Mon externe

Quand j’étais petite, je voulais être institutrice et quand j’ai été moyenne, j’avais comme projet d’être prof de maths. Je jouais à la maitresse tout le temps et au lycée et à la fac je donnais des cours de soutien. Bref, jusqu’à ce que soudainement et mystérieusement, je décide de faire des études de médecine, j’ai toujours eu la vocation de l’enseignement.

Je me suis dit que peut-être, dans la médecine, je pourrais aussi faire de l’enseignement, cependant la voie de la médecine générale n’est pas la plus pratique pour ça, bien qu’il y ait des enseignants de médecine générale et même des professeurs et des chefs de cliniques désormais, la filière universitaire n’est pas encore très développée et il s’agit dans ce cas d’un plus grand engagement que juste faire quelques petits topos à l’hôpital .

L’hôpital aurait en effet pu être le lieu de mon épanouissement pédagogique si j’avais fait des stages en CHU. Quand j’étais externe et que comme tous les externes, j’ai subi les ordres parfois ingrats de certains internes, j’imaginais comme je serai la plus cool des internes, la façon dont j’organiserai les choses…Le seul problème, c’est que j’ai fait tous mes stages dans des hôpitaux de périphérie, non universitaires , donc sans externes..j’étais déçue mais pas au point de délaisser mon ptit hôpital  au profit du grand et diabolique CHU. Mon seul stage en CHU, ce fut aux urgences gynéco, très mauvais souvenir soit dit en passant, l’interne de médecine générale était vraiment pris pour le larbin, j’ai eu plusieurs externes, ils changeaient d’un jour à l’autre, rien de vraiment fixe mais déjà ça, ça m’a fait plaisir, j’ai pu ressentir un peu le plaisir d’apprendre quelque chose à quelqu’un mais surtout ils me tenaient compagnie dans ma solitaire épreuve. Mes externes ont participé entre autres avec moi à mes péripéties de début  de grossesse et gardaient la porte pendant que je me faisais mon échographie hebdomadaire…Bref, c’était bien d’avoir des externes…

J’aurais bien aimé le rôle de chef de clinique, avec des internes, des externes, des P2 même…

Mais, en fait, bonne nouvelle, un médecin généraliste peut avoir des externes, des internes, des SASPAS, des remplacants, des collaborateurs, ça ne s’arrête jamais…

Je vais donc pouvoir allier mon amour de la médecine générale, mon amour de la Seine-Saint-Denis et mon envie jamais assouvie d’être maîtresse d’école…

A partir de la semaine prochaine, je vais avoir un externe. J’ai choisi d’être maître de stage à ma fac parisienne plutôt qu’à Bobigny, dans le but de faire venir des petits parisiens dans mon 93…Enfin, pas que ça bien sûr, mais c’est un petit plus.

Le but est d’avoir de nouvelles perspectives, de faire des rencontres, de s’améliorer au contact de quelqu’un, de se remettre en question, de partager son métier, d’avoir le privilège et la lourde tâche de faire decouvrir la médecine générale. Bien sûr, la partie militante en moi, est contente d’avoir l’occasion de partager ce que j’aime, et peut-être de faire aimer la médecine générale, peut-être même la Seine-Saint-Denis.

Mais je serai tolérante, si mes externes veulent devenir chirurgiens, je les aimerai bien quand-même…

Je sais que cela ne va pas être facile, d’avoir quelqu’un qui m’observe, de sentir le regard et un peu le jugement quand-même de quelqu’un d’autre. Moi qui suis timide..si si .. ça va me faire bizarre et puis cela va être difficile de faire tous les trucs pas bien que je fais, que je sais que c’est pas bien mais que je fais quand-même: genre prescrire des médicaments qui servent à rien, des antibiotiques quand je sens bien au fond de moi qu’il faut pas en prescrire, ne pas faire de streptotest parce qu’il est tard, que y a du monde et que j’ai la flemme, ne pas bien voir les tympans ou  les trouver un peu rouges mais pas trop et décréter que c’est une otite parce que c’est plus simple et que toute façon y’a personne qui va regarder après et dire que c’est pas vrai …ah ben si…Donc, il va falloir que je sois plus rigoureuse…

Je sais aussi que je ne suis pas très « examen clinique »: je ne fais pas assez déshabiller les patients, je ne sais pas palper un foie et je ne me rappelle pas la dernière fois que j’ai pris les pouls d’un patient. Je sais que les externes sont habitués à faire des examens cliniques complets, cela va faire bizarre à mes patients de se faire taper les reflexes: mince, il faut que je retrouve mon marteau à réflexe: où je l’ai mis ?

