To refuse or not to refuse

« Ca dure depuis la semaine dernière, mais je n’ai pas réussi à avoir un RDV avec vous avant… »

« C’est mission impossible pour avoir un RDV avec vous »

Madame et Monsieur D. sont un couple d’octogénaires très attachants. Leur médecin vient de partir à la retraite et ils viennent avec leur dossier tout bien préparé. Je reprend leurs antécédents, la base, mais j’ai toute leur vie à découvrir, cela va se faire au fur et à mesure. Je me rend compte que j’ai très peu de patients âgés (je ne pense pas avoir plus de 10 patients de plus de 75 ans dans ma patientèle). Je me sens très incompétente du coup en gériatrie et je ne sais pas si c’est une bonne chose pour eux mais moi je pense que c’est enrichissant pour moi. En tout cas, je sais qu’ils sont soulagés d’avoir trouvé un nouveau médecin traitant,dans le contexte démographique actuel »

Madame R. a 33 ans, je la vois pour la première fois, je note « prise de contact » comme motif de consultations et je reprends les antécédents. Je sens dès que je la vois une force de caractère d’une personne qui a vécu des choses difficiles, ce sont des choses que j’ai appris à sentir d’instinct. Du coup encore plus que d’habitude, je m’efforce de poser la question des violences. J’ai beaucoup de patients migrants avec des parcours extrêmement difficiles. Et quand on le demande naturellement, ce n’est pas intrusif et en général lors d’une première consultation, je retrace naturellement une partie du parcours des patients. Madame R. venait pour des lombalgies. Elle me raconte son accident de voiture en Afrique avec fracture de la jambe allitée plus d’un an, le décès de son frère et de son père l’année suivante,son départ en Grèce, sa vie plusieurs années à travailler dans un hôtel, puis comment elle est arrivée seule à Paris, enceinte de 7 mois suite à un viol, pour recevoir des soins d’une grossesse très compliquée, puis sa vie depuis. Cette histoire comme tant d’autres font parties de mon quotidien. J’aime recevoir des nouveaux patients, des nouvelles patientes. Etre le nouveau médecin de cette patiente est ce que j’aime dans mon travail, parce que je me sens toute petite, que cela relativise mes propres problèmes et que cette patiente m’apportera beaucoup. Parce que j’aime les gens et découvrir leurs histoires. Et parce que je pense que je peux l’aider, que pour le coup, (ce qui n’est pas forcément le cas des précédents patients âgés avec des problèmes cardiovasculaires!!) je pense que je peux lui apporter des choses, parce que j’ai une sensibilité à m’intéresser à ce qu’elle a vécu, que je sais l’écouter et l’adresser aux bonnes personnes, parce que j’ai les coursiers sanitaires et sociaux à mettre sur le coup aussi si besoin.

J’ai passé 45 minutes avec elle, j’aurai pu recevoir des patients en plus que j’ai refusé.

L. est ado de 15 ans qui vient pour la première fois accompagnée de son père. Je laisse mon interne gérer la consultation pour vomissements. Je ne dis presque rien pendant la consultation. C’est vraiment très dur pour moi. Après plus d’un mois de stage, on en est à la mise en autonomie. Elle a vu sa première patiente toute seule et son enthousiasme fait plaisir. En consultation à deux, on parle toutes les deux mais je me force à faire quelques consultations sans intervenir. Cette consultation est pédagogiquement très riche ,par exemple,je la félicite d’avoir fait sortir le père pour l’examen mais la reprend sur la façon de le faire (ne pas demander « tu veux que ton père sorte »). Sans que ce ne soit nullement au détriment des patients, les nouveaux patients sont vraiment très intéressants en tant que maitre de stage pour laisser aux internes la main, et l’occasion de créer une relation avec les patients, ce qui est souvent plus difficile avec les patients que l’on connait bien.

« Vous avez attendu 2h30 pour votre renouvellement d’ordonnance… » « Ben oui, mais y’avait pas de RDV avant la semaine prochaine, alors jsuis venue à la consultation sans RDV »

« C’est ma voisine qui m’a conseillé de venir vous voir »

« C’est Mme …. qui m’a dit du bien de vous »

« Vous suivez déjà ma soeur, ma femme ,mes enfants et et ma belle mère.. »

Le bouche à oreille fait effet et c’est vrai que ça fait plaisir.

« Je ne suis jamais venu mais j’ai une angine »-> Sauver des vies de patients inconnus!!

Voilà donc l’ambivalence dans laquelle je me trouve.

Je ne suis pas assez disponible pour mes patients.

Je ne peux pas me résoudre à ne plus prendre de nouveaux patients.

Après cinq ans d’installation, j’arrive à un stade où ma patientèle déborde mes disponibilités.

Pourtant ma patientèle médecin traitant est faible, je n’en ai aucune idée en fait, il faudrait que je regarde mais au hasard je dirais 300 ce qui bien en dessous la majorité des médecins… sachant que cela ne prend pas en compte les moins de 16ans qui sont 35% de ma patientèle mais bon.

Mais je n’ai pas envie de refuser de nouveaux patients, je n’arrive pas à passer le cap.

Pour moi, parce que comme le montrent les exemples cités, les nouveaux patients m’apportent beaucoup. Ils m’apportent de la variété, du renouveau et des nouvelles rencontres. J’aime les nouvelles rencontres, je ne pourrais pas m’en passer. Cela voudrait dire. Voilà c’est fini, il n’y aura plus personne d’autre…pire qu’un mariage…

Et puis les patients qui me font confiance et m’adressent leurs voisins/familles/amis..

Chaque jour, j’ai en moyenne 2 nouveaux patients, je n’ai pas envie d’y renoncer.

Ensuite pour les patients…et pour le principe.. Si moi, jeune médecin, je ne prends pas de nouveaux patients, dans le contexte actuel de pénurie de médecins, avec tous les départs en retraite, qui va le faire …

Alors comment faire?

Travailler plus?

Non.

Ca, je suis sûre de moi.

Parce que déjà, je n’ai pas envie. En pratique, je travaille plus, j’allonge légèrement mes demis-journées mais je garde mes 2 matinées off et mon jeudi off. Mon bien-être en dépend.Je vois en moyenne entre 25 et 30 patients par jour. Je fais à peine 35heures par semaine (sans compter les gardes, la fac et les formations continues auxquelles je participe ou que j’anime). Je ne veux pas faire plus.

Et je pense que c’est mieux aussi pour les patients car les moments où je suis présente, je suis heureuse de l’être.

Et puis je suis convaincue que cela ne changerait rien,si je travaillais plus, ça ne serait toujours pas assez, et que l’on pourrait travailler jusqu’à minuit tous les soirs, il faudrait quand-même refuser des patients.

S’organiser différemment?

J’ai réfléchi et je réfléchis toujours à la façon d’optimiser l’organisation.

Je pense avoir la solution optimale même si cela ne l’est pas vraiment.

Le matin, c’est sans RDV. Beaucoup trouvent ça affreux mais moi je trouve ça bien. Surtout, cela me décharge d’une pression extrême de prendre les patients en urgence ou d’avoir à entendre des « il me faut absolument un RDV aujourd’hui  « je n’ai pas été travaillé hier mais je n’ai pas pu avoir de RDV, il faut dater mon arrêt d’hier »,il suffit de dire aux patients « il y a la consultation sans RDV »

Alors oui,c’est long et même moi ça me fait mal de les voir attendre deux heures mais c’est possible.

Et puis malgré tout,il n’y a pas la pression de l’heure comme sur RDV, ce ne sont pas les mêmes consultations et cela permet l’accès à des patients pour qui c’est difficile de prendre un RDV.

Et jusqu’à maintenant, cela se régulait pas mal, il faut venir avant 11h, et en j’ai très exceptionnellement fini après 13H30.Et je ne travaille que deux matinées par semaine, j’ai une remplaçante les autres jours. Mais il est loin le temps où à 11heures, c’était vide ou les patients voulaient tous voir ma collègue, maintenant les gens arrivent de plus en plus tôt et ces derniers temps, il y a eu des matinées apocalyptiques où je me suis demandée si j’allais pas mettre des tickets comme à la sécu. Et les gens viennent vraiment pour moi!

