Médecin émerite…un jour

Vient de paraître la liste des lecteurs émérites de Prescrire! Jusqu’à présent, je trouvais fou de payer pour faire un test de lecture. Et puis, pour la première fois, j’ai regardé la liste attentivement, j’y ai vu des noms que je connais, et j’ai été admirative! (Petite digression, il y a une douzaine de personnes que je connais dont dix twittos,cela parle tout seul…) Finalement, je vais peut-être essayer de faire en sorte que mon nom y apparaisse!
Être lecteur émérite de Prescrire n’est pas une fin en soi, certes, je les trouve parfois un peu extrêmes et ce n’est pas la parole sacrée, mais il faut avouer que quand-même, ils sont un bon guide et une référence solide!
Être lecteur émérite sera peut-être une des choses qui feront de moi un bon médecin!
Encore faudrait-il qu’il y ait une définition à « être un bon médecin ». Je ne cherche pas à la trouver, j’essaye juste de faire au mieux!
Pour moi, et cela n’engage que moi, un bon médecin est d’abord quelqu’un qui écoute, qui aime les gens, et qui considère la personne qu’il a en face de lui avec empathie et intérêt.
Sans prétention aucune, je crois que c’est mon cas! J’ai eu tellement à faire à des cons de médecins que je me suis jurée de me souvenir chaque jour des erreurs à ne pas faire, humainement.
Après, cela ne suffit pas, je suis gentille, oui c’est bien beau, mais bon: « Son Médecin était gentille » comme épitaphe, c’est peu réconfortant.
Donc, être gentille, c’est fait, maintenant, va falloir que je sois un minimum compétente.
J’ai conscience de mes lacunes! Je suis nulle en examen clinique, en plus, j’aime pas trop! Je ne fais pas suffisamment déshabiller les patients. Il y en a qui aiment toucher, palper, moi ce n’est pas mon cas. L’examen est la partie de la consultation qui m’embête le plus, déjà, il faut se lever et ça m’embête, c’est mon côté fainéant. J’adore quand j’ai un externe qui fait l’examen à ma place (si ma présence n’est pas requise, sinon je me lève quand-même). Dès fois, il y a des consultations qui ne nécessitent pas d’examen, j’adore! Mais,si patient à la fin me dit « Vous pouvez me prendre la tension docteur » je le maudis.Pour la peine,je sers le brassard très fort et puis je dis 12-8… Déjà que je me fais violence pour prendre celle des gens qui viennent pour ça…et en plus, dès fois, je prends la tension des patients assis au bureau! Han, c’est mal!! Faut vraiment que je travaille la dessus.
Donc, je suis un médecin gentille et fainéante.
Quoi d’autre?
J’ai déjà dit que j’ai deux mains gauches! Du coup, au niveau gestes techniques, c’est très limité…ce qui satisfait bien mon côté fainéant…
À part ça, et bien je fais au mieux pour essayer d’être compétente, formation  médicale  continue, échanges , remise en question…
Il y a tout ce que je fais de mal et dont je n’ai pas conscience et ça, c’est le pire. Je demande à mes collègues de me faire remarquer si il y a des choses que je fais mal, ou à mon remplaçant. C’est l’avantage du travail en groupe ou des externes/internes. J’ai peur des mauvaises habitudes que je crois bonnes mais si personne ne me dit le contraire, je ne peux pas le savoir. Ah bon le médiator, c’est pas bien, mais fallait me le dire!!!
Et puis il y a toutes les choses que je fais mal mais que je sais que je fais mal. Ça c’est moins pire je pense,non? En avoir conscience, c’est déjà bien. C’est grâce aux échanges, aux collègues, à Prescrire, aux FMC, à twitter que j’en ai conscience.
Du coup, chaque consultation est une lutte avec moi-même, une lutte épuisante et pas toujours remportée pour ne pas céder à la facilité, pour ne pas tomber du côté obscur de la force comme le dit Jaddo! C est tellement tentant ,d’ailleurs tout le monde y cède plus ou moins parfois…c’est le plus ou moins qui est important!
D’abord il y a mes putains de principes qui me pourrissent la vie. Ah,que j’aimerais faire sur le pas de la porte tous les arrêts et certificats et autres renouvellements que l’on me réclame. Que ce serait confortable de répondre oui à la moindre demande (un bon point pour mon côté gentille) et de prescrire sans examiner les gens (un bon point pour mon côté fainéante) ou tiens, truc de fou, ne rien écrire dans les dossiers ou voire même dans le carnet de santé! Et jpourrais en voir plein des patients comme ça dans une journée… Et en plus, personne ne me dirait rien…
Oui mais voilà, j’ai envie d’être un bon médecin, et selon ma définition personnelle, un bon médecin ne fait pas ça.. C’est con…
Alors, du coup, je lutte, et ce n’est pas facile…
