Ma remplacante

Oui j’aime bien utiliser les  pronoms possessifs! C’est un peu exagéré voire malpoli mais je dis mon interne, mes externes et maintenant ma remplaçante ! Ils sont à moi, ce sont les miens!!!! Et j’aime bien faire des articles pour dire que ce sont les miens et que je les aime!!!

« Impeccable » « Très agréable » « Aucun problème » « Nickel »

Voilà les premiers échos seulement trois jours après son départ que j’ai eu de la part des patients.

Ce n’est que le début car je suis sûre que je n’aurai que des compliments.

Je dis « ma » remplaçante car c’est ma première vraie remplaçante à moi et j’en suis fière.

Pendant mon congé maternité, j’avais aussi un remplaçant et j’avoue je disais « mon remplaçant » mais pour être honnête, ce n’était pas vraiment le mien, c’était celui de mes collègues d’abord, je l’avais juste « emprunté ». Il était super néanmoins.

Cette fois-ci, c’est moi qui l’ai trouvé toute seule et elle est venue de loin en plus, juste parce que je lance des rumeurs que la Seine-Saint-Denis c’est tellement génial que les médecins viennent de la France entière juste pour le plaisir d’y travailler!

Quand je dis que je l’ai trouvé toute seule, avouons le twitter m’a un peu aidé. C’est la magie de twitter.

Donc ma première vraie remplaçante à moi toute seule, c’était aussi son premier vrai remplacement, alors on était contentes toutes les deux (enfin j’espère)

En plus, ma première remplaçante à moi toute seule, c’est aussi celle qui s’est mis à genoux pour me demander d’être sa directrice de thèse!

Du coup, on a eu toute une semaine pour parler de sa thèse….euh oui mais en fait non, on en pas parlé tant que ça…on était trop occupé à faire plein d’autres choses!!

Parce que comme elle venait de loin, et que c’est un peu une amie (oui je sais je m’avance, je suis très présomptueuse à dire tout le temps que l’on est amies), elle a un peu habité chez moi, tant qu’à faire, dans mon grenier, enfin sauf quand celui ci était rempli de 20 gamins. Parce que oui en plus elle est tombée pendant la soirée pyjama annuelle, et malgré mes conseils avisés « Fuis !!! », elle est restée de son plein gré et j’ai même l’impression que ça lui a plu! Du coup, pendant que nous on était dans le grenier avec les gamins, elle elle s’occupait de mon bébé, lui donnait le biberon la nuit, histoire d’expérimenter en même temps les bébés et la médecine gé: elle a pris le pack « all inclusive » : cabinet/babysitting/sorties parce que le 1er rempla tout simple, c’était trop facile. Elle nous a même cuisiné des spécialités régionales!

Donc, ma remplaçante à moi que j’aime et qui m’a suivi dans mes idées saugrenues les plus saugrenues (visite du musée pasteur/fabrication d’un gateau clown entre nombreuses autres) qui m’a permis de prendre une semaine de vacances, m’a même entretenue financièrement toute la semaine (coiffeur/restos/ciné) suite à la décapitation de ma carte bleue, qui m’a tenu compagnie au chevet de ma fille malade sans me juger quand ayant renoncée à donner du codenfan périmé, je lui ai donné de l’advil!! (cela dit bonne expérience d’expérimenter en live la vision d’un bébé se roulant par terre en se tenant l’oreille et de voir que c’est pas marrant pour les parents à qui on dit de ne donner du doliprane), c’est la meilleure remplaçante que j’ai jamais eu!!

Sauf que quand-même!!

Elle est un peu énervante!!

Souvent, elle fait mieux que moi et ça me décrédibilise pour la suite.

C’est bien d’être une super remplaçante mais faudrait veiller à ne pas être trop mieux que moi. Parce que si les patients prennent l’habitude qu’on les examine, leur regarde les pieds et leur prenne la tension à chaque fois, ça va mettre la barre un peu haute!

Et puis moi, ça me fait me rendre compte de ce que je fais mal, c’est agaçant. « Mme Machin voulait un collyre antibiotique, alors que un antiseptique ça suffit » …ben oui c’est super vrai j’ai la mauvaise habitude de leur en donner moi. Elle donne même pas de trucs qui servent à rien: Pas un sirop pour la toux ou un pshiit pour le nez…Et voilà, je suis la vieille médecin qui fait des trucs pas bien et elle est fait partie de la nouvelle génération, bien éduquée par twitter et Prescrire dès le berceau, alors que moi j’ai du réapprendre à déprescrire et que je lutte tous les jours pour le faire.

Donc prescriptions nickelles, contact nickel, maitrise du logiciel nickel (la nouvelle génération vous dis-je) , nickel quoi! Un peu trop même, heureusement qu’elle a eu la décence de me poser quelques questions pendant les consults pour redorer mon ego et que je me sente utile.

Bon quelques petits préjugés envers le 93 avec une tendance à penser à la tuberculose facilement..

Et puis aussi, ça m’a énervé parce qu’elle a vu tous mes patients les plus « bizarres » et qu’après elle va croire qu’ils sont tous comme ça!! Après toute la pub que j’ai fait en disant que mes patients étaient tous adorables (cela dit même les « bizarres » sont adorables). Elle a géré la patiente la plus logorrhéique du monde dès son premier jour.

Grâce à elle, une ado difficile à un implant contraceptif  et ça c’est une énorme chose, et si elle n’avait pas été là ce jour là, moi avec mes deux mains gauches, je ne lui aurais pas mis et elle, elle a su la convaincre et lui mettre: gain de chance pour la jeune fille!

Mais le plus énervant, c’est surtout que depuis qu’elle n’est plus là, elle me manque trop!

Outre le fait que je doive aller travailler, je pense que c’est beaucoup moins drôle (et moins pratique avouons le) la vie sans elle à la maison….

Même ma fille le soir dit « Bonne nuit  Elliot  » en direction du grenier en me disant « je sais qu’elle est pas là mais je fais comme si »

Mais bon, elle reviendra!!

Voilà pour conclure, ma remplaçante à moi que j’aime, je suis hyper fière d’avoir été sa première remplacée… et je suis sûre qu’elle sera un médecin génial et tout le monde se l’arrachera (d’ailleurs jsuis déjà hyper jalouse à l’idée qu’elle aille remplacer ailleurs- c’est MA remplaçante quand-même!!-) mais comme elle se sentira redevable parce qu’elle croit que c’est elle qui a eu de la chance de venir, elle sera obligée de venir souvent voir mes tuberculeux bizarres du 93, s’occuper de mes filles, me ramener des « merveilleux » et me payer le coiffeur! Ah, ah , ah comment elle s’est fait avoir !

Et en vrai plus que tout, mais faut pas le dire, je l’aime parce qu’elle est aussi tarée (sinon plus) que moi et que comme moi, elle cache bien son jeu <3

 

 

 

Connexions

J’aime beaucoup Mme M. Entre quelques petits problèmes de santé, ses allergies et ses problèmes d’épaule, elle se confie à moi.Elle vit des moments difficiles, des doutes sur la fidélité de son mari puis une récente séparation qui est difficile. Assistante maternelle, elle gère comme elle peut son travail, la maison, ses 3 enfants. Le grand, adolescent, vit difficilement cette séparation, cela devient très compliqué. Elle, fait comme elle peut, m’a demandé à plusieurs reprises de faire une recherche de maladies sexuellement transmissibles, bien qu’il lui dise que non, elle pense vraiment que son mari a été infidèle…J’aime beaucoup Mme M., les consultations avec elle sont agréables en dépit du contexte et j’ai l’impression qu’elles lui font du bien, que se confier lui fait du bien.

J’aime beaucoup Mme S. C’est ma patiente depuis peu. J’entrevois à peine la vie difficile qu’elle a eu. Elle est enceinte de son premier enfant,bientôt à terme, une grossesse médicalement compliquée et je la trouve très courageuse. Epuisée, loin des siens, elle ne se plaint pas. Elle a cette dignité discrète de ceux qui ont souffert. J’aime beaucoup Mme S.

Lors de la dernière consultation,elle m’a montré les résultats d’examen de son compagnon pour avoir mon avis…

Je connais son compagnon.C’ est un de mes patients. Tous les jours, des connexions se font dans ma tête. « Ah mais vous êtes la belle-soeur/mère/cousine/voisine/fille de MmeX. »

Son compagnon est le mari de Mme M.

Je me dis qu’on fait quand-même un drôle de métier…

Money,money,money

Cela fait longtemps que je voulais parler du tiers payant mais je sais que cela va surement faire débat.A plusieurs reprises et aujourd’hui encore, j’ai aperçu sur twitter des discussions sur le tiers payant. Du coup, voilà, j’ai eu envie d’en parler, plus exactement de reprendre un brouillon laissé à l’abandon (oui en même temps c’est pas un sujet hyper fun).Encore une fois, ces propos n’engagent que moi et je donne juste mon avis et mon ressenti sur ce sujet.

J’ai, dès mes premiers contacts avec la médecine générale connu le tiers payant et j’ai été étonnée en discutant avec des médecins ou des personnes de mon entourage de voir que cette pratique était finalement rare. Dans le 93, elle est beaucoup plus répandue qu’ailleurs même si tous les médecins du 93 ne la pratique pas. J’ai appris ensuite que la CPAM du 93 tolérait le tiers-payant  mais que ce n’était pas le cas d’autres caisses comme à Paris par exemple. Désormais, les textes font entrer la pratique du tiers-payant comme possible au niveau national « si la situation le justifie ».

D’abord: qu’est ce que le tiers-payant?

Le tiers-payant comme son nom l’indique est le fait que les honoraires soient réglés par une tierce personne.Cela revient à ne pas faire l’avance des frais.

Dans un acte médical ou infirmier ou examen complémentaire: il y a une part qui est prise en charge par la sécu qui est de 70% (la part obligatoire) et le reste, la part complémentaire qui est à la charge du patient ou le cas échéant réglée par la mutuelle.

Par exemple, sur les 23 euros de la consultation du médecin généraliste, il y a 16.10 de part obligatoire remboursée par la sécu (moins les 1 euro de franchise mais là c’est autre chose et ça devient compliqué) et 6.90 de part complémentaire.

Quand le malade est prise en charge à « 100% » (certaines maladies que l’on appelle affections longue durée,invalidité,infertilité, accident de travail,certaines consultations chez la femme enceinte et l’enfant), la part obligatoire remboursée par la sécu est donc de 23 euros pour une consultation de médecine générale (26 ou 28 pour les enfants,33 pour les visites etc)

Faire le tiers payant revient à ne pas faire l’avance des frais.

A la pharmacie ou pour certains examens complémentaires, en général se pratique le tiers-payant systématique (sauf pour ceux qui veulent pas les génériques ouhhh) et intégral:c’est à dire:le patient ne règle rien, la pharmacie ou le labo etc, sont remboursés par la sécu pour la part obligatoire et par les mutuelles pour la part complémentaire.

Chez le médecin, je ne sais pas pourquoi d’ailleurs, le tiers-payant intégral est très peu répandu, sauf conventions avec certaines mutuelles et dans ce cas c’est pareil, le patient ne règle rien, c’est le cas notamment dans beaucoup de centres de santé municipaux ou mutualistes.

Le tiers-payant est le plus souvent un tiers-payant sécu:c’est à dire le patient ne règle pas la part obligatoire (70%) qui est payée directement au médecin par la sécu, mais il règle la part complémentaire qui lui est le cas échéant remboursée ensuite par la mutuelle.

Quand il y a une prise en charge à 100%, le patient ne règle donc rien.

Quand ce n’est pas le cas, le patient règle ce qu’on appelle le ticket modérateur: 6.90E pour une consultation à 23E (7.80 et 8.40 pour les enfants)

Il est obligatoire (c’est peut-être un grand mot mais je crois bien que c’est le cas ou devrais je dire il est habituel?) pour le médecin de faire le tiers-payant au patient dans 3 cas me semble-t-il: accident de travail (sous réserve de présenter la feuille), CMU (dans ce cas la sécu prend en charge la part obligatoire et la part complémentaire) et dans le cadre du tiers-payant social je crois que ça s’appelle, c’est la sécu qui donne une attestation de droit au tiers-payant notamment 1 an après l’arrêt de la CMU ou dans le cadre de l’aide à la complémentaire santé)

Pour les autres cas, c’est au choix du médecin.