L’après midi, j’ai des RDV toutes les 20 minutes (malgré ça je suis tout le temps en retard, mais j’ai du mal à laisser des trous) et il y a genre 12 créneaux (j’en rajoute tjs un peu,avant et après mais bon) dont la moitié sont à donner le jour-même. Du coup ça fait peu de créneaux et les RDV sont pleins plus d’une semaine à l’avance et on dit aux gens de rappeler le matin même mais comme y a que 6 places, ils rappellent et c’est déjà plein, il sont vénère et bref c’est nul. Je ne trouve pas mieux cependant.

Et puis on travaille en groupe, il y’a toujours au moins un médecin le matin sans RDV, il y a des remplaçants et il y a les internes (mon niveau 1 et la SASPAS de ma collègue)

Donc les patients peuvent toujours voir un médecin le jour même, même si ce n’est pas moi,il faut qu’ils comprennent que c’est une chance, et moi ça me fait beaucoup déculpabiliser. Je n’ai pas la pression absolue.

Donc en conclusion, quoi faire de plus?

Des idées?

Pour l’instant, ma seule idée est de continuer comme ça. J’ai failli passer le cap le mois dernier et puis là,ça va un peu mieux, alors, non je ne refuserai pas de nouveaux patients pour l’instant mais je pense mettre une affiche sur ma porte pour expliquer à mes patients ce choix, m’excuser de la difficulté à obtenir des RDV, leur rappeler le travail en groupe. En fait,c’est leur avis, leur vécu à eux qui me manque et me stresse. Je devrais peut être faire un questionnaire pour explorer ça. Tiens je vais faire ça oui. Ou trouver un thésard 🙂

 

 

 

 

 

Mais il a mal …

R. 3 ans arrive à la Maison Médicale de Garde à 22h accompagné de son père.

« – Bonsoir! Qu’est ce…

– Alors hier, on a attendu 7 heures aux urgences…et on est ressorti avec juste du doliprane, alors là, faut nous donner des antibiotiques …

– Alors, ça c’est de la  Première Phrase de Consultation qui met dans l ambiance! et qui soulève inévitablement un sentiment pas très empathique chez moi … (quand c’est en italique, c’est que je l’ai pensé mais pas dit tout haut car je suis une professionnelle quand-même NDLR)

-Alors, d’accord, donc bonsoir à nouveau, asseyez-vous, et racontez moi tranquillement ce qui lui arrive…

-Il a besoin d’antibiotiques..

-EMPATHIE! EMPATHIE!   (Formation Entretien Motivationnel il y a 15 jours oblige)

– J’ai bien compris votre demande. Pouvez-vous m’expliquer quels sont ses symptômes..

– Il a de la fièvre depuis hier après-midi, hier aux urgences, après 7h d’attente, ils lui ont rien donné, tenez ( compte rendu des urgences), et il est toujours malade…

– Il a toujours de la fièvre aujourd’hui?

– Oui

-Il avait combien de température aujourd’hui?

( ah ah ah comment je suis fourbe, la question qui tue, c’est sûr qu’il va pas savoir me répondre…)

-Je ne sais pas…Je ne sais pas en fait, faut appeler ma femme …

-Et voilà …

-Il a d’autres symptômes?

-Je sais pas, faut appeler ma femme…

-Il a mal à la gorge?

-Je ne sais pas, oui je crois, mais il faut appeler ma femme…Moi j’étais au travail, elle m’a appelé pour me demander de l’emmener…  Attendez, je l’appelle..

-Non, non, non, c’est bon…Pour résumer (entretien motivationnel style), il a (ou pas d’ailleurs) de la fièvre depuis hier, mal à la gorge, vous avez consulté un médecin hier soir, et aujourd’hui, n’allant pas mieux, vous voulez un autre avis…et des antibiotiques…

Tu le sens toi même, quand je dis ça comme ça que c’est un peu n’importe quoi hein…

-ELLIPSE EXAMEN CLINIQUE 

(et oui j’examine les gens !!!)

Donc pendant que j’examine l’enfant, il y a plein de trucs qui se passent en moi, une ambivalence sur ce que j’aimerais trouver. Il faut avouer que quand on a envie plus ou moins inconsciemment de mettre des antibiotiques,pour plein de raisons diverses, notre inconscient trouve les oreilles rouges plus ou moins rouges ou des angines plus ou moins bactériennes. En tout cas moi, il est clair que le contexte influence sur ma prescription d’antibiotiques. Dans ce cas précis, si pour des raisons de facilité évidente, je pourrais être tentée de lui filer des antibiotiques, je suis plutôt énervée et j’ai envie de lui prouver qu’il a tort et que il a pas besoin d’antibiotiques son fils. Je veux pas décrédibiliser les urgences et pour le coup je pars plutôt braquée, motivée à pas lui en donner d’antibiotiques à son fils PARCE QUE C EST PAS LES PATIENTS QUI DECIDENT BORDAYL  (J AI FAIT DES ETUDES MOI MONSIEUR ( mon ego quoi) .

Il a une angine.

Mais (une fois n’est pas coutume je défend mes collègues),hier soir il est probable qu’il ne l’avait pas car ( écoute je vais te faire un peu la morale) c’était peut-être trop tôt. En règle générale, il est peu utile de consulter après quelques heures de fièvre . ( T’as compris hein, NE REFAIS JAMAIS CA ) 

A ce stade, je suis toute puissante. Si j’ai envie d’être un médecin qui fait mal et je le fais parfois (quand pour moi c’est une angine bactérienne typique avec tous les critères et que vraiment je suis sûre que le streptotest sera positif et souvent j’ai raison ou quand j’ai pas le courage de lutter parce que je suis fatiguée ou que c’est en garde ou que c’est un tout petit qui hurle ou plein de raisons ou que les parents ils les veulent les antibios et que si je leur donne ils m’aimeront et je serai la meilleure à leurs yeux -c’est bien ça que les gens nous aiment) je décrète: Il lui faut des antibiotiques !! (quand-même comme je culpabilise je leur explique le truc du viral ou bactérien , du test à faire au fond de la gorge pour voir si il faut des antibios ou pas, mais je leur dis que dans ce cas, c’est pas la peine/ou trop compliqué de le faire et pourquoi je pense qu’il faut des antibios )

Dans ce cas précis, ce n ‘est pas un tableau typique d’angine bactérienne et cela ressemble plus à une angine virale ( pas d’antibios: vous suivez hein: bactérie:antibiotiques (et encore il y en a qui pensent que ce n’est pas nécessaire mais c’est un autre débat ) virus: pas d’antibiotiques)

Et comme j’ai décidé de ne pas donner raison au papa ( Ego/MauvaiseFoi/Education) , je décide de dire Adieu à la facilité (c’est pas comme si il était tard, que j’étais crevée et qu’il y avait encore plein de monde dans la salle d’attente) , je lui dis 

On va faire un test dans sa gorge  (ellipse sur les explications) pour savoir si il y a besoin d’antibiotiques ou pas!  (Sous entendu, ce n’est pas moi qui décide, c’est LA SCIENCE! Cela ne dépend plus de moi!!)

Suspens insoutenable, les yeux fixés sur ce petit bâton, un trait apparait …si le deuxième apparait, sa quête aboutira…

Verdict : Adieu, veau, vaches, cochons, couvée…antibiotiques tant espérés…

Bon, ben un seul trait c’est viral, il n’y a pas besoin d’antibiotiques

et je me défend moi-même d’une attaque potentielle:

C’est pas moi qui le dit hein, c’est le test !

je réenchaine sur une nouvelle explication sur les virus et les bactéries , je conclue

Donc il a une angine virale, cela va passer tout seul avec du doliprane et il n’y a pas besoin d’antibiotiques …

Je me tais enfin..