J’ai conscience de mes lacunes (enfin peut-être qu’il y en a dont je n’ai pas conscience).Je sais aussi que c’est une bonne occasion pour les corriger un peu, d’être plus rigoureuse,de réapprendre des choses oubliées, d’apprendre des nouvelles choses… mais bon j’espère que je serai à la hauteur…

Parce qu’en plus ces saletés d’externes, ils notent les maitres de stage et que y’en a un qui a 5/20 parait-il…et mon médecin ce héros, il m’a dit qu’il avait la meilleure note de la fac, ce qui ne m’étonne pas! Donc, c’est un peu la pression, pas de la note, ça je m’en fiche (enfin, pas un 5/20 quand-même), mais parce que les externes, cela va être la première fois qu’ils mettent les pieds dans un cabinet de médecine générale et que cette première impression va conditionner leur choix par la suite.

Je ne veux pas absolument que tout le monde aime et choisisse la médecien générale ( quoi que ..), mais je voudrais leur donner une première vision aussi enthousiasmante que le fut la mienne quand j’ai découvert la médecine de ville. Je sais que c’était quelque chose qui me plaisait mais avec le condtionnement que l’on a pendant nos études, et mon gôut pour d’autres spécialités et en particulier la gynéco, si je n’avais pas inventé mon stage d’externe en D2 en allant dans le cabinet de mon médecin ce héros, est-ce que le moment venu, j’aurai fait ce choix ..

Donc le stage d’externe en médecine générale est une chose très importante, un vrai progrès (vous pouvez lire un peu l’historique des stages en médecine générale dans cet article), et donc je trouve que ce n’est pas une mince responsabilité que d’avoir un externe.

Je sais aussi d’après mes copines qui ont des externes que ce n’est pas une partie de plaisir,qu’ils sont parfois peu motivés, mous, qu’ils connaissent rien, y’en a même des psychotiques, et que ce n’est pas toujours une partie de plaisir…je m’en fiche, pour l’instant, comme à mon habitude de bisounours, je suis contente…

Et en plus, mon futur externe, je le sais motivé (même si il ose prendre des vacances pendant son stage 😉 )pas contre l’idée de faire de la médecine générale, et maintenant qu’il a fait connaissance avec mon humour à la con, je sais qu’on va bien travailler et s’amuser…

Parce que j’écris ça avant que le stage ne commence et qu’on ne s’est pas encore rencontré, mais c’est un peu particulier parce qu’on se connait déjà virtuellement, qu’on se cotoie sur twitter, qu’il lit mon blog et que après je ne pourrai plus dire des choses sur lui.

Oui, c’est un peu particulier, et cette notion de twitter doit être un peu hermétique pour beaucoup de monde (et j’en profite pour digresser et dire que après quelques mois d’expérience,je trouve vraiment que twitter est une source pour moi d’enrichissement  professionnel et personnel et qu’il y a toujours quelqu’un sincèrement à l’écoute et que en période de fêtes,c’est encore plus appréciable, merci twitter ) et c’est une peu embêtant, on ne pourra pas (trop) twitter l’un sur l’autre, mais on est en 2012 bientôt, il faut vivre avec son temps..

