Concours de l’été: les résultats

Vous avez été nombreux à répondre à mon article précédent sur les premiers jours de travail/stage que j’ai écrit à l’occasion de la sortie du film Hippocrate.

Le Pacte m’a proposé de faire un jeu-concours de mon choix  et je ne regrette pas d’avoir choisi ce sujet (inspiré par Farfadoc, merci à elle)  car ce fut un plaisir de lire les anecdotes que vous m’avez envoyé .

Je remercie vraiment tous ceux qui ont participé.

On constate que les premiers stages dans le monde médical sont vraiment difficiles. Et on retouve les dysfonctionnements dans vos commentaires… Du stage en radiologie de docdu59 au premier accouchement volé de 10 lunes en passant par l’accueil glacial de Charlotte la kiné ou des stages P2 de Beruthiel, tous ces témoignages sont riches et me parlent…

Il faut s’accrocher, du premier jour où il faut trouver la lingerie au dernier …

Des fois, il y a quand-même des accueils plus joyeux (cf clicadoc), tout du moins quand un patient ne se pend pas le premier jour du stage (cf Petille)

Les soignants n’ont pas le monopole des premiers jours difficiles, ni même du bizutage (cf zythom).  Merci aux non-soignants qui ont témoigné.

Cela a été particulièrement difficile de choisir. Mais comme on n’est pas à l’école des fans, j’ai du choisir mais j’ai quand-même envie de dire « Vous avez tous gagné »

Du coup, the « winners  » are:

– Docokita (dont mon blog refusait pourtant les commentaires) qui a vraiment la poisse pour les premiers jours .

(dans le même genre, j’aurai pu choisir Dzb 17 mais bon il a fallu choisir …)

– Jallorra car son histoire montre bien à quel point notre motivation peut-être sans cesse mise à l’épreuve et qu’il faut s’accrocher malgré les gens qui nous entourent.

-Aude-leme car le café c’est essentiel dans un premier jour de stage. Ne pas aimer ça m’a bien handicapé. Bien joué ..

– Sous la place et son joli texte, en ce lendemain de rentrée scolaire

-et Ultima pour son courage face à ce qui est malheureusement trop fréquent…

Je vous invite  à me laisser vos coordonnées sur le formulaire de contact du blog pour vous faire parvenir les places pour le film Hippocrate.

Et deux prix spécial du jury:

(mais qui ne gagnent pas de place du coup)

– Farfadoc la première à laisser un commentaire mais qui avait mis la barre haute parce que quand-même s’enfermer dans les toilettes un premier jour…voilà quoi …

Mais je voulais pas qu’on m’accuse de conflit d’intérêt alors plutôt je l’invite au ciné !!

-L’eau là, soutenue par Dr Who qui fait du lobbying  (qui a qu’à l’inviter au ciné du coup)  pour sa version SF du concours ! Bravo et merci !!

Et merci à Armance pour avoir relayé le concours sur son blog.

Et donc aujourd’hui c’était la sortie du film Hippocrate. Pour ceux qui écouteraient mes bons conseils, vous me direz ce que vous en avez pensé.

Voici les gagnants mais vous pouvez aller lire tous les commentaires (je vous le conseille) de l’article précédent.

 

DOCOKITA :

Premier jour de P2, malaise vagal pdt la grande visite (eh oui on était une vingtaine dans la chambre et il faisait chaud au CHU mais ça je ne le savais pas encore!)

Premier jour et premier patient en tant qu’interne:j’envoie les externes commencer à interroger un patient arrivé dans la nuit pdt que je lis son dossier « Euh c’est bizarre il répond plus le monsieur! » m’informent-ils rapidement… AH!! au secours mais je sais pas faire moi!! Appel chef, appel réa, transfert en réa… J’étais en diabéto donc plutot des bilans de diabète ou désequilibre, on avait rarement besoin de la réa quoi!