J’attend l’attaque …

limite je ferme les yeux …

-Nan mais docteur, je suis totalement d’accord avec vous, j’ai bien compris …

Je rouvre un oeil…

Je suis totalement d’accord avec vous…moi …

Quoi, c’est tout, j’ai gagné? Je suis un tellement bon médecin que j’ai convaincu un père buté en quelques minutes de techniques d’entretien motivationnel et d’éducation . Comment je suis trop la meilleure du monde entier!!! 

J’ai envie d’entamer la danse de la joie et de l’autocongratulation, mais …

Y’a un piège non?

Et puis c’est quoi le « moi » à la fin de la phrase…

Mais c’est ma femme…

Et là ce monsieur qui ,il est vrai, avait eu tendance à m’agacer un chouilla ,se transforme en quelqu’un de très aimable qui m’explique que lui, il est d’accord, il sait que ça ne sert à rien les antibiotiques et que même la consultation ne sert à rien, il a 3 enfants, la fièvre il connait, il faut juste donner du doliprane et attendre que ça passe …

(Oh là là l’empathie qui revient ….)

MAIS …

Sa femme lui a fait passer 7 heures aux urgences hier et ce soir il était au travail, il travaille jusqu’à minuit normalement, elle l’a fait rentrer plus tôt du travail pour qu’il emmène à nouveau le petit chez le médecin et quand il rentre, elle insulte les médecins français, parce que dans son pays, on donne des antibiotiques tout le temps…

-Et si je reviens sans antibiotiques docteur, je vous dit pas ce que je vais prendre…

A ce stade là: 2 réflexions:

  • Je savais bien que fallait pas me braquer, rester aimable ,empathique, et chercher ce qu’il y avait derrière. Derrière toute demande, agressive notamment, revendicatrice, il y a quelque chose. Et face à un patient difficile, et qui déclenche des sentiments négatifs en nous, il faut lutter contre ce sentiment pour essayer que ce sentiment n’influe pas sur cette prise en charge .  Et (mode bisounours on) je savais bien que les gens étaient tous des gentils!!
  • Maintenant que j’ai une vraie empathie pour ce patient et que je compatis à fond par rapport à sa femme, ça va être encore plus dur de lui refuser les antibiotiques….       et oui je me doute que vous vous pensez un truc comme « Mais il a qu’à lui dire merde à sa bonne femme » mais la vie c’est pas si simple…

 

Donc reprenons:

-Ah oui, donc en fait,vous vous avez bien compris que les antibiotiques sont inutiles mais votre femme vous pousse à passer vos soirées chez le médecin et vous met la pression quand vous rentrez, ça doit être difficile … (reformulation empatique)

Cela dit, vous comprenez bien que ce n’est pas une raison pour que je vous en prescrive…

-Oui, docteur, aucun problème!

Vous allez juste le dire à ma femme… prend son téléphone

-Euh cela n’est peut-être pas nécessaire, vous allez bien lui expliquer … ah, bon…Allo, bonsoir madame… Donc je suis avec votre mari, il m’a bien expliqué la situation (que vous insultiez les médecins) et votre fils, il a une angine, virale, pas d’antibiotiques toussa….

S’en est suivi un dialogue de sourds…

Moi: Une explication très très longue et détaillée sur les virus et les bactéries et l’histoire naturelle des maladies et  même des arguments démagos…

-Vous savez, j’ai fait un test, c’est pas ma décision

( Et d’ailleurs, pourquoi je l’ai fait ce putain de test au fait ?

Les antibiotiques, si on les utilise à tort, ils deviendront moins forts

-Je ne peux pas donner un traitement inutile , voire dangereux à votre fils juste pour vous faire plaisir

-Quand il en aura besoin la prochaine fois, ils ne seront peut-être plus efficaces (oui je sais que je me répète)

-J’aurai tant voulu qu’il soit positif ce test vous savez, ça aurait été tellement plus simple pour moi, parce que vous voyez ça m’aurait pris 2 min, alors que là, par exemple, ça fait 10 minutes que je vous parle au téléphone

-Mais si vous n’avez pas confiance en l’avis des médecins, ce n’est pas la peine de les consulter.

-Je comprends, c’est dur, vous êtes fatiguée, et vous voulez un traitement miracle mais ce ne sont pas les antibiotiques qui vont changer qq chose.

-Je vous comprends (empathie, empathie, empathie putain) , moi aussi quand mes enfants sont malades et qu’ils ne dorment pas de la nuit, je trouve ça difficile (démagogie, démagogie)

–   Etc etc

-… Et madame, sachez que votre mari, il a essayé hein , ce n’est pas de sa faute ….

 

Elle:

-Oui d’accord, mais il a mal…

-Oui d’accord mais moi j’ai trois enfants, je suis fatiguée

-Oui d’accord mais il a de la fièvre

-Oui d’accord mais vous pouvez quand-même m’inscrire les antibiotiques

-Mais si j’ai confiance en ce que vous me dites, j’ai bien compris mais vous pouvez pas quand-même juste pour cette fois parce qu’il a mal quand-même…

-Oui, oui , oui … et les antibiotiques, vous me les mettez?

 

Pourquoi ne pas l’envoyer paitre pensez-vous hein? 

Parce que j’étais motivée

Parce que c’est mon boulot un peu et que je suis quand-même payée 68,50 pour cette consultation

Parce que j’ai fait une formation d’entretien motivationnel: ça se voit hein…

Parce que si personne ne prend le temps de lui expliquer, elle ne comprendra pas et continuera à envoyer son mari tous les soirs chez le médecin

Parce que j’ai pas eu trop le choix en même-temps

Et parce que, encore une fois,  derrière les patients relous, il y a des patients fatigués, angoissés, non écoutés, parfois derrière des patients relous, il y a juste des patients relous, et parfois aussi il y a des cons, mais bon, souvent c’est l’anxiété ou en tout cas il y a une raison qui poussent les gens à être comme ils sont ..

En particulier, dans les « rhumes » ou autres maladies saisonnières bien pénibles (moi même étant atteinte d’une grave rhinopharyngite depuis hier ET ma fille aussi, je sais ce que c’est!!! -argument démago que je n’ai pas pu utilisé ce soir là car j’étais encore en incubation), la vie des gens est parfois tellement difficile que l’enfant malade, c’est juste la goutte d’eau (ou la goutte au nez hu hu hu) qui fait déborder le vase et il faut juste un truc pour que ça s’arrête, et comme la magie n’existe pas, et ben il reste LES ANTIBIOTIQUES!! 

Et si on leur dit que les antibiotiques c’est pas magique: ben oui d’accord mais qu’est ce qu’on fait alors..il a mal…

Alors on les écoute, on les rassure et on leur explique…c’est tout ce qu’on peut faire et c’est déjà pas mal .

Mais entre nous moi aussi, si j’avais un petit doute, j’en prendrai des antibios parce que c’est quand-même incroyable ça qu’on puisse toujours pas guérir le rhume en 2014!!!

-Bon, ben voilà, une ordonnance de doliprane… bon courage hein….

-Merci beaucoup docteur et BRAVO!!!

Voilà, donc (histoire pas du tout passionnante je vous l’accorde) comment une consultation qui avait débutée par « Bonjour, il lui faut des antibiotiques » s’est terminée (35 minutes plus tard) par un « Bravo » de ne pas l’avoir fait …

Le travail, c’est la santé…

Lundi – 25 patients – 19 patients en âge de travailler dont 3 femmes au foyer et 1 sans papier.

1 accident de travail.4 arrêts de travail.1 duplicata. 2 refus d’arrêt de travail par les patients

Mr N. jeune diabétique de 27 ans au suivi difficile, ancien militaire, me rapporte qu’il va demander une rupture conventionnelle car son travail de manutentionnaire est trop difficile en raison de son mal de dos suite à une fracture vertébrale après un saut en parachute et à ses nombreuses hypos…

Mme O. 45 ans vient pour son frottis. On discute mais elle est pressée, elle doit retourner au travail. Il est 15h30. Elle est femme de ménage, elle prend le premier RER le matin, fait plus d’une heure  de transport, travaille 3 heures, rentre chez elle, repart à 16h, revient à 21h passée…plus de 4 heures de transport pour 6 heures de travail payés une misère…Elle ne veut jamais d’arrêt.

