoir de l’expérience.
Ma première lacune, c’est le vocabulaire, c’est presque comme une langue étrangère qu’il faut connaître et que j’avoue je ne connais pas bien. Pour écrire dans les dossiers, déjà c’est limite,mais quand je fais un courrier à un dermatologue, c’est carrément la honte: « je vous adresse Mme Machin qui a des boutons rouges qui la grattent … » Bon, en faisant des efforts, je peux écrire un truc du genre « qui présente des macules prurigineuses » ,je pourrais même me la jouer en rajoutant quelque chose pour montrer que je maîtrise grave genre « qui disparaît à la vitropression » même si ça n’a aucun rapport, mais le problème, c’est que plus j’utilise de mots savants, plus j’ai de chances de les utiliser à mauvais escient et d’avoir l’air encore plus con.
Après la phase description, il faut savoir reconnaître les choses, rien ne ressemble plus à des « boutons rouges » que d’autres « boutons rouges ». Et là, ça devient vraiment du free style. Je ne panique plus parce que j’ai compris quelque chose de fondamental lors de mon stage en cabinet.
Déjà, quand j’ai compris que même mon médecin ce héros, et la plupart des remplacés que j’ai croisés n’étaient pas beaucoup plus forts que moi, ça m’a fait du bien. J’ai surtout compris que l’important n’était pas de parfaitement bien décrire ou nommer la chose, l’important était d’avoir la conduite adaptée: reconnaître une éruption virale chez un enfant même si on ne sait pas la nommer, dire que ça va partir tout seul et c’est le cas (le cas échéant même, dire que c’est une roséole, même si c’est pas ça, mais ça sonne bien, ça fait plaisir à tout le monde de mettre un nom, même si il est faux, sur des boutons rouges), savoir reconnaître, ce qui est plutôt de la famille des champignons et donner la crème adaptée, penser à la gale tout le temps, même si souvent en excès , savoir orienter et adresser chez le dermato quand on ne sait pas en rougissant de honte à l’avance parce qu’on sait au fond de nous que même si parfois c’est justifié, on a écrit une grosse bêtise une fois sur deux . « Je vous adresse Mr Kératose Actinique qui a un naevus que je trouve rassurant mais qui l’embête »
et puis à la fin, toute façon hein, ça va se finir par des dermocorticoïdes 🙂
Donc, même si finalement, en bidouillant, je m’en sors à peu près, j’aspire quand-même à m’améliorer, juste pour pouvoir ressentir le confort de savoir de quoi on parle, de dire « il s’agit évidemment d’une … » pour autre chose qu’une varicelle…
Les FMC que j’ai fait, m’ont fait encore plus paniquer, sur les cancers de la peau et notamment les mélanomes. Déjà parce que je ne les dépiste pas assez, je devrais examiner les patients deshabillés entièrement une fois par an, mais je ne le fais pas, ce n’est pas bien , une des raisons principales étant que je pourrais avoir un mélanome devant les yeux, que je ne le verrais pas. C’est pour cette même raison que je ne fais pas d’ECG. Pourtant, j’ai essayé et je pense que je suis pas trop mauvaise mais il y a tellement d’exceptions, comme disait Jaddo, à la fin, tu as des mélanomes qui ressemble à autre chose, le pire c’est le mélanome nodulaire, et des autres choses qui ressemblent à des mélanomes.
J’ai essayé avec mon mari chez son dermato « Et celui-là, il,est irrégulier, ce n’est pas bien? » « Oui,mais,comme il est comme ci et comme ça en fait ça va! » « ..ah…ok »
Et puis, j’ai la chance d’assister aux consultation de ce médecin formidable dont je vous parle. Hospitalière, elle travaille également dans un centre de santé municipal.
« Je te préviens, me dit-elle,on va rien voir de très intéressant, c’est de la dermatologie de base.. »
Ah, ah ,ah…si elle savait…
Si elle savait à quel point je ne connais rien, à quel point c’est mon quotidien la dermatologie de base, à quel point je bois ses paroles, à quel point les notes que j’ai prise montrent que j’ai besoin de la dermatologie de base…
Si elle savait que j’espérais que l’on voit des verrues, des mycoses et autres cheveux qui tombent…
Donc, j’ai appris plein de choses, la plupart du temps, j’aurais fait le bon diagnostic et approximativement le bon traitement mais la différence, c’est le approximativement et surtout le discours qui va avec …
Entre « Ce sont des boutons rouges, je ne sais pas bien ce que c’est mais mettez cette pommade à base de cortisone et ça va surement passer » et toute une série d’explications et de conseils simples, clairs et pratiques sur la conduite à tenir et un diagnostic que l’on voit bien qu’il n’est même pas inventé, il y a tout un monde …
Entre: « Ce grain de beauté n’est pas méchant » et « Ce n’est pas un grain de beauté, c’est une kératose actinique », le résultat est le même certes ….
Entre « Les verrues, c’est un peu mystérieux, dès fois ça part tout seul, ma belle soeur elle trouve que le citron ça marche bien, moi je pense qu’on peut la traiter par le mépris » et une explication sur la physiopathologie virale de la verrue et des conseils compétents, ça fait pas le même effet je pense…
Bref, c’était trop bien, j’y retournerai!!
J’y retournerai pour apprendre la dermato et j’y retournerai pour le plaisir de voir de mes yeux à nouveau que c’est possible…
que c’est possible d’être un médecin comme tous les patients en rêvent
que c’est possible d’être d’une amabilité et d’une gentillesse sans faille avec ses patients, de prendre le temps d’expliquer de manière détaillée et concise les choses, que ce soit sur le diagnostic, les traitements, les conseils pratiques
que c’est possible d’expliquer les choses avec le même respect de la personne et la même considération que ce soit un enfant, un psychotique, un étranger ne parlant que peu français ou un membre du personnel
que c’est possible d’être brillantissime, de savoir tout sur tout, de soigner des maladies rares et compliquées et de prendre autant de temps pour parler d’une verrue ou d’un ongle incarné que pour prescrire des immunosuppresseurs
que c’est possible d’être sympathique et drôle par la dessus et d’utiliser des expressions comme « Elle est à la frontière du réel,votre plaque »
que c’est possible de dire « montrez-moi » quand à la fin de la consultation, un patient dit « Et aussi, j’ai un problème au pied!! »
voilà, donc des médecins formidables, il y en a, j’en ai rencontré une …
Vient de paraître la liste des lecteurs émérites de Prescrire! Jusqu’à présent, je trouvais fou de payer pour faire un test de lecture. Et puis, pour la première fois, j’ai regardé la liste attentivement, j’y ai vu des noms que je connais, et j’ai été admirative! (Petite digression, il y a une douzaine de personnes que je connais dont dix twittos,cela parle tout seul…) Finalement, je vais peut-être essayer de faire en sorte que mon nom y apparaisse!
Être lecteur émérite de Prescrire n’est pas une fin en soi, certes, je les trouve parfois un peu extrêmes et ce n’est pas la parole sacrée, mais il faut avouer que quand-même, ils sont un bon guide et une référence solide!
Être lecteur émérite sera peut-être une des choses qui feront de moi un bon médecin!