Premier jour en cardio mais j’étais déjà en 4e semestre:on a du masser la premiere patiente pdt la visite! Puis une autre entrée dans l’après midi…
Décidément! je demande aux IDE si c’était courant « Non no nc’est assez rare en fait  » Effectivement je confirme après y avoir passé 6 mois!

Je suis la fille qui porte la poisse quoi!

Et mon premier jour en tant que remplaçante en MG j’ai dû appeler le SMUR ! Ça ne m’est arrivé que 2 fois

 

JALLORA:

Cette fois ça y est, c’est mon premier jour d’internat, dans une toute nouvelle ville. J’ai trouvé sans difficultés l’hôpital, on m’a trouvé une blouse trop grande dans laquelle je nage un peu, j’ai rangé dedans mes stylos, mon petit carnet, et mon stéthoscope.
Flambant neuf, le stéthoscope, c’est mon petit cadeau à moi-même, ma petite fierté de nouvelle future pédiatre : un beau stétho coloré avec un petit pavillon, et un joli badge coloré avec un petit personnage rigolo qui dit « Jallora, interne ». Je l’ai accroché sur la poitrine, sur la poche de devant.
J’ai été sage, j’ai tout bien écouté ce qu’ils disaient à la matinée d’accueil, maintenant ils ont sorti les jus de fruits et les petits fours et je fais poliment tapisserie avec mon verre de jus d’orange à la main.
Un groupe de docteurs discute non loin. Elle là, la dame un peu forte et agée qui parle d’une voix affirmée, elle m’impressionne un peu : elle a le même nom qu’un bouquin super connu (normal m’a-t-on informée, c’est elle qui en est l’auteure…)
La voilà qui lève les yeux, me regarde, me souhaite la bienvenue. Pendant que je bafouille et rougis, ses yeux tombent sur mon joli bagde.
« – Jallora. (Silence) Il va falloir enlever ça.
– Ah ? Ce n’est pas autorisé ? »
Elle prend un air un peu peiné
« – Ma petite, avec la tête de jeunette que vous avez, si vous vous faites appeler par votre prénom, personne ne vous prendra au sérieux. Vous devriez vous maquiller aussi, ça vous vieillira. »

Nous sommes le 3 novembre, j’ai laissé mes parents et mon petit copain à 700 km d’ici, c’est mon premier jour d’interne, j’ai 26 ans, et je regarde le fond d’un gobelet en plastique avec dans la gorge une drôle de petite boule qui me deviendra familière et une curieuse envie de pleurer.

AUDE_LEME:

Premier jour de stage dans une agence de traduction. Ils ont beaucoup de clients dans le secteur médical/pharma, je suis ravie, parce que la médecine et la pharma, je ne sais pas pourquoi, mais c’est mon dada, et puis parce que c’est dans la ville où j’habite, et que du coup, j’ai pas besoin de quitter mon amoureux pour faire ce stage. \o/

En entretien pré-stage, le directeur m’a demandé : « Pourquoi tu veux faire ce métier ? », puis m’a coupé la parole rapidement : « Oui, bon, trouver le mot juste, la phrase fidèle, faire sens, satisfaire le client et l’utilisateur, gnagnagna, super ! Mais tu sais qu’on est là pour gagner de l’argent, hein ! » Bon…
Premier jour donc. Je suis un peu timide au départ, comme un diesel, il me faut un peu de temps pour que ma vraie personnalité apparaisse, et lui, il aime bien en imposer…
« Aude, t’as rien à faire ? »
« Si, je… »
« OK, y a plus de café. »
« … »
« Y a plus de café ! »

En une demi-matinée, j’avais à peu près cerné le personnage. J’étais là pour faire de la traduction, pas du café, et puis d’abord, je bois du thé. J’ai fait du café, serré le café, un beau goudron que si tu veux tu bouches les nids-de-poule de la rue principale avec.
« Denis, le café est prêt, je vous l’apporte ? »

Retour à ma traduction. Il ne m’a plus jamais demandé de faire le café. (mais en vrai, je sais très bien faire un bon café)

SOUS-LA-PLACE:

Bonjour
Ma première rentrée de jeune « maîtresse » racontée ici :
http://souslaplace.blogspot.fr/2014/02/a-lecole-de-la-vie.html

J’y pense chaque année. Aujourd’hui n’a pas fait exception…
Je souhaite une bonne année scolaire à tous ceux qui sont concernés, parents et enfants et les autres aussi!