Mme O.  vient pour sa fille de 2ans qui est constipée. « Elle n’a pas beaucoup mangé ces derniers jours, mon frère a failli mourir, il a été poignardé à son travail.. » Ah oui c’est ptet ça…

M. 17 ans est une ado compliquée dont l’avenir professionnel est plus qu’incertain…Elle est contente, elle a été au mac do,ils lui ont dit qu’ils voulaient bien l’embaucher..

Mme C. 59 ans vient d’être déclarée inapte par le médecin du travail pour une BPCO. Cela la précipite dans la retraite quelques mois plus tôt. Malgré un travail difficile dans la grande distribution, elle est perdue et triste de cette nouvelle. Que va-t-elle faire? La retraite est souvent un cap difficile .

Mr C. 35 ans, est en situation irrégulière. Il parvient à travailler ponctuellement au noir mais son histoire m’attriste et me révolte.

Mme B. 35 ans vient chercher un énième duplicata car la sécu a perdu son arrêt… Sans commentaire…Mme B. vit une histoire très compliquée de souffrance morale au travail à propos de laquelle on pourrait écrire un roman, conflits avec l’employeur, multiples épisodes, burn out, dépression, plaintes, licenciement…

Mme P. 40ans, auxiliaire de vie, a un lumbago, comme d’habitude refuse mon arrêt. Oui, c’est ça mon quotidien, les patients qui refusent mes arrêts…j’en parlais dans « Bande de fainéants »

Mr B. 40 ans, un de mes patients préférés, cuisinier, va littéralement se tuer au travail je pense. Il fait 70 heures par semaine, a de multiples pb médicaux et les seules fois où il a utilisé un de mes arrêts de travail, il a été travailler quand-même (sans être payé donc). Ce n’est pas que du fait de son employeur..Aujourd’hui, on aborde l’idée d’aller voir un psy…

Mme P. travaille dans une chaine discount de la grande distribution ou les conditions de travail sont particulièrement difficiles voire choquantes. Je ne crois pas lui avoir déjà fait d’arrêt de travail… Elle vient d’apprendre une grossesse longtemps désirée et est heureuse même si ce premier trimestre est physiquement très difficile. Pour éviter de porter des charges lourdes, elle a annoncé sa grossesse à sa supérieure qui d’abord s’est mise à pleurer, ensuite l’a raconté à tout le monde et depuis lui fait des réflexions incessantes, lui donne des horaires ou des postes difficiles. Mme P. dynamique et joviale arrive au bord des larmes, dans un état d’anxiété inhabituel, me raconte une altercation qui a été suivie d’une crise d’angoisse avec malaise sur son lieu de travail. Elle voulait tenir mais se sent incapable d’y retourner. Je lui explique que l’on peut déclarer son arrêt en accident de travail. Elle éclate en sanglot et entre deux sanglots me dit « Merci ». C’est un merci qui pour elle signifie que l’on reconnait l’injustice de ce qu’elle vit. Je lui explique l’avantage mais surtout les inconvénients de la déclaration en AT mais elle est sûre d’elle, elle est prête à « lutter »

Mme D. travaille en crèche, son travail lui plait, elle n’a aucun souci sinon de choper plein de microbes…

Une journée ordinaire, prise au hasard, sans tricher, des histoires comme ça, il y en a des tonnes, pas une journée ne se passe sans un accident de travail, sans pathologies liées au travail..c’est  le quotidien.

Quand j’ai débuté ce blog, une de mes motivations, un des sujets dont je voulais vraiment parler, c’était des pathologies liées au travail que je rencontrais au quotidien. C’est un sujet tellement important, tellement permanent qu’à la fois je pourrais écrire un livre entier sur le sujet et qu’en même temps, je ne sais pas comment en parler ici.

Les pathologies liées au travail, plus ou moins directement, c’est le quotidien d’un médecin généraliste.

Mes patients sont ouvriers, femmes de ménage, cadres, secrétaires, instits, profs, beaucoup travaillent à l’aéroport comme bagagistes ou autres avec des horaires décalés, assistantes maternelles, fonctionnaires,soignants, caissières, informaticiens, commerciaux, en recherche d’emploi, travailleurs sans papiers, femmes au foyer (un vrai travail!!)…

Mes patients consultent pour des problèmes cardio-vasculaires, pour des troubles musculo-squelettiques, pour des troubles digestifs, pour des pathologies intercurrentes, des viroses, pour des insomnies, du stress, de la dépression, de la fatigue…

Tous ces maux peuvent être attribués aux emplois ci-dessus.

Ces principaux motifs de consultation que l’on rencontre en médecine générale peuvent tous être plus ou moins liés au travail. Parfois c’est évident, comme une tendinite ou un mal de dos chez quelqu’un qui fait un travail physique, et cela n’est pas simple à prendre en charge pour autant et parfois il faut creuser, comme des maux d’estomac ou de l’insomnie qui sont en fait liées à une souffrance au travail qui parfois nous est confiée spontanément et parfois non. Même quand une pathologie médicale n’est pas liée au travail, comme une gastro par exemple, la question du travail avec la nécessaire justification d’absence pour l’employeur entre forcément dans la consultation.

Comme nous sommes parfois plongés au coeur de l’intimité, nous voilà alors plonger dans un quotidien d’un monde du travail qui nous est totalement inconnu et parfois difficile à appréhender.

Je suis tellement affligée  par les conditions de travail de mes patients,et impressionnée par leur volonté et leur résistance. Je serais incapable de faire la moitié de ce qu’ils font, de ces femmes courageuses qui se lèvent à l’aube pour effectuer des heures de trajet et un travail harassant ou de ces hommes près à tous les efforts et les compromissions pour nourrir leur famille, je suis révoltée par leur condition de travail, par ce qu’ils me racontent des relations avec les employeurs ou les collègues. J’ai entendu tellement d’histoires..

Mais mon rôle n’est pas celui de la compassion mais celui de les accompagner et de les soigner…sauf que ça, ce n’est pas dans les livres de médecine.

Je n’ai pas appris comment gérer médicalement les problèmes physiques liés au travail (notamment les douleurs telles que les tendinites, lombalgies etc que l’on appelle troubles musculo-squelettiques) et je n’ai pas appris à gérer les problèmes de souffrance au travail que l’on appelle RPS (risques psychosociaux). Surtout je n’ai pas appris toutes les subtilités administratives, je n’ai appris comment aider un patient au niveau social et administratif. Je n’y connaissais rien au droit du travail, je ne savais même pas ce que siginifiait le mot « rupture conventionnelle du contrat de travail », je ne savais pas comment intégrer le médecin du travail dans ma démarche de soins, ni comment répondre à nombreuses questions concrètes des patients notamment sur le montant des indemnités, je ne savais pas non plus qu’il existait dans les hôpitaux des services de pathologies professionnelles.

C’est un domaine qui m’intéresse énormément, au delà du fait que sa prévalence rend nécessaire de savoir s’y retrouver. Quelques petites années plus tard, par la force des choses et des situations rencontrées et grâce à des séminaires de formations continues  (du temps où les jours n’étaient pas limités et où l’on était rémunérés:petit clin d’oeil à l’OGC et au rapport de l’IGAS), j’ai l’impression de maitriser le sujet et c’est agréable de sentir que je peux aider mon patient de manière correcte.