Et ça fait plaisir à mon côté narcissique qu’ un étudiant parisien ait choisi de venir faire son stage en Seine-Saint-Denis chez moi,en sachant qui j’étais et après avoir lu mon blog. Bon, je suis réaliste, je sais qu’il n’avait peut-être pas beaucoup d’autres choix (il ne choisissait pas en dernier cela dit) mais j’aime à penser, que peut-être (peut-être hein), ce que j’écris a un petit impact sur la vision de mon métier et de mon département et que mon message est un peu entendu…C’est un début mais une petite victoire pour moi.

Et sur la vision de mon département, il y a du boulot: (désolé J. ( je peux t’appeler J.?) je vais encore me moquer, je m’en excuse), mais il semblerait que des interrogations et quelques craintes subsistent, merci « aux potes qui racontent des horreurs », et devant témoin je me porte garante une nouvelle fois de votre sécurité à toi et à ton Iphone…vous pouvez venir tranquille dans ma banlieue. Et en cas de dommage (sur toi et on Iphone, je prendrai tout à ma charge…)

Et, pour te prouver ce que je dis: je remets la photo de moi et mon (feu) Iphone (dont l’état n’a rien à voir avec la Seine-Saint-Denis) dans le RER B sains et saufs!

 

Enfin, fais quand-même une synchronisation…on sait jamais …

4 mois et un jour

Bon, je n’ai pas pu publier l’article le jour même cet article car ma journée du 17 à été très occupée ( j ‘ai entre autres participé à une formation très intéressante dont je ressors affligée  par les connaissances et réflexions effrayantes des participants mais j’hésite à écrire sur ce sujet car ce ne serait pas très confraternel ), j’ai donc écrit la nuit mais j’ai tout effacé sans faire exprès et ensuite j’ai pas eu le temps de recommencer car à trois heures du mat, ma fille à fait une crise d’urticaire, du coup j’ai été faire un tour voir mes copines des urgences et les lapins de l’hôpital qui ne sortent que la nuit pour lui chercher des medoc ! Petite ballade sympa …

Bref, je m’attendais à être assaillie de messages de toute part, genre mais que se passe-t-il ? On attend tous ta publication la plus passionnante du mois! T’est-t-il arrivé quelque chose? Je m’attendais à de l’inquiétude, des reproches, du désespoir même, j’étais triste à l’idée d’avoir gâcher la journée de tant de personnes ( statistiques du mois oblige:  30387 visites et 58155 pages lues! Si y en a un qui suit, il aura remarqué que cela a diminué depuis la dernière fois, c’est que cette fois ci, je me suis aperçue qu’il fallait enlever les robots et cocher la case « trafic humain » ). Mais, rien… Personne ne s’est offusqué, personne ne l’a même remarqué, rien … La plupart de mes lecteurs sont des robots…ceci explique cela !

Mais cette indifférence générale ne m’empêche pas d’écrire quand-même cet article: Tradition oblige ! Je ne manquerai pas cette occasion mensuelle que je m’offre de parler de moi!

Encore un mois de passé! La vie file à toute vitesse…Comme dirait le poète, je cours, je me raccroche à la vie, je me saoule avec les bruits des corps qui m’entourent…                  Moi qui suis de nature mollassonne, j’ai l’impression que je ne me suis pas posée depuis un mois, boulot, famille, anniversaire, activités de super maman, ciné, concerts (non que mes proches ne s’inquiètent pas, je ne disserterai pas à nouveau sur aznavour,zaz, ou même cendrillon…quoi que si je ne peux pas m’empêcher de prévenir un éventuel lecteur amateur d’Aznavour de ne jamais si l’occasion se présente le prendre en photo avec un flash) , et ce mois ci, j’ai même été nettement plus productive sur le blog ..!

Bref, je suis crevée… surtout que les journées ont des limites à l’extension que l’on peut leur donner…Tous les matins je me maudis d’avoir oublié que le matin précédent je m’étais détestée de m’être couchée si tard…surtout que je suis atteinte, polysomnographie à l’appui, d’une « hypersomnolence essentielle », c’est à dire en gros que j’ai besoin de beaucoup de sommeil. J’ai passé ma vie à dormir et à passer pour la fainéante de service mais ce mois-ci, la science m’a absout de ce pêché avec la découverte du gêne ABCC9 dont les différences d’expression expliquent que certaines personnes ont besoin de peu ou bien de beaucoup de sommeil. Enfin!!!

