Comme par magie

Cela doit être bien de pouvoir raconter comment enfant on disait que l’on voulait être médecin, ou la classe suprême, que c’était ce que l’on voulait faire juste après dresseuse d’ours … La médecine est classiquement une vocation. Pas pour moi.

En tout cas si elle en est une, elle fut très tardive. Pas une seule fois en seize ans, être médecin ne m’est venu à l’esprit! J’ai pendant une très courte période voulu être dessinateuse, je ne sais pas pourquoi je n’ai jamais su dessiner. Ensuite, j ai voulu être maitresse ,classique mais tenace, puis prof de maths. J’ai adoré les maths, et ce fut un vrai deuil à la fin du lycée de me dire que je n’en ferai plus jamais, mais bon les maths c’est rigolo mais ça sert a rien … En terminale, j ai feuilleté consciencieusement les bouquins d’orientation, à la recherche de ce que je pourrais faire de ma vie. Pendant un temps, j’ai suivi la tendance qui consistait à dire quand on est bon élève que l’on allait peut-être faire une école d’ingénieur, mais aujourd’hui encore, je ne sais toujours pas ce que veut dire ingénieur! Ensuite j’ai eu ma période je veux faire de la recherche ( tout aussi flou mais tout aussi classe). A aucun moment je n’ai pensé à faire médecine. Je n’avais aucun médecin dans mon entourage, déjà plutôt un certaine mauvaise expérience des médecins, et en dehors de la série urgences dont j’étais la plus grande fan, pas de référence médicale à proprement parler. Et même en regardant urgences, je ne me suis jamais dit que c’est ce que je voulais faire, ça ne risquait pas, les urgences, ce n’est vraiment pas mon truc ! ( A la limite, j’aurai pu vouloir être Lucy et avoir Carter comme chef mais sa fin tragique m’en a dissuadé, j’en verse une larme rien que d’y penser et je sais que je ne suis pas la seule dans ce cas …). Je me souviens même d un week-end chez mon arrière grand mère en fin de première, où je lisais un livre intitulé docteurs. Mon père, qui s’échinait à trouver ce que je pourrais faire de ma vie et à me proposer régulièrement toutes sortes de métiers, voyant le livre me dit :et docteur , tu veux pas faire docteur ? Je me revois nettement lui dire :non c’est dommage ça serait une bonne idée mais ça m a jamais attirée…Non je ne veux pas faire docteur !

Quelques mois plus tard ,ce fut la prise de conscience, en un week-end, je suis passée de : je n ‘y ai jamais pensé à : je ne peux pas imaginer faire autre chose. A ce niveau là, on pourrait presque parler « d’appel ». Je ne pourrais pas dire comment et pourquoi c’est venu! Je me souviens juste de ce premier week-end de décembre 1998 en terminale que j’ai passé sur le grand lit de mon frère à faire trois choses: regarder les livres d’ orientation , regarder le téléthon et regarder urgences. Je ne sais pas pourquoi mais j’en suis ressortie en voulant être médecin. Je sais que je me suis rendue compte que pour faire de la recherche (ce que naïvement ou prétentieusement je croyais vouloir faire ) il fallait faire médecine. Je serais incapable de dire vraiment pourquoi. Je pourrais dire que c’est d’avoir vu les enfants malades et d’avoir voulu changer le monde, mais bon je les voyais tous les ans. Je pourrais dire que ayant toujours eu une mère malade, j’ai voulu d’une certaine façon la sauver, oui mais non. Je pourrais dire qu’après avoir vu tant de mauvais médecins, j’ai voulu faire en sorte qu’il y en ait au moins un de bien, ça c’est peut-être un peu vrai, encore aujourd’hui, je pense que très peu de médecins sont des bons médecins, très peu et c’est une profession que je ne porte pas dans mon coeur. J’ai vu tant de mauvais médecins, du côté médecins comme du côté patient. Je m’efforce tous les jours de ne pas l’être et toutes ces expériences négatives m’aident à faire cet effort quotidien, je ne sais pas si j’y arrive mais je m’y efforce.

Quoi qu’il en soit, je ne sais pas pourquoi, mais toujours est-il que je suis ressortie de ce week-end en voulant être médecin. Et depuis ce jour, je n’en ai pas démordu, j’ai été d’une motivation sans faille, je n’ai plus imaginé faire autre chose dans la vie. Avec du recul, aujourd’hui, je sais que si je n’avais pas réussi, j’aurais voulu être sage-femme. Mais à l’époque, je n’envisageais pas autre chose. Et j’ai mis tout en œuvre pour réussir et ne pas pouvoir avoir de regrets. J’ai énormément travaillé pour y arriver. J’ai eu la chance de réussir et de pouvoir faire ce que je voulais. Je suis consciente de cette chance. Et à aucun moment, je n’ai regretté une seconde ce choix venu du jour au lendemain…comme par magie.

Le noeud dans le ventre de C.

Les jours se suivent et se ressemblent.

Ce n’est pas la même C. , elle n’est pas dans le même collège , c’est dommage elles auraient pu être amies . Elle a 13 ans , est d’origine portugaise et elle a les mêmes yeux tristes.

C’est peut-être grâce à la C. d’ hier que j’ai pu mener cette consultation comme il faut.

Elle est venue pour mal de ventre, nausées, depuis cette semaine elle n’est pas bien, elle n’a pas été à l’école aujourd’hui car elle était trop fatiguée. Vu le nombre de gastro que j’ai vu aujourd’hui, il eût été facile, tentant voire légitime de diagnostiquer une virose et voilà, peut -être même de pousser l’erreur devant l’insistance maternelle jusqu’à aller jusqu’à un bilan sanguin si les symptômes persistaient.

Mais aujourd’hui, je ne sais ce qui m’a intrigué, quelque chose de non palpable dans sa façon de répondre « bien » à la question « comment s’est passée la rentrée? » Merci au mois de septembre et à sa traditionnelle question . Parce que finalement , ça ne va pas bien du tout au collège … impression de déjà vu , même discussion qu’hier en pire, elle est à priori la cible d’un groupe de filles , déjà l’année dernière ça a été très difficile. Sa mère a fait des pieds et des mains pour la mettre dans le privé, mais les listes d’attente sont telles qu’il fallait s’y prendre en novembre de l’année d’avant. Et depuis la rentrée, C. est déçue parce qu’elle se rend compte que ça recommence. Ce matin, C. était trop fatiguée pour aller à l’école et elle a un « noeud dans le ventre » qui l’empêche de manger.

C’était une consultation difficile, je me suis trouvée encore une fois désarmée, et un peu inutile mais quelque part une consultation un peu satisfaisante. Pour une fois j’ai osé, j’ai osé dire, il n’y a rien de médical, j’ai osé dire que le noeud dans le ventre, c’est que ça ne va pas à l’école. Quand on a connu ce noeud dans le ventre, on sait, on sait tout ce que l’angoisse peut faire, et la maman de C. elle aussi, elle a connu le noeud dans le ventre. Elle a un peu lutté contre l’idée et dit que oui c’est vrai mais que quand-même l’année dernière, ça n’allait pas mais elle continuait à manger mais au fond elle a bien compris et n’a pas réclamé la prise de sang. C. n’a pas démenti, ses larmes qui coulaient ont gentiment confirmé mon diagnostic.

Vous allez me dire qu’il n’y a rien de glorieux, que c’était évident, que encore heureux je ne lui ai pas prescrit de prise de sang , que je n’ai fait que mon travail, oui en fait c’est moi qui me dit ça, et c’est vrai, pour une fois j’ai fait mon travail et j’avoue que ce n’est pas toujours le cas car des fois quand-même c’est un travail difficile.

Combien de personnes consultent pour des problèmes somatiques alors que le problème est ailleurs?

Il y a ceux qui n’en ont pas conscience et le médecin non plus, comme ça tout le monde est content, on soigne la lombalgie ou les migraines et on ne va pas plus loin.

Il y a peut-être ceux qui savent au fond d’eux que ça ne va pas mais qui ne se permettraient jamais de le dire, ils consultent pour un bon problème somatique, essayent de tendre des perches  mais le médecin, moi peut-être, n’est pas réceptif, ne creuse pas ou ne se rend pas compte. J’aurais vraiment pu passer à côté pour C. même si elle, elle savait, pas tout à fait mais au fond elle savait.

Il y a ceux où on sent bien que le problème est ailleurs, qui multiplient les consultations, pour des problèmes toujours un peu difficiles, des vertiges, une fatigue, un mal de ventre, mais qui disent toujours que tout va bien. Personnellement, j’ai beaucoup de mal à savoir comment m’y prendre, au bout d’un moment, j’essaye quand-même: je leur dis « et le moral ça va? » (vous noterez la subtilité) et dès fois j’essaye encore plus, je dis que des fois quand le moral ne va pas c’est le corps qui parle (vous noterez la profondeur) et dès fois j’essaye vraiment fort  mais ça ne marche pas. Il doit y avoir peut-être une façon de faire que je ne connais pas , on a très peu été formé pour ça, il faut se débrouiller comme on peut. Et je pense que de toute façon quand on tend la perche, et que la personne n’est pas réceptive, c’est qu’elle n’est pas prête. Et c’est dur, en tout cas moi je trouve ça dur de dire, d’affirmer que le problème n’est pas là où les gens veulent qu’il soit .Alors dès fois, souvent, qu’on en ait conscience ou pas, on est mauvais. J’ai lu tout à l’heure un dossier où j’avais écrit « je pense que c’est le moral mais je prescris un bilan » …

Et dès fois le masque tombe, ces personnes que l’on a vu pour de multiples motifs de consultations mais qui disent toujours qu’elles vont bien, un jour elle dise ça va pas. Et là ça fait un drôle d’effet …J’aime à penser que peut-être, je dis bien peut-être c’est parce que une ou deux fois je leur ai lancé une de mes phrases profondes et subtiles, peut-être étaient-elles simplement prêtes. Ces cas là nous rappellent que l’être humain est beaucoup plus complexe qu’il n’y parait et que mêmes les patients qui semblent aller très bien ou ceux qui ont des conduites étranges portent en fait de lourds fardeaux …