Lors d’un séminaire sur accidents de travail et maladies professionnelles, j’ai appris beaucoup de choses qui m’aident au quotidien. Je sais peser les avantages et les inconvénients de faire une déclaration de maladie professionnelle (et j’ai été vraiment surprise de constater que ce n’était pas forcément dans l’intérêt du patient de faire une déclaration de MP). Lors d’un séminaire sur les arrêts maladie et l’invalidité, j’ai appris notamment l’intêret du partenariat avec le médecin du travail et notamment de la visite de pré-reprise. J’ai appris à comprendre quelque chose dans le système infernal des fonctionnaires, je sais gérer correctement un temps partiel thérapeutique. Grâce à des expériences personnelles et avec des patients, je connais maintenant le parcours menant à une inaptitude, les délais, les notions d’indemnités temporaire d’inaptitude, d’allocation tierce personne ou autres gros mots ne me font plus peur, remplir un dossier MDPH ne me fait plus blêmir, au contraire, c’est moi maintenant qui incite les patients à les remplir parce que je sais pourquoi (les mots RQTH ou PCH sont maintenant mes amis). Grâce à un séminaire sur la souffrance au travail, j’ai appris comment savoir la repérer et surtout aider les patients au mieux, j’ai appris que l’on pouvait faire une déclaration en accident de travail pour des évènements ayant conduit à une souffrance morale.

Bref, les pathologies liées au travail sont toujours aussi fréquentes, sont souvent une impasse, je me sans souvent impuissante,les récits de mes patients sont toujours aussi décourageants et révoltants, je souhaite toujours que le monde qui m’entoure change  mais je me sens plus armée pour les aider et les conseiller, c’est déjà ça…

Bon, ça fait longtemps que je voulais parler de ce sujet, je n’ai pas réussi à le faire comme je l’aurai voulu mais en cette journée de fête du travail où pour la première fois de ma vie, je n’ai pas suivi la tradition familiale d’aller acheter du muguet et ça me fend le coeur, où la pluie (et quant à moi la flemme surtout) nous a empêché d’aller à la manif, je voulais un peu vous parler de ces travailleuses et travailleurs que sont mes patients et de cette partie de notre métier…

 

Quelques documents

LE SITE ATOUSANTE: la santé au travail

Le site Souffrance et Travail avec notamment la liste des consultations de pathologies professionnelles

Liste des consultations de pathologies professionnelles d’ile de france

Le site de FMC MA-Form avec plusieurs formations sur le sujet

Le site TravaillerMieux notamment sur les TMS

Guide pratique sur les risques psycho-sociaux en entreprise

Lutter contre la souffrance morale au travail

 

 

2 ans 8 mois

Un mois de plus…

J’ai un an de plus…

J’ai rien à dire …

Alors, comme je pensais tout à l’heure à Mr G. que j’ai vu cette semaine et que ma nouvelle mode c’est de recycler des vieux articles…je me suis dit que j’allais reparler des articles à propos de Mr G.

Car cette semaine, il est venu me voir plein d’espoir me racontant qu’il attendait la réponse de la préfecture et qu’il est sûr que ça va être bon..:on lui a dit…Je suis épatée par cette capacité à y croire encore…la phrase « l’espoir fait vivre » prend tout son sens…Je suis quant à moi beaucoup plus circonspecte….

Donc, si vous ne connaissez pas Mr G. et que vous voulez comprendre pourquoi je pleure dans un prochain article:

Franchir la ligne

Parce que chez lui, y’ a rien

Etre né quelque part

Encore un peu d’espoir, ou pas  

A cause de la couleur du blé

On ne mesure pas

PS: pour ceux que ça pourrait intéresser: j’ai ajouté le lien tout net de l’image toute floue du poster dans mon article précédent . Merci à Mathilde, l’auteure qui me l’a fait parvenir, et encore merci pour son travail .

Mon prix du poster

 

La semaine dernière, quand j’ai vu le nom de Mme B. sur mon agenda, je me suis dit: »oh non pas elle , pfff.. »  Sans raison particulière en plus, c’est juste que quand je l’avais vu les dernières fois, je m’étais un peu sentie coincée, obligée de lui faire un arrêt de travail. Mme B. est une patiente de ma collègue,de 28ans, jeune maman d’une petite fille de 2ans. Je l’ai vu ponctuellement, à 2 ou 3 reprises pour la prolongation de son arrêt de travail qui durait depuis plusieurs mois. Faire des arrêts ne me gêne pas, mais là je ne voyais pas le motif… »je ne me sens pas bien, jsuis fatiguée depuis mon opération de la thyroide il y a un an et demi  » Je sentais bien qu’il y avait quelque chose derrière, elle assurait ne pas être déprimée, que le moral ça allait bien. Ca m’ennuyait de juste renouveler l’arrêt sans comprendre la raison et sans projet derrière, une réorientation, une reprise à temps partiel, mais bon ce n’était pas ma patiente, j’ai essayé de poser des questions, le travail, la maison etc mais sans succès, peut-être et c’est légitime ne voulait-elle pas se confier à moi.

Quand je la revois, on parle déjà du sujet qui me braque. En fait elle a quitté son travail, abandon de poste pour se faire licenciée.J’avoue que j’ai encore quelque à priori, du genre « mais pourquoi » « que va-t-elle faire de sa vie ». Mais bon du coup, elle ne vient pas pour un arrêt de travail…pourquoi vient-elle d’ailleurs, je ne sais plus…pour une douleur abdo je crois. Ma collègue a noté « divorce en cours » sur son dossier la dernière fois. Après la discussion sur son avenir professionnel et ses projets (car elle en a), on aborde donc ce sujet. De fil en aiguille, sans que je ne lui tire les vers du nez, elle me confie qu’elle a réussi à jeter son mari dehors après un adultère qui fut la goutte d’eau qui a fait débordé le vase de 4 années de violences conjugales. Elle me raconte ces 4 années d’enfer,qui ont débutées le lendemain de son mariage, pendant lesquelles, au milieu d’un climat de terreur,elle assumait seule la maison , sa fille, le travail et juste à un moment le travail est devenu le truc en trop qu’elle ne pouvait pas assumer…Et elle ne peut pas y retourner car elle travaille avec la mère de son ex-mari…

Voilà…

Au moins une vingtaine de consultations chez un médecin pendant cette période, pour des motifs flous, qui moi en tout cas m’ont mis mal à l’aise…

Elle n’en a jamais parlé à personne…lui a-t-on posé la question? Moi non en tout cas.

Elle a réussi à s’en sortir toute seule, reconstruit sa vie. Elle a eu de la ressource pour y arriver seule. Cette patiente qu’on aurait pu penser tire au flanc est surtout extrêmement courageuse. Elle n’a semble-t-il plus besoin d’aide maintenant, je lui en ai proposé mais voit bien que c’est trop tard. Cela dit, je ne lui ai pas donné d’infos précises, ni dépliant, ni numéro de téléphone, ne les connaissant pas moi-même.

Lors de cette consultation, ma joie initiale « Putain je savais bien qu’il y avait quelque chose derrière », satisfaction de quand tu arrives enfin à comprendre ce qu’il y a derrière, a vite fait place à « Mais comment jsuis trop passée à coté!!!! »

Qu’aurais-je du faire?

Lui poser la question tout simplement….

C’est pour cela que je me suis arrêter longuement, frappée, devant un des posters du congrès de médecine générale la semaine dernière. C’est pour ce poster que j’ai voté (avouons le, j’ai voté mais trop tard donc ça a pas compté) car il a assurément déclencher quelque chose chez moi et va j’espère changer ma pratique.

Je n’ai pas demandé l’autorisation de le mettre sur ce blog. Je le fais pour promouvoir ce travail formidable mais si pas hasard, cela pose problème, je peux le retirer.

(par contre on voit presque rien: mais  vous cliquez ici:Poster mathilde palisse )

a

Thèse de Mathilde Palisse (REPERAGE PAR LE MEDECIN GENERALISTE DES VIOLENCES SEXUELLES FAITES AUX FEMMES)

EN GROS :

93,1% des femmes interrogées n’ont jamais été questionnées sur les violences sexuelles.