ULTIMA:

Premier stage d’externe dans un service de dermatologie-vénéréologie, comme on disait au début des années 80.

En fait, je connaissais déjà les rouages du CHU car, pour vivre et payer mes études, j’y travaillais depuis la première année du PCEM : petits boulots, classement d’archives et de dossiers, brancardage, ménage, toilettes des patients, stérilisation puis, ô promotion, instrumentiste dans un bloc opératoire. Avec le stage d’externe, je changeais de catégorie : sur la poche plaquée de la blouse blanche ce n’était plus « ASH » mais « Etudiant », en lettres noires entourées du monogramme bleu de l’hôpital. Ce n’était pas encore Byzance mais je voyais que les heures de ménage n’avaient pas été vaines, j’avançais dans mon cursus, j’étais enfin externe, j’allais même gagner des sous !

Je connaissais un peu ce service de dermatologie pour y avoir passé quelques jours auparavant à rentrer des données dans un ordinateur du secrétariat ; c’était du Windows 3.1 et je devais compléter une base de données en cours de construction. C’est ainsi que j’ai appris, par exemple, que les religieux, prêtres, séminaristes et autres « bonnes sœurs » cotisent à une caisse particulière. Et qu’il y avait une proportion non négligeable de séminaristes atteints de gonorrhée et de syphilis aux consultations externes de dermatologie. Il faut dire que le séminaire était juste à côté de l’hôpital et que les professionnelles du sexe officiaient juste en face. J’en ai perdu mes derniers atomes de foi, si j’en avais encore…

Mon premier jour de stage coïncidait avec la Grande Visite. Malheur. Du temps où je passais mon balai à frange dans les services chirurgicaux, je maudissais les Visites : d’une part, des crétins boutonneux me regardaient du haut de leur 4ème ou 5ème année de médecine en ricanant, d’autre part les internes et autres chefs de clinique en profitaient pour bien faire voir qu’ils détenait une parcelle de pouvoir : « Comment peut-on travailler correctement, regardez, ce n’est pas propre, ici. Nous sommes dans un hôpital, Mademoiselle, pas dans un hall de gare ». Et tous de rire servilement. Il n’y avait plus qu’à serpiller à nouveau puisqu’ils avaient tout sali. Puis il fallait accorder aux patients quelques mots bienveillants car la Visite n’était pas tendre avec eux non plus. « ALORS, PAPY, ON A FAIT SES GAZ CE MATIN ?  » hurlait un interne. Puis s’en suivait une discussion sur le néo pancréatique du 15-fenêtre, devant ce même 15-fenêtre qui, n’étant nullement sourd, écoutait sans trop comprendre, essayait de poser des questions et se faisait rabrouer s’il interrompait le Professeur qui pérorait sur l’occlusion. Et le 15-fenêtre me demandait plus tard, quand je venais débarrasser le plateau du repas, de quoi ils avaient parlé, il n’avait pas tout compris, qui était le médecin qui le suivait, est-ce que c’était grave, qui étaient tous ces gens ? Moi non plus je ne comprenais pas grand chose mais ce manque de respect me sidérait. Alors je tentais de rassurer en débitant des fadaises : « Monsieur Dupont, vous savez, vous êtes entre de bonnes mains ici, c’est un grand Professeur. J’en ai vu passer des gens entrés gravement malades et sortis guéris… »