Il y  a trois jours , Melle D. 30 ans est arrivée en pleurant dans mon cabinet, elle a complètement changer de visage. Elle et sa famille, une famille haute en couleur,un vrai roman, sont suivies depuis toujours dans le cabinet. Elle a toujours l’air joyeux , je la vois souvent pour son fils qu’elle élève seule ou pour elle qui a quelques problèmes de santé et surtout qui est enceinte presqu’une fois par an. Combien de fois j’ai pesté contre elle, à chaque nouvel IVG ou chaque mois quand elle ne vient pas au RDV pour poser son stérilet. Je ne comprends pas une telle insouciance, en plus elle a un côté sympathique qui fait qu’on ne peut pas la détester, ce qui serait plus simple. Les dernières fois que je l’ai vu, je sentais bien que ça n’allait, et entre les dosages de fer, de thyroide (oui je fais trop de bilans pour rien enfin elle, elle a quand-même une hyperthyroidie de Basedow) et le traditionnel mensuel test de grossesse (négatif ouf), je lui ai lancé quelques perches. Et un matin à 9 heures, elle arrive en pleurs en disant « Là ça va pas du tout, il faut que je fasse un bilan » Je trouve cette phrase très intéressante, c’était sa dernière défense …Et après, elle m’a tout raconté: sa vie, l’angoisse et le noeud dans le ventre le matin au réveil. Ce n’était pas la même personne. Cela laisse à réflechir sur les gens qui nous entourent et qui souffrent en silence. Ce matin, elle est revenue. En la voyant, je me suis dit, elle fait comme je lui ai dit, elle revient me parler, parce que je suis un bon docteur et qu’elle s’est sentie à l’aise, oui mais non, elle revenait pour une rhinopharyngite (et un retard de règles …), elle n’a pas pris mes médicaments, et elle m’a dit qu’elle allait beaucoup mieux. Je pense que ses défenses sont revenues, qu’elle ne peut pas se permettre de se laisser aller tout le temps. Je pense aussi que vider son sac lui a fait du bien et qu’elle sait qu’elle peut revenir me parler et que pour l’instant ça lui suffit . Et à chaque fois, je lui lancerai subtilement un  » Et le moral? »

Cela nous amène à la dernière catégorie de personnes, celle pour qui on a établi que ça n’allait pas bien, pour qui on a osé dire que c’était le moral le problème. Et après? Parce que ça non plus, on ne nous a pas appris. Oui il faut détecter le risque suicidaire, certes mais une fois qu’on a demandé (plus ou moins subtilement) à la personne si elle avait envie de mourir et que non heureusement, qu’on a éliminé ou pas un véritable syndrôme dépressif, quand on a passé l’étape du diagnostic et qu’il n’y a rien de pathologique mais seulement une souffrance façe aux problèmes de la vie, souffrance souvent bien légitime, parce que quand-même la vie elle n’est pas facile pour tout le monde, mais pour certains elle est vraiment très dure , qu’est ce qu’on dit? On se débrouille, on dit ce qu’on croit être sage, on se sert de sa propre expérience (ce qui est hyperpratique à 30 ans) sans non plus tomber de l’écueil de parler de soi, on écoute , on fait pour le mieux. Mais quand-même cette partie majeure de notre travail, c’est du « free style » et j’espère que je ne m’en sors pas trop mal.

En tout cas, comme souvent, pour C., je me suis sentie vraiment désarmée.Je pense que cette consultation leur a fait du bien quand-même du certaine façon mais quand elles sont parties je leur ai dit un truc du genre « Désolée, si ça avait été une gastro, j’aurai pu te soigner plus facilement ». Ca l’a fait sourire, c’est déjà ça mais c’est vrai, une gastro ça aurait été quand-même plus facile …

Les yeux tristes de C.

Elle a 13 ans, elle est d’origine algérienne, elle est mignonne comme tout , je suis toute sa famille depuis leur emménagement il y a 6 mois dans le quartier. Ils viennent de l’autre bout du département, sont un peu perdus depuis qu’ils sont ici.

Je l’ai vu avant les vacances en avril , j’ai mis ses vaccins à jour, et je la revois aujourd’hui pour un certificat de sport. Elle a l’air fatigué et triste. C’est le collège me dit-elle d’un air lasse. Alors que le quartier où ils habitent et où je travaille est tout a fait correct,son collège de secteur est en effet au milieu du quartier le plus difficile, celui qui fait la une des journaux de temps en temps …

Elle est en quatrième, elle est sérieuse et bonne élève, son ancien collège était correct semble-t-il. Elle me dit d’un air vraiment désemparé « Il faut déjà vingt minutes pour qu’ils s’assoient, ensuite vingt minutes pour qu’ils se taisent , il reste dix minutes pour travailler … » Il y a déjà eu une bagarre entre deux élèves de sa classe dès la première semaine,les élèves se bousculent un peu entre eux, cependant il n’y a pas de climat de peur ou de violence, elle voudrait juste pouvoir écouter et apprendre en paix. Envie légitime …et mature . En plus, elle est nouvelle, tout le monde se connait, c’est déjà une difficulté en soi, elle a quand-même réussi à se faire une copine mais son air triste me touche .

En cinq mois, elle a pris neuf kilos, c’était l’été, elle a fait le ramadan, elle grignote beaucoup, et ce n’est pas la seule dans sa famille. Elle est en surpoids important. C’est peut-être le fait d’un mal-être mais c’est plus que ça, toute la journée, j’ai vu des enfants en surpoids. Milieux défavorisés, sédentarité, identité culturelle, c’est un vaste sujet, mais en ce moment avec les certificats pas forcément si à la cons que ça , je suis submergée par les enfants en surpoids et mon incompétence à faire façe au problème. J’essaye vraiment, mais je suis découragée devant l’ampleur de la tâche…

On discute un peu. Que lui dire ? En tant que médecin, je me dois d’être vigilante, j’ai repéré qu’elle n’était pas bien et je la suivrai de près.

Mais en tant que citoyen, en tant que maman, que lui dire ? Je ne sais pas trop quoi en penser. Je sais que je vis dans un monde de bisounours, mais j’aime mon département , je le défends même, je viens d’acheter une maison dans cette ville que beaucoup fuient, j’ai inscris ma fille à l’école publique qui bien que taguée et manquant cruellement de moyen est je trouve de grande qualité. J’ai en grande partie emmenagé dans ce quartier pour me rapprocher de la nourrice de ma fille. Elle et sa famille sont devenus pour nous une seconde famille. Elle est marocaine, j’ai découvert une culture et des gens formidables. C’est pour nous et pour ma fille une grande chance de les avoir dans notre vie et de manière plus générale la mixité culturelle est je pense un grand enrichissement. Je pense que c’est bien pour nous.

Mais également, je me demande : si tous ceux qui le peuvent fuient la Seine-Saint-Denis, et les endroits difficiles en général, s’il n’y a plus de mixité sociale mais seulement des ghettos pour les plus défavorisés, si tout le monde met ses enfants dans le privé, quel est l’avenir ? Si moi, médecin je ne mets pas ma fille dans le public et si je ne m’investis pas dans la vie de son école, qui va le faire? Quel est l’avenir de l’école publique ? Si moi, je ne m’installe pas en tant que médecin en Seine-Saint-Denis, qui va le faire ? C’est vrai qu’il y a une partie de moi qui ressent un certain devoir envers mon département.

Face à tout ce qu’on entend aux informations, face à tous les faits divers, face aux préjugés, face aux véritables difficultés ;parce que tout ça est vrai, je ne le nie pas , je ne pousserai pas la mauvaise foi jusqu’à dire que la vie y est douce et que ce qu’on entend est faux; je voudrais apporter le témoignage de tout ce qui est beau, que la majorité des gens sont adorables et d’une extrême générosité, souvent plus qu’ailleurs, que la diversité socio-culturelle c’est parfois magnifique, que cela offre une ouverture sur le monde et sur les choses. Je voudrais parler de tous ceux qui se donnent à fond pour que ça marche, des éducateurs, des instituteurs, des associations, du dynamisme de certaines municipalités, des programmes culturels, de certains médecins ou infirmières et autres travailleurs sociaux qui y croient encore. En tant que médecin, j’y reviendrai plus longuement mais je voudrais dire à quel point j’aime travailler ici …

Contrairement aux apparences, je ne suis pas complètement naive.

Tout d’abord, je dois bien reconnaitre que je n’ai jamais habité dans une cité, j’ai eu une jeunesse relativement préservée, j’ai eu la chance de faire des études et je fais maintenant partie d’une catégorie dite aisée. Je n’ai pas eu à faire façe à des problèmes qui ne sont pas propres à la Seine-Saint-Denis mais aux quartiers défavorisés quelque soit le département et je n’ai peut-être pas la légitimité d’un tel discours. Mais c’est justement ça que je veux dire, la Seine-Saint-Denis n’est pas homogène.

Je garde malgré tout mon esprit critique. J’ ai été victime de vols plusieurs fois, encore très récemment je me suis fait voler mon ordinateur portable mais cela aurait pu arriver partout, par un mauvais concours de cironstances, il était resté sur la plage arrière de ma voiture toute la journée sur un parking mal famé, faut pas chercher non plus. J’ ai eu il y a quelques années un mini stress post traumatique après une mini agression. Ca m’embête bien quand-même que les jeux derrière chez moi aient été brûlés pour la troisième fois, que l’école de ma fille soit taguée. Je ne suis pas rassurée quand je rentre tard le soir dans le parking sombre de la gare ou quand je vais en visite dans certaines cités bien que récemment les dealers qui fouillent à l’entrée ont été remplacé par les policiers.

Surtout, je ne suis pas naive sur le fait que mon discours finira probablement par changer. Quel sera mon discours si je me fais cambrioler, agressée, insultée plusieurs fois , si je suis fatiguée de voir la misère autour de moi, si je suis fatiguée des incivilités, de la peur ? Surtout quel sera mon discours quand mes enfants seront grands et souffriront de ça.

Comment est-ce que je réagirai quand je reconnaitrai dans les yeux de ma fille la tristesse que j’ai vu dans ceux de C.?

Je n’ai pas la prétention de dire que je ne ferai pas comme les autres et que je ne mettrai pas mes enfants dans le privé, que je ne dévisserai pas ma plaque , que je n’irai pas vivre où la vie est plus facile …

Je peux juste espérer que cela n’arrivera pas ..