Donc, un mois productif, pour la science, pour moi …

L’année se finit, ça va faire un an que je suis installée, j’en suis très heureuse, personnellement cette année à été vraiment particulière et si on survit à la fin du monde de 2012, elle restera pour toujours spéciale dans mon cœur…

Les fêtes approchent, je suis comme d’habitude bien partagée…La petite fille qui est en moi chez qui résonne la nostalgie des Noëls de mon enfance se bat avec celle qui donnerait n’importe quoi pour que les fêtes soient déjà passées . Je vais bien être obligée de me mettre à faire mes cadeaux de Noël et le bonheur dans les yeux de ma fille le matin de Noël fera que le côté magique de Noël va gagner la bataille cette année encore.

Mais je ne peux m’empêcher de penser que, outre l’énergie et l’argent que l’on doit déployer, les fêtes sont juste l’occasion de rendre plus heureux les gens déjà heureux , et plus malheureux et seuls ceux qui le sont déjà! Je pense à tous ceux là et je leur envoie plein de courage!

Je fais particulièrement plein de bisous à Opale, qui est toujours là pour soutenir et réconforter tout le monde, je sais que c’est une période difficile pour elle mais je pense qu’elle sait aussi que dans ce monde parallèle pas si virtuel et imaginaire que ça , elle n’est pas seule.

Pour continuer dans les messages personnels, encore un joyeux anniversaire à la plus jeune et cool des quadragénaires ( oh le vilain mot quand-même ) !

C’est aussi l’anniversaire d’un de mes amoureux de colo mais là ça devient limite chiant n’est ce pas?

Quand-même, je voulais dire à quelqu’un que je l’aime, que je suis très heureuse, que je suis sûre qu’elle va être parfaite, que je serai la pour elle, que toute facon savoir compter c’est pas si important dans la vie et que FUCK BALI: Stupid Bali: ah ah ah!                         Bali 3 -moi (enfin) 1!!!.

Et pour prouver que même si j’essaie de faire ma rebelle, j’ai carrément l’esprit de Noël ( et pour prouver aussi que chez moi, c’est le bordel ) : voilà les gâteaux que j’ai fait pour l’école de ma fille!

Et joyeux Noel à tous !

 

 

 

Ouverture sur le monde

Métro, boulot, dodo… Le quotidien, les journées qui passent les unes après les autres font en tout cas pour ma part, que j’oublie qu’il y a autre chose que ce qui fait ma vie chaque jour. J’ai tendance le nez dans le guidon à penser, inconsciemment,que le monde se réduit à mon petit univers, sans me poser de questions…

Parfois, quand j’ai la chance de voyager dans d’autres lieux, d’autres pays, le fait que le monde est immense, qu’il y a d’autres univers à découvrir, des quantités d’autres vies que la mienne, que mon petit univers est en fait bien insignifiant , se rappelle à moi…

Quand je voyage, j’aime découvrir les gens, le monde et je me dis qu’il n’y a que les routes qui sont belles, qu’il faudrait passer sa vie à voyager pour voir une infime partie de ce qu’il y a à voir…

Mais le voyage prend fin, et la vie reprend son cours… Métro, boulot, dodo …et on reprend sa vie, dans son petit univers…

Il ne tient qu’à nous de ne pas oublier qu’il y a d’autres choses à découvrir, par la lecture, les expositions … Mais honnêtement au quotidien ,on ne le fait pas forcément…

Les gens que l’on côtoie en règle générale nous ressemblent, ont des histoires similaires, des préoccupations similaires, font parti de notre petit univers…

Moi, ce qui me permet de m’ouvrir sur le monde, c’est mon travail: c’est la médecine générale, et c’est la Seine-Saint-Denis…

Parce que chaque jour, mes patients sont le témoignage qu’il y a tout un monde que je ne connais pas. Je vois tellement de personnes d’origine, de culture différentes. Ils ont des histoires passionnantes à raconter, pour peu qu’on les écoute.