Mais je faisais enfin partie de la Grande Visite, je me sentais l’Élue. Les nouveaux externes avait été briffés par le cadre infirmier : nous, lithiase de couloir, nous ne devions pas nous faire remarquer, pas poser de questions, pas gêner le passage du Chef de Service, des Chefs de Clinique, des Internes, des Cadres Infirmiers, des Infirmières, de l’Assistante Sociale, et d’éventuelles Personnalités invitées à la Cérémonie hebdomadaire. Nous étions plus de vingt personnes en plus des externes à attendre au bout du couloir l’arrivée du Chef de Service de Dermatologie. Tout le monde avait des dossiers, des papiers et des carnets, les externes se reconnaissaient au fait qu’on avait les bras ballants. On ne savait pas trop que faire de nos mains : dans les poches ça faisait dilettante, dans le dos c’était pas sérieux, alors on tripotait un stylo ou le coin de la bouse pour faire passer la nervosité.

Ça y est, le Professeur arrive, entouré du premier cercle du pouvoir !

Première chambre, trois lits séparés par des paravents. On se tasse en silence autour du lit, il y a peu de place pour tant de monde. Comme je ne veux pas en perdre une miette -le savoir va tomber des lèvres de celui qui sait- j’enfreins la consigne de transparence et discrétion et je me glisse au premier rang, en face du Professeur. Dans le lit, une dame âgée, dont on ne voit que la tête apeurée ; tout ce monde en blouse blanche debout et elle, figée sous le drap impeccablement tiré. Elle est tellement fluette que son corps dessine à peine un volume. Ses yeux vont de l’un à l’autre mais personne ne la regarde, personne ne la salue, personne ne se présente. Je n’arrive pas à voir le nom de la patiente, la pancarte au pied du lit est trop loin de moi.

Dans un geste auguste, le Professeur prend le drap et le retire entièrement. La dame est complètement nue, elle essaie de couvrir son pubis de ses mains.

Il va parler, il parle : « Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, voici une gale norvégienne ». Je suis atterrée par tant d’impudeur de l’assistance, la femme pleure en silence, sa nudité exposée devant plus de vingt personnes.

Je prends le drap et je la recouvre et je dis en tremblant qu’on est pas au spectacle, que cette femme n’est pas une gale norvégienne ou suédoise ou je ne sais quoi, qu’elle a un nom et une pudeur, qu’aucun de nous n’aimerait que notre mère ou notre sœur soit traitée comme un morceau de viande. Et je me suis offert le luxe de sortir en claquant la porte et en pensant que je vais être lourdée mais je m’en fous, je n’ai de compte à rendre à personne je suis financièrement indépendante.

Mon premier stage a duré 2 heures. J’ai été virée. Game over.

FARFADOC :

Premier jour de stage. Externe en endocrino. J’avais réussi à trouver une blouse, j’avais bien rangé tous mes petits stylos dedans, et mon stéthoscope, et mon marteau à réflexe, et mon petit carnet. Pas mon téléphone parce que c’était y’a longtemps et que j’en avais pas.
J’avais fait bien attention à pas marcher dans le mouillé.
J’avais dit bonjour, j’avais été polie juste ce qu’il faut, pour pas me faire remarquer.
Avant de commencer la visite, j’ai fait un saut aux toilettes. à gauche c’était un peu sale, alors j’ai été dans les toilettes de droite.
Ce n’est qu’une fois assise sur les toilettes que j’ai réalisé qu’il n’y avait pas de poignée à l’intérieur. C’était les toilettes du personnel, et c’était fait exprès pour que les patients n’y aillent pas (dans une logique qui m’avait parue logique quand on m’avait expliqué à l’époque, mais qui m’échappe aujourd’hui). Pas de poignée, mais par contre la porte était bien bien fermée…

Voilà comment le premier jour de stage, je me suis retrouvée à tambouriner à la porte pour qu’on vienne me libérer des WC.
Au moins après, les infirmières et aide-soignantes voyaient très bien qui j’étais.