Il faut bien-sûr dans tous les cas présenter la carte vitale ou au moins son attestation (mais là,ça devient chiant parce qu’il faut remplir une feuille de soins papier et le remboursement est plus long)

Voilà, ça c’était la partie chiante (quoi que après c’est ptet guère mieux)

Ce que je fais moi

D’après mon SNIR, (relevé annuel de la sécu), j’ai un taux de tiers-payant de 86.7%.

Le taux national était de 36.4% en 2008 pour les généralistes de secteur 1 (bon j’ai pas de chiffres plus récents, j’ai tiré celui-là de ma thèse)

Bref, ça fait beaucoup.

D’abord, j’ai pas mal de CMU et d’Aides Médicales d’état.

Ensuite, je pratique le tiers-payant systématique.

A mes patients,aux patients à qui mes collègues ont l’habitude de le faire, à beaucoup de patients que je vois pour la première fois,selon leur âge, leurs habitudes avec leur médecin habituel, leur niveau de vie évalué grosso modo.

La question est plutôt: »A qui je ne le fais pas? »

Aux patients de mes collègues qui ne le font pas (notamment l’une d’elle le fait peu), ou aux miens mais qui n’étaient pas les miens avant et qui avaient l’habitude de tout payer,encore que je ne peux pas m’en empêcher quand je vois trois personnes de la même famille, à certains patients de passage occasionnel…et voilà.

Quand les patients sont à 100%, c’est pratique ils ne règlent rien et pour les autres, ils règlent les 6.90E et du coup,ils me donnent tous 10E et jsuis toujours en rade de pièces mais comme ça je gagne 10 centimes facilement à chaque fois car quand je leur propose mes 10 centimes en pièces rouges, ils me disent à tous les coups « Non gardez les »

Et comme je le disais plus haut: je connais plein de prises en charge à 100% cachées, pour faire payer les gens le moins possibles:invalidité,infertilité,et surtout maternité:

-pendant la grossesse, il y a 7 consultations prises en charge à 100% si je dis pas de bêtises, et à partir de 24 SA. Les femmes reçoivent un « guide de surveillance »

-pour les enfants:il y a 9 consultations « obligatoires » entre 0 et 2 ans puis 2 fois par an jusqu’à l’âge de 6 ans qui sont prises en charge à 100%.Là encore, les parents reçoivent un guide de surveillance et c’est noté dans les premières pages des dernières versions des carnets de santé.

Il faut cocher la case maternité et noter la date de début de grossesse ou la date de naissance pour les enfants et hop, c’est facile!

Du coup, pour tous les suivis d’enfants, les visites systématiques (dont j’ai parlé ici), les vaccinations, je ne fais pas payer. Si c’est une pathologie intercurrente, je fais payer (le ticket modérateur en général).

Pourquoi je fais ça?

Parce que je suis un bisounours pensez-vous?

Oui bien-sûr mais pas seulement.

Je fais ça:

-Parce que mes patients pour beaucoup d’entre eux ont des revenus très modestes et que même s’ils ont une mutuelle, avancer l’argent, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une consultation pour plusieurs personnes de la famille, est un réel problème. On me demande souvent d’encaisser le chèque en début de mois, même lorsqu’il s’agit d’un chèque de 6.90 (dans ce cas jdis oui oui et je le déchire parce que de toute façon jdépose les chèques tous les 36 du mois alors ça serait trop compliqué de tomber au bon moment) Et d’ailleurs, de manière très occasionnelle quand je vois que les patients ont de réels problème d’argent, je laisse tomber les 6.90E.

Donc voilà,je fais ça parce que cela aide les gens qui ont des problèmes d’argent…

Mais pas que…

Même pour ceux qui n’ont pas de problèmes d’argent spécialement, je le fais parce que

-C’est pratique.

Oui c’est pratique pour les gens, même sans problème d’argent,c’est toujours mieux de pas payer que de payer (D’où la réponse quasi unanime à ma question habituelle: »Vous préférez payer 23E ou 6.90E? »). Moi-même, quand je vais chez le médecin, je paye en espèces parce que je sais qu’il fait le tiers-payant quand on paye en espèce.

Et c’est surtout pratique pour moi.

L’argent arrive direct sur mon compte en 48 heures.

Pour les cartes bleues,c’est pareil,ça arrive sur le compte,c’est cool.

Mais les espèces, je les mets dans mes poches (mais je les déclare aux impôts hein évidemment) et je les dépense…sans m’en rendre compte…

Et les chèques, c’est affreux, y’en a qui trainent partout, je fais les remises pas assez souvent, genre vraiment pas, du coup,c’est chiant, faut mettre l’ordre, les endosser, faut compter, recompter, rerecompter parce que ça tombe pas pareil,ça prend des plombes aller les déposer à ma banque qui est pas du tout sur mon chemin, la banque rappelle tout le temps parce que j’ai mal compté ou que y’a un chèque pas signé.Des fois je retrouve des enveloppes de chèques d’il y a 3 mois…Et les gens doivent pas comprendre et dès fois ça doit pas les arranger que j’encaisse leurs chèques un mois et demi après..en fin de mois…

Bref, les chèques,c’est chiant…le tiers-payant,c’est bien! Y’a tout le temps des sous qui arrivent sur mon compte, ça donne le moral!

Et puis, j’ai beau réfléchir, je vois pas l’interêt que la sécu paye les gens et que les gens me payent, non vraiment je vois pas, autant que la sécu me paye, ça évite de tourner en rond.

Et puis,c’est pratique, quand les gens ont pas de sous du tout,comme mon patient foutage de gueule, j’ai au moins 70%…

Et quand la famille débarque en septembre à 4 ou 5 pour leur certificat de sport ou pour des vaccinations avant un départ à l’étranger et que l’on fait 4 ou 5 vraies consultations, j’ai déjà eu des discussions à ce sujet, beaucoup ont des scrupules par exemple à faire payer 5 consultations et en font souvent payer une en moins, en faisant le tiers-payant aucun scrupules on fait payer 5 consultations sans avoir l’impression de devoir justifier les 118 euros.

Donc le tiers-payant, c’est pratique, vraiment!

Mais pas que…

Au delà de ça, il faut l’avouer je pense que j’ai quand-même un vrai problème avec l’argent…C’est difficile quand on arrive en libéral de faire entrer la question d’argent à la fin de la consultation. Cela fait entrer un nouveau paramètre en compte avec toutes les représentations que cela implique.C’est un sujet complexe qui pourrait à lui seul être un sujet à part entière mais en gros, je n’aime pas demander plein d’argent à un patient (genre 3 consults d’enfants à genre 75E, je suis physiquement incapable de les demander) .Pourquoi? parce que je sais que pour les gens c’est énorme, parce que je sais ce que c’est que de manquer d’argent, parce que je gagne bien ma vie et que peut-être une partie de moi en est gênée et culpabilise, parce que plus c’est cher, plus j’ai l’impression que je dois justifier par mes actes le prix de la consultation et que du coup même si ça n’a aucune pertinence, je me sens obligé par exemple de lever mes fesses et de prendre la tension, j’ai plus de mal à ne pas faire d’ordonnance à la fin de la consultation ou à dire devant une grippe d’homme « prenez du doliprane » notamment en garde « et ça fera 65.5 euros s’il vous plait » notamment à des gens ayant peu d’argent.Bref, je me sens plus à l’aise quand les gens ne payent pas ou peu, et même si ça mériterait une psychanalyse,et bien du coup,ça fait un argument de plus pour le tiers-payant…

Donc, le tiers-payant, ça m’arrange…

Mais pas que…

-En fait il faut l’avouer, d’un point de vue plus profond, par principe, je trouve que c’est bien. Je pense que la santé est un droit et qu’elle devrait être gratuite pour tout le monde (d’ailleurs, ça ferait des économies si on enlevait tous les frais de gestion, de paiement et de remboursements etc,ça serait plus simple, plus juste). Donc,ça ce sont mes idées à moi et je sais que je ne vais pas faire l’unanimité (ou alors contre moi) mais cela n’engage que moi et je ne vais pas m’étaler la dessus…

-Enfin, la raison principale si je fais le tiers-payant (et l’on remarquera que dans l’ensemble,c’est donc plus pour moi que pour les gens que je le fais), c’est, comme je l’ai expliqué plus tôt, pour gratter 10 centimes à chaque consult. Vous m’aviez pris pour un bisounours!!

Les objections que vous allez me faire, je vous vois venir

-On n’est pas bien remboursés.

Et ben si ..

Autre question?

Je développe peut-être…

Ben, si, c’est tout, on est remboursés systématiquement en 48h avec la carte vitale, plus longtemps, c’est vrai avec une feuille papier. En tout cas, en Seine-Saint-Denis, pour ne parler que de mon cas, on est parfaitement remboursés.

Et pis heureusement d’ailleurs parce que avec mes 86.7% de tiers-payant, je mangerais pas à ma faim sinon…

Vous allez me dire, s’il n’y a pas de médecin traitant déclaré, on est moins bien remboursé.C’est vrai,mais c’est rare, et puis en cochant la bonne case,c’est bon, et puis au pire, il suffit de le faire que pour les patients dont on est le médecin traitant.

-Il y a des impayés et à la fin de l’année, ça fait une sacré somme…

Pas moi…ou si peu…c’est pas grave

-Après, faut réclamer à la sécu, c’est épuisant…

Je sais pas, je fais pas…

-Il faut pointer les paiements pour vérifier que la sécu nous a payé, ça prend un temps fou…

Ou pas, je fais pas….

C’est sûr que si on a un caractère obsessionnel, ça va pas.

Mais comme c’est pas mon cas.

Alors, d’abord, les logiciels le font tous seuls

Et puis je l’ai fait au tout début, j’ai remarqué que tout était payé, j’ai arrêté de vérifier. Ma collègue a longtemps tout pointé (elle a arrêté aussi d’ailleurs je crois), le taux d’impayés était faible, ça vaut vraiment pas le coup de se prendre la tête… Et puis, si j’ai des impayés, je le sais pas alors ce n’est pas grave, le principal, même si j’ai un peu moins de sous,c’est que je suis heureuse non?

-Certaines caisses de sécu ne veulent pas.

C’est vrai, notamment à Paris je sais…Mais maintenant je crois que ça a changé, faudrait que je cherche les textes de lois mais j’ai pas le courage…

Et cela n’empêche pas le tiers-payant occasionnel (ou même systématique pour les rebelles)

Voilà, j’ai pas d’autres idées pour les objections pratiques mais je suis toute ouie.

Maintenant, l’objection suprême, éthique:

-IL FAUT QUE LES PATIENTS PAYENT POUR QU ILS SE RENDENT COMPTE DE LA VALEUR DES CHOSES!!!

Et bien, moi je ne pense pas. C’est juste mon opinion…

Je ne pense pas que le fait que les gens payent change leur mode de fonctionnement.

On dit que si les gens payaient plus cher, ils ne consulteraient pas pour rien, genre pour un rhume.

Je réponds:

Si quand les gens viennent pour un rhume,si le médecin, au lieu d’encaisser l’argent et de prescrire de la poudre à perlimpinpin, leur explique pourquoi il est inutile de consulter pour un rhume et se contente de prescrire du doliprane, les gens consulteront peut-être moins pour un rhume.