Je le fais de plus en plus. Avec le temps qui passe, certains patients que je connais de mieux en mieux , je me rends compte de plus en plus de tout ce qu’ils ont à dire, et j’ose de plus en plus facilement posé des questions…

Avec le patient malien de 30 ans qui est constipé, je réussis plus facilement à engager la discussion et face à ce jeune homme du même âge que moi qui me raconte son périple du Mali à la France en passant par la Chine, je me dis que je suis bien peu de choses …

Plus tard, c’est un patient qui est un artiste connu et qui a participé à une émission de téléréalité dans un pays d’Europe de l’est qui me raconte des histoires cocasses…

Ensuite, c’est un vieux monsieur algérien dont je soigne la bronchite mais en regardant les rides de son visage, j’entrevois une vie d’histoire dont j’ignore tout mais que peut-être la prochaine fois il me dévoilera un peu …

J’ai une chance inouïe, je n’ai pas besoin de voyager à l’autre bout du monde, le monde est sous mes yeux tous les jours… C’est un cadeau.

Il ne tient qu’à moi de saisir cette chance, en ne voyant pas les patients que comme des personnes présentant telle ou telle symptôme ou pathologie, mais comme un tout, et pour les soigner correctement , il me faut connaître leur histoire, comprendre qui ils sont, et cela est très enrichissant pour moi…

Mon métier est passionnant car il permet de decouvrir des tas de choses, de faire des choses diverses.

Par exemple, en plus du cabinet à proprement parlé qui est déjà une source de rencontres variées, j’ai ce mois-ci assisté à des consultations au planning familial, ce qui est pour le médecin et la femme que je suis une opportunité incroyable de découvrir la vie des femmes en dehors de mon petit univers à moi.

J’ai également assisté à des consultations dans un foyer de l’aide sociale à l’enfance dont je suis officiellement le nouveau médecin en titre. Même si ce que j’y découvre est dur, c’est encore une expérience enrichissante.

Le mois dernier, j’ai passé une soirée au foyer de migrants qui se trouve pas trop loin du cabinet et dont nous soignons pas mal de patients, en majorité des maliens. Il y avait une soirée débat autour d’une projection sur un documentaire qui se nomme mémoire d’immigrés. Ce documentaire qui montre l’histoire de l’immigration et les conditions dans lesquelles on est allé recruter la main d’œuvre, nécessiterait à lui tout seul de longs commentaires et devrait soit dit en passant être diffusé dans les écoles. Ensuite, le débat tournait autour de l’histoire du foyer et des ses occupants. Peu à peu, les gens, certains mes patients, se sont mis à parler de leur vie, de leur histoire… J’ai découvert beaucoup de choses, sur ces patients que je côtoie, sur ces voisins que l’on ignore. Bien sûr, nous avons été très bien accueillis, je regrette juste que le buffet ait été offert par la mairie, j’aurai préféré partager leur maffé… mais j’aurai peut-être l’audace de me faire inviter une prochaine fois… En tout cas je sais que je serai accueillie les bras ouverts, aussi bien d’ailleurs si je voulais aller le manger au Mali même…

J’ai aimé cette soirée, j’aime le fait que mon travail me rappelle chaque jour que mon petit univers n’est pas le centre du monde, j’aime le fait qu’il me permette d’entrevoir au quotidien ce que je ne connais pas.

J’aime travailler en Seine-Saint-Denis.

Je pense que ce n’est pas propre à la Seine-Saint-Denis mais je pense que la spécificité de ce département fait que c’est quand même une mine d’or pour qui veut bien voir en chaque habitant de ce département une ouverture sur le monde ….

 

Je me suis couchée moins bête…et plus petite…

Après « on peut conduire avec un plâtre » , je continue dans la catégorie : « Information dont on se passerait sans mal mais pourtant j’ai décidé d’écrire un billet dessus ».