PS : c’est pas pour gagner les places, hein, c’est juste parce que j’aime bien le principe du concours :-)

L’EAU LA:

C’était il y’a approximativement un siècle ou deux. J’habitais alors sur Mars où j’occupais la fonction d’espionne pour le compte des services secrets vénusiens. Un beau matin d’une nuit étoilée, je fus contactée par monsieur le ministre des affaires interplanétaires, en personne (à l’époque Monsieur Rnfecrxbegrk). Satisfait de mes services rendus à la Planète, il souhaitait me missionner pour « un stage extra-orbital ». Quelques décennies plus tard, je reçus ma fiche de poste (Lieu de stage : Planète Terre/ Durée : Non Communiqué/ Mission : Rédaction d’une thèse sur le romantisme des dauphins au XIXe siècle et leur impact sur la société animalière sous-marine). J’avais comme point de départ la France où j’effectuai mes premières investigations. C’est ainsi que lors de mon premier jour de stage je me suis retrouvée par un beau matin ensoleillé, au large des côtes armoricaines, en pleine mer… encerclée par une bande de dauphins mafieux ! (Si si, c’est vrai.) Ils appartenaient à la pègre dauphine du Breizh aquatic land (groupuscule bien connu des services de répression du grand banditisme et du terrorisme océanique). Bref ! J’ai bien tenté de me défendre contre cette bande de malotrus mais ce fut peine perdue. Je tombai KO après un Uchi Oroshi foudroyant que m’infligea le chef de clan aux nageoires pectorales fièrement bombées (c’te branleur). C’est dans un semi-coma flottant que s’acheva ma première journée de stage. Le lendemain, au large côtes bretonnes, le soleil était tout aussi souriant que la veille, les mouettes riaient, les algues dansaient (genre c’est trop l’paradis quoi)… Je me suis réveillée au sein de ce beau tableau ensoleillé, les yeux rivés vers le ciel… heureuse.

et DR WHO:

Un jour, j’avais été embauché par l’office de tourisme de Bretagne pour me déguiser en mouette rieuse pour faire croire aux touristes que les mouettes existent encore. Alors que je rigolais connement en me racontant pour la 3248 ème fois la fameuse blague :  » C’est une copine d’Angelina Jolie qui la croise et qui lui demande à qui est le bras passé autour de son épaule et que cette dernière lui réponds : « Ben , c’est le Brad Pitt!! », c’est alors que je vis débarquer la fameuse super- héroïne L’eau là (si si , c’est vrai!). Elle pionçait sur le sable avec une nageoire pectorale dans la main droite, rien dans la main gauche et avec également un bazooka SR-327 à tir hélicoïdal (modèle breveté par le bureau des espions de Mars, comme chacun le sait…) dans la main droite parce qu’elle avait de grandes mains . Je peux donc certifier que son témoignage est correct.

 

 

Concours de l’été

Un sous-sol d’hôpital, un nouvel interne visiblement perdu qui cherche le chemin de la lingerie….

Ce sont les premières secondes du film Hippocrate. C’est un peu comme la madeleine de Proust de la recherche de la blouse…Tout de suite, des souvenirs rejaillissent. Je ferme les yeux et je me retrouve dans une blouse trop grande pleine de tâches propres à dire « Bonjour, je suis la nouvelle interne »

Tant de souvenirs de premier jour de stage..Il faut dire que l’on en a eu beaucoup des stages, du petit étudiant à l’externe et l’interne. Pas facile les premiers jours, pas facile quand on est timide et qu’ en plus on n’aime pas le café.

Je ne vous dévoilerai pas plus de ce film que je vous conseille d’aller découvrir.

Ce film, c’est comme lire le livre de Jaddo, ça parle, ce sont des moments vécus. Et ça va au delà, c’est un beau film je trouve. Il rappellera des choses aux médecins mais aux autres soignants aussi. Et pour les autres, vous verrez un peu l’envers du décor, ce que nous, nantis, avons vécu. Et puis, vous verrez peut-être les médecins étrangers qui font tourner les hopitaux d’un autre oeil…

Hippocrate, réalisé par Thomas Lilti, lui même médecin, sort au cinéma le 3 septembre.

Après, le quizz de l’été, voici le jeu-concours de l’été (oui parce que l’été n’est pas fini).