Deux cas de figure:ou la personne a vraiment un problème d’argent, et dans ce cas là, le fait de ne pas avancer les frais l’aide vraiment et évite un retard de soins parce que la personne ne vient pas pour des raisons financières, ou la personne n’a pas de soucis pour payer, a une mutuelle et s’en fiche de payer 23E, et si elle veut consulter pour un rhume, ce n’est pas ça qui l’arrêtera…

J’avais rencontrer un médecin secteur 2 pour ma thèse qui me disait ceci

« -Je pense que le fait de payer plus cher sélectionne positivement les patients et
que les patients qui ne payent pas sont plus exigeants et multiplient les consultations
inutiles.Ils sont plus exigeants, on leur doit .Ils payent pas mais on leur doit .-
Et ceux qui payent avec dépassement d’honoraires, ils n’ont pas cette attitude?
-Non, pas du tout. Ce sont des patients en général bien élevés .Parce
que quand les patients viennent en se disant je paye rien… y’a des patients viennent pour une boite de Doliprane ou un tube de Dexeryl .Le fait que les gens payent , qu’ils vous donnent un petit peu plus , d’abord vous avez l’impression qu’il faut en faire un petit peu plus et puis les gens ,comment dire ,viennent pas pour un rien , viennent moins pour un rien. Les gens ils viennent autant qu’ils veulent .On voit une mère qui vient parce que son enfant a le nez qui coule , elle vient chez le docteur ,elle fait la queue , bon chez moi elle attend moins , pourquoi , parce qu’il a le nez quicoule .Bon ben quand vous payez 30 euros ou même 22 euros et que vous les sortez , vous allez pas chez le médecin pour un nez qui coule -Vous ne vous sentez pas gêné quand ils payent 30 euros de leur donner seulement du Doliprane par exemple?-Non parce que c’est leur choix. Il y a des mamans qui ont une bonne mutuelle, elles vont venir trois fois dans le mois pour des rhinos,c’est toujours Pivalone et Maxilase et Doliprane mais elle a besoin d’être rassurée, elle s’en fout de payer 30 euros .-Ce n’est donc pas une question de CMU…
– …Si…enfin…,non…,voilà…,bon… il y a certaines personnes qui raisonnent un peu comme la CMU .Mais c’est beaucoup plus rare…. »
Si on veut éviter les consultations inutiles, il faut éduquer le patient, c’est tout. C’est le médecin qui est responsable de la prescription et de la consommation de soins, pas le patient.
On dit effectivement souvent que les patients avec la CMU (qu’est ce qu’ils prennent ceux-là) viennent pour rien et demandent beaucoup de dexeryl…
Alors oui ils demandent surement plus de dexeryl que les autres parce que les autres souvent ils achètent de la bonne crème de marque à la pharmacie, ensuite dans plein de cas c’est bien qu’ils s’hydratent la peau quand elle est sèche, les pieds quand ils sont diabétiques..Après, s’il juge non justifié le médecin n’a qu’à pas le prescrire ce dexeryl responsable du trou de la sécu (contrairement aux trafics sur les transports médicalisés, aux cures thermales ou aux nouveaux médicaments inutiles voire dangereux et hyper chers prônés par les labos, non c’est évident,c’est le dexeryl et les patients CMU qui sont responsables de tous les maux de la sécu) mais moi je me dis que quand bien même mon pauvre patient qui a vraiment mais vraiment une vie difficile et qui me demande du dexeryl alors qu’objectivement médicalement il en pas besoin, si c’est son seul plaisir de se mettre un peu de dexeryl hein….
Mais je m’égare…

On dit que les gens vont aux urgences parce qu’ils ne paient pas.

Je réponds donc: s’ils ne payaient pas non plus chez le médecin généraliste, ils n’iraient pas aux urgences…

Je pense surtout que c’est décaler le problème. C’est sûr qu’il faut que les gens se rendent comptent de la valeur des choses mais ce n’est pas le tiers-payant le problème. C’est un problème d’éducation à la santé, global, sur le système de soins, sur le parcours de soins, sur le coût des choses, qui est je pense assez propre à notre pays…

Il y a des gens pénibles partout, chez les patients bénéficiaires de la CMU, comme chez ceux qui sont aisés. On peut entendre tout autant « Je m’en fiche, je ne paye pas » que « je paye, j’y ai droit » ..

C’est à nous de leur expliquer les choses et de toute façon qu’ils s’en fichent parce qu’ils ne payent pas ou qu’ils y ait le droit parce qu’ils payent, c’est le médecin qui prescrit ou non.

Voilà, mes patients payent peu, souvent pas. Ce n’est pas pour ça qu’ils viennent tout le temps ou pour un rien (s’ils le font, c’est parce que je ne leur ai sans doute pas bien expliqué les choses), ce n’est pas pour autant qu’il y a la queue devant chez moi, ce n’est pas pour autant qu’ils sont exigeants ou pénibles (je vous l’ai déjà dit, mes patients sont adorables), mais c’est plus pratique, je me sens mieux comme ça et surtout, je sais que il y en aura moins (car il y en a quand-même, même pour 6.90E) qui ne viendront pas alors que c’était nécesaire parce qu’ils ne savent pas comment payer…

C’était mon avis bien-sûr, je sais bien que beaucoup ne seront pas d’accord (et encore je ne publie pas sur egora) et ça tombe bien chacun fait comme il veut.

Mais peut-être que quelques uns seront d’accord, que certains, patients ou médecins, ne savaient pas tout ça (comme moi quand j’étais jeune, notamment les consultations pour les enfants qui sont très méconnues) et que mes élucubrations nocturnes me sembleront moins soporifiques au réveil…qui sait ?

Pour en rajouter une couche:voici une étude de l’IRDES  « Le tiers-payant est-il inflationniste? »

Capture

et puis une autre

bref, le tiers-payant n’augmenterait pas la consommation de soins..on m’aurait menti

Le médecin généraliste cet indispensable

Brèves de patients:

« Je suis venue pour vous remercier, c’est grâce à vous si les choses se sont passées comme ça… »

« J’ai été aux urgences ce matin pour mon fils qui a convulsé, ils lui ont donné ce traitement pour une otite mais je voulais votre avis avant de le commencer »

« Ma fille (mineure enceinte avec grossesse avancée qui consulte pour la première fois qui ne m’a  pas décroché deux mots et dont je n’étais vraiment pas sûre du contact établi) veut vous prendre comme médecin traitant, elle vous a beaucoup aimé »

« Je viens vous voir pour vous dire que ça fait un mois que je ne fume plus et que c’est grâce à vous »

« Non si vous êtes pas là je vais pas voir un autre médecin, c’est vous mon médecin »

« Depuis qu’on est venu vous voir la dernière fois, il ne fait plus pipi au lit… »

« La diabétologue, elle a dit qu’elle restait disponible en cas de besoin mais que c’est pas la peine que je retourne la voir pour l’instant, qu’elle vous connait bien et que vous saurez gérer sans problème »

« Vous m’avez redonné confiance envers les médecins »

« Un spécialiste me dit ça, l’autre me dit autre chose mais VOUS docteur qu’est ce que vous en pensez? »

« Je voulais vous dire merci de ce que vous avez fait pour ma mère… »

« Aux urgences, ils ont dit que vous aviez eu le nez fin et que heureusement que vous m’avez envoyé »

« Mais le pédiatre docteur, qu’est ce qu’il fait de plus que vous? »

Voilà, vous vous doutiez bien que je ne pouvais pas rester sur le post « Orangina Rouge » précédent (mais non moins véridique), mon côté bisounours reprend le dessus pour dire qu’au delà de tout ça, la considération on l’a dans les yeux de la plupart de nos patients et c’est pour ça que notre métier est si beau ….

Et les commentaires me font dire que les mentalités changent peu à peu chez les étudiants quand même …

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Spring is coming

Mr L. est face à moi avec ses yeux tout rouges, tout essouflé par ses poumons qui sifflent le retour de son allergie saisonnière!

Il est là, jour pour jour, à la même date que l’année dernière et je m’émerveille devant la répétitivité des choses. J’admire ses yeux rouges, ses crises d’éternuements! La nature est impressionnante: pas de doute: C’est le printemps!!!

Oui, certains s’extasient sur la nature, les bourgeons en fleurs, le rayon de soleil qui éclaire la fleur près de la rivière,mon mari me parle du framboisier qui sort ses feuilles… Le printemps est là!

Moi, la nature, c’est pas mon truc, ça m’émeut pas, le jardin, j’y touche pas, je fais semblant de m’extasier quand mon mari et ma fille me forcent à bouger mes fesses pour aller voir la première rose du jardin…si la seule chose qui m’intéresse c’est ce qui se mange…

Mais par contre, le fait que mes patients arrivent tous les uns après les autres le même jour, et à la même période que l’année dernière avec leur nez qui coule, leurs yeux qui grattent, c’est con mais ça, cette nature là, celle du corps humain, et ben ça m’émeut presque!

Alors Mr L. étouffe un peu devant moi,il est pas au meilleur de sa forme et moi je lui dis gaiement « Mais quelle bonne nouvelle, c’est le printemps! »

Oui, c’est quand-même une bonne nouvelle.Je me surprends même à parler météo avec mes patients, moi qui n’en ai vraiment rien à carrer de la météo et qui trouve que les discussions sur le temps sont vraiment le plus bas niveau de la discussion, je me surprends à dire des phrases pathétiques comme « Quel beau temps… » « Le printemps est là, enfin… »

C’est pas tant que je suis heureuse du beau temps. C’est vrai que c’est agréable de manger dehors, que ça va être sympa de ne pas emmitoufler mon bébé à chaque fois que je sors, que ma grande ne sera plus la seule de la classe à ne pas avoir de bonnet et de gants, que les barbecues c’est sympa, même si c’est vraiment affreux cette odeur de fumée, oui c’est chouette, je vais pouvoir aller promener mes filles au parc au lieu d’être obligée de rester emmitouflée sur le canapé devant la télé (oh wait..)

Donc voilà, moi j’ai rien contre l’hiver! Jsuis une fille d’intérieur (surtout de l’intérieur de mon lit d’ailleurs), la neige me gêne pas, je prend le froid avec indifférence, j’attends que ça passe, c’est mon côté résiliente.

Mais quand-même l’hiver a été rude…

Pour tout le monde mais je pense surtout au pauvre médecin généraliste…

L’hiver a été long, l’épidémie de grippe interminable, les gens n’ont pas arrêté d’être malades les bougres…

Pour le médecin généraliste, la vie suit un peu le rythme des saisons:

A l’automne, c’est sympa hein, c’est beau, les feuilles qui tombent des arbres, la rentrée des classes etc mais pour le médecin généraliste, c’est la saison des certificats. C’est sympa les certificats, des gens pas malades, de la prévention, c’est vraiment sympa..mais au bout du 15ème certificat de la journée, ça devient bien relou les certificats, toujours plus urgents les uns que les autres, sans parler des Certifalacons .

Et puis vient l’hiver…je veux bien croire que c’est dur pour tout le monde et notamment pour les malades, mais c’est dur pour les médecins quand-même…

Cette pression quotidienne, permanente, pour qu’on les guérisse, alors qu’on peut rien faire!! Moi-même, je suis assez étonnée du fait qu’en 2013, on peut aller sur mars, greffer des utérus et autres prouesses technologiques, mais on sait pas guérir le rhume…Mais c’est un fait, et un fait qui ne semble pas être connu du commun des mortels qui attend du médecin tout puissant un remède miracle… Voir la déception et la rancoeur dans les yeux des gens, consultation après consultation, jour après jour, pendant l’hiver entier…Tendre avec angoisse une ordonnance de doliprane à un grippé agonisant alors qu’on a tellement envie d’être aimé, garder empathie et patience façe à un patient qui est venu dès les premières heures de son nez qui coule parce que comme ça,c’était pris à temps…quand on est soi-même parfois malade ou en manque de sommeil…l’hiver fut rude…

J’aurai pu organiser un RHINOALACONDOR, parce que je pense qu’on aurait eu des belles perles…

Plusieurs médecins bloggueurs ont parlé du sujet…

de mémoire, merci donc de me signaler ceux que j’oublie…

Borée La Maladite

Granadille: Les antibiotiques, encore un long chemin

We are basically alone: Médicaments, conforts, bénéfices et incertitudes

Moi Jai une bonne et une mauvaise nouvelle

Armance Je remercie la grippe

et surtout ne loupez pas cette explication de Doc Maman sur La grippe d’homme

et la douloureuse expérience d’un médecin généraliste façe à cette même grippe d’homme: Dr foulard Ma crève

Donc ce difficile hiver est terminé, enfin semble-t-il, ne nous emballons pas, je n’ai pas ressorti la garde robe d’été, je me méfie (et de toute façon elle ne me va plus, il n’y a qu’enceinte avec un légitime gros bide que je pouvais me permettre de mettre des ptites robes)

Et le printemps est là! et j’adore le printemps…parce que les consultations printanières, elles sont chouettes.