Encore faudrait-il qu’il y ait une définition à « être un bon médecin ». Je ne cherche pas à la trouver, j’essaye juste de faire au mieux!
Pour moi, et cela n’engage que moi, un bon médecin est d’abord quelqu’un qui écoute, qui aime les gens, et qui considère la personne qu’il a en face de lui avec empathie et intérêt.
Sans prétention aucune, je crois que c’est mon cas! J’ai eu tellement à faire à des cons de médecins que je me suis jurée de me souvenir chaque jour des erreurs à ne pas faire, humainement.
Après, cela ne suffit pas, je suis gentille, oui c’est bien beau, mais bon: « Son Médecin était gentille » comme épitaphe, c’est peu réconfortant.
Donc, être gentille, c’est fait, maintenant, va falloir que je sois un minimum compétente.
J’ai conscience de mes lacunes! Je suis nulle en examen clinique, en plus, j’aime pas trop! Je ne fais pas suffisamment déshabiller les patients. Il y en a qui aiment toucher, palper, moi ce n’est pas mon cas. L’examen est la partie de la consultation qui m’embête le plus, déjà, il faut se lever et ça m’embête, c’est mon côté fainéant. J’adore quand j’ai un externe qui fait l’examen à ma place (si ma présence n’est pas requise, sinon je me lève quand-même). Dès fois, il y a des consultations qui ne nécessitent pas d’examen, j’adore! Mais,si patient à la fin me dit « Vous pouvez me prendre la tension docteur » je le maudis.Pour la peine,je sers le brassard très fort et puis je dis 12-8… Déjà que je me fais violence pour prendre celle des gens qui viennent pour ça…et en plus, dès fois, je prends la tension des patients assis au bureau! Han, c’est mal!! Faut vraiment que je travaille la dessus.
Donc, je suis un médecin gentille et fainéante.
Quoi d’autre?
J’ai déjà dit que j’ai deux mains gauches! Du coup, au niveau gestes techniques, c’est très limité…ce qui satisfait bien mon côté fainéant…
À part ça, et bien je fais au mieux pour essayer d’être compétente, formation médicale continue, échanges , remise en question…
Il y a tout ce que je fais de mal et dont je n’ai pas conscience et ça, c’est le pire. Je demande à mes collègues de me faire remarquer si il y a des choses que je fais mal, ou à mon remplaçant. C’est l’avantage du travail en groupe ou des externes/internes. J’ai peur des mauvaises habitudes que je crois bonnes mais si personne ne me dit le contraire, je ne peux pas le savoir. Ah bon le médiator, c’est pas bien, mais fallait me le dire!!!
Et puis il y a toutes les choses que je fais mal mais que je sais que je fais mal. Ça c’est moins pire je pense,non? En avoir conscience, c’est déjà bien. C’est grâce aux échanges, aux collègues, à Prescrire, aux FMC, à twitter que j’en ai conscience.
Du coup, chaque consultation est une lutte avec moi-même, une lutte épuisante et pas toujours remportée pour ne pas céder à la facilité, pour ne pas tomber du côté obscur de la force comme le dit Jaddo! C est tellement tentant ,d’ailleurs tout le monde y cède plus ou moins parfois…c’est le plus ou moins qui est important!
D’abord il y a mes putains de principes qui me pourrissent la vie. Ah,que j’aimerais faire sur le pas de la porte tous les arrêts et certificats et autres renouvellements que l’on me réclame. Que ce serait confortable de répondre oui à la moindre demande (un bon point pour mon côté gentille) et de prescrire sans examiner les gens (un bon point pour mon côté fainéante) ou tiens, truc de fou, ne rien écrire dans les dossiers ou voire même dans le carnet de santé! Et jpourrais en voir plein des patients comme ça dans une journée… Et en plus, personne ne me dirait rien…
Oui mais voilà, j’ai envie d’être un bon médecin, et selon ma définition personnelle, un bon médecin ne fait pas ça.. C’est con…
Alors, du coup, je lutte, et ce n’est pas facile…
J’ai noté pendant une journée tout ce que j’ai fait de pas bien, en en ayant conscience. (je ne vous parle donc pas des graves erreurs que j’ai peut-être fait sans le savoir).Ca en fait des choses quand-même.
-On commence par un renouvellement de traitement de diabète!
Je ne vous parle pas de l’examen clinique très succinct et de la dernière fois où j’ai examiné le pied de ce patient et fait le test du monofilament, il y a très probablement plus d’un an mais là on cumule ma fainéantise avec ma phobie des pieds donc c’est vraiment très dur pour moi, allez je passe mon tour, on verra la prochaine fois… Et puis, il est suivi par le diabèto, deuxième erreur et elle est fréquente, je présuppose que le spécialiste à fait ce qu’il fallait et me repose sur lui.
Je passe peu de temps sur les règles hygièno-diététiques qui sont pourtant primordiales parce que c’est long, difficile, laborieux et décourageant et que là tout de suite, j’ai pas trop le courage.
Je renouvelle la mort dans l’âme les traitements prescrits par le spécialistes dont j’ai déjà parlé ici, même si je sais que l’on n’a pas de recul et que cela est déconseillé par Prescrire parce que ben je sais pas comment faire autrement…
Le patient à mal au genou, il demande des anti-inflammatoires, je lui explique qu’avec le diabète, il vaut mieux éviter, les effets secondaires toussa, mais la dernière fois, un autre médecin lui en a prescrit, il a très mal etc.
Les anti-inflammatoires sont un problème pour moi, les pratiques de mes confrères sont variables, du coup je ne sais pas si j’ai vraiment tort d’être aussi réticente ou si j’en donne trop et puis il y a les habitudes des patients…
Et j’avoue que face à la douleur, je donne probablement trop de médicaments, j’ai vraiment du mal devant quelqu’un qui a mal…
Bref, je lui en prescris quelques jours en lui expliquant le côté exceptionnel de la chose.
En gros, si on reprend, c’était vraiment une mauvaise consultation!
-J’examine un enfant et j’ai l’impression d’entendre un petit souffle cardiaque.Premier problème: je suis nulle en examen clinique, donc jsuis pas sûre de mon coup, et souvent le cardiologue ne retrouve pas le souffle en question. Deuxième problème, comment dire à la mère que son enfant a un souffle au cœur, sans lui faire trop peur mais assez quand-même pour qu’elle fasse ce que je lui dis de faire, d’autant que moi-même je ne suis pas sûre de ce qu’il faut faire et d’ailleurs je ne suis même pas sûre qu’il y a un souffle!
-Les génériques …pff… Nécessiteraient un article à eux tous seuls… Cette fois ci,je suis face à « J’ai vu à la télé, c’est fabriqué en Inde » « Vous guérissez d’un coté, de l’autre vous avez autre chose » Je réponds, j’explique…pas assez, pas le courage de répéter sans cesse les mêmes choses, il faut choisir son combat: à chaque consultation, on ne peut pas livrer tous les combats…
Pour les génériques et pour la prescription en DCI, je ne le fais pas encore assez, mais je lutte, de plus en plus …
-Un patient que je connais bien vient pour, comme il y a quelques mois, des champignons entre les orteils….oui ben c la même chose que j’avais vu de mes yeux la dernière fois, quel est l’intérêt de reregarder? Je n’en vois pas, ça tombe bien rapport à ma phobie des pieds. Je renouvelle le traitement sans l’examiner. Han! C’est pas bien!