Parce que quand je donne cette information à mes patients, ils me prennent pour une folle. Je vois dans leur regard qu’ils pensent quelque chose du genre: « Mince, c’est le docteur qui me le dit, donc je suis censée la croire mais là quand-même, elle est pas tout à fait nette le docteur » ou « Mais oui docteur, et la marmotte… »

Je vois la compassion, la sollicitude, l’envie de me croire mais ils ont du mal…

Autant des fois les informations ont du mal à passer, que ce soit les histoires de virus, que ce soit « Si, pour un certificat pour le foot, j’ai besoin de vous examiner » ou des choses bizarres comme « il a mal au ventre à cause de son angine » ou le encore plus osé mais néanmoins pas toujours faux « il a mal à la tête parce qu’il est constipé » que je dois à un chef de pédiatrie qui faisait un normacol à tous les enfants ayant mal à la tête, autant cette fois ci, moi-même quand je le dis, je sais que j’ai l’air d’une folle!

Amis docteurs, et même amis patients, n’avez-vous jamais remarqué que la taille des patients varie … N’avez-vous jamais eu à dire à un enfant que vous mesurez régulierement et consciencieusement « Ah ben tu as rétréci ».
Quand j’étais remplaçante, je mettais ça sur le compte de la différence de pose de la toise entre les différents cabinets. De la même façon qu’à force de me peser sur toutes les balances de tous les cabinets dans lesquels je passe, je peux disserter sur leurs différences (et c’est d’ailleurs pour cela que je continue à faire des gardes à la maison médicale de garde, juste pour le plaisir de me peser sur la balance qui enlève deux kilos tout en faisant comme si je le savais pas), je sais avec certitude qu’entre la toise de mes deux collègues, il y a un centimètre de différence.
Mais maintenant que je suis toujours dans le même bureau, comment expliquer que les enfants rétrécissent d’une consultation à l’autre?

Alors attention l’info qui tue: « On rétrécit avec la pesanteur dans la journée »
On peut perdre 1 à 2 cm entre le matin et le soir …

Alors peut-être que tout le monde est au courant et que je suis la seule à trouver cette info passionnante, sûrement que les médecins un peu plus vieux que moi ont déjà fait cette constatation  depuis longtemps, peut-être que vous trouvez ça sans aucun intérêt, ce que je vous accorde bien volontiers, le cas échéant, passez votre route…

Sinon voici comment le docteur qui croit vraiment à ce qu’elle dit fait une dissertation pour se justifier: À chaque fois que je dis « vous mesurez un centimètre de moins que la dernière fois, c’est normal il est 18h… » devant le silence sceptique, je me sens obligée de rajouter:
« Oui je sais que là tout de suite, vous me prenez pour une folle, d’ailleurs moi aussi quand mon collègue me l’a dit ( parce que c’est grâce à toi B.  que moi et la plupart de mes lecteurs se coucheront moins bêtes ce soir, merci), malgré le respect et la confiance les plus totales que j’ai pour lui, j’ai eu quelques doutes sur la véracité de la chose.
J’ai fait des recherches sur internet qui m’ont confirmé que « la pesanteur encaissée tout au long de la journée par les disques vertébraux, véritables amortisseurs visco-élastiques situés entre chaque vertèbre, entraîne leur tassement progressif pouvant s’observer objectivement par une perte de 2 cm de hauteur entre le matin et le soir » Vlan: c’est internet qui le dit !
Ensuite, j’ai constaté moi-même en mesurant la même semaine une fratrie à deux moments de la journée: comment ça m’a fait plaisir de constater la différence de 1cm à trois jours d’intervalle: même la maman à dû s’incliner.
Donc je vous jure chers patients que je ne suis pas folle et que pour le coup, ce que je dis est vrai  »
Voilà et après mon petit discours, je les remesure et comme je me suis justifiée super longtemps, ils ont reperdu 1 cm….

Voilà, c’était l’info du jour qui valait vraiment la peine d’être dite n’est ce pas?