J’ai noté pendant une journée tout ce que j’ai fait de pas bien, en en ayant conscience. (je ne vous parle donc pas des graves erreurs que j’ai peut-être fait sans le savoir).Ca en fait des choses quand-même.
-On commence par un renouvellement de traitement de diabète!
Je ne vous parle pas de l’examen clinique très succinct et de la dernière fois où j’ai examiné le pied de ce patient et fait le test du monofilament, il y a très probablement plus d’un an mais là on cumule ma fainéantise avec ma phobie des pieds donc c’est vraiment très dur pour moi, allez je passe mon tour, on verra la prochaine fois… Et puis, il est suivi par le diabèto, deuxième erreur et elle est fréquente, je présuppose que le spécialiste à fait ce qu’il fallait et me repose sur lui.
Je passe peu de temps sur les règles hygièno-diététiques qui sont pourtant primordiales parce que c’est long, difficile, laborieux et décourageant et que là tout de suite, j’ai pas trop le courage.
Je renouvelle la mort dans l’âme les traitements prescrits par le spécialistes dont j’ai déjà parlé ici, même si je sais que l’on n’a pas de recul et que cela est déconseillé par Prescrire parce que ben je sais pas comment faire autrement…
Le patient à mal au genou, il demande des anti-inflammatoires, je lui explique qu’avec le diabète, il vaut mieux éviter, les effets secondaires toussa, mais la dernière fois, un autre médecin lui en a prescrit, il a très mal etc.
Les anti-inflammatoires sont un problème pour moi, les pratiques de mes confrères sont variables, du coup je ne sais pas si j’ai vraiment tort d’être aussi réticente ou si j’en donne trop et puis il y a les habitudes des patients…
Et j’avoue que face à la douleur, je donne probablement trop de médicaments, j’ai vraiment du mal devant quelqu’un qui a mal…
Bref, je lui en prescris quelques jours en lui expliquant le côté exceptionnel de la chose.
En gros, si on reprend, c’était vraiment une mauvaise consultation!
-J’examine un enfant et j’ai l’impression d’entendre un petit souffle cardiaque.Premier problème: je suis nulle en examen clinique, donc jsuis pas sûre de mon coup,  et souvent le cardiologue ne retrouve pas le souffle en question. Deuxième problème, comment dire à la mère que son enfant a un souffle au cœur, sans lui faire trop peur mais assez quand-même pour qu’elle fasse ce que je lui dis de faire, d’autant que moi-même je ne suis pas sûre de ce qu’il faut faire et d’ailleurs je ne suis même pas sûre qu’il y a un souffle!
-Les génériques …pff… Nécessiteraient un article à eux tous seuls… Cette fois ci,je suis face à « J’ai vu à la télé, c’est fabriqué en Inde » « Vous guérissez d’un coté, de l’autre vous avez autre chose » Je réponds, j’explique…pas assez, pas le courage de répéter sans cesse les mêmes choses, il faut choisir son combat: à chaque consultation, on ne peut pas livrer tous les combats…
Pour les génériques et pour la prescription en DCI, je ne le fais pas encore assez, mais je lutte, de plus en plus …
-Un patient que je connais bien vient pour, comme il y a quelques mois, des champignons entre les orteils….oui ben c la même chose que j’avais vu de mes yeux la dernière fois, quel est l’intérêt de reregarder? Je n’en vois pas, ça tombe bien rapport à ma phobie des pieds. Je renouvelle le traitement sans l’examiner. Han! C’est pas bien!
-Une consultation sur les MST, je m’aperçois que c’est un sujet que je ne maîtrise pas du tout et que comme à chaque fois que je me suis dit que je devais me former dessus, je ne l’ai pas fait. Du coup, je traite à tort je crois une bébête qui ne nécessite pas forcément de traitement et il se peut même que je dise que c’est une MST alors que en relisant, ce n’est ptet même pas le cas.
Lacune de connaissance… On ne peut pas connaître tous les sujets, certes mais quand-même…
-Les certificats d’absence scolaire: je suis crevée, ce n’est pas mon patient, je n’ai pas envie d’expliquer que ce n’est pas obligatoire etc etc, je le fais, ça va plus vite… juste pour cette fois… Et quelques autres ….
-Un patient n’a pas rendez-vous, je le prends en plus, j’explique que c’est sur rendez-vous etc etc mais je le prends quand-même…Pareil, pour des patients qui viennent à deux alors qu’ils ont RDV pour un… J’explique mais je dis oui quand-même… Juste pour cette fois… Et quelques autres !
C’est juste pour un renouvellement de pilule…c’est une grosse journée, j’ai plein de retard, je regarde le dossier en diagonale, et de mon œil avisé, je vois que c’est OK, je renouvelle sans faire de consultation, sans faire payer bien sur, j’écris juste dépannage, alors que selon ma motivation, je pourrais faire une vraie consultation, parler de plein de choses, prendre la tension…ah, non pas envie!