-Une consultation sur les MST, je m’aperçois que c’est un sujet que je ne maîtrise pas du tout et que comme à chaque fois que je me suis dit que je devais me former dessus, je ne l’ai pas fait. Du coup, je traite à tort je crois une bébête qui ne nécessite pas forcément de traitement et il se peut même que je dise que c’est une MST alors que en relisant, ce n’est ptet même pas le cas.
Lacune de connaissance… On ne peut pas connaître tous les sujets, certes mais quand-même…
-Les certificats d’absence scolaire: je suis crevée, ce n’est pas mon patient, je n’ai pas envie d’expliquer que ce n’est pas obligatoire etc etc, je le fais, ça va plus vite… juste pour cette fois… Et quelques autres ….
-Un patient n’a pas rendez-vous, je le prends en plus, j’explique que c’est sur rendez-vous etc etc mais je le prends quand-même…Pareil, pour des patients qui viennent à deux alors qu’ils ont RDV pour un… J’explique mais je dis oui quand-même… Juste pour cette fois… Et quelques autres !
C’est juste pour un renouvellement de pilule…c’est une grosse journée, j’ai plein de retard, je regarde le dossier en diagonale, et de mon œil avisé, je vois que c’est OK, je renouvelle sans faire de consultation, sans faire payer bien sur, j’écris juste dépannage, alors que selon ma motivation, je pourrais faire une vraie consultation, parler de plein de choses, prendre la tension…ah, non pas envie!
-Une consultation pour un enfant de 4 ans, une rhino, les vaccins sont à jour, je pèse, je mesure…Je devrais lui dire de revenir, prendre RDV pour la consultation des 4 ans, avec le dépistage des troubles de la vision, du langage etc , mais je ne le fais pas…dès fois, je ne fais pas les choses optimales et me contente du minimum …
– Des fois aussi, je me rend compte que l’on n’explique pas les choses assez! Je dis: « tout est normal » pour un résultat de prise de sang à un patient qui ne sait même pas ce qu’il y avait dedans.Je m’en suis rendu compte quand après il m’a demandé si on pouvait savoir s’il avait le Sida. Ben oui, sérologie HIV négative, il avait pas compris, et j’avais pas détaillé les résultats comme je le fais la plupart du temps.
-La maman est arrivée avec deux vaccins que j’ai fait et après,en collant consciencieusement les étiquettes dans le carnet de santé, je me suis aperçue que la petite avait déjà eu l’un d’eux! Oups…toujours regardé avant …En tout cas, elle sera bien vaccinée contre la méningite C cette petite (et en plus,l’interêt de ce vaccin est controversé…)
-J’ai prescrit à sa demande un arrêt d’une semaine à une patiente pour qu’elle se remette de sa virose. Je ne trouvais ça pas justifié et cela m’a agacé mais ce n’était pas ma patiente, je la voyais pour la première fois et j’ai senti un terrain sous-jactent fragile et compliqué. Je pense que si elle en ressentais le besoin, c’est qu’il était existant! Ce genre de situation est heureusement très rare, je propose plus d’arrêts que les patients en réclament, comme je le disais ici, je n’ai qu’exceptionnellement des demandes d’arrêts abusives, bien au contraire.
-Et puis, the last but not the least: les rhinos et autres viroses saisonnières. Là, c’est vraiment une lutte à chaque consultation entre ce qu’il faut faire (éliminer une infection bactérienne, prescrire du doliprane, du sérum physiologique et passer une heure à expliquer le comment du pourquoi et les symptômes qui doivent amener à consulter) et ce que je fais vraiment et qui dépend de ma motivation , de ma forme, de l’heure de la journée, du monde dans la salle d’attente, du jour de la semaine, genre veille d’un week-end ou d’un pont, et également beaucoup de la personne en face, de ses habitudes, de sa faculté de compréhension , de son amabilité, de si c’est mon patient à moi ou pas…Bref, du coup, il y a parfois un gros décalage entre ce que je sais qu’il faudrait faire et ce que je fais.
Mes erreurs conscientes les plus fréquentes sont:
– Voir des tympans parfois plus rouges qu’ils ne sont vraiment, pour avoir une raison de mettre des antibiotiques, de la même façon, j’ai encore du mal à surveiller 48h avant de mettre des antibiotiques dans les otites.
– Je donne trop d’ibuprofène …
– Je donne trop de corticoïdes dans les laryngites
– Des fois, le soir, jfais pas de streptotest et jmet les antibios direct même si j’ai un doute par flemme
– Je donne trop d’antibiotiques je pense dans les bronchites chez les personnes âgées ou sur terrain à risques.
– Je dis aux gens que je ne peux rien faire pour eux mais j’ai du mal à leur dire cruement que c’était pas la peine de venir, je trouve ça un peu vexant…je fais en sorte qu’ils en arrivent à la conclusion eux mêmes.
-J’explique pas tout tout le temps , parce que c’est épuisant.
-J’avais tendance à vouloir les aider quand-même pour me sentir utile et j’aimais bien au début quand je leur donnais tout plein de trucs…j’aimerai y croire encore, c’etait tellement bien…J’ai beaucoup progressé, je ne donne presque plus de sirops, un peu quand-même selon les critères déjà cités, beaucoup moins d’ibuprofène, et ma nouvelle lutte, cette année, c’est les pshitt dans le nez…je progresse, je progresse, bon en même temps, ça m’aide qu’ils soient officiellement dangereux donc déremboursés (oui logique floue) , mais bon j’aimais bien au moins aider les gens à déboucher leur nez, je me sentais utile..en solidarité, je me suis mise moi-même au sérum phy… Ça marche mais c’est cher (efficace mais non remboursé’: logique floue à nouveau) .
Voilà, je vais m’arrêter là car je pourrais écrire sans fin sur tout ce que je fais mal et ça m’effraie un peu quand-même…il me reste beaucoup de chemin à parcourir mais bon, quand ça me stresse, jregarde les ordonnances de certains médecins et je décompresse…Jsuis pas encore lecteur émérite de Prescrire mais oh mon dieu, y’a tellement pire…Bon, d’accord, c’est pas une raison…Alors d’accord, je vais continuer à lutter! Et puis au moins…j’suis gentille…
7 h du mat! Ce bébé est adorable, elle a décalé ses heures de réveil pour coller à mon nouvel emploi du temps. A 2 mois, je considère qu’elle « fait ses nuits » comme on dit, un seul réveil la nuit et très court, moi je considère que c’est « faire ses nuits ». Mais entre la grande qui, ce qui n’arrive jamais m’a tenue éveillée une partie de la nuit, et le fait que stupidement je me suis couchée très tard car je voulais pas que mon congé maternité se termine et être au lendemain,et bien c’est dur ce matin.