Quand au haut niveau de preuve de ce que j’annonce:
– c’est mon collègue qui me l’a dit
– c’est écrit sur internet
– niveau de preuve moi-même
– je rajoute le niveau de preuve Dr foulard qui après 24 heures de garde doit rerégler son rétro: merci à lui pour ce niveau de preuve supplémentaire.
Il ne manque pour que ma crédibilité soit totale que le sondage twittéral!

Je mets au défi quiconque de me contredire: mesurez-vous matin et soir, prenez une photo avec une preuve non trafiquée de l’heure à côté de vous et si c’est pareil , promis je n’écrirai plus jamais de posts qui ne servent à rien ….

PS: J’espère que pour cet article brillant, je vais à nouveau être citée dans Le Monde … ou dans L’Equipe peut-être 😉

J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle

Aujourd’hui , je n’étais pas d’humeur empathique. 
La fatigue peut-être ou plutôt une humeur un peu particulière suite à des préoccupations personnelles, je ne sais pas mais je n’avais pas envie d’être spécialement compatissante pour les graves rhinopharyngite J1.

 En fait, moi qui suis quand-même super douée pour être très aimable, empathique, quelque soit le motif de consultation, et qui suis quand-même dans la vie en règle générale hyperpolie voire même un peu hypocrite sur les bords, je  me suis retrouvée dans l’état qui m’arrive parfois où tout ce qu’il y a dans ma tête sort de ma bouche ! C’était plutôt drôle et reposant.
Je suis restée sympathique et professionnelle, j’ai soigné avec attention les patients qui en avaient besoin, c’est juste que je ne me suis donnée aucun mal pour faire croire aux autres que je pouvais les « guérir ».
Parce que quand-même, on a beau être empathique et bienveillant: des fois trop c’est trop!

Melle C. 33 ans, qui vient parce que depuis le matin, elle ne se sent pas bien, un peu mal à la tête, et un peu gênée dans la gorge et qu’elle a préféré quitter le travail pour voir un médecin pour éviter que ça s’aggrave!

Mme G. 60 ans, attendant une heure dans la salle d’attente, accompagné de son bienveillant mari, parce qu’elle tousse et parce que elle préférait venir avant que ça tombe sur les bronches!

Mr B. 25 ans qui vient expliquer pendant dix minutes de quelle façon ça le brûle par ci,  c’est bouché par là, et que c’est vraiment insupportable, sans prendre aucun recul sur ce qu’il raconte, vraiment convaincu que c’est un vrai problème.

Moi je veux bien ceux qui viennent en disant c’est chiant mais je sais que y a pire et qu’on peut pas faire grand chose: ceux-là je les aime bien, je ne sais pas bien pourquoi ils viennent cela dit mais on réussi toujours à trouver un intérêt á la consultation, mais ceux qui croient vraiment que c’est le problème le plus important que j’ai entendu de la journée, que non seulement je vais les guérir mais que heureusement parce qu’ils ne peuvent pas rester comme ça une minute de plus, ceux là même moi qui aime tout le monde, des fois, ils m’agacent un peu .

En temps normal, je reste aimable et diplomate, j’essaie d’éduquer patiemment et doucement, en glissant de temps en temps des mots comme viral et bonne nouvelle il n’y a pas de bronchite avec un grand sourire comme si c’était vraiment une bonne nouvelle!

Parce que dire à quelqu’un que « ça n’est pas tombé sur les bronches », c’est risqué:
 
Des fois, c’est pour eux un vrai soulagement: le pire n’est pas arrivé, ouf, ils ont bien fait de venir ! Et quand-même une rhinopharyngite, c’est pas rien ça !
« Qu’est ce que c’est alors Docteur? » « Une rhinopharyngite » « Ah! Je le savais! C’est ce que j’ai toujours, mon fils en a eu une la semaine dernière » ou à la personne à côté: « Tu vois, je te l’avais dit » 

Ceux-là, je les aime bien un peu quand-même… Ils sont rassurés, ils acceptent le verdict du traitement symptomatique ( le traitement symptomatique, c’est un traitement qui sert juste à calmer les symptômes le temps que ça passe tout seul, genre doliprane, pour ma part souvent de l’ibuprofène mais c’est parce que je suis un mauvais médecin, un pschi pschit pour le nez, et même des fois un « sirop pour la toux qui sert à rien », donc rien qui guérit et surtout:pas d’antibiotiques) et ont même l’air d’être contents d’être venus. 