Je vous propose 5 invitations de deux personnes (offertes par LE PACTE avec qui je n’ai aucun conflit d’intérêt)  pour aller voir Hippocrate, le film, valable dans tous les cinémas de France.

Pour participer, il faut me raconter une anecdote ou tout simplement un récit concernant un premier jour de stage ou de travail. Tout le monde peut participer du coup évidemment, médecin ou non médecin. C’est pour vous faire replonger dans vos souvenirs, je suis sûre que vous avez des tas de choses à raconter.

Vous pouvez me laisser le récit en commentaires de cet article ou si vous êtes timides en privé par le formulaire de la page contact.

Vous avez jusqu’au 2 septembre.

Je sélectionnerai arbitrairement les 5 gagnants comme il me le plaira.

cc2b72def4

Premier jour de fac

Jusqu’à maintenant, j’ai principalement écrit sur le présent, j’ai envie maintenant de raconter un peu des moments passés qui m’ont menés jusqu’ici.
J’ai conscience que cela risque d’être d’un intérêt minime et que je le fais plus pour moi, pour la postérité …
J’ai  toujours été un peu l’opposé du carpe diem, j’ai toujours eu le besoin d’écrire, filmer, prendre des photos pour me souvenir, ne pas oublier.
Je me suis calmée avec le caméscope  mais il y a quelques années mes films de vacances duraient des heures, aujourd’hui encore dès qu’il se passe quelque chose d’important, avant même de le vivre, je dégaine l’iPhone plus vite que mon ombre. Relire tout ce que j’ai pu écrire me permet de me souvenir de moments oubliés par ma mémoire défectueuse, capable de réciter mes poésies de primaire mais incapable de se rappeler de souvenirs pourtant récents…
Bref, avant de tout oublier complètement, j’ai décidé de raconter les moments clés de mes études de médecine  en commençant par le début: mon premier jour à la fac!

Je me souviens m’être dit: « Aujourd’hui, je rentre à l’université ». Je trouvais cela solennel et c’est avec la sensation émue de vivre un grand moment que j’ai marché dans la rue de l’école de médecine.
J’avais 17 ans, j’étais la première de la famille à aller en fac de médecine, j’allais à Paris, ce n’était pas rien.

Je n’ai, je le répète j’ai une mémoire complètement défectueuse, aucun vrai souvenir de cette journée. Je me souviens juste de mon état d’esprit de cette semaine là.

Par chance, j’avais fait une pré-rentrée dans un cours privé. J’avais travaillé la moitié de l’été pour me payer des cours l’autre moitié et le reste de l’année. Ces cours privés sont scandaleux mais j’étais trop motivée pour faire ma rebelle contre ce système injuste et discriminant et ne pas m’inscrire. J’étais boursière et mes parents ne pouvaient pas me les payer mais j’avais travailler deux étés et surtout j’ai eu la chance que l’amie d’enfance de ma mère travaille dans un de ces cours privés (un tout petit pas connu qui n’a pas du regretter puisque j’ai fait grimper leurs stats de réussite) et m’a eu des réductions.
On comprend déjà que j’étais à ce stade hyper motivée et que j’avais décidé de tout faire pour réussir et surtout ne pas regretter de n’avoir pas fait le maximum. J’étais prête à rentrer sans réfléchir plus que ça dans le système absurde de la P1. Pas de rébellion contre l’injustice, la stupidité, l’absurdité. J’avais laissé mon cerveau et mon esprit critique déjà peu développé à l’entrée et j’étais prête à faire tout ce qu’on me demandait : apprendre par cœur, apprendre le botin s’il le fallait, arrêter de vivre, bosser 14 heures par jour, disséquer des grenouilles, aller à la bibliothèque le dimanche, ne pas lire de bouquins pendant un an, ne pas avoir de vie sociale, faire la vaisselle en regardant les acides-aminés collés sur le mur, ne même pas imaginer prendre le temps d’aller aux toilettes sans emmener quelque chose à apprendre.
Bref, ce premier jour, je ne savais pas à quoi m’attendre mais j’étais déjà formatée…

Grâce à cette pré-rentrée, je connaissais déjà des gens, heureusement!