Pour C. , je ne sais pas quoi dire…elle est le reflet des problèmes qui existent, que je ne nie pas, face auxquels je suis désarmée…Je voudrais juste dire qu’ils ne définissent pas à eux seuls la Seine-Saint-Denis, que C. vous le verriez si vous la connaissiez est également le reflet de tout ce que ce département a de beau …

La sortie …

Pour ceux qui se poseraient la question,Highlander s’est tant bien que mal rétablie de tous ses maux et est finalement rentrée à la maison. Mais ça a dû les embêter de ne pas être parvenus à leurs fins car pour sa sortie ils se sont dit on va lui faire une dernière blague, on va faire tout à l’envers!

D’abord, il faut comprendre que cette sortie était prévue depuis une semaine: le jour, l’organisation etc…( organisation du côté d’Highlander, pas de l’hôpital bien sûr, eux ils n’organisent rien, on a eu le droit à elle sort tel jour sans se préoccuper du contexte)

Le jour J, j’arrive à 13 heures, bien avant l’ambulance, qui finalement n’a pas été appelée, rien n’est prêt pour la sortie, car on ne savait pas si une infirmière était prévue à domicile!! C’est vrai que nous ne l’avions dit que cinq fois, que la sortie n’était prévue que depuis une semaine et que de longues discussions n’avaient pas eu lieu à ce sujet … Donc dans le doute, il était logique de mettre tout en stand-by et de partir déjeuner, l’idée de me téléphoner pour me poser la question ne leur est pas venue à l’esprit, c’est logique.

Le temps de trouver un médecin au bout d’un téléphone pour qu’il donne son accord et de trouver quelqu’un qui se décide à appeler une ambulance, il s’est passé beaucoup de temps.. Puis de faire les papiers de sortie, attendre le compte rendu qui finalement n’ a pas été signé donc c’était pas la peine de l’attendre, ben il était déjà 17h…

Pendant ce temps, j’ai suggéré délicatement aux infirmières que peut-être avant que l’ambulance n’arrive, il serait judicieux de lui retirer sa sonde urinaire… J’ai eu le droit de la part des infirmiers à : » Ah elle a une sonde urinaire ? »  » Ah ben non, si on lui retire maintenant , elle ne peut pas sortir, il faut surveiller, il fallait lui retirer avant … »  Ben oui, je suis tout à fait d’accord justement mais bon …

Finalement , celle ci fut retirée une fois que les ambulanciers sont arrivés, ce qui leur a laisser le temps cela dit de retourner à l’autre bout de l’hôpital chercher dans leur ambulance une bouteille d’oxygène, puisque bien sûr, comme à chaque fois, on avait omis de leur dire qu’il fallait qu’ils l’emmènent…Ensuite ils ont été très patients le temps que tous les soins soient faits …Le médecin en me voyant attendre dans le couloir, s’est rappelé sa promesse faite plusieurs jours auparavant de mettre en place une hospitalisation à domicile, je ne l’avais cela dit pas attendu mais il se trouve que Highlander n’est pas assez malade, ce qui n’est pas vrai , donc il voulait insister (ce qui est la moindre des choses et aurait dû être fait il y a une semaine).Et il se décide donc à appeler au moment où les ambulanciers partaient … Du coup, j’ai fini par partir aussi, mais il a re re re noté mon numéro de téléphone, je suis sûr qu’il va m’appeler …

En tout cas, cette fois ci il ne manquait pas trop de médicaments sur l’ordonnance, il n’y avait que quatre erreurs, et il était même notifié « y compris week-end et jours fériés » sur l’ordonnance de l’infirmière, ce qui est assez exceptionnel pour mériter d’être souligné (mais bon depuis que les ordonnances sont toutes faites et informatisées, ça marche mieux !) .Et sur l’ordonnance , il y avait même noté : oxygène: maximum 4 litres : Bravo, ils ont enfin compris et veulent en faire profiter le pharmacien ( enfin, c’est plutôt 3 litres mais l’idée est là ).

Encore une fois, je ne veux pas avoir l’air trop critique, cela ne paraît peut-être pas , mais tous ces petits détails sont épuisants …et encore je laisse courir maintenant parce que je sais que je gère derrière mais pour les autres , ceux qui n’ont personne pour gérer derrière …( ben cela donne une insuffisance surrénale si l’interne oublie l’hydrocortisone …)

Et croyez le ou pas, mais quand highlander est rentrée chez elle, son chauffe-eau avait lui passer l’arme à gauche et sa salle de bain était innondée ….

PS: Pour rendre à César ce qui lui revient, je me dois de préciser que je viens d’avoir un message du médecin et un autre de l’hospitalisation à domicile, pour dire que ce n’était pas possible, mais quand-même …je fus mauvaise langue…je suis vraiment très mauvaise langue moi …

La solitude du parking d’hôpital!

Quand on est sorti de l’hôpital, on croit que c’est fini! Non il reste le parking.

Ceci est juste à message à caractère informatif, car hier soir j’ai appris quelque chose.

Je sors de l’hôpital où j’aime bien me promener quand je n’ai rien à faire, et devant moi une pauvre petite dame lutte avec ses béquilles,  une jambe dans le plâtre en se dirigeant vers sa voiture qui se trouve être à côté de la mienne…

Comme moi, je suis un peu bête mais que c’est plus fort que moi, je lui demande si elle a l’intention de conduire, car je suis vraiment très bête mais je croyais qu’on pouvait pas conduire avec un plâtre. En même temps je me suis jamais cassé la jambe et puis jsuis pas médecin , ah ben si mince mais je sais pas, ce n’était pas dans les mots clés de l’item fracture de jambe me semble-t-il . Je ne suis que généraliste, je n’ai peut-être pas bossé assez l’internat, je me souviens de anticoagulation adaptée , antalgiques, réeducation progressive etc mais je ne me rappelle pas de quelque chose du genre arrêt de la conduite automobile pendant 6 semaines ou au contraire reprise de la conduite automobile 10 minutes après le platrâge. Elle vient de se faire plâtrer aux urgences pour une fracture du péroné. D’après elle, il l’ont laissé partir sans lui demander comment elle faisait pour rentrer. Peut-être lui ont-ils proposer d’appeler un taxi, va savoir, ou peut-être encore une fois on peut conduire avec un plâtre et que c’est moi qui ne sais pas.

On a qu’a essayer alors, on va voir : ça a pas l’air très commode quand-même ( c’est le pied droit en plus ) et puis ça doit faire mal une jambe cassée ( encore une fois je ne sais pas, ça ne m’est jamais arrivé mais j’imagine).

Personne ne peut venir vous chercher, que je lui demande pleine d’espoir, ben non, voisine qui garde les enfants, voisin qui n’ a pas de voiture, bla bla bla etc …Il faut préciser qu’on est dimanche soir 20h, que le parking est désert .

Je commence à sentir le bon samaritain en moi qui me fait des signes :  « Vous habitez-où? » Je pourrais éventuellement faire un petit détour si elle habite le quartier d’à côté, je peux quand-même pas la laisser là avec son pied dans le plâtre! Ben non pas de chance , elle habite à près d’une demi-heure d’ici … Après quelques tergiversations et malgré la voix en moi qui me dit  « le dit pas, le dit pas », ben si je l’ai dit : « Je vais vous ramener.. » Mais finalement , elle ne voulait pas laisser sa voiture , voiture de fonction , bla bla bla , et moi qui ne suis pas si gentille que ça, j’ai refusé l’idée de conduire sa voiture jusqu’à chez elle, puis que son voisin me ramène  jusqu’à ma voiture etc etc ,je lui ai dit soit je la ramène et pour sa voiture elle se débrouille, soit elle se débrouille !

Ben elle s’est débrouillée et très bien puisque et c’est le but de ce message à caractère informatif : on peut conduire avec un plâtre !

Je voulais faire profiter de cette information ceux qui comme moi étaient dans l’ignorance et se coucheront moins bêtes ce soir .

PS : rien à voir mais c’est ma fête aujourd’hui et c’est une de mes petites bizarreries mais j’adore qu’on me souhaite ma fête!

PSS: Mince , l’anonymat …

PSSS: Un très joyeux anniversaire à Dr Who qui a eu la géniale idée (j’ai déjà dit qu’il était génial non?)  de naitre le jour de ma fête. Pleins de bisous à lui !

Un mois

Cela fait un mois que ce blog est né!

L’occasion d’écrire un post qui ne sert à rien …

L’occasion de m’auto-congratuler. Il faut l’avouer, je suis un petit peu fière. Certains commentaires ou compliments que ce soit de la part de certains proches dont l’avis m’est précieux ou de parfaits inconnus m’ont touché. Je n’ai aucune idée de ce que ça représente mais à mon échelle savoir que 9000 fois, quelqu’un a fait la démarche de venir lire ce que j’écris et que plus de 13 000 pages ont été lues, ça m’étourdit un peu .

L’occasion de m’énerver encore plus intérieurement contre ceux qui parmi mes proches n’ont pas fait cette démarche!!

L’occasion de remercier ceux qui sont venus me lire, et surtout ceux qui m’ont retweeter, mis en lien dans leurs blogs, soutenu …Merci de l’accueil qui m’a été fait dans la blogosphère médicale…

L’occasion de mettre enfin, il était temps, les liens vers les blogs de mes confrères en espérant que je n’en ai pas oublié trop! Il y a une telle diversité et richesse que l’on pourrait y passer des heures et des heures ( eh ben mince, c’est ce qu’on fait d’ailleurs) mais ce ne sont pas des heures perdues, loin de là ! Mais gare à moi, maintenant mes lecteurs vont cliquer et s’envoler vers d’autres horizons …

L’occasion de me dire merde! J’ai épuisé presque toutes mes réserves écrites avant la création de ce blog. J’ai, face à la nouveauté,  publier assez souvent. Il faut maintenant que je continue sur ma lancée …mais je ne sais pas si il me reste des choses intéressantes à dire …et puis c’est bientôt l’ouverture de la saison des séries … ai-je le droit de changer le sujet de ce blog en Journal de bord d’une série addict ?

L’occasion de m’interroger sur le pourquoi? Sans me psychanalyser en direct, j’ai bien conscience qu’il y a quelque chose de l’ordre du pas tout à fait normal dans la démarche. Mais bon, en avoir conscience,c’est déjà bien. Et cela est peut-être plus productif que d’autres choses que je pourrais faire pour contrer ma douce folie.

L’occasion de souhaiter un très bon anniversaire à une personne formidable que j’aime de tout mon coeur, dont l’amitié et le soutien quotidien me sont un cadeau inestimable. Je ne sais pas comment lui exprimer mon éternelle reconnaissance et mon bonheur de l’avoir dans ma vie.