Les gens sont de bonne humeur, les dépressifs retrouvent un peu le sourire (et du coup son corrolaire négatif:je ne peux plus me servir de mon argument choc « ça ira mieux quand il fera beau »), les personnes âgées remettent le nez dehors, on voit les enfants pour des certif de colonie, on parle vacances, les journées sont moins chargées …

Et puis les allergies saisonnières, c’est certes toujours une histoire de nez qui coule mais cette fois ci,on a quand-même un traitement efficace.

Ce sont des consultations agréables, propices à la discussion et à la prévention. Le traitement est efficace la plupart du temps. Il n’y a parfois même qu’à cliquer pour renouveler le traitement de l’année d’avant…

Oui enfin, finies la rancoeur et la déception dans les yeux des gens (toute façon dans leurs yeux y a que du rouge), enfin je sens que je peux les aider, enfin ils m’aiment!!!

La fièvre de la compta

Comme tous les ans, je sors d’une période étrange que j’appelerais « la fièvre de la compta »!

Pendant quelques jours,à l’approche de l’échéance annuelle de déclaration fiscale, je me transforme de « bordélique qui ne s’occupe absolument de rien toute l’année » à « folle dingue qui passe ses nuits à faire de la compta »

Et ça ne me déplait pas, en plus.

Toute l’année,je ne fais rien, mais rien du tout…Je ne tiens pas de cahier journal, je ne range pas tout dans des ptites pochettes bien organisées, non je ne fais rien. Je garde à peine les factures, je mets les relevés bancaires non ouverts à un ou deux endroits stratégiques, si par hasard, j’ouvre mon courrier et que ça me semble un peu important, je le met sur un tas avec les papiers plutôt importants…

Je fais mes remises de chèques une fois tous les 36 du mois, j’ai des chèques et des billets qui trainent partout, une fois j’ai retrouvé une énorme enveloppe pleine de chèques datant de plus de 2 mois.

Je paye mes factures en retard, quand je les paye…

Bref, je suis une vraie catastrophe. Mais c’est un bordel organisé malgré tout…Je gère!

Et puis, vient le moment de la déclaration annuelle d’impôts.

L’année dernière, je l’avais complètement zappée,j’en ai entendu parler une semaine avant l’échéance, c’était branle-bas de combat!

Cette année, je m’y suis pris super en avance, genre plus de 2 semaines avant la date limite et jvais avoir cloturé plusieurs jours avant la fin! Trop la classe.

C’est un peu moins drôle comme ça, mais j’avoue que ça repose.

C’était drôle quand, avant d’être en libéral, j’avais que ma petite feuille d’impôt à remplir. Je m’y prenais le dernier jour à 23h, 1 heure avant la limite pour la déclaration par internet (parce que j’avais loupé la date de l’envoi papier) et là,panique à bord,je ne trouvais pas mon numéro de télédéclarant ou alors je le trouvais mais je ne trouvais pas mon numéro fiscal de référence vu que je n’avais aucune idée de où j’avais bien pu ranger ma feuille d’impôt de l’année précédente. Une fois connectée, merci à la déclaration préremplie, car j’avais réuni à peine 3 fiches de paye de l’année passée, vous savez les fiches de paye d’interne que l’on nous donne à l’hôpital, que l’on met dans la blouse et qui disparaissent mystérieusement aux quatre coins du monde… Ensuite, pour les déductions, à l’époque il n’y avait pas grand chose mais de toute façon, ça passait à l’as car il paraissait illusoire à 23h48 de retrouver les reçus fiscaux de mes nombreux (oui nombreux en plus, c’est  couillon) dons à des associations ou autres.

Et c’est vrai, que quand j’appuyais sur « envoyer » à 23h59, c’était drôle mais bon, j’ai vieilli…Maintenant je suis un peu moins fun: j’ai fait des boites!!!!

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C’est commun, un peu triste et consensuel mais bon un peu pratique quand-même et puis tant que je ne range pas les choses correctement dans les boites, ça va …

Donc, une bonne quinzaine avant la date limite, je m’y met, jsuis large!!!

La première phase n’est pas la plus simple et là j’avoue que je perds un peu de temps, c’est la collecte des données…En gros, je vais à la chasse, je regarde dans mes boites, je regarde là où les choses sont censées être, je ratisse les 4 ou 5 endroits stratégiques de la maison où se trouvent des tas importants avec des lettres importantes ouvertes ou pas et finalement après tout ça, je m’en sors pas trop mal: 11 relevés bancaires sur 12 (ça, c’est la base, sans ça je ne peux rien faire:la banque m’a fait payé 8 euros le duplicata du mois manquant mais s’est trompée d’année- youpi l’année prochaine j’aurai 2 mois de janvier, deux fois plus de chances de le retrouver-du coup j’ai bidouillé comme j’ai pu pour janvier), j’ai trouvé mon SNIR (et oh miracle, il correspond à peu près à mes recettes cette année!), j’ai appelé la sécu pour avoir le montant de mes indemnités de congé maternité versées sur mon compte perso (et là pour le coup,y’a aucun moyen que je retrouve un relevé, autant je surveille de loin mon compte pro, autant mon compte perso s’autogère), et la dame de la sécu m’a gentiment et rapidement répondu (elle m’a aussi signalé que n’ayant pas envoyé mon papier, d’ailleurs introuvable,prouvant que j’ai payé mon dû à l’URSAFF cette année, je ne suis plus affiliée), j’ai appelé mon remplaçant pour qu’il me redise combien je lui ai versé, je ne comprends pas pourquoi mais mes talons de chèques n’ont pas voulu me donner l’information (heureusement c’est un grand malade qui fait des tableaux excel et qui photocopie les chèques qu’on lui fait ), j’ai appelé tous mes organismes de prévoyance/assurance pour qu’ils me renvoient les attestations fiscales introuvables.Enfin, j’ai photocopié tous mes documents URSAFF/CARMF de l’année que je suis censée envoyer à fur et à mesure à MagiqueMédiaSanté (un organisme que tu payes pas très cher et qui font plein de choses pour toi,notamment aujourd’hui trouver une erreur de montant de la CARMF)), je les ai envoyé et hop, ça y est je suis fin prête.

J’avoue que cette phase n’est pas la plus drôle, mais en même temps, c’est le prix à payer pour être désinvolte toute l’année et puis après ça, du coup le reste parait tout simple. Pour moi, le vrai défi, c’est de réunir toutes les données, après ç’est du gateau!

Après, je fais ma ptite compta annuelle, mois par mois, puis jfais mes ptites additions, puis je refais mes ptites additions pour être sûre, puis je les rerefait parce que les deux premiers résultats ne sont pas les mêmes et hop en très peu de temps, emballé c’est pesé!

Je fais tout à la main, sur des feuilles que je trouve, au dos des dessins de ma fille par exemple. J’ai pas de logiciel…parce que j’aime bien à la main, et parce que MagiqueMédiaSanté ils disent que avec les logiciels, on peut pas tricher retrospectivement, en cas de contrôle, on est censé avoir un logiciel agrée etc …

Du coup, je perds un peu de temps à faire mes additions.

La phase suivante est ma préféree, celle où je me transforme vraiment. Je recupère aux quatre coins de la maison encore une fois les Lettres de Média Santé, que j’accumule en me demandant bien pourquoi tout au long de l’année et je lis tout…et là je deviens une machine à tuer! Posez moi une question, à quelle ligne de la 2035 met-on mon Iphone par exemple? (ah ben non mauvais exemple, n’ayant gardé aucune facture, je ne peux pas le déduire). Je me retrouve à dire à ma collègue « Tu fais pas de DAS2 pour le secrétariat téléphonique alors que c’est obligatoire pour les sommes supérieures à 600 euros!!! » (Bon en fait c’est pas obligatoire) Je passe dans la maitrise…

Là, je suis au stade où la seule chose que j’ai envie de faire, c’est remplir ma 2035 (le but ultime tant attendu) et où je suis déchirée de devoir aller dormir, aller regarder ma série préférée avec mon mari ou m’occuper de mes enfants. J’ai même tenté de continuer avec un bébé dans les bras et une piplette de 5 ans ne me laissant aucun répit (ça c’est pour ceux qui trouvent la compta trop facile,on peut rajouter des handicaps).

Donc du coup hier soir, en rentrant de garde hier à minuit, j’ai décidé d’enfin prendre le temps tranquille de la remplir ma 2035 et j’ai été pénard jusqu’à 3heures du mat!!

A 2 heures, je jouais à plouf plouf pour décider au pif combien j’allais bien pouvoir mettre de kilomètres au barême kilométrique…

Je vous dit, j’ai la « fièvre de la compta », parce que moi-même, j’ai conscience que c’est pas tout à fait normal…surtout que jsuis large, j’ai encore une semaine!!

Et la dernière phase, un peu rabat joie,c’est de remplir le dossier de l’ AGA (association de gestion agrée qui vérifie en gros que t’as pas fait n’importe quoi dans ta comptabilité, que les choses sont cohérentes et que t’as pas trop trafiquouillé -ce qui est un peu mon genre de trafiquouiller). Faut remplir plein de lignes, faire des additions, des soustractions etc, et à la fin magie de la compta, si t’as bien tout fait comme il faut E=F!

E n’égale jamais F, je rêve qu’un jour E=F.

Cette nuit E était à 900 euros de F, et tout d’un coup, je m’aperçois que j’ai oublié un truc de 900 euros environ justement. Mon coeur s’accelère…je refais les calculs et je sens venir la joie, l’orgasme presque avant d’appuyer sur la touche de la calculatrice qui va me dire que enfin, oui enfin E=F…J’attends quelques secondes pour faire durer le plaisir de l’anticipation , j’appuie et ….

E est maintenant à 1800 euros de F …

A 9h du matin, je demandais à mon AGA quelle marge d’erreur ils tolèrent…Je vais encore devoir trafiquoter mais l’année prochaine, je le jure E SERA EGAL A F!!!!

(c’est donc mon deuxième défi ultime avec « et un jour j’arriverai au bon moment à la mater »)

Epilogue:

Vous vous demandez tous à ce stade pourquoi je n’ai pas de comptable!

Si vous avez bien suivi, la première phase est la pire pour moi, et si j’avais un comptable, je devrais être ordonnée pour lui donner ce dont il a besoin ..

C’est aussi pour ça que je me tate à avoir une femme de ménage, faudrait que je range avant qu’elle vienne.

Et puis, après, remplir la 2035, c’est pas si compliqué, avec l’aide de MagiqueMédiaSanté bien sûr.

J’ai appris progressivement, de la 2042C en microBNC à la 2035, du statut de remplaçant à la collaboration, cette année avec le congé mater, un remplaçant, ça rajoute des choses…pour l’instant , c’est assez simple, un jour prochain, j’affronterai les histoires d’immobilisations , de SCM…petit à petit, c’est tout à fait jouable! Même pour moi!

Et puis, j’ai entendu plein d’histoires de comptables qui ont fait n’importe quoi.

Et puis, ça ne m’a pas pris tant de temps que ça: une douzaine d’heures en tout: 12 heures par an!!

(bon j’ai pas encore tout à fait fini, je ne désespère pas que E soit un peu moins loin de F)

Et puis, j’aime bien..

Comme dit MagiqueMédiaSanté « Etre autonome et efficace,c’est tout le bonheur que nous vous souhaitons »

Et même si E n’égale pas (mais alors pas du tout ) F cette année, je suis fière de moi!

J’avoue, je ressens une fierté d’avoir fait ça toute seule, comme une grande! (ou presque)

 

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La Reprise

7 h du mat! Ce bébé est adorable, elle a décalé ses heures de réveil pour coller à mon nouvel emploi du temps. A 2 mois, je considère qu’elle « fait ses nuits » comme on dit, un seul réveil la nuit et très court, moi je considère que c’est « faire ses nuits ». Mais entre la grande qui, ce qui n’arrive jamais m’a tenue éveillée une partie de la nuit, et le fait que stupidement je me suis couchée très tard car je voulais pas que mon congé maternité se termine et être au lendemain,et bien c’est dur ce matin.