-Une consultation pour un enfant de 4 ans, une rhino, les vaccins sont à jour, je pèse, je mesure…Je devrais lui dire de revenir, prendre RDV pour la consultation des 4 ans, avec le dépistage des troubles de la vision, du langage etc , mais je ne le fais pas…dès fois, je ne fais pas les choses optimales et me contente du minimum …
– Des fois aussi, je me rend compte que l’on n’explique pas les choses assez! Je dis: « tout est normal » pour un résultat de prise de sang à un patient qui ne sait même pas ce qu’il y avait dedans.Je m’en suis rendu compte quand après il m’a demandé si on pouvait savoir s’il avait le Sida. Ben oui, sérologie HIV négative, il avait pas compris, et j’avais pas détaillé les résultats comme je le fais la plupart du temps.
-La maman est arrivée avec deux vaccins que j’ai fait et après,en collant consciencieusement les étiquettes dans le carnet de santé, je me suis aperçue que la petite avait déjà eu l’un d’eux! Oups…toujours regardé avant …En tout cas, elle sera bien vaccinée contre la méningite C cette petite (et en plus,l’interêt de ce vaccin est controversé…)
-J’ai prescrit à sa demande un arrêt d’une semaine à une patiente pour qu’elle se remette de sa virose. Je ne trouvais ça pas justifié et cela m’a agacé mais ce n’était pas ma patiente, je la voyais pour la première fois et j’ai senti un terrain sous-jactent fragile et compliqué. Je pense que si elle en ressentais le besoin, c’est qu’il était existant! Ce genre de situation est heureusement très rare, je propose plus d’arrêts que les patients en réclament, comme je le disais ici, je n’ai qu’exceptionnellement des demandes d’arrêts abusives, bien au contraire.
-Et puis, the last but not the least: les rhinos et autres viroses saisonnières. Là, c’est vraiment une lutte à chaque consultation entre ce qu’il faut faire (éliminer une infection bactérienne, prescrire du doliprane, du sérum physiologique et passer une heure à expliquer le comment du pourquoi et les symptômes qui doivent amener à consulter) et ce que je fais vraiment et qui dépend de ma motivation , de ma forme, de l’heure de la journée, du monde dans la salle d’attente, du jour de la semaine, genre veille d’un week-end ou d’un pont, et également beaucoup de la personne en face, de ses habitudes, de sa faculté de compréhension , de son amabilité, de si c’est mon patient à moi ou pas…Bref, du coup, il y a parfois un gros décalage entre ce que je sais qu’il faudrait faire et ce que je fais.
Mes erreurs conscientes les plus fréquentes sont:
– Voir des tympans parfois plus rouges qu’ils ne sont vraiment, pour avoir une raison de mettre des antibiotiques, de la même façon,  j’ai encore du mal à surveiller 48h avant de mettre des antibiotiques dans les otites.
– Je donne trop d’ibuprofène …
– Je donne trop de corticoïdes dans les laryngites
– Des fois, le soir, jfais pas de streptotest et jmet les antibios direct même si j’ai un doute par flemme
– Je donne trop d’antibiotiques je pense dans les bronchites chez les personnes âgées ou sur terrain à risques.
– Je dis aux gens que je ne peux rien faire pour eux mais j’ai du mal à leur dire cruement que c’était pas la peine de venir, je trouve ça un peu vexant…je fais en sorte qu’ils en arrivent à la conclusion eux mêmes.
-J’explique pas tout tout le temps , parce que c’est épuisant.
-J’avais tendance à vouloir les aider quand-même pour me sentir utile et j’aimais bien au début quand je leur donnais tout plein de trucs…j’aimerai y croire encore, c’etait tellement bien…J’ai beaucoup progressé, je ne donne presque plus de sirops, un peu quand-même selon les critères déjà cités, beaucoup moins d’ibuprofène, et ma nouvelle lutte, cette année, c’est les pshitt dans le nez…je progresse, je progresse, bon en même temps, ça m’aide qu’ils soient officiellement dangereux donc déremboursés (oui logique floue) , mais bon j’aimais bien au moins aider les gens à déboucher leur nez, je me sentais utile..en solidarité, je me suis mise moi-même au sérum phy… Ça marche mais c’est cher (efficace mais non remboursé’: logique floue à nouveau) .
Voilà, je vais m’arrêter là car je pourrais écrire sans fin sur tout ce que je fais mal et ça m’effraie un peu quand-même…il me reste beaucoup de chemin à parcourir mais bon, quand ça me stresse, jregarde les ordonnances de certains médecins et je décompresse…Jsuis pas encore lecteur émérite de Prescrire mais oh mon dieu, y’a tellement pire…Bon, d’accord, c’est pas une raison…Alors d’accord, je vais continuer à lutter! Et puis au moins…j’suis gentille…