De toute façon, tous les matins de ma vie sont durs, même me lever après une grasse mat, c’est dur…Alors, me lever à 7h du mat, après quelques petites heures de sommeil entrecoupées, après 4 mois de congés et avec un bébé à s’occuper en plus de moi-même et un peu de la grande (un peu car à part le choix des vêtements qui est toute une histoire, avouons le, le matin, c’est le papa qui gère), c’est dur!
La séparation chez la nourrice n’est pas trop difficile car le plus dur a été fait la semaine dernière (y compris la déprime) et que la nourrice est géniale et comme de la famille mais j’arrive quand-même au cabinet avec un quart d’heure de retard et en ayant oublié mes clés, je suis pas encore au point.
La journée commence, en fait elle a commencé il y a 2 heures et je suis déjà crevée. Vis ma vie de mère de famille…jsuis pas habituée.
J’ai du mal à m’y remettre mais jsuis contente de retrouver mes patients. Cela me fait vraiment plaisir en fait alors que je n’avais pas spécialement une grande envie de revenir.
Il y a beaucoup de mes patients préférés. Il y a même ma famille de patients préférée.
Certains ne savaient pas que je serai là, mais sont contents de me voir. Certains sont venus beaucoup de fois en mon absence. Certains n’ont pas été malades en 4 mois et sont malades quand je reviens: ils m’aiment tellement peut-être qu’ils tombent malades juste pour me voir, ou peut-être que je leur porte la poisse. Certains ont l’air déçu que mon remplaçant ne soit plus là.
Mon remplaçant a tout très bien géré et a été apprécié par tout le monde. En gros, le monde ne s’est pas écroulé en mon absence, personne n’est indispensable, je le savais et ça ne me gêne pas du tout, au contraire.
Il y a quand-même Mme G. qui vient pour une bonne bronchite sur terrain fragilisé qui attend depuis un mois que je rentre pour consulter. Oui, c’est gentil mais non fallait pas quoi!
Mme S. que je vois en visite tous les mois alors que finalement son état est stable mais qui ne veut pas espacer, à qui j’avais fait une ordonnance de traitement de 4 mois et qui n’a pas appelé en mon absence parce que tout allait bien et qu’elle n’avait pas envie de voir quelqu’un d’autre que moi.
Melle B. que je devais voir la veille de mon départ et qui avait annulé, qui avait un problème ancien que l’on venait de commencer à prendre en charge, est revenue le jour de mon retour pour reprendre où les choses en étaient restées il y a 4 mois.
Je revois Mr. B. avec qui je n’arrivais à rien et pour qui j’étais contente de passer la main, car j’espérais que mon remplaçant trouverait peut-être le moyen de faire avancer les choses…mais non, les choses sont malheureusement restées là aussi, où elles étaient il y a 4 mois…C’est bien pour mon égo mais j’aurais vraiment aimé que ce soit moi qui ne sache pas m’y prendre.
Donc, voilà, contente de retrouver mes patients, certains m’attendent avec des cadeaux, mes collègues aussi, ça fait plaisir. Je réponds aux mêmes questions toute la journée: « Elle s’appelle Endive » « Oui, ça s’est bien passé, comme un accouchement quoi, c’était pas non plus hyper marrant » « C’est une grosse mémère ». Je montre des photos à mes patients préférés, jfais un peu ma fière parce que tout le monde me dit qu’elle est belle (oui, ils vont pas dire le contraire mais ils pourraient se taire…et puis elle est vraiment belle).
J’essaye de rester professionnelle et de pas tout ramener à moi, mais c’est dur…surtout quand je vois des bébés de l’âge de ma fille, heureusement que je ne suis pas une vache laitière et que mes seins ne se mettent pas à couler en entendant les bébés pleurer. Je sors une couche de mon sac pour une patiente qui en a besoin. Je sors même mon tire-lait pour le montrer à une patiente qui veut que je lui en prescrive un. Oui, c’est un peu limite mais c’est elle qui a lancé le sujet et autant lui apporter les meilleures informations possibles.
Il y a beaucoup de monde.Il est 13h, j’en ai vu douze.C’est beaucoup pour moi, pour un matin sans rendez-vous. D’habitude, je finis plus tôt. Du coup, je file en courant voir ma fille. Pas trop le temps de discuter avec mon remplaçant (qui est encore là car cette semaine, il remplace ma collègue). Jpeux même pas lui faire son chèque car j’ai oublié mon chéquier. C’est peut-être un acte manqué car j’ai même pas sur mon compte la somme que je lui dois (oui je ne me plains pas mais au niveau finance le congé mater là c’est chaud!) mais je pense que c’est juste que je suis à la masse.
Je vais chez super nourrice (oui un avantage à travailler près de son domicile). Je retrouve avec joie mon bébé d’amour qui a très bien vécu sa matinée sans moi (et oui même avec ses enfants nul n’est indispensable) mais qui semble ravie de retrouver mon sein et qui se jette dessus avec tellement d’avidité, d’autant plus qu’il est anormalement plein, qu’elle me vomi tout dessus avec autant d’entrain.Vomir est un mot faible, parce que à ce stade, c’est même plus vomir, c’est une vraie douche, même ma culotte est trempée. Elle recommence une deuxième fois, j’ai la présence d’esprit de l’éviter et cette fois ci, elle vomi 1m50 plus loin, faut que je l’envoie à vidéo gag me dit la nourrice.
Bref, je me trouve devant un choix cornélien.Il me reste 20 minutes. J’ai soit, juste le temps de retourner chez moi me changer, sachant que je pourrais aussi récupérer mon chéquier, soit le temps de m’occuper de ma fille manger la succulente assiette que SuperMerveilleuseNourrice m’ a préparé. Le problème c’est que même si je rentre me changer, je ne sais pas quoi mettre parce que je suis énorme et que j’ai que trois pantalons qui me vont et qui ne sont pas des joggings et ils sont tous au sale parce que hier quelqu’un m’avait déjà vomi dessus. Et le problème, c’est que ma fille a besoin de moi l’assiette qu’elle m’a préparé est particulièrement délicieuse et qu’elle me fait de l’oeil et que quand même j’allaite, faut que je mange (phrase à l’origine du fait que j’ai plus de pantalon à ma taille).
Je suis donc de retour au cabinet, repue, triste d’avoir laissé ma fille à nouveau et pleine de vomi. Ca ne se voit pas car j’ai un pantalon noir mais je suis encore humide et probablement malodorante. Je suis un peu fatiguée aussi.
Mais oui, c’est trop facile de travailler et d’avoir des enfants en même temps.
C’est reparti.
Ce qui est bien, c’est que je n’ai pas le temps de trop penser ni à ma fille, ni à ma fatigue, c’est le côté positif (avec son pendant négatif) de la nécessité d’abstraction de ce métier.
En plus, aujourd’hui, vraiment pas le temps de se poser. Je suis partie en été et là, et bien, c’est l’hiver!!Et tout le monde est malade. J’ai pas eu le temps de faire la transition moi. C’est violent toutes ces rhinos et ces gastros.
Il n’y a pas que ça heureusement, je fais un brillant diagnostic chez un patient qui présente une toux sèche d’effet secondaire de médicament (IEC). Bon,en fait,c’était hyper facile, c’est typique et en plus le patient a commencé la consultation par « Je tousse, est ce que ce ne serait pas à cause de ce médicament ». Mais bon, au moins une toux pour laquelle je peux faire quelque chose!