83,4% des femmes interrogées estiment que la prise en charge des violences sexuelles
fait partie du rôle du médecin généraliste et 13,8% qu’elle n’en fait pas partie.
23,4% des femmes ont subi des violences sexuelles dans leur vie
Un tiers des femmes a parlé de son agression à son médecin généraliste
Plus de deux tiers des femmes victimes auraient souhaité que leur médecin leur pose la
question des violences sexuelles
83% des femmes interrogées ont trouvé normal qu’on leur pose la question, 7% ont été mal à l’aise,2% ont été choquées.
Parmi les femmes victimes de violence, plus de 8 femmes sur 10 ont trouvé normal qu’on leur pose la question.
81%  des  patientes  ayant  participé  considèrent  qu’un  dépistage  par  le  médecin
généraliste donne la possibilité aux femmes victimes d’en parler. 53% pensent que cela

devrait être plus systématique. 8% trouvent le dépistage trop intrusif.

Parmi les femmes victimes: Neuf  femmes  victimes  sur  dix  considèrent  qu’un  dépistage  par  le  médecin généraliste  donne  la  possibilité  aux  femmes  victimes  d’en  parler.  Six  sur  dix pensent  que  cela  devrait  être  plus  systématique.  Deux  femmes  trouvent  le dépistage trop intrusif.
Voilà!! C’est un problème qui touche 1/4 des femmes au moins.
Le médecin généraliste doit poser la question de manière systématique, les femmes le souhaitent.
Une question systématique : « Avez-vous subi des violences dans votre vie? »
Si on veut creuser:
3 questions
1.  au  cours  de  votre  vie,  avez‐vous  été  victime  de  violences  verbales,  propos  sexistes, humiliants, dévalorisants, injures, menaces?
2.  au  cours  de  votre  vie,  avez‐vous  été  victime  de  violences  physiques?  Avez‐vous  reçu des coups, des gifles? Avez‐vous été battue, bousculée par un homme?
3.  au  cours  de  votre  vie,  avez‐vous  été  victime  de  violences  sexuelles  :  attouchements, viol, rapports forcés?
C’est si simple, pourquoi ne le fait-on pas?
Premièrement, il faut y penser!!
Ensuite, il faut oser!
Et après il faut savoir quoi faire!! Quand on se retrouve avec ça sur les bras et qu’on ne sait absolument pas quoi en faire !!!
(parce que avouons le, c’est plus simple de faire un renouvellement d’arrêt de travail que de gérer une femme battue…et puis ça prend moins de temps. La semaine dernière-décidément- en fin de journée j’ai passé 45 minutes avec une patiente qui me confiait également (ben oui vu le pourcentage de prévalence) des violences conjugales pour la première fois. C’était l’esclandre dans la salle d’attente. J’ai dit à la patiente suivante très mécontente « J’espère que si un jour vous en avez besoin, vous tomberez sur un médecin qui prendra le temps qu’il faut avec vous ». Mais quand-même, ça m’a bien plombé ma consult!!)
Encore un domaine (parmi tant d’autres et toujours parmi les plus importants) où l’on n’est pas formés.

Les résultats de la grande enquête auprès des étudiants en médecine font état d’un manque de connaissances global des étudiants sur le sujet des violences sexuelles mais également d’un désir de formation de la part des étudiants en médecine de deuxième cycle.

 

 

 

A nous donc, de nous  former tous seuls et pour cela il y a de nombreux outils pour nous aider.

Un court-métrage a été réalisé, je vous conseille de le regarder .


Professionnels, un rôle essentiel dans la lutte… par droitsdesfemmes

 

Pendant le congrès, j’ai assisté à une conférence sur ce sujet, très intéréssante, pendant laquelle notamment j’ai vu ce film. Il a été dit que lorsqu’une patiente provoque chez nous des émotions négatives, qu’elle nous énerve, bref que l’on se dit « Oh non pas elle » quand on voit le nom sur l’agenda, souvent, souvent, il y a une histoire de violences sous-jacente. (De même que les douleurs inexpliquées pour lesquelles on multiplie les examens complémentaires sans rien trouver). Ils nous ont dit « Vous pensez à quelqu’un là, n’est ce pas? » Je pensais à Mme B….

C’est l’alarme bidale de Jaddo

INFOS UTILES

Le praticien face aux violences sexuelles

Le site http://www.stop-violences-femmes.gouv.fr/

les associations prêt de chez vous

Dépliant violences conjugales

Guide violence conjugales:le rôle des professionnels

UN NUMERO UNIQUE : le 39 19

PS: j’ai parlé des femmes mais il y a des hommes aussi

PPS: désolée pour la mise en page pourrie, il y a un bug sur le saut des lignes…

C’est un jour à couper sa vigne

Mr.R, polonais de 58 ans m’a raconté que pour la Saint Valentin, il allait couper sa vigne..(dans le 93 oui!),que la légende de la Saint Valentin venait d’une histoire plutôt triste de deux amoureux qui était morts des vignes…d’après lui…

En sortant du cabinet, il va passer chez le fleuriste acheter des fleurs pour sa femme .

Mr L. m’a dit « Pff…la Saint Valentin, une fête commerciale! Moi c’est tout les jours que je la gâte ma femme »… ou pas…

La Saint Valentin, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour Mme B., elle va mal en ce moment, une accumulation de choses et particulièrement une situation professionnelle très compliquée, elle se sent seule dans ses démarches (inspection du travail, avocat, prudhommes, sécu, plaintes) et essaye tant bien que mal de garder le cap mais là, la Saint Valentin… Elle arrive en pleurs! Elle savait bien qu’elle n’aurait aucune attention de lui mais en plus une dispute avec son mari qui lui a mal parlé en lui disant « tu bosses pas tu peux bien faire ça » au moment ce matin où Mickey chantait à Minnie une chanson de la Saint-Valentin en bruit de fond…Elle se sent « transparente », elle s’occupe de la maison, des enfants, fait des bons petits plats et repasse ses chemises mais aucun petit mot gentil… »J’en demande pas beaucoup en plus, un rien me rendrait heureuse ». L’année dernière, sa fille  a demandé à son père pourquoi il ne lui offrait pas de cadeau pour la fête des amoureux, du coup il lui a ramené une rose. La première en 13 ans qu’elle a gardé et a fait sécher tellement ça l’a touchée…

Je n’ose pas demandé à S. 17 ans ce qu’elle va faire avec sa copine car sa mère est là et je ne l’ai pas fait sortir,  je travaille dessus grâce à la bonne influence de mon excellente interne mais ce n’est pas encore ça….

Mme D. a eu un téléphone. Mme F. des fleurs…

Mme H. n’a rien eu, elle s’en fiche, demain elle part une semaine en vacances au Maroc avec son mari, sans les enfants…

En prenant le vaccin de F. dans mon frigo, je vois les steaks que j’ai acheté ce midi, cadeau de Saint Valentin pour mon mari.

Mme B. avait planifié sa soirée..un petit dîner romantique avec son mari, cette première Saint-Valentin depuis qu’ils sont mariés, elle allait lui annoncé sa grossesse, elle me l’avait dit des étoiles dans les yeux…mais elle a fait une fausse couche hier…

Mme A. s’en fiche complètement de la Saint-Valentin,elle, elle voudrait juste pouvoir poser le pied par terre, saleté d’entorse!

Mme G. doit faire les bagages de son petit bout qui est malade. Ca lui déchire le coeur de le laisser pour la semaine partir en vacances avec son père, en cette première Saint Valentin depuis le divorce…

Pour la Saint-Valentin, Mme B. ne prendra pas son comprimé d’anticoagulant car elle est en surdosage mais je lui ai assuré qu’on allait y arriver à trouver la bonne dose…ou pas!

Comme elle, je pense que la Saint Valentin est un jour comme les autres pour la plupart de mes patients comme pour la plupart des gens…avec juste ce petit truc qui fait que c’est une journée un petit peu plus dure que les autres.

Et peut-être encore davantage ce soir, ceux qui seront accueillis avec amour mesureront la chance qu’ils ont…

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Le bénéfice du doute

Je donne toujours le bénéfice du doute à mes patients…comme à tout le monde dans la vie d’ailleurs…

S’ils sont en retard, avant de m’énerver, j’attends de voir s’ils ont une bonne raison.