A cause de la couleur du blé…

Demain, c’est le réveillon de Noël.

Pour une fois, tout est prêt, il faut dire que les préparatifs étaient simples cette année.

Mais demain, les gens seront quand-même malades et en plus, ils voudront qu’on les guérisse de leur rhume avant le réveillon quelques heures plus tard, donc demain je travaille.

Et, je suis triste car dans mes rendez-vous de demain, il y a un patient que je verrai pour la dernière fois.

Alors, j’ai tout préparé, son dossier médical est prêt. Je me suis aperçu que je n’avais pas son compte rendu opératoire d’il y a deux ans, je l’ai demandé à l’hôpital, j’espère que je l’aurai au courrier demain. J’ai préparé ses ordonnances. J’ai préparé des petits cadeaux…

J’ai surtout essayé de me préparer moi. Parce que même si demain, c’est noël, ben moi j’suis triste. Parce que c’est toujours un petit peu triste quand un patient s’en va, mais que là, j’suis particulièrement triste…

Parce que ce patient c’est Mr G.

Parce que c’est un de mes premiers patients…

Parce que Mr G. s’en va en laissant tous ses rêves derrière lui…

Parce que ce n’est pas juste…

Parce qu’il préfère rentrer dans un pays en guerre où il n’a pas mis les pieds depuis 20 ans que de rester ici où on ne veut pas de lui.

Parce que lui et moi, on n’y a cru pourtant…

Parce que là-bas, seule une soeur qu’il a à peine connu l’attend, et qu’il rentre sans rien et que c’est un déshonneur.

Parce que le livre que je devais lui offrir le jour de sa régularisation prend la poussière dans mon bureau et que jamais je ne lui donnerai. J’ai réfléchi quoi lui offrir à la place. C’est sûrement pas bien mais je vais lui donner une enveloppe de billets pour qu’il ne parte pas sans rien, des chocolats parce que c’est Noël, bordel, et mon livre préféré…le Petit Prince évidemment, parce qu’il me manquera, à cause de la couleur du blé…

Parce que c’était mon patient préféré…

Parce que pendant que je fêterai Noël, entourée de gens que j’aime, le sapin inondé de cadeaux, à manger des bonnes choses, Mr G. lui , sera dans un avion, parce que le vol était moins cher.

Parce que du coup, j’ai honte de tout ce que j’ai et j’ai honte de mon pays …

Parce que des Mr G. il y en a des tas…

Parce que je sais pas ce que je vais bien pouvoir lui dire.

Parce que demain, c’est le réveillon de Noël et que Mr G. repart au Mali où rien ne l’attend…

 

(Pour comprendre ma tristesse, il faudrait connaitre Mr G. et pour le connaitre un peu, il faut avoir lu ceci

Franchir la ligne

Parce que chez lui, y’ a rien

Etre né quelque part

Encore un peu d’espoir, ou pas     )

 

1 an 4 mois

Y’a plus de saisons, Opale met 24 h à me retweeter, je n’écris plus jamais mes billets du 17 le 17! Rien ne va plus!