La journée est presque finie. J’ai presque trois quart d’heure de retard, ce qui me stresse, je déteste être en retard mais c’est à cause des gens, des rajouts, des j’ai RDV pour un mais l’autre est malade aussi etc.En plus, j’ai perdu l’endurance et quelques habitudes. Je confonds même des patients et leur dit pas mal de bêtises. Le secrétariat appelle une fois de plus (je leur crie ah non j’en peux plus de vos appels) pour me rajouter en dernier un bébé de 3 mois qui vomi. Je ne peux évidemment pas refuser un bébé de 3 mois (cela dit la mienne aussi elle vomi, est ce que je consulte, bon c sûr jsuis médecin et j’ai décidé qui plus est de me raisonner: non ce n’est pas une sténose du pylore, c’est un réflexe à l’éjection jsais pas quoi).
On papotte,on papotte et la journée est enfin terminée.J’ai vu 26 patients.Pour moi, c’est une énorme journée. J’arrive chez SuperNourrice qui a récupéré la grande à l’école (comment ferions-nous sinon??) Les deux dorment. Il fait nuit, il fait froid, il faut trimbaler les sacs, le cosy, la grande veut que je la porte.
Je suis chez moi, il est 19h45. Il faut faire manger la grande, faire tout le rituel du coucher, tout en s’occupant du bébé. Il faut que je tire mon lait. Je suis là, debout, au milieu de ma maison en bordel (oui parce que depuis 3 jours, je déprime et je fous rien histoire de profiter de mon congé mater jusqu’au bout ce qui je m’en aperçois maintenant est peut-être une erreur) et j’ai un énorme, énorme coup de fatigue…voire même un moment de découragement!
Et je me pose la question: Mais comment font les femmes? Mais comment font les gens?
Parce que moi, j’ai de la chance et j’ai la vie facile!
-J’ai une super nourrice qui est comme de la famille et lui laisser mon bébé de 2 mois est un réconfort extrème.
-Je n’ai que 2 enfants et elles ont 5 ans d’intervalle.
-J’ai un travail que j’aime et qui m’a apporté plein de joie aujourd’hui
-Je n’ai pas un travail physique.
-Je n’ai pas de transport.
-Demain matin, je ne travaille pas, jeudi je ne travaillerai pas. Et oui, on peut penser que je suis fainéante et ne pas comprendre mon choix de ne travailler « que 30 heures » mais je ne crois pas que je tiendrais autrement. Peut-être que j’ai des capacités inférieures aux autres ou peut-être que s’il fallait le faire, je le ferai, mais à quel prix? En tout cas, puisque je peux le faire, là ce soir, je ne regrette pas mon choix…
-J’ai twitter qui m’a soutenu toute le journée, merci à tous. J’ai ce blog où je sais que je vais pouvoir m’épancher. Je ne sais pas d’ailleurs quand je vais avoir le temps de raconter cette journée (NDLR aujourd’hui 15j plus tard lors d’une matinée à 2 patients)
-J’ai un mari génial qui fait tout, s’occupe de la maison, des enfants, se lève la nuit, et qui justement ouvre la porte…Par chance, il rentre tôt (20h) aujourd’hui et pendant que je m’affale comme une merde, prend les choses en main.
Sauf que moi ce n’est pas en vacances que je pars, c’est en congé maternité…
Je pars une petite semaine en vacances quand-même mais après, je ne reviens pas…jusqu’au mois de décembre.
Ca fait un drôle d’effet.
Comme je l’ai déjà dit, je ne suis pas du genre à culpabiliser de prendre des congés. J’aime bien la culpabilité, l’auto-flagellation etc mais de manière adaptée, un petit peu mais pas trop.
Comme je l’expliquais ici, j’ai la chance (que j’ai un peu forcée avouons le) de ne pas travailler énormément. Quand je lis le dernier article de Fluorette et le témoignage d’autres médecins, je me sens comme une amatrice en fait, je ne gère pas le quart de ce qu’ils gèrent. Du coup, je me dis parfois que je n’ai pas la légitimité de témoigner sur ce blog, de dire que d’être médecin généraliste c’est super génial. Donc, je reprécise, je ne suis pas représentative du médecin installé. Je suis par contre le témoignage que c’est éventuellement possible l’installation autrement.
Le fait que je travaille moins que la moyenne des généralistes (enfin je travaille hein quand-même, presque tous les jours même) vient du fait que, d’abord j’suis fatiguée de naissance et que j’aime pas me lever le matin donc j’aime bien le libéral qui me permet de commencer à 11heures si j’en ai envie, que vous l’aurez compris j’ai eu une vie personnelle un peu difficile avec des responsabilités extra-professionnelles qui ont fait que je n’ai pas jusqu’à maintenant voulu prendre d’engagements trop prenants et surtout que j’ai une conscience accrue du fait qu’il faut prendre du temps pour soi dans la vie pour éviter le burn out (j’en parlais ici) et que ça je sais très bien faire!
Donc, il était tout naturel que dans cet état d’esprit, je fasse quelque chose d’assez extraordinaire pour un médecin: Et bien je prends un congé maternité!! Et oui, jsuis gonflée!
Un vrai: 6 semaines avant et j’ai prévu 8 semaines après (normalement c’est 10 semaines mais pour plusieurs raisons je me contenterai de 8)
Pour être honnête, je pars même 7 semaines avant parce que je voulais quand-même profiter d’une semaine de vacances en famille avant que mon mari ne reprenne le travail. (Mais j’aurai pu faire pire puisque ça fait 15j qu’il est en vacances et que je bosse).
Donc je suis vraiment gonflée, je ne recule devant rien…
Alors du coup, j’ai un peu culpabilisé (mais pas trop bien sûr) parce que forcément, quand je dis que je pars en congé maternité, on me répond: « Ca y est, tu as perdu les eaux » « Ah tu es déjà à 9 mois ». Tout le monde raconte des histoires de perte des eaux pendant une chirurgie ou du même genre. Wonder Woman la boutonnologue qui a travaillé jusqu’à très peu de jours avant en soutenant thèse/DEA/DES ou autres brillantissimes choses juste avant a repris moins de 3 semaines après l’accouchement.
Et bien moi, non, tant pis, je ne serai pas wonder woman, je trouve déjà bien d’être allée jusqu’au congé mater normal.Pour ma première grossesse,j’étais interne, j’étais déjà fière de ne pas avoir pris le congé patho!J’ai arrêté cette semaine une patiente bien moins enceinte que moi et à la fin, elle voit mon ventre et a du se sentir un peu mal quand je lui ai dit que j’étais à 33 SA.
Certes mon travail n’est pas physique, certes je n’ai pas de transport et j’aurai pu continuer encore,et certes la grossesse n’est pas une maladie mais déjà il fallait prévoir à l’avance, et puis c’est comme ça.