Quand je sens que l’on me raconte des bobards, je laisse le bénéfice du doute…oui oui cet ado n’a pas été en cours à cause d’un mal de ventre aussi fugace qu’à propos…

Après tout une fois au lycée mon chien a vraiment saccagé mon devoir maison!

Quand j’ai un doute sur l’identité d’un patient, notamment ceux qui par nécessité prennent la carte de quelqu’un d’autre, j’ai du mal à faire clairement part de mes doutes au patient sauf si je suis vraiment sûre et même dans ce cas, je leur laisse le bénéfice du doute de l’absence de malveillance. Juste une nécessité pour eux qui disparait d’ailleurs quand je leur explique que s’il ne peuvent pas payer, je peux les recevoir gratuitement .

Quand j’ai un doute sur un patient qui cherche à obtenir des médicaments avec une histoire un peu louche, mon « alarme interne » s’allume , je mets un petit mot « attention » dans le dossier, je reste vigilante mais pour la première fois, je lui laisse le bénéfice du doute.

Je ne suis ni flic, ni juge et je veux croire en l’honnêteté des gens et ne pas laisser la suspicion entrer en compte à chaque prescription, à chaque arrêt de travail. Tout en restant vigilante et rigoureuse, si je me fais avoir une fois de temps en temps, tant pis …

Alors là du coup hier, j’ai eu un peu de mal à laisser le bénéfice du doute à ce patient qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à celui que j’avais vu la semaine dernière (pour lequel d’ailleurs mon alarme interne s’était allumée) et qui m’a raconté la même histoire avec la même maladie et le même nom de professeur qui le suit!
Impression de déjà vu!! Sauf que d’après lui, c’est la première fois qu’il venait et que l’autre c’était son frère jumeau et qu’il lui avait demandé de mentir en racontant son histoire à lui pour avoir son traitement à lui qui était à l’étranger et qui ne pouvait pas venir…Vous suivez? Moi non plus! Donc des frères jumeaux, mais qui n’ont pas le même nom parce qu’ils ont été adoptés par deux familles différentes!!!
Oui en l’écrivant, je me rend compte que ça sonne vraiment comme si je m’étais fait légèrement prendre pour une conne. Mais vous vous imaginez vous dire à un patient : »Mais arrêtez de vous moquer de moi, vous n’êtes pas deux, vous n’êtes qu’un!!! » Ca fait un peu médecin qui craque…Et puis s’ils étaient vraiment deux hein!! Et bien sûr le premier n’avait pas de carte vitale donc impossible de vérifier son identité mais quelques éléments me laissent penser qu’ils sont quand-même deux!! Ou peut-être que je vois double! Ou peut-être qu’il s’est bien marré,mais c’est pas grave: JE LUI LAISSE LE BENEFICE DU DOUTE !

(de la même manière que vous me laissez le bénéfice du doute sur ma santé mentale hein!)

 

Une histoire de courbe

F. a 3 ans. Je la vois pour la première fois. Je suis sa grand-mère qui est très malade et progressivement je vois arriver au cabinet tous les membres de la famille. La vraie « médecine de famille ».

Elle n’a pas vu de médecin depuis longtemps,n’étant pas malade. Je n’ai pas le carnet de santé. Elle vient pour une infection ORL banale.

A la fin de la consultation, ,on prévoit une consultation bientôt pour faire un examen annuel systématique « le bilan des 3 ans » pour faire le point. Je sens qu’il y a beaucoup de choses à voir.

Je m’efforce dans la mesure du possible,c’est à dire en fonction de mon courage/envie et de la situation, notamment qui suit l’enfant (PMI, pédiatre, collègues, moi ou personne: dans ces 2 derniers cas notamment) de proposer ces consultations systématiques (j’en avais parlé ici). Je ne le fais pas tout le temps. Parfois, la plupart du temps quand-même, les patients viennent, parfois non. C’est un concept particulier quand-même. « Revenez me voir quand vous ne serez pas malade… »

F. est revenue comme prévu…J’ai fait le point…Développement psychomoteur, langage,scolarité, alimentation, courbes de poids, sommeil, comportement en général, dépistages sensoriels et un ptit chouia d’examen clinique.

De tout ça, j’ai ressorti principalement des troubles de l’endormissement (« elle ne s’endort que devant la télé avec un biberon » ) et surtout un gros problème de surpoids avec un Indice de masse corporelle (IMC) très au dessus de la courbe. Ce problème de surpoids étant de manière évidente liée à une alimentation complètement déséquilibrée. Après discussion, il apparaissait évident que tout cela s’intégrait dans un contexte d’un père absent et d’une maman qui compensait avec la nourriture et  laissant faire à sa fille ce qu’elle avait envie.

Nous avons repris les bases en discutant  à  trois avec F. surtout et aussi avec la maman.En expliquant aux enfants ce qu’il faut faire et que ce sont les parents qui décident, en leur donnant des objectifs « maintenant tu vas t’endormir dans ton lit le soir parce que c’est comme ça que l’on doit faire à ton âge, maman va te lire une histoire et après tu vas t’endormir comme une grande dans ton lit de grande », les parents entendent..Ils entendent le message « C’est les parents qui décident hein! » et puis du coup ils sont un peu coincés. Ils sont un peu obligés de faire ce qui a été dit devant l’enfant..C’est mon côté fourbe… »On va aller acheter un livre et ce soir je te lis une histoire et tu t’endors dans ton lit  » Et voilà….

La discussion sur l’alimentation est à la fois la reprise des bases, l’explication à F. et la prise de conscience de la maman qui en vient elle même à la conclusion que oui, le papa étant absent, elle a compensé, et que oui c’est un problème et qu’il faut que ça change…

Ces discussions font parties de celles que je trouve les plus dures..D’un côté, j’ai conscience que cela fait parti de mon travail, qu’il faut que j’en parle, et je suis convaincue que le médecin a des vertus thérapeutiques, la parole d’une tierce personne est importante  comme celle de  l’homme qui murmurait à l’oreille des enfants…

D’un autre côté je me sens à la fois moralisatrice et intrusive et à la fois découragée.

Moralisatrice: j’ai toujours du mal,par exemple quand je parle d’alimentation par exemple, surtout aux adultes: « faut faire comme ça et pas comme ci, et ça c’est pas bien » « faut prendre un ptit déjeuner et se laver les dents » « fumer c’est mal et ça tue et faut faire du sport ça c’est bien » J’ai du mal à parler de son surpoids à un enfant, probablement déjà complexé, surtout plus le surpoids est élevé et l’enfant grand..Quand c’est une première consultation, souvent je n’en parle pas. C’est un rôle que je n’aime pas…peut -être parce que moi -même je ne fais pas ce qu’il faut..Je préfère dire aux diabétiques que quand même dès fois ils peuvent manger du chocolat…la glycémie c’est bien, le moral aussi! Bref, je digresse..Des fois, je me demande au nom de quoi je donne des conseils éducatifs, moi qui ait une grande qui a fait des crise de colères pendant des années et un bébé qui prend encore des biberons la nuit à 14 mois. « Non, à un an, votre enfant n’a plus besoin de biberon la nuit…quoi faire? …si je savais… » J’ai un enfant d e6ans qui dormait encore avec ses parents « C’est pas bien! » Et puis je me suis rendue compte que ça gênait personne, ni les parents, ni l’enfant…alors pourquoi pas …La guidance parentale c’est bien, mais cela pose la question des référentiels. Pourquoi les miens seraient-ils meilleurs? Cela dépend beaucoup de la culture. Et ayant une patientèle riche de nombreuses cultures différentes, c’est très difficile pour moi de me situer.