Mais comme la fin du monde n’a pas eu lieu, je me sens obligée d’écrire ce billet inutile!

J’ai le temps de rien, c’est le lot de chacun, la vie va vite et j’ai plus le temps d’écrire.J’ai envie pourtant, j’ai plein d’idées de billets dans ma tête (attention spoiler), sur l’allaitement, sur le tiers-payant, sur Mr G., sur les annonces sur les déserts médicaux, sur tout ce que je fais mal, mais j’ai pas le temps et ça me démange. C’est vrai que depuis que je dors la nuit, je perds pas mal de temps, depuis que je rebosse aussi, je trouve que si on travaille et si on dort, il reste vraiment plus beaucoup de temps dans la vie quoi! Enfin, heureusement moi, j’ai un don pour quoi qu’il arrive me ménager des moments de détente même fugaces.

Voilà, voilà, du coup, pas le temps de faire trop le point sur ce mois pourtant bien rempli, entre la visite au ministère, les belles rencontres, même si certaines trop courtes, la reprise du travail, mon bébé qui grandit et …noël qui approche. Mon ambivalence à propos de noël est toujours la même que l’année dernière (d’ailleurs,mon billet est le même ce qui est un peu le signe que je n’ai en rien évolué)et malgré moi, malgré la nostalgie des noëls de mon enfance, malgré la peine, malgré le fait injuste que je trouve que cela rend les gens heureux encore plus heureux et les gens malheureux, seuls, encore plus malheureux , je pense qu’au fond de moi, la magie des noëls de mon enfance est toujours là et voir les yeux de ma fille s’illuminer, ça n’a pas de prix. (d’ailleurs,mon billet est le même ce qui est un peu le sigen que je n’ai en rien évolué)

Et comme l’année dernière, j’envoie à Opale toutes mes pensées….

 

La Reprise

7 h du mat! Ce bébé est adorable, elle a décalé ses heures de réveil pour coller à mon nouvel emploi du temps. A 2 mois, je considère qu’elle « fait ses nuits » comme on dit, un seul réveil la nuit et très court, moi je considère que c’est « faire ses nuits ». Mais entre la grande qui, ce qui n’arrive jamais m’a tenue éveillée une partie de la nuit, et le fait que stupidement je me suis couchée très tard car je voulais pas que mon congé maternité se termine et être au lendemain,et bien c’est dur ce matin.

De toute façon, tous les matins de ma vie sont durs, même me lever après une grasse mat, c’est dur…Alors, me lever à 7h du mat, après quelques petites heures de sommeil entrecoupées, après 4 mois de congés et avec un bébé à s’occuper en plus de moi-même et un peu de la grande (un peu car à part le choix des vêtements qui est toute une histoire, avouons le, le matin, c’est le papa qui gère), c’est dur!

La séparation chez la nourrice n’est pas trop difficile car le plus dur a été fait la semaine dernière (y compris la déprime) et que la nourrice est géniale et comme de la famille mais j’arrive quand-même au cabinet avec un quart d’heure de retard et en ayant oublié mes clés, je suis pas encore au point.

La journée commence, en fait elle a commencé il y a 2 heures et je suis déjà crevée. Vis ma vie de mère de famille…jsuis pas habituée.

J’ai du mal à m’y remettre mais jsuis contente de retrouver mes patients. Cela me fait vraiment plaisir en fait alors que je n’avais pas spécialement une grande envie de revenir.

Il y a beaucoup de mes patients préférés. Il y a même ma famille de patients préférée.

Certains ne savaient pas que je serai là, mais sont contents de me voir. Certains sont venus beaucoup de fois en mon absence. Certains n’ont pas été malades en 4 mois et sont malades quand je reviens: ils m’aiment tellement peut-être qu’ils tombent malades juste pour me voir, ou peut-être que je leur porte la poisse. Certains ont l’air déçu que mon remplaçant ne soit plus là.

Mon remplaçant a tout très bien géré et a été apprécié par tout le monde. En gros, le monde ne s’est pas écroulé en mon absence, personne n’est indispensable, je le savais et ça ne me gêne pas du tout, au contraire.

Il y a quand-même Mme G. qui vient pour une bonne bronchite sur terrain fragilisé qui attend depuis un mois que je rentre pour consulter. Oui, c’est gentil mais non fallait pas quoi!