J’ai quand-même un gros bide, c’est quand même encombrant, surtout pour examiner les enfants qui bougent dans tous les sens et donnent des coups de pied,se baisser ramasser tout ce que je fais tomber, porter mon énorme sac en visite…en plus ça fait un mois que j’ai une tendinite au pied, que je boite et que j’ai très mal,etc, j’arrête de faire ma cosette avant de parler d’histoires d’hémorroides (en vrai, j’en ai même pas) ou de ma mère qui vient de mourir (en fait vous avez vu, j’aime bien faire ma cosette).
Et puis pour ma dernière journée,ce fut folklo:sans RDV le matin,les patientes logorrhéiques se sont enchainées, je veux parler de celle que tu vois dans la salle d’attente,tu pleures, la patiente qui refrappe trois fois à la porte pour continuer la conversation,des visites, la consultation au foyer de l’ASE qui n’en fini pas et que du coup,tant mieux, j’ai pas eu le temps de faire des adieux plein d’émotion à Super Infirmier qui ne sera plus là quand je reviendrai et avec qui j’ai adoré travailler, le patient du podologue qui fait un malaise et qui se relève juste quand je viens de finir ma conversation avec le 15, les 4 lapins de l’après midi,lle secrétariat qui marche pas et le mari qui arrête pas d’appeler pour qu’on échange de voiture quand jsuis au téléphone avec le spécialiste de l’hôpital pour gérer un truc important avant de partir. Et ma patiente ado/nounouille/que j’aime bien quand-même qui vient avec une demi-heure de retard quand j’ai déjà tout fermé et qui en fait hier était malade mais aujourd’hui ça va …Bref, ils sont tous gentils, ils ont fait en sorte que j’ai moins de regrets…
Donc bref, je voulais en profiter pour dire quelque chose que l’inconscient collectif ne sait pas forcément, tout encombré qu’il est d’histoires de pauvres femmes médecins qui travaillent jusqu’à dilatation complète: le congé maternité existe pour les femmes médecins libérales depuis 2006.
Vous en trouverez les détails avec une petite historique ici ou ailleurs. En gros, si on prend les congés complets, soit 4 mois, en tout la sécu paye un peu plus de 8000 euros, ce qui fait une moyenne d’un peu plus de 2000 euros par mois.
Alors je ne veux fâcher personne et je vais tenter de ne pas dire de bêtises.
Tout est relatif, pour un médecin qui travaille beaucoup et a de gros frais de fonctionnement, les charges fixes peuvent être très élevées, jusqu’à 5000 euros et même plus. La différence de revenu est donc assez conséquente et on voit bien que le congé maternité est plus compliqué. De plus, il y a parfois au delà du côté financier, le poids de la patientèle. Il n’est pas toujours possible d’avoir un remplaçant et il est donc compliqué de laisser les patients 4 mois sans quelqu’un qui prenne la relève derrière.
Donc je comprends tout à fait la difficulté pour certains médecins de prendre leur congé maternité. Et pour beaucoup, ce métier est vraiment un sacerdoce.
Mais il ne faut pas non plus tomber dans l’autre versant et trop se plaindre non plus: les indemnités journalières sont quand-même plus élevées que la moyenne des gens et il serait indécent de dire quelque chose du genre « la sécu verse des clopinettes ». En règle générale,(en règle générale hein j’essaie de nuancer), un médecin gagne bien sa vie hein quand-même et que si on a beaucoup de charges et qu’on travaille beaucoup (ce qui n’est pas mon cas), on a des gros revenus quand-même et que si on gère bien son argent(ce qui n’est absolument pas mon cas) on peut mettre des sous de côté.Et parfois, on parvient quand-même, des fois ça arrive, à trouver un remplaçant et celui ci nous reverse quand-même 20 à 30% de ce qu’il gagne.
Donc bref, chaque situation est différente et pour ne parler que de la mienne que je connais, je trouve que ayant peu de charges et ayant la chance d’avoir un remplaçant, je peux me permettre de prendre le congé maternité que j’ai l’outrage de prendre.
Encore une fois, mon message est que mon cas n’est pas forcément représentatif mais que c’est possible.
Et qu’il faut savoir quelques soient les circonstances, savoir lâcher prise et s’occuper de soi. A mon humble avis…
Parce que il y a toutes les problématiques pratiques et matérielles dont je viens de parler et d’autres aussi peut-être que j’ai oublié. Mais il y a aussi le fait que quand-même: on les aime nos patients! et que eux ils nous aiment aussi dès fois. Et que aussi, ils ont besoin de nous, et parfois même quand c’est pas le cas, on pense qu’ils ne pourront pas s’en sortir sans nous.
D’un côté, les patients ont quand-même réellement besoin de nous, et c’est parfois pesant comme pression, c’est quand-même un métier particulier que l’on emmène le soir avec nous dans notre tête et que l’on ne peut pas laisser en plan comme ça, sans organisation, juste parce qu’on a pas envie d’y aller ou juste parce qu’on a envie de partir en vacances ou qu’il faut faire sortir un bébé de son utérus.
D’un autre côté, nul n’est indispensable,en règle générale, il y a d’autres médecins, des fois inconsciemment on aime bien l’idée que les patients ne peuvent pas se passer de nous, des fois,la pression est celle que l’on se met tout seul et puis des fois même, quand on est pas là, et bien ça se passe bien sans nous.
C’est pareil, cela dépend des cas, du lieu d’exercice, de si on est seul ou en groupe, de la possibilité ou non d’avoir un remplaçant, mais quelque soit le cas de figure, c’est difficile d’abandonner de laisser ses patients.
Moi, je les laisse au bon soin de mes collègues, de ma collègue/remplaçante/amie et de mon remplaçant (j’aime bien dire ça « mon remplaçant » parce qu’en vrai c’est la première fois que j’ai un remplaçant, y’a pas si longtemps, c’était moi la remplaçante) je sais donc qu’ils sont entre de bonnes mains et je ne me fais pas de soucis.
Mais quand même, plusieurs fois je me suis dit, mince, ce patient là, faut que j’en parle à ma collègue, mince celui là, c’est compliqué, mince celui là c’est dommage on avait une bonne relation…et je mets plein de petits mots dans les dossiers, comme si vraiment, vraiment sans moi, mes collègues allaient pas s’en sortir.
Je fais des petits résumés pour faciliter la compréhension rapide du dossier parce que en fait, je m’aperçois que mes dossiers sont peut-être pas si bien remplis que ça. Et puis je fais toute ma paperasse que je fais jamais, mes demandes d’ALD pour que mes collègues ne s’exclament pas à juste titre: »Mais ça fait 3 mois que le diabète a été découvert et la demande de 100% n’est pas faite », je scanne tous les courriers que j’ai pas scanné depuis des jours semaines mois, je range mon bureau, je commande des streptotests, bref tout ce que je ne fais jamais!
Et à (presque) chaque patient, j’ai un petit pincement au coeur et je m’applique dans les dossiers.
Pour certains patients qui ne connaissent que moi (y en a pas beaucoup),je leur parle de mes collègues. Y’a mes chouchoux mais je ne suis pas sûre que cela devienne les chouchoux de mes collègues.