De toute façon, tous les matins de ma vie sont durs, même me lever après une grasse mat, c’est dur…Alors, me lever à 7h du mat, après quelques petites heures de sommeil entrecoupées, après 4 mois de congés et avec un bébé à s’occuper en plus de moi-même et un peu de la grande (un peu car à part le choix des vêtements qui est toute une histoire, avouons le, le matin, c’est le papa qui gère), c’est dur!

La séparation chez la nourrice n’est pas trop difficile car le plus dur a été fait la semaine dernière (y compris la déprime) et que la nourrice est géniale et comme de la famille mais j’arrive quand-même au cabinet avec un quart d’heure de retard et en ayant oublié mes clés, je suis pas encore au point.

La journée commence, en fait elle a commencé il y a 2 heures et je suis déjà crevée. Vis ma vie de mère de famille…jsuis pas habituée.

J’ai du mal à m’y remettre mais jsuis contente de retrouver mes patients. Cela me fait vraiment plaisir en fait alors que je n’avais pas spécialement une grande envie de revenir.

Il y a beaucoup de mes patients préférés. Il y a même ma famille de patients préférée.

Certains ne savaient pas que je serai là, mais sont contents de me voir. Certains sont venus beaucoup de fois en mon absence. Certains n’ont pas été malades en 4 mois et sont malades quand je reviens: ils m’aiment tellement peut-être qu’ils tombent malades juste pour me voir, ou peut-être que je leur porte la poisse. Certains ont l’air déçu que mon remplaçant ne soit plus là.

Mon remplaçant a tout très bien géré et a été apprécié par tout le monde. En gros, le monde ne s’est pas écroulé en mon absence, personne n’est indispensable, je le savais et ça ne me gêne pas du tout, au contraire.

Il y a quand-même Mme G. qui vient pour une bonne bronchite sur terrain fragilisé qui attend depuis un mois que je rentre pour consulter. Oui, c’est gentil mais non fallait pas quoi!

Mme S. que je vois en visite tous les mois alors que finalement son état est stable mais qui ne veut pas espacer, à qui j’avais fait une ordonnance de traitement de 4 mois et qui n’a pas appelé en mon absence parce que tout allait bien et qu’elle n’avait pas envie de voir quelqu’un d’autre que moi.

Melle B. que je devais voir la veille de mon départ et qui avait annulé, qui avait un problème ancien que l’on venait de commencer à prendre en charge, est revenue le jour de mon retour pour reprendre où les choses en étaient restées il y a 4 mois.

Je revois Mr. B. avec qui je n’arrivais à rien et pour qui j’étais contente de passer la main, car j’espérais que mon remplaçant trouverait peut-être le moyen de faire avancer les choses…mais non, les choses sont malheureusement restées là aussi, où elles étaient il y a 4 mois…C’est bien pour mon égo mais j’aurais vraiment aimé que ce soit moi qui ne sache pas m’y prendre.

Donc, voilà, contente de retrouver mes patients, certains m’attendent avec des cadeaux, mes collègues aussi, ça fait plaisir. Je réponds aux mêmes questions toute la journée: « Elle s’appelle Endive » « Oui, ça s’est bien passé, comme un accouchement quoi, c’était pas non plus hyper marrant » « C’est une grosse mémère ». Je montre des photos à mes patients préférés, jfais un peu ma fière parce que tout le monde me dit qu’elle est belle (oui, ils vont pas dire le contraire mais ils pourraient se taire…et puis elle est vraiment belle).

J’essaye de rester professionnelle et de pas tout ramener à moi, mais c’est dur…surtout quand je vois des bébés de l’âge de ma fille, heureusement que je ne suis pas une vache laitière et que mes seins ne se mettent pas à couler en entendant les bébés pleurer. Je sors une couche de mon sac pour une patiente qui en a besoin. Je sors même mon tire-lait pour le montrer à une patiente qui veut que je lui en prescrive un. Oui, c’est un peu limite mais c’est elle qui a lancé le sujet et autant lui apporter les meilleures informations possibles.

Il y a beaucoup de monde.Il est 13h, j’en ai vu douze.C’est beaucoup pour moi, pour un matin sans rendez-vous. D’habitude, je finis plus tôt. Du coup, je file en courant voir ma fille. Pas trop le temps de discuter avec mon remplaçant (qui est encore là car cette semaine, il remplace ma collègue). Jpeux même pas lui faire son chèque car j’ai oublié mon chéquier. C’est peut-être un acte manqué car j’ai même pas sur mon compte la somme que je lui dois (oui je ne me plains pas mais au niveau finance le congé mater là c’est chaud!) mais je pense que c’est juste que je suis à la masse.

Je vais chez super nourrice (oui un avantage à travailler près de son domicile). Je retrouve avec joie mon bébé d’amour qui a très bien vécu sa matinée sans moi (et oui même avec ses enfants nul n’est indispensable) mais qui semble ravie de retrouver mon sein et qui se jette dessus avec tellement d’avidité, d’autant plus qu’il est anormalement plein, qu’elle me vomi tout dessus avec autant d’entrain.Vomir est un mot faible, parce que à ce stade, c’est même plus vomir, c’est une vraie douche, même ma culotte est trempée. Elle recommence une deuxième fois, j’ai la présence d’esprit de l’éviter et cette fois ci, elle vomi 1m50 plus loin, faut que je l’envoie à vidéo gag me dit la nourrice.

Bref, je me trouve devant un choix cornélien.Il me reste 20 minutes. J’ai soit, juste le temps de retourner chez moi me changer, sachant que je pourrais aussi récupérer mon chéquier, soit le temps de m’occuper de ma fille manger la succulente assiette que SuperMerveilleuseNourrice m’ a préparé. Le problème c’est que même si je rentre me changer, je ne sais pas quoi mettre parce que je suis énorme et que j’ai que trois pantalons qui me vont et qui ne sont pas des joggings et ils sont tous au sale parce que hier quelqu’un m’avait déjà vomi dessus. Et le problème, c’est que ma fille a besoin de moi
l’assiette qu’elle m’a préparé est particulièrement délicieuse et qu’elle me fait de l’oeil et que quand même j’allaite, faut que je mange (phrase à l’origine du fait que j’ai plus de pantalon à ma taille).

Je suis donc de retour au cabinet, repue, triste d’avoir laissé ma fille à nouveau et pleine de vomi. Ca ne se voit pas car j’ai un pantalon noir mais je suis encore humide et probablement malodorante. Je suis un peu fatiguée aussi.

Mais oui, c’est trop facile de travailler et d’avoir des enfants en même temps.

C’est reparti.

Ce qui est bien, c’est que je n’ai pas le temps de trop penser ni à ma fille, ni à ma fatigue, c’est le côté positif (avec son pendant négatif) de la nécessité d’abstraction de ce métier.

En plus, aujourd’hui, vraiment pas le temps de se poser. Je suis partie en été et là, et bien, c’est l’hiver!!Et tout le monde est malade. J’ai pas eu le temps de faire la transition moi. C’est violent toutes ces rhinos et ces gastros.

Il n’y a pas que ça heureusement, je fais un brillant diagnostic chez un patient qui présente une toux sèche d’effet secondaire de médicament (IEC). Bon,en fait,c’était hyper facile, c’est typique et en plus le patient a commencé la consultation par « Je tousse, est ce que ce ne serait pas à cause de ce médicament ». Mais bon, au moins une toux pour laquelle je peux faire quelque chose!

La journée est presque finie. J’ai presque trois quart d’heure de retard, ce qui me stresse, je déteste être en retard mais c’est à cause des gens, des rajouts, des j’ai RDV pour un mais l’autre est malade aussi etc.En plus, j’ai perdu l’endurance et quelques habitudes. Je confonds même des patients et leur dit pas mal de bêtises. Le secrétariat appelle une fois de plus (je leur crie ah non j’en peux plus de vos appels) pour me rajouter en dernier un bébé de 3 mois qui vomi. Je ne peux évidemment pas refuser un bébé de 3 mois (cela dit la mienne aussi elle vomi, est ce que je consulte, bon c sûr jsuis médecin et j’ai décidé qui plus est de me raisonner: non ce n’est pas une sténose du pylore, c’est un réflexe à l’éjection jsais pas quoi).

On papotte,on papotte et la journée est enfin terminée.J’ai vu 26 patients.Pour moi, c’est une énorme journée. J’arrive chez SuperNourrice qui a récupéré la grande à l’école (comment ferions-nous sinon??)  Les deux dorment. Il fait nuit, il fait froid, il faut trimbaler les sacs, le cosy, la grande veut que je la porte.

Je suis chez moi, il est 19h45. Il faut faire manger la grande, faire tout le rituel du coucher, tout en s’occupant du bébé. Il faut que je tire mon lait. Je suis là, debout, au milieu de ma maison en bordel (oui parce que depuis 3 jours, je déprime et je fous rien histoire de profiter de mon congé mater jusqu’au bout ce qui je m’en aperçois maintenant est peut-être une erreur) et j’ai un énorme, énorme coup de fatigue…voire même un moment de découragement!

Et je me pose la question: Mais comment font les femmes? Mais comment font les gens?

Parce que moi, j’ai de la chance et j’ai la vie facile!

-J’ai une super nourrice qui est comme de la famille et lui laisser mon bébé de 2 mois est un réconfort extrème.

-Je n’ai que 2 enfants et elles ont 5 ans d’intervalle.

-J’ai un travail que j’aime et qui m’a apporté plein de joie aujourd’hui

-Je n’ai pas un travail physique.

-Je n’ai pas de transport.

-Demain matin, je ne travaille pas, jeudi je ne travaillerai pas. Et oui, on peut penser que je suis fainéante et ne pas comprendre mon choix de ne travailler « que 30 heures » mais je ne crois pas que je tiendrais autrement. Peut-être que j’ai des capacités inférieures aux autres ou peut-être que s’il fallait le faire, je le ferai, mais à quel prix? En tout cas, puisque je peux le faire, là ce soir, je ne regrette pas mon choix…

-J’ai twitter qui m’a soutenu toute le journée, merci à tous. J’ai ce blog où je sais que je vais pouvoir m’épancher. Je ne sais pas d’ailleurs quand je vais avoir le temps de raconter cette journée (NDLR aujourd’hui 15j plus tard lors d’une matinée à 2 patients)

-J’ai un mari génial qui fait tout, s’occupe de la maison, des enfants, se lève la nuit, et qui justement ouvre la porte…Par chance, il rentre tôt (20h) aujourd’hui et pendant que je m’affale comme une merde, prend les choses en main.

Mais comment font les gens?

 

 

 

LE CERTIFALACON D’OR

Bonsoir à tous!

« Etre médecin…une grande fierté, un aboutissement. Maintenant que nous sommes parvenus à ce statut magique où l’on sauve des vies tous les jours,où on aide les gens à vaincre LE rhume et autres fléaux, nous pouvons exercer également le super pouvoir qui est intrinsèque à notre statut:la rédaction de certificats.Ces années d’études difficiles, les sacrifice et l’abnégation nous ont conduit là, un des buts ultimes de notre formation: savoir manier le stylo (ou le clavier) et exercer notre art, ce don que le monde entier nous envie:Certifier! Certifier quoi? Tout! Le médecin n’est-il pas totipotent? »

La saison des certificats touche à sa fin, même si l’on voit ceux-ci tout au long de l’année. En début de saison a été lancé le concours des CertifAlaCon! Etant en congé maternité, et échappant de ce fait ,à mon grand plaisir, à la saison des certifs, je me suis autoproclamée jury. Je suis donc unique et partial jury de ce concours qui était ouvert à tous et qui a été mené essentiellement sur twitter. On pourrait imaginer évidemment des tas d’autres mais il s’agit de certificats tout à fait authentiques de la saison 2012  bien que validés par aucun huissier de justice!