L’occasion de me taire….trop tard.

PS : A peine l’article publié, des dizaines de personnes se connectent et je reçois des messages adorables sut tweeter.Je trouve ça fou et je vous en remercie !

 

Deux mains gauches

Une discussion aujourd’hui sur twitter m’a donné l’idée de parler de mes deux mains gauches. Il est toujours agréable de se rendre compte que l’on n’est pas la seule dans ce cas. Mais quand-même, moi c’est cogné.

Je n’ai jamais été vraiment douée de mes mains. Je n’ai jamais su découper correctement, je ne sais toujours pas tenir ma fourchette comme il faut, je ne sais même pas étendre le linge ( bon peut-être que pour ça, je n’ai pas fait d’immenses efforts ). En CP, je n’arrivais pas à mettre un élastique autour de dix allumettes pour faire une dizaine. Et sans mon amie de toujours, qui m’aidait en cachette, je n’aurai peut-être pas fait les études que j’ai faites. ( Oui M. je sais que je radote à raconter toujours la même histoire mais encore une fois merci!)

Si bien qu’il aurait été fou de me mettre un scalpel dans les mains… et pourtant on m’en a mis, et la dernière fois que c’est arrivé je n’ai pas trouvé de meilleure idée que de me le planter dans la main, mais je vais y revenir.

La première fois que j’ai tenu un scalpel, c’était en deuxième année, pour disséquer un corps humain, âmes sensibles s’abstenir. Je ne raconterai pas les détails, tout ce que je dirai, c’est de ne pas, de ne surtout pas léguer votre corps à la science!

Ensuite vint le temps des sutures. J’aimais bien les sutures mais j’en avais peur quand-même, surtout j’étais gêné pour la perte de chance pour ceux à qui je faisais une jolie cicatrice. Je me souviens de la première fois où j’ai dû suturer toute seule! Un homme de 50 ans, bien propre sur lui et visiblement attaché à son physique et à son visage , j’étais externe à l’Hotel-Dieu, plaie de la joue…Inquiet, il me demande si j’ai l’habitude de faire ça. Je lui réponds: « Non c’est la première fois… Mais non je plaisante je fais ça tous les jours, bien sûr » A chaque nouvelle première fois, je me devais au moins de faire semblant d’avoir l’air sûre de moi par égard pour le patient. De ce patient, j’ai la vision de lui partant avec une énorme pansement fait-maison sur la joue. Je fais toujours les mêmes pansements aujourd’hui.. De ce temps (révolu) des sutures, j’ai plusieurs images qui me reviennent: les batailles avec les gants stériles, l’incroyable casse-tête de rester stérile et de ne rien toucher quand on est toute seule et qu’il faut attraper des choses, les champs qui ne tiennent pas, des plaies qui n’avaient même pas la bonne idée d’être bien droites, bien propres et bien placées, de ma grande difficulté . Je me souviens d’une de mes premières sutures: je passe l’aiguille, le fil passe, je ressors l’aiguille, je ressors le fil avant d’avoir fait le noeud, mince un coup pour rien …bon c’est pas grave je recommence, je fais un point , un deuxième, le patient me dit: ça fait trois là .. euh non ça fait deux … ben non j’ai senti trois points me dit-il … ben euh..c’est à dire que …  Maintenant je ne suture plus, mes remplacés n’ayant plus de kit de sutures depuis longtemps,j’ai perdu l’habitude,ça me manque des fois mais  je m’en passe volontiers, j’ai déjà parfois énormément de mal quand je dois enlever des fils …

Puis vint le stage en chirurgie…Trois fois, je suis tombée dans les pommes, j’étais pas impressionnée pourtant, c’était malaise vagal sur malaise vagal malgré moi. J’étais tout le temps stressée et concentrée à essayer de faire ce qu’il fallait. J’ai mal dormi pendant une semaine parce qu’un jour en tenant les trucs ( je ne trouve pas de mot plus adapté ) de la coelioscopie, j’en ai levé un un peu trop haut et j’ai touché la lampe ( là, le mot je le connais, c’est scialytique mais je ne voulais pas frimer). Je n’ai pas osé le dire et j’ai eu très peur jusqu’à sa sortie que le patient fasse une grave infection. Oui je sais, c’est très grave… Le pire, c’est qu’en plus, j’aimais bien la chirugie. Je n’aurais jamais été capable d’être  chirurgien: pas assez habile et très loin de là, incapable de rester debout plusieurs heures , trop humaine ( han c’est pas bien de dire ça mais je le dis quand même…) mais malgré tout j’aimais bien. Je garde un souvenir ému de la seule opération que j’ai faite presque toute seule …avec Camille, le beau et sexy interne de chir …C’était une opération très compliquée, c’est pour ça qu’on m’a laissé la faire, l’ablation d’un port-à-cath, les petits boitiers qu’on met dans la poitrine pour injecter les produits de chimiothérapie: tu ouvres, tu tires, tu refermes. Je l’ai faite toute seule, c’est le cas de le dire, je mettais tellement de temps à suturer (points surjets s’il vous plait) que les infirmières sont sorties en me disant de les appeler quand j’aurai fini…me laissant seule avec la patiente qui malheureusement était sous anesthésie locale : »C’est normal que ça dure aussi longtemps? » me dit-elle …

Tout le long de mes études, bien que d’un côté je trouvais ça enthousiasmant, j’ai eu tendance à éviter les gestes « techniques ». J’ai encore la sensation affreuse de l’aiguille cherchant l’artère de Mr L. lors de mes premiers gazs du sang. J’en ai fait très peu d’ailleurs, ainsi que de ponction lombaire (PL) ou autre ponctions . Le lendemain de ma première PL, le patient est mort, mais aucun lien de cause à effet heureusement. Surtout, je ne voulais pas imposer mon manque d’expérience aux patients. Il y avait toujours un autre plus motivé ou plus doué que moi. Et puis après,je savais que cela ne me serait pas utlie de savoir faire certaines choses pour être généraliste. Quand j’essayais quand -même, parfois j’y étais obligée, dès que je voyais que je n’y arrivais pas ( maudites PL où je butais toujours contre la vertèbre) je n’insistais pas longtemps car je pensais au pauvre patient et je passais la main très rapidement …Bref, comme Jaddo, je n’ai jamais appris …

Quand j’étais interne et que je trimais comme une esclave aux urgences gynéco où l’organisation était en tous points catastrophique, il n’y avait qu’une infirmière pour le bloc et pour bilanter les femmes des urgences. Parfois, mes patientes devaient attendre plusieurs heures pour une simple prise de sang, alors j’ai eu l’idée folle de vouloir faire les prises de sang moi-même.J’ai dû en réussir quelques une je pense mais ce fut très laborieux, je me souviens d’une patiente qui m’a dit « Non, tant pis, laissez-tomber, je préfère attendre. »

Je continue encore aujourd’hui à me battre pour aspirer avec mon aiguille les vaccins à reconstituer. Si quelqu’un peut m’avouer que je ne suis pas la seule à vivre des moments de solitude à me battre pour aspirer toutes les gouttes, ça me fera chaud au coeur. J’ai quand-même fait des progrès depuis mes premiers vaccins: il faut quand-même comprendre que même si c’est pas compliqué, personne ne nous a jamais appris à faire des vaccins, cela devait paraitre trop simple et bien moins utile dans la vie que de savoir faire une biopsie des glandes salivaires. Lors de mon stage en cabinet, je me suis retrouvée toute seule à faire un vaccin ROR à un pauvre petit enfant de 2 ans , et à tellement lutter pour attraper le produit que j’en ai tordu l’aiguille et que ( je ne sais pas pourquoi ni comment mais il ne devait pas y en avoir d’autre) j’ai planté une aiguille tordue dans le bras du petit garçon … honte sur moi …

C’est pas ma faute, j’ai deux mains gauches …

Des fois, j’oublie, je veux y croire quand-même, je veux être un médecin qui met des implants contraceptifs et qui les enlève aussi.J’en ai posé et enlevé quand j’étais interne mais j’étais assistée de deux infirmières, il y avait les autres internes, on s’y mettait à plusieurs. Arrivée au cabinet, je ne l’ai pas cherché mais quand l’occasion s’est présentée, je me suis dit  » tu peux le faire » .J’ai mis un implant à une jeune fille si profond que quand un médecin voudra lui enlever, je l’entendrai me maudire de là où je suis, ou peut-être même que c’est après cette jeune fille qu’ils ont décidé de le rendre radio-opaque.

Récemment, une de mes patientes, la première je crois en plus à avoir signé le papier médecin traitant désire enlever son implant, je lui dis OK je vais le faire .Cela m’avait l’air facile, on le sentait très bien, il dépassait, je n’avais qu’à faire une petite incision et tirer…Mais oui bien sûr!! Docfanny je pense à toi, tu as du vivre les mêmes moments que moi , ce petit bout de plastique qui te nargue, s’éloigne quand tu crois l’attraper, quand tu tires fort dessus mais que en fait c’est un bout de graisse sur lequel tu as tiré ,  la patiente qui te dit d’arrêter mais tu veux essayer encore parce qu’il est juste là. Pour le coup, je pense que ce n’est pas juste nous, même ceux qui sont plus doués galèrent avec ce p. d’implanon…

Par chance, ma collègue est venue m’aider mais c’était affreux, je l’ai dérangé entre deux consult, elle n’y arrivait pas non plus ( elle a fini par y arriver heureusement) , la patiente criait, je n’osais pas dire à ma collègue de faire gaffe quand-même, que la patiente était séropositive, je ne trouvais pas ça très courtois vis-à-vis de la patiente , et comme j’étais plantée là à regarder, un peu tremblante, le scalpel à la main , je n’ai pas trouvé de meilleure idée que de me piquer le doigt avec le scalpel plein de sang …ne me demandez pas comment, je n’ai pas compris ….

Triple fail !

La morale de l’histoire c’est que quand on a deux mains gauches, on assume. Plus jamais ( ne jamais dire jamais mais quand-même ) je ne touche à un implant .

Pour ceux qui seraient effrayés par la chute de cette histoire, je vais très bien. Cette histoire m’a apporté beaucoup, être sous trithérapie pendant un mois, sentir le regard différent du pharmacien quand on va chercher son traitement , subir les effets secondaires terribles pendant un mois en comptant les jours mais surtout en pensant que pour certains c’est toute la vie, prendre du zophren pour tenir debout ,découvrir que le zophren est permis au premier trimestre de la grossesse et envisager une prochaine grossesse avec moins de peur, tout ça en valait peut-être la peine ! Allez la prochaine fois je me casse une jambe pour voir ce que ça fait!