Découragée: souvent…Devant les familles dysfonctionnelles, devant les erreurs éducatives manifestes, devant les difficultés sociales faces auxquelles on voit mal comment un enfant pourrait s’épanouir.Qu’est ce que moi je vais bien pouvoir changer à cela…Est ce que ça sert à quelque chose ce que je dis? Mon découragement principal, ce sont les problèmes de poids, surtout chez les enfants..Je me sens complètement impuissante…J’ai beau essayer, je vois les courbes de poids empirer, les fratries suivre le même chemin…Les difficultés sont multiples: les différences culturelles, la misère sociale, les noeuds qu’il y a à dénouer derrière un problème de poids et la prise en charge difficile…Faire prendre conscience déjà: aux enfants, aux parents…et puis faire changer les habitudes, c’est très difficile..Une prise en charge diététique et/ou psychologique est difficile à faire accepter et pour ma part, il y a le problème de l’argent car ce sont des consultations souvent payantes, pour des patients qui n’en ont pas toujours les moyens. Donc j’essaie mais j’ai l’impression d’être peu compétente dans ce domaine et de ne pas parvenir à aider mes patients…

Alors bon, comme je suis un bisounours, je réprime mon découragement néanmoins bien présent et je donne rendez-vous à F. 3 mois plus tard pour voir l’évolution, avec des objectifs à base de revalorisation du genre  » tu es une grande fille, je suis sure que tu en es capable », objectifs raisonnables bien sûr, on ne change pas tout d’un coup, on garde le biberon du soir par exemple, quelques mots d’encouragement à la maman…et je passe au prochain patient me demandant comme à chaque fois si j’aurai eu un impact ou pas ….

Je pourrais m’arrêter là car c’est le lot de beaucoup de consultations..ne pas savoir si on a eu un impact ..mais le lot de la médecine générale, c’est aussi d’avoir la suite…et c’est surtout le cas lorsque l’on est installé. Parfois, c’est difficile, il y a des gens qu’on aimerait bien ne pas revoir. Il y a surtout des cas difficiles que l’on ne sait pas résoudre que l’on aimerait bien ne pas revoir mais c’est surtout ce qui est chouette dans ce métier…alors …

Hier, j’ai fait le « bilan des 4 ans » de F. On a refait le point sur tout. Je l’avais revu 3 mois après la consultation dont je parlais, comme prévu et là je l’ai revu à l’occasion de petits boutons sur le front suite à une chute. J’en ai profité pour faire cette consultation comme je n’étais pas trop en retard.

F. est trop mignonne. Elle joue avec son petit frère, tout le monde est sage, elle répond à mes questions. Surtout je la félicite!! Beaucoup!  Depuis le jour de la première consultation, elle s’endort sans problème dans son lit. Depuis la deuxième, elle ne prend plus de biberon le soir. L’alimentation est à peu près équilibrée, plus de grignotages, elle mange à la cantine. Depuis l’année dernière, elle a beaucoup grandi et n’a pas pris un seul kilo. L’IMC est toujours au dessus de la courbe mais presque deux centimètres plus bas…Le papa est de retour à la maison et elle va bientôt avoir une petite soeur. Bref, tout va bien …

Cette courbe sur le carnet de santé qui chute à pic, c’est le reflet de l’impact que j’ai eu sur la vie de F. Ca fait un drôle d’effet..Et puis c’est pas si fréquent que ça marche comme ça,c’est même exceptionnel. Souvent, il n’y a pas de courbe pour quantifier nos impacts et on ne peut que sentir de manière imperceptible que l’on a aidé ou non une personne. Alors quand ça arrive, ça fait vraiment plaisir et ça illumine une journée…même au point d’en faire un billet de blog mièvre comme tout!

En plus, ça doit être l’approche de noel, j’ai vu aussi la maman de C.une ado en souffrance et en surpoids,avec une maman en surpoids et des soeurs en surpoids pour laquelle j’ai fait des consultations régulières sur le sujet. J’ai donné au moins 10 fois à C ou à sa maman les coordonnées de la diététicienne et celles de l’atelier de cuisine de la maison de quartier…En vain, tout le monde prend du poids, surtout les petites soeurs… Et puis hier, je vois sa mère, qui a perdu 5 kilos et qui me dit qu’elles sont toutes allées chez la diététicienne plusieurs fois et que tout le monde fait des efforts…Je continuais à répéter les choses mais je n’y croyais plus du tout ..comme quoi…

Alors je vais continuer…

Par contre, la première fois,j’avais rien pu faire pour son rhume, et là je sais pas ce que sont ses petits boutons sur le front…(enfin c’est pas grave, j’ai mis des dermocorticoides).. Jsuis pas très douée en fait …

Voilà,la conclusion de tout ça…ben c’est juste que je suis contente!

 

Connexions

J’aime beaucoup Mme M. Entre quelques petits problèmes de santé, ses allergies et ses problèmes d’épaule, elle se confie à moi.Elle vit des moments difficiles, des doutes sur la fidélité de son mari puis une récente séparation qui est difficile. Assistante maternelle, elle gère comme elle peut son travail, la maison, ses 3 enfants. Le grand, adolescent, vit difficilement cette séparation, cela devient très compliqué. Elle, fait comme elle peut, m’a demandé à plusieurs reprises de faire une recherche de maladies sexuellement transmissibles, bien qu’il lui dise que non, elle pense vraiment que son mari a été infidèle…J’aime beaucoup Mme M., les consultations avec elle sont agréables en dépit du contexte et j’ai l’impression qu’elles lui font du bien, que se confier lui fait du bien.

J’aime beaucoup Mme S. C’est ma patiente depuis peu. J’entrevois à peine la vie difficile qu’elle a eu. Elle est enceinte de son premier enfant,bientôt à terme, une grossesse médicalement compliquée et je la trouve très courageuse. Epuisée, loin des siens, elle ne se plaint pas. Elle a cette dignité discrète de ceux qui ont souffert. J’aime beaucoup Mme S.

Lors de la dernière consultation,elle m’a montré les résultats d’examen de son compagnon pour avoir mon avis…

Je connais son compagnon.C’ est un de mes patients. Tous les jours, des connexions se font dans ma tête. « Ah mais vous êtes la belle-soeur/mère/cousine/voisine/fille de MmeX. »

Son compagnon est le mari de Mme M.

Je me dis qu’on fait quand-même un drôle de métier…

On ne mesure pas

Ce matin, en plein milieu d’une matinée comme les autres, j’ai ouvert la porte et dans ma salle d’attente,j’ai vu Mr G.

Mr G. est revenu. Voilà comme ça…

C’était trop dur là-bas. Et surtout il a des projets qu’il ne peut pas réaliser en restant au Mali.

Il s’estime chanceux d’avoir pu revenir, grâce à de l’aide notamment financière qu’il a reçu, sinon ça aurait été impossible.Les passeurs sont très chers…

Depuis plus d’un mois, je n’avais pas eu de ses nouvelles, je vivais ma petite vie tranquille, dans mon petit confort.

Depuis un mois, Mr G. a traversé le Mali en guerre, est passé par la Lybie et l’Algérie, a traversé la mer à fond de cale d’un bateau grâce à des passeurs, a pris le train à travers l’Espagne et la France pour revenir dans un pays qui l’avait rejeté, un mois de périple, motivé  par le désespoir et malgré tout l’espoir d’une vie meilleure,malgré toutes les désillusions…

Pendant ce temps là, moi j’ai vécu ma petite vie confortable et routinière…

On ne mesure pas…

Il est parti 6 mois et il ne regrette pas…Il a revu sa petite soeur, il a été sur la tombe de ses parents, et surtout il a retrouvé l’espoir…il a refait une demande à la préfecture et il a des projets…S’il a un titre de séjour, il pourra faire des allers-retours entre la France et le Mali et mener à bien son projet…

Je croise les doigts qu’ils se réalisent…Je reste circonspecte, mais j’admire sa capacité de rebondir…

Il est revenu avec un dossier, un projet concret, une pharmacie, une association avec des membres de son village. Il cherche des partenaires…

Si vous connaissez une ONG, si vous voulez aider Mr G d’une manière ou d’une autre, vous pouvez me contacter…

Ce matin, mes patients m’ont vu ouvrir la porte de mon cabinet et crier!!!