Soyons clairs et même si il peut y avoir un ton d’ironie dans ce palmarès, il n’est pas ici question de remettre en cause le bienfondé voire l’intérêt de certains certificats. Là n’est pas le propos. Bien sûr, le certificat est quelque chose de sérieux et chacun d’entre nous a conscience de sa responsabilité lors de la rédaction de ces certificats. Les règles de base qui je pense sont respectées par tous les participants sont  que nous ne rédigeons aucun certificat sans voir le patient et n’écrivons rien de faux. Pas de certificat de complaisance!

Nous avons appelé CertifAlaCon, les demandes diverses et variées, parfois saugrenues, qui encombrent notre cabinet. Beaucoup en ont parlé, j’en ai parlé  ici.Je pense que nous sommes tous un peu agacés par ces demandes injustifiées qui prennent du temps et de l’énergie et de plus qui coûtent cher à la société.

Un vent de rébellion souffle actuellement et de plus en plus de médecin refusent la rédaction de ces certificats, législation à l’appui!

Avant de commencer cette cérémonie, il convient donc d’être un peu sérieux et de rappeler les différents textes!

SEQUENCE CULTURELLE

La législation et en particulier la  CIRCULAIRE N°DSS/MCGR/DGS/2011/331 du 27 septembre 2011 relative à la rationalisation des certificats médicaux est claire sur le bien fondé des certificats, ceux qui sont légaux ou non.

Ce document de santé.gouv reprend ces données de façon très synthétique. Ce document peut-être imprimé et joint à tout refus de délivrer des certificats non justifiés.

MG France a également fait une synthèse très claire dans le document ci-dessous.

En ce qui concerne les certificats du sport qui sont la majorité des certificats de début de saison, en gros sont justifiés les certificats pour les licences avec compétition. Les autres très nombreux, du certificat pour la baby-gym au yoga en passant par la pétanque, n’ont  de justification ni médicale ni légale mais sont demandés seulement pour des histoires d’assurance des clubs.

Vous pouvez retrouver toute la législation ici.

Euphorite a également fait comme à son habitude une synthèse très complète ici .

En ce qui concerne les certificats pour les écoles ou les collectivités, vous pouvez retrouver la législation ici et  ici. De la même manière,la plupart sont injustifiés en  particulier les justificatifs d’absence.

A ce sujet, lire la synthèse sur atoute.

Je vais m’arrêter là, le sujet est vaste.On pourrait également disserter sur les certificats d’aptitude à tel ou tel poste, le médecin du travail étant le seul habilité à établir des certificats d’aptitude à l’emploi.

Le problème est qu’en pratique, il est difficile de refuser, en particulier pour ne pas mettre nos patients dans l’embarras.

Il faut pourtant apprendre à dire non et joindre à ce refus les textes de lois est une bonne arme.

La question se pose alors « Comme je refuse de fournir un certifalacon à l école,est ce qu’ on va me demander une attestation médicale de refus » Emmanuelle PH

 Omnipcx met ceci en pied de page systématique des certifalacon.

« Le présent acte est rédigé à la demande de l’intéressé ou de son représentant légal.Il ne saurait engager la responsabilité du médecin dans la mesure où il ne repose sur aucune base juridique ou règlementaire.L’intéressé reconnait avoir été informé de l’inutilité légale de la présente attestation »

Sinon, on peut s’amuser à refuser cordialement ou à avoir des réponses dont l’absurdité est à la hauteur de celle de la demande!

Ce qui nous amène, sans transition,  il était temps, au moment tant attendu…Roulement de tambour….

 LE PALMARES

Et justement pour rester dans le sujet, voici la première catégorie

LE CERTIFALACONDOR DE REFUS CORDIAL

La lauréate est Dr Couine

Demande: Certificat d’aptitude à un job d’été chez une ado pour classer des archives

Réponse:

Ce qui nous amène directement à la seconde catégorie, une des plus attendues:

 

LE CERTIFALACONDOR DE LA REPONSE LA PLUS SPIRITUELLE

Avec le prix spécial de Certifalacon D’Honneur attribué à Genou des alpages, qui est notre source d’inspiration à tous.

Son article brillant dont j’ai déjà parlé est un des fondements de cette discipline.

En voici quelques exemples:

« Je soussigné, Dr Machin, omnipraticien, omniscient, certifie que l’enfant Théo Couran, 3 ans, ne présente, ce jour, aucune pathologie neurologique, cardiaque ni infectieuse ni aucune psychopathologie mettant en danger les adultes et les autres enfants (sous réserve du fait que l’utilisation d’armes à feu et de tronçonneuse thermique soit prohibé dans les locaux scolaires).
Il parait par contre, médicalement apte à l’utilisation de crayolors, de peintures, de gommettes, et de ciseau (à bouts ronds !). 
Certificat humoristiquement débile, mais moins que les lois et réglementations actuelles, établi à la demande de l’intéressé(e) et remis en mains propre pour faire valoir ce que de droit. ». »

Certificat permettant par exemple, à un établissement scolaire de donner de la Ventoline à un enfant asthmatique.
« Je soussigné, Dr Machin, certifie que la jeune Sally Butamol, est atteinte d’un asthme sévère susceptible de provoquer des bronchospasmes aussi subits que graves, mettant en jeu le pronostic vital. 
Dans l’ hypothèse de la survenue d’une crise d’asthme dans les locaux scolaires, il me parait préférable de lui administrer quelques bouffées de ventoline, comme ses parents et la jeune Sally elle-même savent le faire, plutôt que de la laisser mourir la bouche ouverte. Certificat remis à l’intéressée pour éviter une mort pénible par asphyxie au nom du sacro saint principe de précaution, et remis en mains propres …etc etc. »

« Je soussigné certifie avoir examiné le 01/09/2011, l’enfant Margot Mouchu, agée de 6 ans et demi, et certifie que son état de santé est compatible, ce jour, avec la pratique de tous types de danse, que ce soit la danse des canards, le lac des cygnes, la danse avec les loups ou avec les stars, ou tout autre danse animale ou avec des animaux. 
Son état parait également compatible avec la ronde ou la danse carrée (square danse), ou la danse du pays (country). 
Je pose tout de même des réserves sur la pratique de danse de la pluie (me consulter avant de la réaliser, car cela dépends de mes activités personnelles. ).
La danse de St Guy et la contredanse ne sont par contre pas autorisées (message subliminal au papa gendarme). 
Fait le 01/09/2011 et remis en mains (presque) propres à l’intéressée, pour servir et faire valoir ce que de droit »

Il faut cependant le cran de le faire.

Dans cette catégorie, les lauréats sont :

En 3ème position: Dr Loubet

demande: certificat d’aptitude à la marche

réponse:

En 2ème position: Dr Borée

C’était un certificat pour participer à des « Olympiades des métiers ».

 « Je, soussigné docteur Borée, certifie avoir examiné ce jour M. Hugo VICTOR et avoir constaté qu’il ne présente aucune contre-indication cliniquement décelable à la pratique de son activité professionnelle habituelle de menuiserie.
Il ne présente en particulier aucune contre-indication à la manipulation d’une scie, d’un marteau, d’une chignole, d’un ciseau à bois ou d’une lime.
Certificat établi ce jour pour valoir ce que de droit et remis en main propre. »

 

En 1ère position: Dominique Dupagne

à retrouver ici

 

Vous l’avez compris, on demande tout et n’importe quoi au médecin: sa parole est sacrée. On peut certifier n’importe quoi, ça fait plaisir à celui qui le demande, alors parfois on s’éxécute, d’autres fois non.

La prochaine catégorie est la suivante:

LE CERTIFALACONDOR DU TOUT ET N’IMPORTE QUOI

Notre lauréat honorifique genou des alpages l’explique lui-même:

« Je soussigné, Dr MACHIN, certifie avoir vu le 01/09/2011, M. Ernest DUBIDON qui m’a bien confirmé n’être pas allé travaillé le 30 et le 31 août. 
Certificat établi ce jour, à la demande de l’intéressé, pour servir et faire valoir ce que de droit. »

Ne rigolez pas ! ça marche ! Chaque fois que j’ai établi un certificat de ce type, le patient a régularisé sa situation et n’a pas perdu de jour de paye.
Comme quoi, l’important c’est le papier, et non pas ce qui est écrit dessus. »

Les lauréats sont:

En 3ème position:Dzb 17

Demande de certificat attestant que la patiente (une patiente cambodgienne inconnue et ne parlant pas français) vivait « selon la coutume » (refusé)

En 2ème position:Emma/Emamzelle:

14 ans: demande d’ aptitude à dormir en dortoir à l’internat

En 1ère position: Yem/Euphorite

« Je certifie avoir prévu avec Mr S la mise a jour prochaine de ses vaccinations. »

Voilà, la parole du médecin est sacrée, écrivons n’importe quoi, ils seront contents.

 

Pour continuer dans le « tout et n’importe quoi » que l’on demande au médecin,voici  la prochaine catégorie:

 

LE CERTIFALACONDOR PIPI-CACA:

Les lauréats sont (à égalité) :

Dr Hope: Certificat pour donner la permission d’aller aux toilettes à une élève préparatrice en pharmacie.

Moi-même : la même chose chez une patiente travaillant à l’usine et chez une lycéenne qui n’avaient pas le droit d’aller aux toilettes en dehors des horaires prévus à cet effet.

Où va le monde s’il faut un certificat médical pour aller aux toilettes?

Doc Arnica: Certificat attestant que l’état de santé de sa patiente ne lui permet pas d’utiliser la chasse d’eau des toilettes. (patiente atteinte d’arthrose des mains afin que le propriétaire change le système de chasse d’eau)

 

Sans transition, les catégories suivantes :

LE CERTIFALACONDOR « BOULE DE CRISTAL »

Les deux lauréats sont:

Emma/Emamzelle: Certificat attestant qu’une patiente enceinte de plus de 6 mois ne va pas accoucher dans les 72 heures avant de prendre l’avion.

Dzb 17: Certificat attestant qu’un alcoolique notoire sera sobre dans les mois à venir.

 

LE CERTIFALACONDOR SURPRISE

Doc Fanny: Certificat demandé pour une activité surprise offerte pour un anniversaire (en l’occurrence du saut en parachute). Demande et réponse remises dans une enveloppe.

 

LE CERTIFALACONDOR LE PLUS EXIGEANT

-En  3ème position: Doc Arnica:

la maman très organisée (et pas spécialement exigeante en fait) qui a listé la liste des certificats nécessaires pour toute la famille.

-En 2eme position: Docteur V

Pour un stage pour être responsable dans la sécurité

En 1ère position: Ma tante

Non,il n’y a pas de piston!

Ma tante s’est permis de me demander de refaire le certificat d’aptitude à la gymnastique qu’elle avait consciencieusement fait faire par son médecin avant d’aller s’inscrire. Aptitude à la « gymnastique » n’étant pas assez précis:il a été refusé!

CERTIFALACONDOR CATEGORIE ECOLE COLLECTIVITES  ET FOUTAGE DE GUEULE:

Donc on a vu que de toute façon, tous ces certificats sont infondés.

Mais, dans la catégories foutage de gueule maximum, les lauréats sont :

En  3ème position: Doc Fanny:

Certificat pour activité parascolaire de motricité en  maternelle (refus de celui de juin car datant de plus de 1 mois)

-En  2ème position:Marie/EiramMed:

Certificat d’aptitude à aller à l’école (l’école ne voulait pas accueillir l’enfant qui avait mal à la tête)

-En 1ère position:Doc Zerep:

Certificat d’aptitude à la vie en collectivité pour un enfant de 10 jours pour un dossier de crèche!

 

CERTIFALACON DOR CATEGORIE TRAVAIL

-En  3ème position: DocteurFoulard:

Certificat d’aptitude à la vie en collectivité pour être facteur

(commentaire de Dr Foulard: »genre il va pas tuer mémé ni lui refiler la peste »)

Ce certificat est assez représentatif de notre quotidien et n’a bien sûr pas lieu d’être.