Mme S. que je vois en visite tous les mois alors que finalement son état est stable mais qui ne veut pas espacer, à qui j’avais fait une ordonnance de traitement de 4 mois et qui n’a pas appelé en mon absence parce que tout allait bien et qu’elle n’avait pas envie de voir quelqu’un d’autre que moi.

Melle B. que je devais voir la veille de mon départ et qui avait annulé, qui avait un problème ancien que l’on venait de commencer à prendre en charge, est revenue le jour de mon retour pour reprendre où les choses en étaient restées il y a 4 mois.

Je revois Mr. B. avec qui je n’arrivais à rien et pour qui j’étais contente de passer la main, car j’espérais que mon remplaçant trouverait peut-être le moyen de faire avancer les choses…mais non, les choses sont malheureusement restées là aussi, où elles étaient il y a 4 mois…C’est bien pour mon égo mais j’aurais vraiment aimé que ce soit moi qui ne sache pas m’y prendre.

Donc, voilà, contente de retrouver mes patients, certains m’attendent avec des cadeaux, mes collègues aussi, ça fait plaisir. Je réponds aux mêmes questions toute la journée: « Elle s’appelle Endive » « Oui, ça s’est bien passé, comme un accouchement quoi, c’était pas non plus hyper marrant » « C’est une grosse mémère ». Je montre des photos à mes patients préférés, jfais un peu ma fière parce que tout le monde me dit qu’elle est belle (oui, ils vont pas dire le contraire mais ils pourraient se taire…et puis elle est vraiment belle).

J’essaye de rester professionnelle et de pas tout ramener à moi, mais c’est dur…surtout quand je vois des bébés de l’âge de ma fille, heureusement que je ne suis pas une vache laitière et que mes seins ne se mettent pas à couler en entendant les bébés pleurer. Je sors une couche de mon sac pour une patiente qui en a besoin. Je sors même mon tire-lait pour le montrer à une patiente qui veut que je lui en prescrive un. Oui, c’est un peu limite mais c’est elle qui a lancé le sujet et autant lui apporter les meilleures informations possibles.

Il y a beaucoup de monde.Il est 13h, j’en ai vu douze.C’est beaucoup pour moi, pour un matin sans rendez-vous. D’habitude, je finis plus tôt. Du coup, je file en courant voir ma fille. Pas trop le temps de discuter avec mon remplaçant (qui est encore là car cette semaine, il remplace ma collègue). Jpeux même pas lui faire son chèque car j’ai oublié mon chéquier. C’est peut-être un acte manqué car j’ai même pas sur mon compte la somme que je lui dois (oui je ne me plains pas mais au niveau finance le congé mater là c’est chaud!) mais je pense que c’est juste que je suis à la masse.

Je vais chez super nourrice (oui un avantage à travailler près de son domicile). Je retrouve avec joie mon bébé d’amour qui a très bien vécu sa matinée sans moi (et oui même avec ses enfants nul n’est indispensable) mais qui semble ravie de retrouver mon sein et qui se jette dessus avec tellement d’avidité, d’autant plus qu’il est anormalement plein, qu’elle me vomi tout dessus avec autant d’entrain.Vomir est un mot faible, parce que à ce stade, c’est même plus vomir, c’est une vraie douche, même ma culotte est trempée. Elle recommence une deuxième fois, j’ai la présence d’esprit de l’éviter et cette fois ci, elle vomi 1m50 plus loin, faut que je l’envoie à vidéo gag me dit la nourrice.

Bref, je me trouve devant un choix cornélien.Il me reste 20 minutes. J’ai soit, juste le temps de retourner chez moi me changer, sachant que je pourrais aussi récupérer mon chéquier, soit le temps de m’occuper de ma fille manger la succulente assiette que SuperMerveilleuseNourrice m’ a préparé. Le problème c’est que même si je rentre me changer, je ne sais pas quoi mettre parce que je suis énorme et que j’ai que trois pantalons qui me vont et qui ne sont pas des joggings et ils sont tous au sale parce que hier quelqu’un m’avait déjà vomi dessus. Et le problème, c’est que ma fille a besoin de moi
l’assiette qu’elle m’a préparé est particulièrement délicieuse et qu’elle me fait de l’oeil et que quand même j’allaite, faut que je mange (phrase à l’origine du fait que j’ai plus de pantalon à ma taille).

