Je me considère comme la championne de l’anti burn out.
Je donne des leçons (oui j’aime bien donner des leçons) aux autres sur comme lutter contre le burn out, à mes proches, mes patients, mes collègues, mes internes.Je leur conseille du repos et du plaisir. Je repère d’ailleurs bien ceux qui vont droit dans le mur et en général l’avenir me donne raison.
J’ai fait tous les bons choix , et j’ai aménagé ma vie professionnelle et personnelle de façon à ce que la médecine reste un plaisir et jusqu’ici tout allait bien. Je m’épanouis vraiment dans mon métier, d’autant plus depuis que je suis maitre de stage et que je donne des cours à la fac et dans les autres activités que je fais en parallèle et je m’auto-félicite de comment je suis contente de moi.
Et du coup,ça m’a pris par surprise quand mon mini burn out est venu. Je dis mini parce que c’est pas un vrai, et que c’était très circonstanciel, mais pleurer dans la voiture tous les soirs en rentrant, compter les jours, compter les patients qu’il reste à voir…
C’est à cause de mes patients, ils ont eu des maladies, salauds de malades…
Jusqu’à maintenant, j’avais été préservée, ils étaient sympa mes patients, très peu malades finalement et surtout ils avaient la décence de pas mourir. En cinq ans d’installation,pas un seul décès. Et là, en peu de temps, pas mal de maladies graves, et dans la même semaine, plusieurs choses compliquées à gérér, deux fin de vies dont une patiente du même âge que moi, une patiente que j’aime beaucoup qui fait une bouffée délirante aiguë, une petite de 3ans qui a une grave maladie, gérer un patient qui est un proche . Et l’absence de mon interne qui vit des moments très difficiles.
Heureusement, les vacances sont arrivées, bien à propos, dur de lâcher le cabinet (c’est propre au burn out, de se sentir indispensable) mais cela m’a fait du bien. J’ai retrouvé mon frère et sa famille, mes neveux et mes nièces, partis faire le tour du monde, j’ai visité les temples d’Angkor, j’ai nagé au milieu du plancton phosphorescent. Le Cambodge est un pays dont on ne revient pas indemne.
Et demain, il faut reprendre et pour la première fois, je ne reprends pas le travail avec plaisir mais avec appréhension. Je n’ai pas spécialement envie d’y retourner mais surtout j’ai peur, peur de ne pas retrouver le plaisir de mon métier que j’adore, peur de compter les jours avant le week end (où je suis de garde d’ailleurs ce qui me désespère à l’avance), peur de compter les patients avant la fin de la journée, peur de ne plus aimer les gens .
Parce que vraiment, c’est pas dieu possible que moi je fasse un burn out. Bon si ça va pas demain, on dira que c’est le jet lag et après demain tout ira bien !!
Parce que jusqu’ici tout allait bien alors pourvu que ça dure …