-En  2ème position: Docteur Hope:

Homme de 40 ans qui vient pour certificat  pour faire taxi-moto qui oublie les clés de sa moto sur sa moto…

-En première position: Farfadoc:

Certificat d’aptitude à la station debout pour une  apprentie coiffeuse de 16 ans en pleine forme…

 

Avant d’arriver à la dernière catégorie avec le top 3 très attendu, voici le certificat à la con qui je cite celui qui l’a écrit « sauve de tous les autres »:

LE CERTIFALACON PRIX SPECIAL DU JURY:

Prix remporté par Bismuth: le certificat de non contre-indication à faire parti des blouses roses (bénévoles qui accompagnent des malades dans leur parcours médical et qui vont en pédiatrie bercer les bébés)

Après ce joli certificat, voici la dernière catégorie, la plus attendue, qui va clôturer ce palmarès:

LE CERTIFALACONDOR DE L’APTITUDE LA PLUS.. LA PLUS QUOI!

Les nominés sont:

Docteur Tiboulet: Aptitude à la pêche à la ligne en compétition

Dr Stéphane: Aptitude à la course de voitures à pédales

-Dr Stéphane: Aptitude à la course de moissonneuses-batteuses en compétition

-Bismuth: Aptitude au mannequinat pour une enfant de 5 ans

-Jaddo: Non contre-indication à l’utilisation de la scie sauteuse

-Moi-même: Aptitude à l’éveil musical à l’âge de 4 ans

-Dr Oldfab: Aptitude à participer à Koh-Lanta

-Dr Zerep: Non contre-indication à la pratique du théâtre

-Alice Redsparrow: Aptitude à la pratique du yoga

-Doc Fanny: Aptitude à être un super grand loup (activité pour les vacances)

-Dr Moi: Aptitude à la pratique du bridge en compétition

-Dr Moi: Aptitude à suivre des cours de cuisine

-Farfadoc: Aptitude à se rendre au jardin aquatique

 

AND THE WINNERS ARE:

Roulement de tambour…

En 3ème position: Jaddo pour son certificat d’aptitude à l’utilisation de la scie sauteuse.

En 2ème position: Dr Moi pour son certificat d’aptitude à la pratique du bridge en compétition.

Et enfin, le grand gagnant de cette première cérémonie des certifalacon d’or, à l’hunanimité, pour son certificat d’aptitude à la course de moissonneuses batteuses en compétition, Dr Stéphane!!

Bravo à lui, ce prix est amplement mérité!

Voilà, j’espère que ce palmarès vous a plu! Rendez-vous l’année prochaine pour le cru 2013.

Vous pouvez maintenant retirer vos tenues de soirée, vos plaids à manche et reprendre une activité normale.

NB: Quelques perles de certifalacons dans les commentaires !!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Savoir partir…pour mieux revenir

Ca y est, c’est les vacances!

Sauf que moi ce n’est pas en vacances que je pars, c’est en congé maternité…

Je pars une petite semaine en vacances quand-même mais après, je ne reviens pas…jusqu’au mois de décembre.

Ca fait un drôle d’effet.

Comme je l’ai déjà dit, je ne suis pas du genre à culpabiliser de prendre des congés. J’aime bien la culpabilité, l’auto-flagellation etc mais de manière adaptée, un petit peu mais pas trop.

Comme je l’expliquais ici, j’ai la chance (que j’ai un peu forcée avouons le) de ne pas travailler énormément. Quand je lis le dernier article de Fluorette et le témoignage d’autres médecins, je me sens comme une amatrice en fait, je ne gère pas le quart de ce qu’ils gèrent. Du coup, je me dis parfois que je n’ai pas la légitimité de témoigner sur ce blog, de dire que d’être médecin généraliste c’est super génial. Donc, je reprécise, je ne suis pas représentative du médecin installé. Je suis par contre le témoignage que c’est éventuellement possible l’installation autrement.

Le fait que je travaille moins que la moyenne des généralistes (enfin je travaille hein quand-même, presque tous les jours même) vient du fait que, d’abord j’suis fatiguée de naissance et que j’aime pas me lever le matin donc j’aime bien le libéral qui me permet de commencer à 11heures si j’en ai envie, que vous l’aurez compris j’ai eu une vie personnelle un peu difficile avec des responsabilités extra-professionnelles qui ont fait que je n’ai pas jusqu’à maintenant voulu prendre d’engagements trop prenants et surtout que j’ai une conscience accrue du fait qu’il faut prendre du temps pour soi dans la vie pour éviter le burn out (j’en parlais ici) et que ça je sais très bien faire!

Donc, il était tout naturel que dans cet état d’esprit, je fasse quelque chose d’assez extraordinaire pour un médecin: Et bien je prends un congé maternité!! Et oui, jsuis gonflée!

Un vrai: 6 semaines avant et j’ai prévu 8 semaines après (normalement c’est 10 semaines mais pour plusieurs raisons je me contenterai de 8)

Pour être honnête, je pars même 7 semaines avant parce que je voulais quand-même profiter d’une semaine de vacances en famille avant que mon mari ne reprenne le travail. (Mais j’aurai pu faire pire puisque ça fait 15j qu’il est en vacances et que je bosse).

Donc je suis vraiment gonflée, je ne recule devant rien…

Alors du coup, j’ai un peu culpabilisé (mais pas trop bien sûr) parce que forcément, quand je dis que je pars en congé maternité, on me répond: « Ca y est, tu as perdu les eaux » « Ah tu es déjà à 9 mois ». Tout le monde raconte des histoires de perte des eaux pendant une chirurgie ou du même genre. Wonder Woman la boutonnologue qui a travaillé jusqu’à très peu de jours avant en soutenant thèse/DEA/DES ou autres brillantissimes choses juste avant  a repris moins de 3 semaines après l’accouchement.

Et bien moi, non, tant pis, je ne serai pas wonder woman, je trouve déjà bien d’être allée jusqu’au congé mater normal.Pour ma première grossesse,j’étais interne, j’étais déjà fière de ne pas avoir pris le congé patho!J’ai arrêté cette semaine une patiente bien moins enceinte que moi et à la fin, elle voit mon ventre et a du se sentir un peu mal quand je lui ai dit que j’étais à 33 SA.

Certes mon travail n’est pas physique, certes je n’ai pas de transport et j’aurai pu continuer encore,et certes la grossesse n’est pas une maladie mais déjà il fallait prévoir à l’avance, et puis c’est comme ça.

J’ai quand-même un gros bide, c’est quand même encombrant, surtout pour examiner les enfants qui bougent dans tous les sens et donnent des coups de pied,se baisser ramasser tout ce que je fais tomber, porter mon énorme sac en visite…en plus ça fait un mois que j’ai une tendinite au pied, que je boite et que j’ai très mal,etc, j’arrête de faire ma cosette avant de parler d’histoires d’hémorroides (en vrai, j’en ai même pas) ou de ma mère qui vient de mourir (en fait vous avez vu, j’aime bien faire ma cosette).

Et puis pour ma dernière journée,ce fut folklo:sans RDV le matin,les patientes logorrhéiques se sont enchainées, je veux parler de celle que tu vois dans la salle d’attente,tu pleures, la patiente qui refrappe trois fois à la porte pour continuer la conversation,des visites, la consultation au foyer de l’ASE qui n’en fini pas et que du coup,tant mieux, j’ai pas eu le temps de faire des adieux plein d’émotion à Super Infirmier qui ne sera plus là quand je reviendrai et avec qui j’ai adoré travailler, le patient du podologue qui fait un malaise et qui se relève juste quand je viens de finir ma conversation avec le 15, les 4 lapins de l’après midi,lle secrétariat qui marche pas et le mari qui arrête pas d’appeler pour qu’on échange de voiture quand jsuis au téléphone avec le spécialiste de l’hôpital pour gérer un truc important avant de partir. Et ma patiente ado/nounouille/que j’aime bien quand-même qui vient avec une demi-heure de retard quand j’ai déjà tout fermé et qui en fait hier était malade mais aujourd’hui ça va …Bref, ils sont tous gentils, ils ont fait en sorte que j’ai moins de regrets…

Donc bref, je voulais en profiter pour dire quelque chose que l’inconscient collectif ne sait pas forcément, tout encombré qu’il est d’histoires de pauvres femmes médecins qui travaillent jusqu’à dilatation complète: le congé maternité existe pour les femmes médecins libérales depuis 2006.

Vous en trouverez les détails avec une petite historique ici ou ailleurs. En gros, si on prend les congés complets, soit 4 mois, en tout la sécu paye un peu plus de 8000 euros, ce qui fait une moyenne d’un peu plus de 2000 euros par mois.

Alors je ne veux fâcher personne et je vais tenter de ne pas dire de bêtises.

Tout est relatif, pour un médecin qui travaille beaucoup et a de gros frais de fonctionnement, les charges fixes peuvent être très élevées, jusqu’à 5000 euros et même plus. La différence de revenu est donc assez conséquente et on voit bien que le congé maternité est plus compliqué. De plus, il y a parfois au delà du côté financier, le poids de la patientèle. Il n’est pas toujours possible d’avoir un remplaçant et il est donc compliqué de laisser les patients 4 mois sans quelqu’un qui prenne la relève derrière.

Donc je comprends tout à fait la difficulté pour certains médecins de prendre leur congé maternité. Et pour beaucoup, ce métier est vraiment un sacerdoce.

Mais il ne faut pas non plus tomber dans l’autre versant et trop se plaindre non plus: les indemnités journalières sont quand-même plus élevées que la moyenne des gens et il serait indécent de dire quelque chose du genre « la sécu verse des clopinettes ». En règle générale,(en règle générale hein j’essaie de nuancer), un médecin gagne bien sa vie hein quand-même et que si on a beaucoup de charges et qu’on travaille beaucoup (ce qui n’est pas mon cas), on a des gros revenus quand-même et que si on gère bien son argent(ce qui n’est absolument pas mon cas) on peut mettre des sous de côté.Et parfois, on parvient quand-même, des fois ça arrive, à trouver un remplaçant et  celui ci nous reverse quand-même 20 à 30% de ce qu’il gagne.

Donc bref, chaque situation est différente et pour ne parler que de la mienne que je connais, je trouve que ayant  peu de charges et ayant la chance d’avoir un remplaçant, je peux me permettre de prendre le congé maternité que j’ai l’outrage de prendre.

Encore une fois, mon message est que mon cas n’est pas forcément représentatif mais que c’est possible.

Et qu’il faut savoir quelques soient les circonstances, savoir lâcher prise et s’occuper de soi. A mon humble avis…

Parce que il y a toutes les problématiques pratiques et matérielles dont je viens de parler et d’autres aussi peut-être que j’ai oublié. Mais il y a aussi le fait que quand-même: on les aime nos patients! et que eux ils nous aiment aussi dès fois. Et que aussi, ils ont besoin de nous, et parfois même quand c’est pas le cas, on pense qu’ils ne pourront pas s’en sortir sans nous.

J’ai pensé très fort ces jours ci à l‘excellentissime article de Dr Couine

Il explique bien la complexité des choses.

D’un côté, les patients ont quand-même réellement besoin de nous, et c’est parfois pesant comme pression, c’est quand-même un métier particulier que l’on emmène le soir avec nous dans notre tête et que l’on ne peut pas laisser en plan comme ça, sans organisation, juste parce qu’on a pas envie d’y aller ou juste parce qu’on a envie de partir en vacances ou qu’il faut faire sortir un bébé de son utérus.

D’un autre côté, nul n’est indispensable,en règle générale, il y a d’autres médecins, des fois inconsciemment on aime bien l’idée que les patients ne peuvent pas se passer de nous, des fois,la pression est celle que l’on se met tout seul et puis des fois même, quand on est pas là, et bien ça se passe bien sans nous.

C’est pareil, cela dépend des cas, du lieu d’exercice, de si on est seul ou en groupe, de la possibilité ou non d’avoir un remplaçant, mais quelque soit le cas de figure, c’est difficile d’abandonner de laisser ses patients.