Y’a la famille entière qui vient me voir d’une ville assez loin,les parents ou les enfants ont tout le temps un truc, tout le temps. Je les aime bien, la maman si je pouvais, je l’engagerais comme assistante, avant même que ce ne soit son tour, pendant que je fais l’ordonnance de celui d’avant, elle a déjà déshabillé, pesé et mesuré l’enfant, ouvert les vaccins, elle tient les enfants pour les examens ou les vaccins super bien, ils sont gentils, ils m’offrent des fleurs. Mais si je les vois avec les yeux de mes collègues, je peux imaginer que les consultations avec les trois enfants qui jouent (assez sagement cela dit même si le ptit m’a il y a un bout de temps arracher le papier peint) les motifs multiples de consultation, le père qui a une situation d’accident de travail assez enkystée, bref ça ne va pas être forcément leurs chouchoux.
Y’a ceux dont le dossier est compliqué, des histoires d’accident de travail que je gère avec le médecin du travail etc..
Y’a les patients avec lesquels j’ai l’impression d’avoir instauré une relation de confiance.
Hier, j’ai vu Mr S. J’ai marqué un ptit mot RESUME comme à d’autres avec comme conclusion: Etre gentil avec Mr S, ne pas le brusquer, ne pas le contrarier: l’objectif est qu’il aime les médecins!
En effet, je l’ai vu en avril pour la première fois, diabétique de type 2, 37 ans, il avait arrêter son traitement et tout suivi depuis plus de 6 mois. J’ai repris les choses tout doucement, opération séduction à fond: non vous ne payez pas, non on fera ça la prochaine fois, on fait tout comme vous voulez. Non j’exagère mais l’idée, c’était ça, lui dire « A quoi êtes vous prêt vous? », diminuer les contraintes et dédramatiser. J’ai regarder d’un oeil noir mon externe qui lui a dit lors de la première consult: « mon dernier stage, y’avait des gens qui s’étaient fait amputer à cause du diabète » « euh mais non!!! » C’est là que j’ai vu que j’avais grandi. Et aujourd’hui son diabète est très bien équilibré( pour les initiés: il est passé de 12.2% à 7% d’HBA1C).
Y’a ceux que je venais juste de rencontrer et que je me dis c’est dommage de ne pas pouvoir continuer ce qui vient juste d’être entamé.
Y’a cette jeune fille de 24 ans, toute mignonne, que je voyais pour la première fois et qui venait de m’avouer une dépendance à la codéine et une envie de prendre les choses en main, avec qui déjà en une semaine, on avait commencé quelque chose.
Y’a ces enfants qui grandissent tellement vite que quand je reviendrai ils marcheront.
Y’a mes enfants du foyer de l’aide sociale à l’enfance…pour lequel en plus je n’ai pas de remplaçant, donc je sais que ça va être le gros bordel.
Y’a Mme B. dont j’ai parlé ici, que je vois à domicile, dont l’état se dégrade et que je laisse surtout entre les mains des spécialistes de l’hôpital…Ca m’embête…en même temps, égoistement, ça soulage une partie de moi, la visite d’hier a été épouvante. Elle me renvoie tellement en terrain connu que je sais que je peux l’aider mais cela est très éprouvant. Ecouter, rassurer mais ne pas trop en dire non plus… En sortant de chez elle, j’ai pleuré. Et puis ça m’embête parce qu’à la bio d’aujourd’hui, elle a 8g d’Hb et que faudrait que je règle ça avant de partir.
Et puis, y’a Mr G .
Et puis quand-même, soyons positif:
Y’a tous ces patients énervants que je ne verrai plus!
Y’a tous ceux pour qui peut-être sans le savoir, je fais n’importe quoi et que mes collègues vont remettre sur pied, y’a toutes les erreurs que je fais qu’ils vont rectifiées, y’a tous ces patients que je ne tuerai pas .
Y’a Mr B. avec qui j’ai l’impression de tourner en rond, avec qui j’ai tout essayé mais rien n’y fait, il ne se soigne pas, il va mal, je ne fais que lui faire des arrêts quand il les demande (et qui sont justifiés vu son état de santé pour lequel il ne fait rien). Je ne suis pas sûre que les autres y arriveront mieux que moi mais au moins je ne me dirai plus que peut-être avec un autre médecin…
Et puis y’a ce couple qui me rend folle! Je ne peux pas en parler plus en détail de peur qu’ils se reconnaissent mais même si je leur ai clairement expliqué aujourd’hui que notre ce n’était plus possible de faire du bon travail ensemble et que de toute façon, je ne voulais plus être leur médecin ( une première pour moi), qu’est ce que je suis contente de ne pas être là pour la suite….
Rien que pour ça, ça vaut le coup de le prendre ce congé mater!!!
Et puis y’ a les grasses mat!et demain mes vacances! A Carcassonne, voir le bébé de mon amie d’enfance qui vient d’accoucher (enfin une césarienne c’est pas un accouchement jdis ça jdis rien) .
Et puis bientôt, y’aura le mien de bébé!!
Alors, voilà, je pars avec un ptit pincement au coeur mais le coeur léger.
J’ai bien aimé quand-même faire des ordonnances de 4 mois pour ceux qui voulaient pas voir,sauf absolue nécéssité,un autre médecin.
J’ai bien aimé ceux qui sont venus pour presque rien cette semaine juste pour me dire au revoir.
J’ai bien aimé ceux qui me souhaitaient bonne chance.
J’ai bien aimé les ptits cadeaux et les grosses fleurs.
Je vais bien aimer les revoir tous en décembre…
Mais je sais qu’entre temps, ils s’en sortiront bien sans moi!
J ai 10 ans! Je sais que c’est pas vrai mais j’ai 10 ans!
J’écoutais cette chanson avec ma fille (qui l adore à cause du « va voir ta gueule à la récré ») et je me disais c’est tout à fait ça : dans ma tête j ai 10 ans!
J’ai l’impression de jouer à un jeu et de pas être du tout crédible quand je dis: »Bonjour je suis le docteur milie » ( en vrai jdis pas ça, sinon là ce serait vraiment pas crédible!)
Pourtant je suis plus un bébé docteur, jsuis un vrai docteur maintenant avec ma plaque et tout, et même dès fois j’me sens vieille (à la journée de médecine générale d’Ile de France, dans des ateliers entourée d’internes, et ne faisant même pas tamponner mon attestation de présence parce que je venais pour le plaisir, ou face à mes externes), mais dès fois, j’ai un moment de recul et de prise de conscience et je me dis : »Mince alors (en vrai, mes pensées sont plus impolies que ça): je suis docteur!!
Ça fait bizarre de se dire ça, parce que dans ma tête j’ai 10 ans!
Y’a encore des gens qui font une tête incrédule quand je leur dit que jsuis médecin (j suis pas sûre que ma coiffeuse m’ait crue d’ailleurs), mais la plus incrédule parfois c’est moi!