Je suis donc de retour au cabinet, repue, triste d’avoir laissé ma fille à nouveau et pleine de vomi. Ca ne se voit pas car j’ai un pantalon noir mais je suis encore humide et probablement malodorante. Je suis un peu fatiguée aussi.

Mais oui, c’est trop facile de travailler et d’avoir des enfants en même temps.

C’est reparti.

Ce qui est bien, c’est que je n’ai pas le temps de trop penser ni à ma fille, ni à ma fatigue, c’est le côté positif (avec son pendant négatif) de la nécessité d’abstraction de ce métier.

En plus, aujourd’hui, vraiment pas le temps de se poser. Je suis partie en été et là, et bien, c’est l’hiver!!Et tout le monde est malade. J’ai pas eu le temps de faire la transition moi. C’est violent toutes ces rhinos et ces gastros.

Il n’y a pas que ça heureusement, je fais un brillant diagnostic chez un patient qui présente une toux sèche d’effet secondaire de médicament (IEC). Bon,en fait,c’était hyper facile, c’est typique et en plus le patient a commencé la consultation par « Je tousse, est ce que ce ne serait pas à cause de ce médicament ». Mais bon, au moins une toux pour laquelle je peux faire quelque chose!

La journée est presque finie. J’ai presque trois quart d’heure de retard, ce qui me stresse, je déteste être en retard mais c’est à cause des gens, des rajouts, des j’ai RDV pour un mais l’autre est malade aussi etc.En plus, j’ai perdu l’endurance et quelques habitudes. Je confonds même des patients et leur dit pas mal de bêtises. Le secrétariat appelle une fois de plus (je leur crie ah non j’en peux plus de vos appels) pour me rajouter en dernier un bébé de 3 mois qui vomi. Je ne peux évidemment pas refuser un bébé de 3 mois (cela dit la mienne aussi elle vomi, est ce que je consulte, bon c sûr jsuis médecin et j’ai décidé qui plus est de me raisonner: non ce n’est pas une sténose du pylore, c’est un réflexe à l’éjection jsais pas quoi).

On papotte,on papotte et la journée est enfin terminée.J’ai vu 26 patients.Pour moi, c’est une énorme journée. J’arrive chez SuperNourrice qui a récupéré la grande à l’école (comment ferions-nous sinon??)  Les deux dorment. Il fait nuit, il fait froid, il faut trimbaler les sacs, le cosy, la grande veut que je la porte.

Je suis chez moi, il est 19h45. Il faut faire manger la grande, faire tout le rituel du coucher, tout en s’occupant du bébé. Il faut que je tire mon lait. Je suis là, debout, au milieu de ma maison en bordel (oui parce que depuis 3 jours, je déprime et je fous rien histoire de profiter de mon congé mater jusqu’au bout ce qui je m’en aperçois maintenant est peut-être une erreur) et j’ai un énorme, énorme coup de fatigue…voire même un moment de découragement!

Et je me pose la question: Mais comment font les femmes? Mais comment font les gens?

Parce que moi, j’ai de la chance et j’ai la vie facile!

-J’ai une super nourrice qui est comme de la famille et lui laisser mon bébé de 2 mois est un réconfort extrème.

-Je n’ai que 2 enfants et elles ont 5 ans d’intervalle.

-J’ai un travail que j’aime et qui m’a apporté plein de joie aujourd’hui

-Je n’ai pas un travail physique.

-Je n’ai pas de transport.

-Demain matin, je ne travaille pas, jeudi je ne travaillerai pas. Et oui, on peut penser que je suis fainéante et ne pas comprendre mon choix de ne travailler « que 30 heures » mais je ne crois pas que je tiendrais autrement. Peut-être que j’ai des capacités inférieures aux autres ou peut-être que s’il fallait le faire, je le ferai, mais à quel prix? En tout cas, puisque je peux le faire, là ce soir, je ne regrette pas mon choix…

-J’ai twitter qui m’a soutenu toute le journée, merci à tous. J’ai ce blog où je sais que je vais pouvoir m’épancher. Je ne sais pas d’ailleurs quand je vais avoir le temps de raconter cette journée (NDLR aujourd’hui 15j plus tard lors d’une matinée à 2 patients)

-J’ai un mari génial qui fait tout, s’occupe de la maison, des enfants, se lève la nuit, et qui justement ouvre la porte…Par chance, il rentre tôt (20h) aujourd’hui et pendant que je m’affale comme une merde, prend les choses en main.

Mais comment font les gens?