Moi, je les laisse au bon soin de mes collègues, de ma collègue/remplaçante/amie et de mon remplaçant (j’aime bien dire ça « mon remplaçant » parce qu’en vrai c’est la première fois que j’ai un remplaçant, y’a pas si longtemps, c’était moi la remplaçante) je sais donc qu’ils sont entre de bonnes mains et je ne me fais pas de soucis.

Mais quand même, plusieurs fois je me suis dit, mince, ce patient là, faut que j’en parle à ma collègue, mince celui là, c’est compliqué, mince celui là c’est dommage on avait une bonne relation…et je mets plein de petits mots dans les dossiers, comme si vraiment, vraiment sans moi, mes collègues allaient pas s’en sortir.

Je fais des petits résumés pour faciliter la compréhension rapide du dossier parce que en fait, je m’aperçois que mes dossiers sont peut-être pas si bien remplis que ça.  Et puis je fais toute ma paperasse que je fais jamais, mes demandes d’ALD pour que mes collègues ne s’exclament pas à juste titre: »Mais ça fait 3 mois que le diabète a été découvert et la demande de 100% n’est pas faite », je scanne tous les courriers que j’ai pas scanné depuis des jours semaines mois, je range mon bureau, je commande des streptotests, bref tout ce que je ne fais jamais!

Et à (presque) chaque patient, j’ai un petit pincement au coeur et je m’applique dans les dossiers.

Pour certains patients qui ne connaissent que moi (y en a pas beaucoup),je leur parle de mes collègues. Y’a mes chouchoux mais je ne suis pas sûre que cela devienne les chouchoux de mes collègues.

Y’a la famille entière qui vient me voir d’une ville assez loin,les parents ou les enfants ont tout le temps un truc, tout le temps. Je les aime bien, la maman si je pouvais, je l’engagerais comme assistante, avant même que ce ne soit son tour, pendant que je fais l’ordonnance de celui d’avant, elle a déjà déshabillé, pesé et mesuré l’enfant, ouvert les vaccins, elle tient les enfants pour les examens ou les vaccins super bien, ils sont gentils, ils m’offrent des fleurs. Mais si je les vois avec les yeux de mes collègues, je peux imaginer que les consultations avec les trois enfants qui jouent (assez sagement cela dit même si le ptit m’a il y a un bout de temps arracher le papier peint) les motifs multiples de consultation, le père qui a une situation d’accident de travail assez enkystée, bref ça ne va pas être forcément leurs chouchoux.

Y’a ceux dont le dossier est compliqué, des histoires d’accident de travail que je gère avec le médecin du travail etc..

Y’a  les patients avec lesquels j’ai l’impression d’avoir instauré une relation de confiance.

Hier, j’ai vu Mr S. J’ai marqué un ptit mot RESUME comme à d’autres avec comme conclusion: Etre gentil avec Mr S, ne pas le brusquer, ne pas le contrarier: l’objectif est qu’il aime les médecins!

En effet, je l’ai vu en avril pour la première fois, diabétique de type 2, 37 ans, il avait arrêter son traitement et tout suivi depuis plus de 6 mois. J’ai repris les choses tout doucement, opération séduction à fond: non vous ne payez pas, non on fera ça la prochaine fois, on fait tout comme vous voulez. Non j’exagère mais l’idée, c’était ça, lui dire « A quoi êtes vous prêt vous? », diminuer les contraintes et dédramatiser. J’ai regarder d’un oeil noir mon externe qui lui a dit lors de la première consult: « mon dernier stage, y’avait des gens qui s’étaient fait amputer à cause du diabète » « euh mais non!!! » C’est là que j’ai vu que j’avais grandi. Et aujourd’hui son diabète est très bien équilibré( pour les initiés: il est passé de 12.2% à 7% d’HBA1C).

Y’a ceux que je venais juste de rencontrer et que je me dis c’est dommage de ne pas pouvoir continuer ce qui vient juste d’être entamé.

Y’a cette jeune fille de 24 ans, toute mignonne, que je voyais pour la première fois et qui venait de m’avouer une dépendance à la codéine et une envie de prendre les choses en main, avec qui déjà en une semaine, on avait commencé quelque chose.

Y’a ces enfants qui grandissent tellement vite que quand je reviendrai ils marcheront.

Y’a mes enfants du foyer de l’aide sociale à l’enfance…pour lequel en plus je n’ai pas de remplaçant, donc je sais que ça va être le gros bordel.

Y’a Mme B. dont j’ai parlé ici, que je vois à domicile, dont l’état se dégrade et que je laisse surtout entre les mains des spécialistes de l’hôpital…Ca m’embête…en même temps, égoistement, ça soulage une partie de moi, la visite d’hier a été épouvante. Elle me renvoie tellement en terrain connu que je sais que je peux l’aider mais cela est très éprouvant. Ecouter, rassurer mais ne pas trop en dire non plus… En sortant de chez elle, j’ai pleuré. Et puis ça m’embête parce qu’à la bio d’aujourd’hui, elle a 8g d’Hb et que faudrait que je règle ça avant de partir.

Et puis, y’a Mr G .

Et puis quand-même, soyons positif:

Y’a tous ces patients énervants que je ne verrai plus!

Y’a tous ceux pour qui peut-être sans le savoir, je fais n’importe quoi et que mes collègues vont remettre sur pied, y’a toutes les erreurs que je fais qu’ils vont rectifiées, y’a tous ces patients que je ne tuerai pas .

Y’a Mr B. avec qui j’ai l’impression de tourner en rond, avec qui j’ai tout essayé mais rien n’y fait, il ne se soigne pas, il va mal, je ne fais que lui faire des arrêts quand il les demande (et qui sont justifiés vu son état de santé pour lequel il ne fait rien). Je ne suis pas sûre que les autres y arriveront mieux que moi mais au moins je ne me dirai plus que peut-être avec un autre médecin…

Et puis y’a ce couple qui me rend folle! Je ne peux pas en parler plus en détail de peur qu’ils se reconnaissent mais même si je leur ai clairement expliqué aujourd’hui que notre ce n’était plus possible de faire du bon travail ensemble et que de toute façon, je ne voulais plus être leur médecin ( une première pour moi), qu’est ce que je suis contente de ne pas être là pour la suite….

Rien que pour ça, ça vaut le coup de le prendre ce congé mater!!!

Et puis y’ a les grasses mat!et demain mes vacances! A Carcassonne, voir le bébé de mon amie d’enfance qui vient d’accoucher (enfin une césarienne c’est pas un accouchement jdis ça jdis rien) .

Et puis bientôt, y’aura le mien de bébé!!

Alors, voilà, je pars avec un ptit pincement au coeur mais le coeur léger.

J’ai bien aimé quand-même faire des ordonnances de 4 mois pour ceux qui voulaient pas voir,sauf absolue nécéssité,un autre médecin.

J’ai bien aimé ceux qui sont venus pour presque rien cette semaine juste pour me dire au revoir.

J’ai bien aimé ceux qui me souhaitaient bonne chance.

J’ai bien aimé les ptits cadeaux et les grosses fleurs.

Je vais bien aimer les revoir tous en décembre…

Mais je sais qu’entre temps, ils s’en sortiront bien sans moi!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Des coursiers trés spéciaux

J’avais parlé dans un article « Moi aussi j’ai une fée chez moi » du concept de coursier sanitaire et social que je trouve particulièrement brillant et passionnant.

Un journaliste a découvert ce concept en lisant mon blog et a décidé d’en faire un article qui est paru cette semaine dans le Quotidien du Médecin.

Je suis heureuse que ce concept innovant puisse être connu et je suis fière de pouvoir participer à cette promotion.

Je remercie le journaliste pour avoir parlé de ce sujet qui m’est cher.

( Et pour son humour qui m’a valu de me cacher de honte, heureusement que l’entretien était par téléphone )

PS: le jeune médecin de Seine-Saint-Denis, c’est moi 🙂

Voilà l’article en question

Des coursiers très spéciaux

Une fée sociale au chevet patients… et des médecins

Inventé par des associations, le concept de « coursier sanitaire et social » permet aux médecins de déléguer à d’autres les souffrances de leurs patients qui ne relèvent pas du soin.

INSTALLÉ À MONTENOIS, dans la campagne franc-comtoise, le Dr Marc Giusti est parfois confronté à des situations difficiles, où se mêlent médecine et souffrance sociale. Il y a ce patient psychotique, sans emploi, qui vit chez sa mère invalide, dans une ambiance très conflictuelle ; cette petite dame isolée qui n’a plus le courage de se faire à manger ; cette femme atteinte d’un cancer, avec trois enfants en bas âge … Que font les médecins, dans ce genre de situation ? Comme ils peuvent, le plus souvent, passant des coups de fil entre deux patients, en quête d’une solution forcément limitée par leur manque de temps, de compétences et de connexions dans le domaine social.

Le Dr Giusti, lui, a une autre option : un numéro de portable, qu’il compose pour faire apparaître un coursier sanitaire et social. Une sorte d’ange gardien, ou de bonne fée, qui va très vite rencontrer le patient à son domicile, évaluer ses besoins, mobiliser les organismes et dispositifs adéquats, mettre en place les aides pour stabiliser la situation sociale et faciliter le traitement médical. « Le coursier n’intervient que sur la sollicitation du médecin et de son patient, avec un champ d’action très varié, du plus simple – rétablir quelqu’un dans ses droits sociaux – au plus complexe : surendettement, avis d’expulsion, enfants qui craquent et parents qui se déchirent … À chaque fois, en faisant le lien entre tous les professionnels concernés : aides-soignants, infirmières, assistantes sociales, Conseil général, MDPH, Sécu, employeur, bailleur, école … », résume Sarah Berjon, coordinatrice et coursier au Centre de ressources pour mini-réseaux de proximité, qui rayonne en Seine-Saint-Denis.

Plébiscite.

Cette association, financée à titre expérimental par l’agence régionale de santé (ARS), est d’ores et déjà intervenue auprès de 370 patients et de leurs médecins, bien au-delà de l’objectif de 200 dossiers initialement fixé, et ce malgré des moyens modestes (deux salariées et des stagiaires). Ailleurs en France, seuls les médecins de Franche-Comté peuvent, pour l’heure, s’en remettre à des coursiers sanitaires et sociaux. Grâce à une association, l’ARESPA, également financée par l’ARS, qui s’est déployée dans toute la région, où elle emploie aujourd’hui une dizaine de personnes. Ici encore, l’initiative est plébiscitée. « C’est d’abord un gain de temps énorme. Dans mon cas, deux à trois heures par semaine, en démarches et dossiers que je n’ai plus à faire moi-même », estime Marc Giusti. Les généralistes apprécient tout autant l’efficacité de l’aide apportée. « Pour moi, c’est du pain béni. J’avais la semaine dernière, dans mon cabinet, une vieille dame en pleurs, parce qu’elle ne se sentait plus capable de s’occuper de son mari malade à domicile, et que nous n’avions pas trouvé de place en EHPAD. On m’a parlé de l’ARESPA. En 48 heures, ils avaient obtenu une place en long séjour », rapporte le Dr Christophe Joly, médecin à Besançon. Soulagement est le mot qui revient le plus souvent. « Nous ne sommes plus seuls face à la détresse du patient. On peut se concentrer sur la partie médicale, sans craindre qu’elle soit rendue inopérante par les problèmes sociaux », souligne cette jeune médecin de Seine Saint-Denis, qui aborde le sujet dans son blog. « C’est vraiment le chaînon manquant. En France, on soigne bien dans un couloir, une filière. Il manque des portes entre les couloirs, et des gens pour les ouvrir », renchérit le Dr Jean-François Roch, à Besançon.

De leur côté, les ARS devraient prochainement mesurer l’impact de cette innovation sur le coût et la qualité des soins. « Nous avons fait, en interne, une étude auprès de 68 patients, suivis pendant 6 mois. Selon leurs médecins, les coursiers sanitaires et sociaux ont permis d’éviter 476 jours d’hospitalisation », indique Frédérique Le Marer, présidente de l’ARESPA. Il n’est donc pas exclu que les fées sociales essaiment. « Il y a aujourd’hui des projets à Paris, Bordeaux, Avignon et Lille », conclut Xavier Aknine, le président du Centre de ressources en Seine-Saint-Denis.