Si je dois quelque chose à ce cours privé, c’est les personnes que j’y ai rencontrées. Parmi elles, il y a trois de mes amies les plus chères.
L’une d’elle, en dépit du fait qu’elle n’ait pas continué médecine est l’une des plus belles choses qui me soient arrivées grâce à mes études : témoin à mon mariage, marraine de ma fille, la P1 nous a liées pour la vie. Deux autres de mes amies ont réussi le concours un an après moi et depuis nous avons traversé plus ou moins côtes à côtes toutes les étapes de la vie: études, vacances, mariage, thèse, enfants. L’une d’elle vient d’ailleurs d’accoucher et je l’embrasse très fort.

Ce jour là, je ne me doutais pas encore de tout ça, nous étions un petit groupe d’ une dizaine, et c’était providentiel pour moi qui suis timide et pas très sociable quand je ne connais pas les gens. J’aurai pu passer des mois sans parler à personne dans cet amphi de 500 personnes ( pour preuve ma deuxième année où j’ai mis beaucoup de temps à m’intégrer).  Heureusement, il y avait les Travaux Dirigés en petits groupes et j’avais donc ma copine de TD mais si ma P1 est un excellent souvenir, c’est grâce à l’ambiance créée dans ce petit groupe de mon cours privé.

J’ai toujours rêver d’un campus comme dans les feuilletons américains (et de leur remise de diplômes ): cette semaine là, je n’avais qu’une envie, qu’un réconfort: rentrer chez moi le soir, dans mon petit chez moi, voir ma maman, mon papa, mon chien. J’ai plaint mes copines qui avaient un appart à Paris ou étaient dans un foyer, j’étais tellement contente de prendre mon RER le soir et de retrouver ma vie.

J’avais peur, je me sentais petite, dépassée. Les doublants (espèce particulière qui, à l’opposé des petits primants innocents et stupides que nous étions, débutait sa deuxième première année, connaissait tout, prenait les meilleures places, avait la maîtrise de rites un peu tribaux genre sifflements et cris sauvages tels que « micros » ) me faisaient peur.
Dernière nous dans l’amphi Farabeuf: il y’ avait toujours la même fille exaspérante, une amie maintenant, qui avait mille longueurs d’avance sur nous et qui se plaignait sans cesse d’être en retard dans ses  révisions. Pendant que nous étions en train d’essayer laborieusement de prendre des notes sur le chapitre 2, en ne comprenant qu’un mot sur quatre, après avoir passé des heures la veille à essayer de comprendre le chapitre 1, elle racontait d’un air désespéré qu’elle n’avait pas eu le temps de finir le chapitre 1278.

Ce jour là, je suis rentrée pleine de solennité et d’espoir à la faculté de médecine, j’en suis ressortie avec l’envie de me mettre au fond de mon lit et de ne plus en bouger.

Cette angoisse et cette peur n’ont pas duré. J’ai  passé une année difficile mais qui reste un excellent souvenir: apprendre des choses, les heures à la bibli avec les copines, les pauses à la cafèt (courtes pauses bien sûr et planifiées à l’avance), ma salade tomate-fêta quotidienne de mon régime du mois de juin, les salades au poulet qui furent la seule nourriture de ma copine L. pendant deux ans, les cours privés le soir ou pendant les vacances. Je suis toujours restée un peu nostalgique finalement de cette émulation et de ce rythme de la P1, que je n’ai pas retrouvée par la suite parce que j’ai eu plutôt tendance à passer le reste de mes études à réviser dans mon lit.

Par contre, la certitude de très grande probabilité d’échec et de ne pas être à la hauteur ne pas quittée  jusqu’à la découverte en janvier de mon classement intermédiaire qui,  même s’il n’était pas classant, était meilleur que ce à quoi je m’attendais et m’a fait entrevoir pour la première fois la perspective de réussir la deuxième fois comme envisageable ….