 

Un peu différente

J’ai toujours été un peu différente à la fac, venant d’un milieu populaire au milieu d’une promotion des quartiers favorisés de la capitale .Originaire de Seine-Saint-Denis , j’ai néanmoins fait mes études à la faculté Broussais-Hôtel-Dieu à Paris. C’était direct en RER , géographiquement plus accessible que la faculté Bobigny, et même si celle-ci est une très bonne fac , nettement plus agréable je pense : Paris ,quartier Saint-Michel ,  rue de l’école de médecine .Je n’ai jamais regretté mon choix . J’ai eu parfois quelques difficultés à cotoyer les milieux un peu bourgeois , mais d’abord ce n’était pas une généralité, j’avais même une copine qui était boursière comme moi ( enfin moins que moi, moi j’avais une bourse totale, le must ) , et puis cela m’a appris l’ouverture d’esprit , je me suis fait de vraies amies malgré tout.

Le choc culturel était évident , beaucoup avaient un studio ou vivaient au coeur de Paris tous avaient des cours privés très onéreux mais néanmoins indispensables dans le système délirant de la première année de médecine ( j’ai eu quant à moi la chance de connaitre quelqu’un qui travaillait dans un de ces cours privés , ce qui m’a valu de bonnes réductions et surtout la rencontre avec mes meilleures amies ), personne n’avait de job en parallèle, même l’été comme moi ,et je dois l’avouer , au niveau culture générale, j’étais souvent un peu dépassée .

J’ai plutôt bien vécue cette différence , j’ai toujours été à l’aise avec mon origine sociale. J’ai reçu une bonne éducation et de très bonnes bases pour débuter dans la vie et si celle-ci a fait que j’ai connu tôt, de vrais problèmes et de vrais responsabilités, cela m’a rendue plus forte et plus déterminée . En outre,si je n’ai pas de médecins dans ma famille ou dans mon entourage proche qui m’aurait influencé , j’ai en revanche été amenée à être de l’autre côté de la barrière, ce qui a été je pense un enrichissement au total.

Tout cela a fait que j’étais déjà différente , mais cela s’est encore accentuée lorsque j’ai choisi , je dis bien choisi, de faire de la médecine générale .

En effet, quand tout le monde bosse à fond le concours de l’internat pour avoir la meilleure spécialité ( sous entendu la plus dure à avoir ,c’est donc la meilleure et c’est celle là qu’il faut donc faire , même si on ne sait pas en quoi ça consiste), moi j’avais pris ma décision : je voulais être généraliste. J’ai hésité un peu jusqu’au dernier moment avec la spécialité de gynécologie-obstétrique qui m’attirait , mais je sentais vraiment que c’est la médecine générale qui me plaisait. Je n’aimais pas la médecine d’urgence, je n’étais absolument pas faite pour la chirurgie (on me dit tout le temps qu’ayant sauté la dernière année de maternelle, j’ai dû louper les cours de découpage) , j’aimais toutes les spécialités , la pédiatrie , la gynéco ,sans pouvoir en choisir une exclusivement, surtout j’aimais les gens , tous les gens , de tous les âges , de toutes les sortes , et même s’ils n’avaient rien de grave, et j’aimais les revoir plusieurs fois .

Un jour ,en troisième année  j’ai demandé à mon généraliste à moi , le plus beau, le meilleur , d’assister à sa consultation (j’ai devancé la création du fameux stage d’externe).Ce fut une révélation : quelle variété , quelle richesse d’exercice : mais des femmes enceintes il en suit , mais de la pédiatrie il en fait , des « vraies maladies » bien graves , bien sérieuses , comme on les aime tant à l’hôpital , il en diagnostique et il en  suit …

Alors j’ai fait ma rebelle : moi je serai généraliste : par choix ! Gros silence autour de moi à chaque fois. Dans les milieux hospitaliers, il fallait du courage parfois pour le dire , et combien de fois j’ai entendu «  mais tu es brillante , pourquoi tu ne fais pas une vraie spécialité …» J’ai résisté à la pression , à la mauvaise tentation de se dire que puisqu’on avait la possibilité ( même si je suis allée assez fréquemment au cinéma , seule bien sûre les autres préparant maladivement le concours de l’internat , je l’ai quand-même préparé sérieusement et ai obtenu un résultat suffisamment honorable pour dire que ce fut un choix ) , il fallait choisir une spécialité d’organe .

A noter , même si tout le monde semble encore l’ignorer que je suis spécialiste en médecine générale .La réforme du concours de l’internat en 2004 en Examen National Classant , a transformé la médecine générale en spécialité .Il ne reste plus qu’à ce qu’elle devienne dans l’esprit des gens une «  vraie » spécialité .

A la question « pourquoi tu veux pas être spécialiste ? », la question qui me venait à l’esprit était «  mais pourquoi tu ne veux pas être généraliste ? »

Certes , il y a une question de goût et de compétences de chacun , tout le monde  n’est pas fait pour être généraliste , mais c’est beaucoup plus complexe que cela et il faut remonter à l’histoire des études de médecine.

Historiquement,  malgré les efforts depuis plusieurs années pour intégrer la médecine générale au cursus médical, celle-ci a longtemps été délaissée.

Jusqu’en 1949, date de la création des premiers certificats de spécialités, la formation était généraliste et les médecins se spécialisaient en cours de carrière.

La création des CHU en 1958 a réformé l’enseignement de la médecine générale. Son but était de rapprocher le savoir de la pratique en observant les grandes pathologies à l’hôpital et de promouvoir la recherche médicale.

Les chaires de pathologie ont été abandonnées au profit de la juxtaposition de spécialités : la médecine, sous ses aspects de réponse globale aux multiples problèmes de santé de la population, n’a plus été enseignée. L’hôpital cessait d’être le lieu de soins, d’observation et de recherche de la pathologie courante.

Dans les années 1970, les généralistes s’étaient mobilisés pour que la spécificité de la médecine générale soit reconnue et enseignée. En 1977, le Professeur Debré, initiateur de la réforme de 1958, au cours d’un colloque de pédagogie médicale à Marseille, se félicitait des premières réalisations de stages auprès du praticien comme un moyen de corriger  les conséquences néfastes de la spécialisation croissante de la pratique hospitalière pour la formation de la médecine générale.

Quelques semaines plus tôt, la résolution  du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe adressait des recommandations aux gouvernements de la communauté européenne pour les inciter à une meilleure formation des omnipraticiens. Cette résolution insistait sur la nécessité de confier cette formation avant tout aux omnipraticiens eux-mêmes, à égalité de moyens avec les autres spécialités et de réaliser cette formation sur le terrain même où elle devrait s’exercer, au cabinet du médecin généraliste.

C’est en 1982 que la loi du 22 décembre propose la mise en place d’une filière universitaire de médecine générale. Les premières expériences de formation spécifique à la médecine générale se généralisent à toutes les facultés.

En 1983 le Collège National de Généralistes Enseignants prend naissance pour fédérer les collèges régionaux au sein desquels les enseignants de médecine générale se regroupent. Depuis cette époque, le CNGE contribue à l’organisation d’enseignement de médecine générale dans les facultés françaises.

Jusqu’en 2004, les futurs généralistes ne passaient pas le concours de l’internat, réservé aux futurs spécialistes .Le deuxième cycle était suivi d’une période appelée résidanat qui durait deux ans et demi puis trois ans à partir de 2001.

La médecine de spécialité était donc la voie de réussite, la médecine générale étant réservée aux étudiants échouant au concours. Pendant ces années, en dehors de certaines vocations vraies qu’il ne faut pas oublier, la filière de médecine générale a souvent été un choix par défaut.

En 2004, le concours de  l’internat a été remplacé par l’Examen National Classant, obligatoire pour tous les étudiants à l’issu duquel  le classement détermine le choix de la spécialité .La médecine générale devient une spécialité médicale à part entière.

Cependant, les chiffres montrent que les étudiants ne choisissent pas cette spécialité.

En cinq sessions d’Examen National Classant, 3439 postes d’Internes de Médecine Générale sur 12 660 n’ont  pas été pris par les étudiants de deuxième cycle d’études médicales, soit plus de 27%, alors que hormis la médecine du travail et la santé publique, 100% des postes proposés dans les autres spécialités ont été pourvus.

Les affectations montrent que la médecine générale reste l’une des spécialités la moins attractive. En Ile-de-France, la moitié des postes sont affectés à la médecine générale aux alentours du 3000ème rang. Depuis la réforme de l’ENC, on y observe un accroissement significatif des internes de spécialités  avec un effondrement des internes de médecine générale .Ce phénomène tend cependant à s’atténuer ces dernières années. La médecine générale est choisie plus tôt et plus fréquemment.

En effet, comment choisir quelque chose que l’on ne connait pas ? Depuis le début du cursus, seule la pratique hospitalière est mise en avant. Non seulement l’essentiel des stages pratiques est hospitalier mais de plus le contenu théorique de l’enseignement traite essentiellement des pathologies hospitalières. Malgré les changements amorcés depuis la reforme de l’ENC qui visent à l’intégrer davantage, depuis des décennies la médecine de ville est exclue des enseignements jusqu’à la fin du deuxième cycle, moment où doit se faire le choix de la spécialité.

Certes il existe le stage chez le praticien lors du troisième cycle. Ce stage extra-hospitalier prévu par la loi en 1972 n’a été mis en place qu’en 1982 de manière facultative puis rendu obligatoire en 1988.Il s’effectuait alors en parallèle des stages hospitaliers sous la forme d’une vingtaine de demi-journées où le rôle de l’interne était essentiellement passif .Ce n’est qu’en 1997 , 25 ans après , que sa durée est allongée à un semestre complet. Le stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée (SASPAS) vient compléter ce stage chez le praticien  dans le but de compléter la formation ambulatoire des futurs généralistes.

Ces stages chez le praticien sont un succès et sont souvent une révélation pour les étudiants qui se retrouvent alors souvent pour la première fois confrontés à leur futur métier qu’ils ont choisi parfois à contrecœur .Certains au contraire ne sont pas faits pour ce genre de pratique et cette découverte tardive explique en partie la diminution du nombre d’installation de nouveaux médecins généralistes libéraux .