Mais il y a ceux pour lesquels la phrase: « ce n’est pas tombé sur les bronches » est un véritable affront!
Adieu,veaux,vaches,cochons,antibiotiques…
Non seulement, s’ils sont aussi malades, c’est que c’est forcément tombé sur les bronches, mais en plus, ça tombe toujours sur les bronches! C’est bien pour cela qu’ils sont venus d’ailleurs…

Et là commence le combat, non les antibiotiques ne servent à rien, non les antibiotiques ce n’est pas automatique, des fois je pousse même jusqu’au « les antibiotiques,si on les utilise à tort, ils deviendront moins forts. », bref j’explique plus ou moins patiemment: les virus, l’évolution naturelle des chose etc etc … Mais des fois y’en à qui s’arrêtent jamais, on dirait que c’est une question de vie ou de mort cette prescription d’antibiotiques. Il y a le classique « A chaque fois que ça m’est arrivé, j’ai du retourner voir mon médecin (parce que c’est étrange mais dans ces cas là, c’est souvent les patients d’autres médecins) et il a dû me mettre sous antibiotiques…/Moi il me faut des antibiotiques sinon ça ne passe pas/Ça fait déjà une semaine que ça dure/Aujourd’hui ça va mais peut-être que dans deux jours ça sera pire si je prends pas d’antibiotiques! »

Et précision importante:même si c’était « tombé sur les bronches », cela ne nécessiterait quand-même pas d’antibiotiques…Et oui!

C’est incroyable, cette incapacité des gens à intégrer qu’il n’y a rien à faire et qu’il faut juste attendre… On leur annoncerait qu’ils ont une maladie incurable et qu’il n’y a rien à faire,je comprendrais leur désarroi, mais là franchement…

En fait, c’est pas tant les antibiotiques en soi, les gens ont compris parfois l’histoire des virus et tout…c’est juste que si ce n’est pas les antibiotiques, qu’est ce qui va les aider à guérir,les aider à être en forme pour le truc super important qu’ils doivent faire le lendemain, à faire que cette toux sèche mais un peu grasse quand même ne dure pas les sept à dix jours prévus…?

C’est l’espoir et le fait de ne pas accepter sa situation, qui fait que l’humanité avance et progresse, mais c’est aussi cette caractéristique qui rempli les salles d’attente des médecins l’hiver: certains patients ne veulent juste pas accepter l’idée que des fois, y a rien à faire!

Souvent,je dis aux patients: « Je suis médecin, pas magicienne »

En même temps, c’est flatteur le pouvoir qu’on nous prête!

À Melle C., que je n’avais jamais vu et qui est arrivée à H3 pour empêcher que ça s’aggrave, j’ai dit « Ne bougez pas, je vous fais l’imposition des mains » mais je lui ai aussi dit que peut-être ça ne marcherait pas, que ça allait sûrement s’aggraver, que même je ne pouvais pas garantir que malgré sa visite préventive, ça ne tombe pas sur les bronches, et que dans huit à dix jours, ça irait surement mieux mais que la toux pouvait durer plus longtemps…

À Mme G, j’ai ajouté en plus que le sirop que je lui prescrivais ne servait à rien pour qu’il n’y ait aucun malentendu!

Entre deux patients,j’ai failli sortir mettre une affiche sur la porte disant « Je ne peux rien pour vous »

C’est d’ailleurs je pense la première phrase que j’ai prononcé à Mr.B quand il en a eu fini avec sa description de sa grave maladie…

Et je crois que j’ai réussi à ne pas lui parler de mon angine!

Quoi qu’il en soit, lundi je serai sûrement à nouveau patiente et compatissante, mais des fois ça fait du bien d’être juste franche:

« J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle: la mauvaise, c’est que je ne peux rien pour vous, la bonne, c’est que ça va passer tout seul… »