J’ai du mal des fois à réaliser qu’il y a des gens dont je suis le médecin traitant, quand ils sont malades, c’est moi qu’ils viennent voir, quand leur voisine leur parle d’un problème de santé, ils disent « va voir mon docteur elle est super », le soir à table ils parlent probablement parfois de moi, je ne sais pas ce qu’ils disent, il y en a probablement qui énumèrent mes qualités, il y en a qui me maudissent pour avoir traité leur maman pour une gastro alors qu’elle couvait fortement son infarctus, mais quoi qu’il en soit, leur phrase commence par « mon médecin »ou « mon docteur », il y en a qui viennent me raconter leurs problèmes professionnels, sentimentaux , intimes et même très intimes,il y en a même qui ont tellement confiance en moi qu’ils passent directement me voir en sortant des urgences pour que je confirme la prise en charge.
Bref je suis médecin alors que dans ma tête j’ai 10 ans!
J’ai la vie des gens entre mes mains, le permis de tuer!
J’ai même le droit de voter!
En plus comme je vote toujours la où j’habitais quand j’avais 10 ans, je croise des voisins de l’époque, et je me sens vraiment comme si j’avais dix ans!
Et pour couronner le tout, j’attends un enfant et même que j’en ai déjà un!
Ça c’est fou quand même! Qu’on autorise les gens à avoir la responsabilité d’autres vies alors que ils sont eux mêmes toujours des enfants. Dès fois, ma fille me dit: »on suce pas le pouce maman! »
Mais bon, face à tout ça, je dois me rendre à l’évidence: je n’ai plus dix ans, j’ai même trois fois dix ans, et même si je ne me comporte pas toujours comme telle: je suis bel et bien une adulte!
Je travaille, je vote, j’ai plein de responsabilité, je suis maman, épouse et pire que tout je suis médecin: c’est un peu un truc de fou tout ça mais c’est pourtant bien vrai: je suis une grande!
Ce qui me rassure (bien que ce ne soit pas rassurant), c’est que je ne suis pas la seule: quand on voit certains médecins, certains parents, je me dis que je ne m’en sors pas trop mal… Et quand on voit ce que les gens votent: je me dis que certains, ce n’est même pas 10 ans qu’ils ont dans leur tête!
PS: En ce premier mai: un petit brin de muguet pour vous porter bonheur à tous!
Métro, boulot, dodo… Le quotidien, les journées qui passent les unes après les autres font en tout cas pour ma part, que j’oublie qu’il y a autre chose que ce qui fait ma vie chaque jour. J’ai tendance le nez dans le guidon à penser, inconsciemment,que le monde se réduit à mon petit univers, sans me poser de questions…
Parfois, quand j’ai la chance de voyager dans d’autres lieux, d’autres pays, le fait que le monde est immense, qu’il y a d’autres univers à découvrir, des quantités d’autres vies que la mienne, que mon petit univers est en fait bien insignifiant , se rappelle à moi…
Quand je voyage, j’aime découvrir les gens, le monde et je me dis qu’il n’y a que les routes qui sont belles, qu’il faudrait passer sa vie à voyager pour voir une infime partie de ce qu’il y a à voir…
Mais le voyage prend fin, et la vie reprend son cours… Métro, boulot, dodo …et on reprend sa vie, dans son petit univers…
Il ne tient qu’à nous de ne pas oublier qu’il y a d’autres choses à découvrir, par la lecture, les expositions … Mais honnêtement au quotidien ,on ne le fait pas forcément…
Les gens que l’on côtoie en règle générale nous ressemblent, ont des histoires similaires, des préoccupations similaires, font parti de notre petit univers…
Moi, ce qui me permet de m’ouvrir sur le monde, c’est mon travail: c’est la médecine générale, et c’est la Seine-Saint-Denis…
Parce que chaque jour, mes patients sont le témoignage qu’il y a tout un monde que je ne connais pas. Je vois tellement de personnes d’origine, de culture différentes. Ils ont des histoires passionnantes à raconter, pour peu qu’on les écoute.
Je le fais de plus en plus. Avec le temps qui passe, certains patients que je connais de mieux en mieux , je me rends compte de plus en plus de tout ce qu’ils ont à dire, et j’ose de plus en plus facilement posé des questions…
Avec le patient malien de 30 ans qui est constipé, je réussis plus facilement à engager la discussion et face à ce jeune homme du même âge que moi qui me raconte son périple du Mali à la France en passant par la Chine, je me dis que je suis bien peu de choses …
Plus tard, c’est un patient qui est un artiste connu et qui a participé à une émission de téléréalité dans un pays d’Europe de l’est qui me raconte des histoires cocasses…
Ensuite, c’est un vieux monsieur algérien dont je soigne la bronchite mais en regardant les rides de son visage, j’entrevois une vie d’histoire dont j’ignore tout mais que peut-être la prochaine fois il me dévoilera un peu …
J’ai une chance inouïe, je n’ai pas besoin de voyager à l’autre bout du monde, le monde est sous mes yeux tous les jours… C’est un cadeau.
Il ne tient qu’à moi de saisir cette chance, en ne voyant pas les patients que comme des personnes présentant telle ou telle symptôme ou pathologie, mais comme un tout, et pour les soigner correctement , il me faut connaître leur histoire, comprendre qui ils sont, et cela est très enrichissant pour moi…
Mon métier est passionnant car il permet de decouvrir des tas de choses, de faire des choses diverses.
Par exemple, en plus du cabinet à proprement parlé qui est déjà une source de rencontres variées, j’ai ce mois-ci assisté à des consultations au planning familial, ce qui est pour le médecin et la femme que je suis une opportunité incroyable de découvrir la vie des femmes en dehors de mon petit univers à moi.
J’ai également assisté à des consultations dans un foyer de l’aide sociale à l’enfance dont je suis officiellement le nouveau médecin en titre. Même si ce que j’y découvre est dur, c’est encore une expérience enrichissante.
Le mois dernier, j’ai passé une soirée au foyer de migrants qui se trouve pas trop loin du cabinet et dont nous soignons pas mal de patients, en majorité des maliens. Il y avait une soirée débat autour d’une projection sur un documentaire qui se nomme mémoire d’immigrés. Ce documentaire qui montre l’histoire de l’immigration et les conditions dans lesquelles on est allé recruter la main d’œuvre, nécessiterait à lui tout seul de longs commentaires et devrait soit dit en passant être diffusé dans les écoles. Ensuite, le débat tournait autour de l’histoire du foyer et des ses occupants. Peu à peu, les gens, certains mes patients, se sont mis à parler de leur vie, de leur histoire… J’ai découvert beaucoup de choses, sur ces patients que je côtoie, sur ces voisins que l’on ignore. Bien sûr, nous avons été très bien accueillis, je regrette juste que le buffet ait été offert par la mairie, j’aurai préféré partager leur maffé… mais j’aurai peut-être l’audace de me faire inviter une prochaine fois… En tout cas je sais que je serai accueillie les bras ouverts, aussi bien d’ailleurs si je voulais aller le manger au Mali même…
J’ai aimé cette soirée, j’aime le fait que mon travail me rappelle chaque jour que mon petit univers n’est pas le centre du monde, j’aime le fait qu’il me permette d’entrevoir au quotidien ce que je ne connais pas.
J’aime travailler en Seine-Saint-Denis.
Je pense que ce n’est pas propre à la Seine-Saint-Denis mais je pense que la spécificité de ce département fait que c’est quand même une mine d’or pour qui veut bien voir en chaque habitant de ce département une ouverture sur le monde ….