Quoi qu’il en soit, ce stage chez le praticien, aussi primordial soit-il lors du troisième cycle, arrive trop tard pour influencer le choix des jeunes médecins vers la spécialité de médecine générale.

Le CNGE et l’ensemble des enseignants en médecine générale réclament depuis des années un stage chez le praticien pendant le deuxième cycle.

En 1997, un premier arrêté ministériel régissait la mise en place d’un stage en Médecine Générale ambulatoire pour les externes. Cet arrêté du 4 mars 1997 prévoyait que chaque étudiant devrait effectuer pendant la deuxième partie du DCEM  un stage d’initiation àla Médecine Générale.Mais ses modalités d’organisation variaient en fonction des facultés tant sur le nombre de demi-journées à effectuer que sur l’année pendant laquelle ce stage devait être réalisé.  Durant 10 ans, les manques de moyens humains et financiers n’ont pas permis une mise en place effective de ce stage dans les différentes facultés. Un deuxième arrêté, paru le 23 novembre 2006, était censé répondre aux difficultés rencontrées depuis 1997, et être un pas supplémentaire vers la concrétisation du stage de deuxième cycle. Le 18 juin 2009, un nouvel arrêté abroge le précédent. Il réaffirme la durée du stage de 3 mois à mi-temps ou 6 semaines à temps complet, mais aussi son financement sur le budget du Ministère dela Santé.

Ce stage ne commence que très récemment à se mettre réellement en place. Un des principaux obstacles actuellement, maintenant que la volonté de développer ce stage est enfin réelle, est de trouver un nombre suffisant de maitres de stage  disponibles à accueillir les étudiants.

Ainsi, les efforts pour réhabiliter la médecine générale se multiplient mais celle-ci reste très en retard. La volonté de faire de la médecine générale une spécialité reste très théorique.

Les syndicats  se mobilisent pour la reconnaissance du statut de spécialiste, statut qui n’est toujours pas vraiment reconnu. Le DES de médecine générale n’a toujours pas de filière universitaire .Celle ci se met en place tout doucement avec cette année la nomination des premiers chefs de cliniques en médecine générale et le développement de la recherche en médecine générale.

Il a fallu une mobilisation  forte pour obtenir la revalorisation  du C de la consultation de médecine générale à 23 euros, c’est-à-dire à l’équivalence du Cs  des consultations de spécialistes, qui a été mise en place au 1er janvier 2011, revendication , qui était surtout symbolique .

Je n’ai à aucun moment regretté mon choix , pour moi c’était le bon , la médecine générale est ce que j’aime et ce pour quoi je suis douée .

Après le concours , pendant l’internat de médecine générale, on se retrouve entre internes en médecine générale , ma différence aurait du s’effacer. Mais pas tout à fait, car comme nous venons de le voir, les internes en médecine générale se retrouvent souvent là par défaut , parce qu’ils n’ont pas pu accéder à la spécialité tant convoitée ( laquelle ils ne savent pas mais une spécialité quoi ) , donc beaucoup cherchent à faire autre chose que de la médecine générale et s’attardent dans les services d’urgence, de réanimation  ou de pédiatrie dans lesquels ils passent pendant leur internat ou passent des diplômes accessibles aux généralistes comme des capacités de gériatrie ou de médecine d’urgence .

Au total , et c’est l’échec du système , peu d’internes en médecine générale se destinent à l’exercice de la médecine générale et qui plus est libérale. Le nombre des installations diminuent .

Actuellement, on observe une amplification du manque d’attrait des jeunes diplômés pour l’exercice ambulatoire de la Médecine Générale : deux médecins généralistes sur trois sortants de formation optent pour un poste salarié.

L’URLM d’Ile-de-France a réalisé en janvier 2008 une étude auprès des jeunes médecins généralistes :  « Recherche médecin désespérément : motifs et freins à l’installation en libéral en Ile de France ».Les résultats montrent que les principaux freins à l’installation en libéral sont les charges administratives, l’investissement financier initial, la gestion comptable du cabinet, la perte du travail en équipe, le temps de travail hebdomadaire, les difficultés à se faire remplacer, l’insécurité .

Il existe des mesures incitatives à l’installation, mais elles sont également méconnues, floues et pas forcément respectées .Il n’existe pas de communication envers les jeunes médecins.

De plus, les textes de lois récents mettant en péril la liberté d’installation des médecins généralistes  en instaurant des mesures coercitives, ne vont pas du tout dans le sens de rendre la médecine libérale attractive  et soulèvent un fort mécontentement chez les jeunes médecins.

Quoi qu’il en soit, mauvaise orientation initiale, peur de quitter le travail en équipe , en groupe , tel que l on a connu pendant la quasi- totalité de nos études , peur des contraintes et de la charge de travail , le nombre d’installation des jeunes médecins est faible .

Lorsque j’ai passé ( il n’y pas si longtemps que cela je dois l’avouer après un joli triplement) mon DES ( diplôme de fin d’études) , et que je suis passée devant le jury , je n’étais pas très à l’aise car j’avais un peu trainé pour me présenter ( trois petites années) et mon dossier n’était pas tout à fait complet ( recherches bibliographies, attestations de présence : quelques élements avaient été égarés après tout ce temps, j’ai même du réassister à des cours pour avoir les attestations : c’était plutôt marrant ) , mais j’avais l’argument choc pour séduire le jury : outre la présentation de mon brillant parcours et de ma brillante thèse , la réponse à la question : et maintenant que voulez-vous faire : « je m’installe en libéral ! »

Après avoir vu passer successivement des internes qui faisaient de la gériatrie / de la pédiatrie / de la réanimation / et des urgences , moi la dernière de l’après-midi, j’ai du tout de même leur réchauffer un peu  le cœur .

Et le coup de grâce ( là, de différente, je suis passée directement à extra-terrestre) : « En Seine-Saint –Denis !»…

Réponse du président du département de médecine générale de la plus grande faculté de médecine parisienne , admiratif : « Nous, quand on va en Seine-Saint-Denis , on prend de la nivaquine » …

 

NB 1: la nivaquine est le traitement que l’on donne en prévention du paludisme lorsqu’on part dans des certains pays étrangers

NB 2: vous avez trouvez des passages ennuyeux non ? Je vous l’avais dit :camouflage !

Une matinée

On m’a fait remarqué et à juste titre que je m’étais un peu éloigné du cabinet pour me centrer sur ma vie. Que l’on me pardonne cet accès d’égocentrisme, les blogueurs comprendront aisément je pense la tentation de se servir de l’écriture à visée thérapeutique et de s’en servir d’exutoire.

Je vais donc me recentrer et raconter une matinée au cabinet, prise arbitrairement aujourd’hui, pas spécialement représentative, juste une matinée de médecine générale.

Je ne parlerai pas de ma vie privée mais il faut garder en tête que celle-ci rentre toujours en compte, on est toujours plus ou moins pressé, angoissé, préoccupé et cela influe sur le déroulement de la journée .

Habituellement, je ne travaille pas le mercredi matin, je n’ai pas encore réussi à passer le cap de travailler tous les jours comme les vrais gens. Je trouve l’idée de travailler systématiquement tous les jours terrible. Je me suis donc installée en tant que collaboratrice libérale et j’ai plusieurs demi-journées de libre, pendant lesquelles je fais parfois  des remplacements dans ce que j’appelle mon cabinet secondaire. Bref mon emploi du temps change tout le temps, mes patients  me cherchent d’un cabinet à l’autre, il n’y a pas de routine, je peux faire l’école buissonnière quand j’ai envie, j’aime ça .

Généralement donc, je ne travaille pas le mercredi matin, j’ai donc accepté de travailler dans le cabinet où je suis la remplaçante en titre depuis 4 ans. Il faudra que je me rappelle pour l’année prochaine que quand on a la possibilité de rester couché le mercredi de la rentrée, on le fait.

Première étape, se garer dans le parking souterrain sans abîmer encore ( trois fois de suite au même endroit ) la voiture plus du tout neuve. Presque un succès, sauf qu’en partant j’ai trouvé un mot sur mon pare-brise de ne pas se garer sur l’emplacement des autres : oups je me suis trompée de place! C’est toujours mieux que l’amende que j’ai eu hier, les policiers sont entrés dans le cabinet chercher le fautif mais personne n’a pensé que c’était le médecin qui était mal garé !

Ensuite, j’ai la bonne surprise de me souvenir que j’étais toute seule ( cabinet de trois médecins) et que mon emploi du temps était déjà complet. Heureusement que dans ce cabinet, il y a D. la secrétaire qui en dehors d’avoir l’avantage d’être une vraie personne ( en opposition au secrétariat à distance de mon cabinet ) est une personne super que j’adore.

L’emploi du temps de la journée comporte des répétitions, les membres d’une même famille viennent par deux ou trois, ouh ça sent les certificats ça!

Première consultation, personne… Cela commence bien, bon ça me laisse du temps pour aller voir twitter et mon blog, la narcisse ou l’insecure en moi, au choix, est toute émotionnée par le commentaire d’un grand monsieur qui me fait me dire que finalement ce que j’écris en vaut peut-être la peine.

Les voilà finalement avec dix minutes de retard mais il y a trois enfants pour deux rendez-vous…trois certificats bien-sûr…Je recadre mais je n’ai pas la force de caractère de demander à la maman que je connais bien de choisir parmi ses enfants.

La consultation pour les certificats de sport est un moment très agréable, on parle de la vie, de l’école, on fait de la prévention: vaccins, vitamine D,vision, alimentation… Ce serait même presque les plus agréables … si ce n’était pas concentré dans la même période et si ce n’était pas à la chaîne toute la journée. Trois enfants de la même famille, cela veut dire, faire exactement la même chose trois fois de suite: peser, mesurer, écouter le coeur, les poumons, prendre la tension, regarder les oreilles, évaluer la vision, regarder le dos, ne pas faire faire de flexion, s’en sentir délivré et ne pas culpabiliser, s’occuper d’un problème surajouté, écrire tout l’examen dans le carnet de santé,écrire tout l’examen dans le dossier informatique, repeser, remesurer car on a oublié les chiffres qu’on n’a pas noté tout de suite, faire les courbes de poids, de taille et d’indice de masse corporelle, entamer une longue discussion si il y a un problème de poids comme ce fut le cas pour 5 enfants aujourd’hui, faire façe souvent à des motifs de consultation surajoutés, vérifier les vaccins, prescrire des vaccins, de la vitamine D, des traitements le cas échéant, imprimer les certificats, en plusieurs exemplaires, en changeant le nom du sport, faire passer la carte vitale,poser l’opération 6.90+6.90+7.80, attendre le règlement, faire une consultation à l’arrachée pour les parents qui puisqu’ils sont là ont besoin de quelque chose  et tout ça en essayant de ne pas confondre les enfants, les prénoms et avec une certaine animation dans le cabinet. Donc non ce n’est pas « juste un tampon  » et ça y’est j’ai 25 minutes de retard.

Deuxième consultation, une femme enceinte de 7 mois, qui revient de vacances, a une sinusite, une diarhhée depuis 15 jours, et des champignons sous les seins. Rien de particulier sauf que maintenant même à 7 mois je n’ose plus dire « vous êtes enceinte? » avant de vérifier dans le dossier depuis quelques gaffes malvenues de ma part.

Pendant la consultation, D. frappe à la porte, me demande de mettre le répondeur, car elle ne se sent pas bien, et ne peut pas répondre au téléphone. Courageuse mais pas téméraire, je mets le répondeur car le téléphone n’arrête pas de sonner et que je ne peux pas avancer dans la consult.

Je vais vite la voir après ma consult mais le grand médecin que je suis n’est pas capable de grand chose à part de prendre une tension, de la faire allonger et d’appeler le SAMU. Je n’en dirai pas plus pour le secret médical mais si elle lit ceci je lui réitère mon affection et mon plaisir à travailler avec elle (enfin d’habitude …).Elle va bien cela dit .

Je suis obligée de transférer la ligne au secrétariat à distance qui fonctionnera encore tellement mal que je subirai aujourd’hui un afflux de personnes venant directement prendre RDV au cabinet, dans le meilleur des cas ou insistant pour être pris tout de suite. Le certificat pour le sport ressemble un peu au subutex aujourd’hui, il le faut aujourd’hui, c’est le dernier jour des inscriptions, ils ont fait le tour de tous les médecins, les plages disponibles que je peux leur donner le lendemain sont  pendant l’école, un vrai casse-tête. Je suis obligée de refuser cruellement , de refuser la cystite, l’éruption qui commence à se déshabiller dans la salle d’attente, j ‘accepte le certificat de vaccination qui bien-sûr prend plus de temps que prévu et gratuitement en plus.

Je déteste refuser, je le fais rarement, mais là avec le SAMU qui est dans le bureau d’à côté et mon heure de retard, je n’ai pas le choix. Heureusement Mme W.  arrive un peu plus tard et je ne fais pas l’erreur de refuser cette patiente, qui fait partie des gens du voyage qui sont généralement je trouve des gens adorables, venue en bus de deux villes plus loin, ayant monté les 6 étages à pied pour cause de claustrophobie, attendant patiemment dans la salle d’attente avec une infection pulmonaire et une vraie symphonie dans les poumons. Quand je pense que j’aurai pu refuser de la voir.

Ensuite Mme S. qui vient me montrer un résultat de prise de sang et que je trouve dans un fauteuil roulant me raconte, c’est normal, les 2 mois de péripéties médicales suite à une fracture de la jambe .

Une grand-mère amène sa petite fille, avec un mot très gentil de la maman disant que sa fille a besoin d’un certificat pour le poney et qu’elle a des vaccins en retard ( si peu : 6 ans pour le ROR, 2 ans pour le revaxis), si c’était éventuellement possible de lui prescrire,sinon c’est pas grave elle reviendra. Allez soyons fous, je vais lui prescrire aujourd’hui, ce sera fait! Je me retiens d’écrire apte à la pratique du poney, au pas, au trot et au galop.. Encore une fois aujourd’hui, malgré tous les certificats pour la danse, je me dégonfle à suivre les pas de mon confrère blogueur aux joyeux certificats.

Une consultation sympathique pour un lumbago, c’est bien les lumbagos, enfin pour moi, pas pour les gens , mais c’est facile, reposant, j’ai même des ordonnances et un discours tous faits. (les lumbagos c’est facile, pas les lombalgies, nuances).

Une patiente vient pour un renouvellement d’ordonnance. Une patiente avec un diabète déséquilibré mais qui n’a pas fait sa prise de sang, du coup on ne peut pas changer ou adapter le traitement, bref consultation qui ne sert à rien en dehors du fait qu’elle a fait ses courses, une feuille blanche devant elle avec produit vaisselle, papier toilette, ah non c’est de l’autre côté: gaviscon , doliprane, quelque chose pour les moustiques, ordonnance de kiné , vaccin pour sa fille ( explications sur la nécessité de faire un tubertest avant le BCG qui prend cinq bonnes minutes ) bas de contention , ordonnance podologue etc …et sinon pourquoi je suis fatiguée me demande -t-elle …

RDV pour deux: ils sont trois, une petite peur mais non en fait c’est pour deux dont une consultation qui n’en est pas une mais qui a eu la courtoisie juste pour une prescription de lotion pour du psoriasis du cuir chevelu de prendre RDV. Et je ne fais pas de zèle, je lui prescris la lotion et c’est tout ( je sais que c’est pas bien mais c’est comme ça: gratuitement quand -même)

Une consultation longue et compliquée mais qui justifiera à elle seule le fait de m’être levée ce matin:

Mr D. à 50 ans, il est yougoslave, lui et sa femme (ils ne sont pas mariés d’ailleurs ce qui fait que lui n’a pas de papiers) sont des gens d’une gentillesse et d’une correction sans faille. Malheureusement pour eux, ils ont le handicap d’avoir un nom finissant par ic , ce qui entraîne des préjugés fréquents. Il a vécu en France pendant de nombreuses années, bénéficiait de l’aide médicale d’état (AME) ou même de la CMU peut-être car je crois qu’il avait des papiers en règles, il était soigné pour de lourds problèmes cardiaques et bénéficiait d’une machine pour respirer la nuit pour un syndrôme d’apnées du sommeil.

Suite à des problèmes que je n’ai pas bien saisi de conflit à propos d’une maison, ils sont repartis vivre quelques temps en Yougoslavie. Il est revenu il y a 8 mois. Je l’ai vu il y a 5 ou 6 mois lors d’un remplacement. Devant l’ampleur de la prise en charge médicale à effectuer, j’ai mis en route le minimum et ai tempéré le temps qu’il ait récupéré l’AME )  .

J’ai vu sa femme il y a un mois. Elle m’a raconté que leurs ennuis ont repris ( tout n’est pas clair dans cette histoire je le répète) , ils se sont fait attaquer dans leur maison en présence de leurs enfants. Ils ont appelé 7 fois la police qui n’est pas venue, ont appelé le commissariat de la ville d’à côté qui a envoyé quelqu’un mais trop tard. Mme J., pour se défendre, a pris le fusil de chasse familial et a tiré en l’air. Elle a passé trois jours en garde à vue et elle est venue me voir pour avoir un certificat expliquant que son mari avait un problème de santé et  devait prendre un traitement. Encore une fois, je ne cautionne pas leur acte, je ne connais pas les circonstances mais ce que je sais, c’est que ce sont des gens gentils et attachants, qu’ils n’ont pas voulu arriver à cette extrémité et qu’ils ne méritaient peut-être pas le traitement qui semble leur avoir été infligé en garde à vue. Bref, je les aime bien et j’ai été heureuse de savoir que grâce à mon certificat, une heure plus tard, Mr D. était sorti de garde à vue. Pour une fois qu’un de mes certificats est utile!

Aujourd’hui, Mr D. vient pour son renouvellement, après 6 mois, il n’ a toujours pas l’AME, il dit qu’il a rempli le dossier 3 fois, ce qui m’étonne mais me semble vrai. Il paye ses médicaments, les prises de sang, le cardiologue. N’a toujours pas son appareil pour dormir et de nombreuses choses n’ont toujours pas été faites.Il a été deux fois aux urgences pour les douleurs à la poitrine qu’il a très fréquemment . Ils lui auraient dit qu’il faudrait l’hospitaliser mais qu’il n’avait pas de sécu …Il a reçu une facture de plusieurs centaines d’euros. Et cette situation ne choque que moi! Que ce soit une erreur de la sécu, ou une difficulté des patients à faire les démarches, cette situation perdure…

Alors, je mets en oeuvre trois idées en parallèle en me disant que trois précautions valent mieux qu’une:

– Une lettre pour demander à la mairie de donner rapidement un rendez-vous avec une assistante sociale, une lettre pour la dite assistante sociale et une attestation de suivi dans le cabinet servant de preuve à sa présence en France depuis plus de trois mois.

-Les coordonnées, une lettre et une photocopie des éléments médicaux pour le COMEDE: comité médical pour les exilés, au Kremlin-Bicêtre, qui prend en charge administrativement et médicalement les personnes sans couvertures sociale, et qui fait un travail incroyable. J’ai une amie, ancienne co-interne qui y travaille.

– Un coup de téléphone à une personne magique qui est devenue depuis peu la personne indispensable de mon carnet d’adresse. Elle fait partie d’une association que je détaillerai plus tard si elle m’en donne l’autorisation tant elle mérite à elle toute seule un post spécial. Cette troisième idée était la bonne , elle m’a rappelé quelques minutes plus tard. Elle se rendra chez eux, s’occupera de l’aide médicale, des factures de l’hôpital, éventuellement d’une aide juridique et de tout autre problème le cas échéant. C’est une fée , et moi son intermédiaire …

Je suis très en retard, je n’ai pas fait payer la consultation , mais au moins je me suis sentie utile …

La dernière patiente, une enfant que l’on avait rajouté en plus n’est pas venue, ouf !Je les connais,ça ne m’étonne pas .Heureusement que j’ai eu deux lapins dans la matinée.

Je suis épuisée, pourtant si on compte, je n’ai pas vu tant de monde que ça.

C’était juste une matinée en médecine générale.

 

 

Le pardon

Je ne sais quoi penser.

Hier mon dimanche a été gâché, le mot est faible, par une succession d’erreurs médicales, d’erreurs humaines. Je l’ai passé au chevet de quelqu’un que nous appellerons highlander, car cette personne a tendance à résister à toutes les attaques du sort, de la maladie et quand cela ne suffit pas à l’acharnement innocent des soignants qui s’y mettent à plusieurs pour essayer de l’abattre…

Pour situer le contexte, highlander a toutes les maladies du monde même celles que personne ne connait, j’ai appris la médecine en la regardant. Pour vraiment comprendre, il faut imaginer une pièce avec plusieurs personnes dedans et une ampoule électrique qui tout d’un coup est éjectée de la lampe et fuse à toute allure à travers la pièce et atterri brulante pile poil sur l’ulcère de jambe d’highlander…voila tout  est comme ça.

A chaque fois que tout le monde est autour d’elle prêt à lui faire ses ultimes adieux, cette personne contre toute attente ouvre les yeux et demande si quelqu’un a pensé à arroser ses fleurs …

Du coup, cette fois-ci le personnel a dû se dire que nous n’étions pas très inquiets (moi j’avais foi en ses supers pouvoirs) que la situation n’avait pas l’air de nous émouvoir. Ils ont dû se dire, on va leur faire des ptites blagues …

D’abord on va jouer à combien de jours on peut tenir sans faire son pansement (pas un ptit pansement hein, un bien important du genre cause de l’infection qui est en train de l’abattre) avant que quelqu’un ( moi en l’occurrence )  râle vraiment très fort , ce qui est d’autant plus drôle que je ne sais pas râler …

Ensuite, on va jouer à combien de temps avant que quelqu’un se rende compte que l’oxygène est débranché. Sachant que de base highlander a besoin d’oxygène tout le temps, quelques heures après un choc septique ,c’est encore plus drôle. Cela donne la discussion suivante quand j’arrive : » -Quel joli bleu ces lèvres !  -Oui je respire mal  (je prends l’initiative, sans vouloir trop me la ramener de prendre la saturation en oxygène) -Ah oui 52% : tu respires mal , ah ben c’est normal le fil de l’oxygène traîne par terre (depuis longtemps à mon avis ) – pas de réponse : perte de connaissance.

Il y a aussi le chirurgien viscéral qui est très joueur , à partir du moment où il a décidé (par téléphone) que le syndrome occlusif n’était pas chirurgical, il joue à son jeu préféré : cache-cache et à non jamais je ne mettrai de mots dans le dossier .Et quand j’ai un peu râlé et réussi à voir l’interne, celui-ci a eu peur parce que je lui ai posé une question … il  a appelé son chef illico et a appelé le médecin des urgences pour dire que je l’agressais ( ce qui est très drôle car ceux qui me connaissent savent à quel point je suis agressive …), mais bon il a réussi à ne pas pleurer … Enfin je le note , pour un incompétent question = agression .

Il y a aussi la réa qui pour éviter toute possibilité de prise en charge correcte a décidé d’être fermée depuis 10 jours pour cause de microbe très dangereux , en même temps , j’aurai dû leur dire qu’à highlander ça lui fait même pas peur les microbes très dangereux ( même si sans faire exprès la dernière fois, le chirurgien lui a ripé la rate au passage ).

Des fois ils sont gentils, ils me laissent des indices, le dossier ouvert sur la prise de sang d’il y a 48 heures . C’est un peu comme une chasse au trésor … Ca y est j’ai compris , c’est à cause du potassium: il est à 3!  Dis moi gentil médecin du dimanche qui essaye de sauver la vie d’Highlander, tu crois pas qu’il faudrait lui recontrôler son bilan et lui donner un peu de potassium …enfin j’dis ça j’dis rien …

Pour être sûr que ça marche, devant un cas si complexe , on ne va pas faire de transmissions trop précises ,déjà on a de la chance , les équipes tournent tout le temps et en plus c’est le week-end , on va pas dire à l’équipe qu’elle a une machine ( VNI pour les intimes ) à lui mettre qui l ‘aide à respirer, on ne va pas leur expliquer ( car on a pas tout compris de toute façon ) les signes à rechercher , que quand elle devient agressive , c’est pas ( seulement en tout cas ) qu’elle est chiante et que ce n’est pas le moment de fermer la porte de sa chambre et que quand elle dort des fois ça s’appelle le coma (note pour moi -même faire une petite affiche : quand highlander dort bizarrement ,c’est le coma ) .

Et tôt le dimanche matin, en se disant que personne ne viendrait avant plusieurs heures (et ben râté ) , l’infirmière s’est dit ( jsuis méchante parce que ça partait d’une bonne intention ) qu’elle allait lui mettre l’oxygène à fond parce que quand même elle respirait pas bien et qu’elle était un peu « somnolente  » ( enfin c’est quand-même mieux que chiante ). Ce qui est dommage, c’est que précisément dans le cas d’highlander c’est ce qu’il ne fallait surtout pas faire .

Du coup, en arrivant de bon matin , une chance quand-même ,  j’ai trouvé highlander dans ce qu’on peut appeler une sorte de coma ( PCO2 à 102 c’est le coma hein ?) appelé également « somnolence » par certains , j’ai fait ce que je déteste faire , j’ai râlé, revendiqué, suggéré, ordonné même parfois, géré quoi ! C’est tombé sur mon préféré en plus, le plus gentil qui sortait de garde mais bon tant pis pour lui, il va peut-être falloir que quelqu’un se bouge le cul !

Et pour le coup tout le monde s’est donné du mal,même le grand chirurgien en chef a fait bien tout ce qu il fallait faire, et pour le coup il n y avait rien à redire. Je ne suis même pas sûre que l’on m’ait trouvée si pénible que ça et que l’on ait trouvé mes exigences inadaptées ( interne de chir mis à part ). Il faut dire que si d’aucuns me trouvent parfois exigeante , je trouve quant à moi que mes revendications sont rarement exagérées ( à bon entendeur…).Malheureusement, la situation ne s’améliorait pas et quand la PCo2 a atteint 132, je me suis même dit que cette fois ,c’était la bonne! Il a fallu prendre des décisions pas faciles . Le réanimateur sans réanimation (SRF)  est tout de même venu ce qui a permi de s’apercevoir qu’une Po2 à 348 n’était pas nécessaire et qu’il fallait baisser la FIO2 à 30% car 100% , c’est trop!  Vous ne comprenez rien, je ne comprends pas tout moi-même, en gros la machine ( VNI pour les intimes ) n’était pas bien réglée …

Du coup, avec les bons réglages, highlander s’est réveillée très rapidement !! Ils n’avaient quand-même pas osé aller jusqu’à lui couper la tête .

Tout ça pour ça , pour me faire des ptites blagues, pour me plomber mon dimanche …

Je ne sais pas quoi penser. Je vis un peu dans un monde de bisounours , j’ai beaucoup de mal à être en colère, à en vouloir aux gens. Je suis non seulement très compréhensive mais en plus très peu revendicatrice ( du genre excusez-moi de vous déranger, vous êtes sûre que vous ne voulez pas me réinjecter un peu de produit dans la péridurale qui ne fait plus du tout effet depuis deux heures , s’il vous plait ? Non , c’est pas grave merci quand-même !) D’autant plus quand c’est une situation médicale et que je ne veux pas me la ramener du genre je suis médecin . Enfin bref, je suis un peu con comme fille. Heureusement que je ne reçois pas les visiteurs médicaux, parce que non seulement je goberais tout ce qu’ils me disent mais je serais capable de prescrire leurs médoc par politesse .

Bref , je suis sûre que n’importe qui d’autre aurait fait un scandale, serait choqué, aurait peut-être même été impoli. Je pense que mon attitude calme ( question/agression de l’interne de chir exceptée ) et adaptée est la plus efficace et de cela je serai toujours convaincue, mais je ne sais pas ce que je dois en penser au fond de moi .

En dehors de certains incompétents ( vous l’avez reconnu, ne l’accablons pas ) ou fainéants ( oui même moi je dois l’avouer, même si c’est plus ou moins une copine , passer l’après midi à discuter et téléphoner et dire à la fin qu’on a pas eu le temps de faire le pansement, c’est moyen ) , la plupart des personnes de cette histoire ne sont pas mauvaises , elles ont cru bien faire .

L’infirmière qui a monté l’oxygène a cru bien faire, un tuyau qui se débranche ça arrive , l’état de santé d’highlander est complexe et pas adapté à une structure où tout le monde tourne tout le temps et n’a pas la possibilité d’effectuer une surveillance constante, les conditions de travail sont difficiles …

Une rate qui est abîmée pendant une opération , est-ce une faute ? J’ai tendance à penser que c’est un aléa thérapeutique. Ils ne l’ont pas fait exprès .

Il y a une différence entre la faute et l’aléa thérapeutique. Est considéré comme aléa thérapeutique l’accident médical survenu sans responsabilité d’un professionnel de santé .

Comment en vouloir au médecin qui a fait de son mieux toute la journée, a été vraiment gentil avec moi d’avoir mal réglé la machine ?

Je n’ai pas le jugement facile. Bien-sûr sans moi je pense qu’Highlander n’aurait pas survécu ( bravo encore une vie de sauvée, mais toujours la même !) . Mais y’a-t-il eu faute ? C’est une conjonction d’erreurs humaines dans une situation difficile.

Bon, dans ce cas, ils y ont vraiment été forts et même dans mon monde de bisounours, j’ai depuis longtemps une mauvaise opinion du corps médical. J’ai été confrontée trop souvent à des incompétents.

J’ai beaucoup moins d’indulgence pour les cons, ceux qui n’écoutent pas, qui ne prennent pas le temps ,qui se prennent pour les meilleurs, qui sont tout ce que je déteste .

Mais ceux et il y en a quand-même qui essaient de faire au mieux , qui sont loin d’être parfaits mais qui font quand même ce qu’ils peuvent .Faut-il leur en vouloir ?

J’ai d’autant plus de mal à porter un jugement que je ne suis moi-même pas à l’abri , à chaque minute de faire une erreur/faute , de tuer quelqu’un tout en ayant fait de mon mieux .

Il m’est très difficile de raconter cela mais puisque je me suis permis de taper sur les autres, il est juste de me taper dessus aussi .

Quand j’étais interne, il y a un patient pour lequel j’avais tout fait parfaitement et même plus. Je lui avais pris rendez-vous avec plein de spécialistes, j’avais fait plein de courriers , j’avais fait des belles ordonnances de ma plus belle écriture , je lui ai tout bien expliqué. Seulement de ma belle écriture, j’avais juste oublié de recopier son traitement principal ( de l’hydrocortisone ). Il a été réhospitalisé , a eu pleins de complications et puis à moyen terme , il est mort …

Qui suis-je pour juger? Je dois seulement prier pour que dans ma vie , je fasse le moins d’erreurs possibles et que pour celles que j’ai faites ou que je ferai, on me pardonne .