La fièvre de la compta

Comme tous les ans, je sors d’une période étrange que j’appelerais « la fièvre de la compta »!

Pendant quelques jours,à l’approche de l’échéance annuelle de déclaration fiscale, je me transforme de « bordélique qui ne s’occupe absolument de rien toute l’année » à « folle dingue qui passe ses nuits à faire de la compta »

Et ça ne me déplait pas, en plus.

Toute l’année,je ne fais rien, mais rien du tout…Je ne tiens pas de cahier journal, je ne range pas tout dans des ptites pochettes bien organisées, non je ne fais rien. Je garde à peine les factures, je mets les relevés bancaires non ouverts à un ou deux endroits stratégiques, si par hasard, j’ouvre mon courrier et que ça me semble un peu important, je le met sur un tas avec les papiers plutôt importants…

Je fais mes remises de chèques une fois tous les 36 du mois, j’ai des chèques et des billets qui trainent partout, une fois j’ai retrouvé une énorme enveloppe pleine de chèques datant de plus de 2 mois.

Je paye mes factures en retard, quand je les paye…

Bref, je suis une vraie catastrophe. Mais c’est un bordel organisé malgré tout…Je gère!

Et puis, vient le moment de la déclaration annuelle d’impôts.

L’année dernière, je l’avais complètement zappée,j’en ai entendu parler une semaine avant l’échéance, c’était branle-bas de combat!

Cette année, je m’y suis pris super en avance, genre plus de 2 semaines avant la date limite et jvais avoir cloturé plusieurs jours avant la fin! Trop la classe.

C’est un peu moins drôle comme ça, mais j’avoue que ça repose.

C’était drôle quand, avant d’être en libéral, j’avais que ma petite feuille d’impôt à remplir. Je m’y prenais le dernier jour à 23h, 1 heure avant la limite pour la déclaration par internet (parce que j’avais loupé la date de l’envoi papier) et là,panique à bord,je ne trouvais pas mon numéro de télédéclarant ou alors je le trouvais mais je ne trouvais pas mon numéro fiscal de référence vu que je n’avais aucune idée de où j’avais bien pu ranger ma feuille d’impôt de l’année précédente. Une fois connectée, merci à la déclaration préremplie, car j’avais réuni à peine 3 fiches de paye de l’année passée, vous savez les fiches de paye d’interne que l’on nous donne à l’hôpital, que l’on met dans la blouse et qui disparaissent mystérieusement aux quatre coins du monde… Ensuite, pour les déductions, à l’époque il n’y avait pas grand chose mais de toute façon, ça passait à l’as car il paraissait illusoire à 23h48 de retrouver les reçus fiscaux de mes nombreux (oui nombreux en plus, c’est  couillon) dons à des associations ou autres.

Et c’est vrai, que quand j’appuyais sur « envoyer » à 23h59, c’était drôle mais bon, j’ai vieilli…Maintenant je suis un peu moins fun: j’ai fait des boites!!!!

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C’est commun, un peu triste et consensuel mais bon un peu pratique quand-même et puis tant que je ne range pas les choses correctement dans les boites, ça va …

Donc, une bonne quinzaine avant la date limite, je m’y met, jsuis large!!!

La première phase n’est pas la plus simple et là j’avoue que je perds un peu de temps, c’est la collecte des données…En gros, je vais à la chasse, je regarde dans mes boites, je regarde là où les choses sont censées être, je ratisse les 4 ou 5 endroits stratégiques de la maison où se trouvent des tas importants avec des lettres importantes ouvertes ou pas et finalement après tout ça, je m’en sors pas trop mal: 11 relevés bancaires sur 12 (ça, c’est la base, sans ça je ne peux rien faire:la banque m’a fait payé 8 euros le duplicata du mois manquant mais s’est trompée d’année- youpi l’année prochaine j’aurai 2 mois de janvier, deux fois plus de chances de le retrouver-du coup j’ai bidouillé comme j’ai pu pour janvier), j’ai trouvé mon SNIR (et oh miracle, il correspond à peu près à mes recettes cette année!), j’ai appelé la sécu pour avoir le montant de mes indemnités de congé maternité versées sur mon compte perso (et là pour le coup,y’a aucun moyen que je retrouve un relevé, autant je surveille de loin mon compte pro, autant mon compte perso s’autogère), et la dame de la sécu m’a gentiment et rapidement répondu (elle m’a aussi signalé que n’ayant pas envoyé mon papier, d’ailleurs introuvable,prouvant que j’ai payé mon dû à l’URSAFF cette année, je ne suis plus affiliée), j’ai appelé mon remplaçant pour qu’il me redise combien je lui ai versé, je ne comprends pas pourquoi mais mes talons de chèques n’ont pas voulu me donner l’information (heureusement c’est un grand malade qui fait des tableaux excel et qui photocopie les chèques qu’on lui fait ), j’ai appelé tous mes organismes de prévoyance/assurance pour qu’ils me renvoient les attestations fiscales introuvables.Enfin, j’ai photocopié tous mes documents URSAFF/CARMF de l’année que je suis censée envoyer à fur et à mesure à MagiqueMédiaSanté (un organisme que tu payes pas très cher et qui font plein de choses pour toi,notamment aujourd’hui trouver une erreur de montant de la CARMF)), je les ai envoyé et hop, ça y est je suis fin prête.

J’avoue que cette phase n’est pas la plus drôle, mais en même temps, c’est le prix à payer pour être désinvolte toute l’année et puis après ça, du coup le reste parait tout simple. Pour moi, le vrai défi, c’est de réunir toutes les données, après ç’est du gateau!

Après, je fais ma ptite compta annuelle, mois par mois, puis jfais mes ptites additions, puis je refais mes ptites additions pour être sûre, puis je les rerefait parce que les deux premiers résultats ne sont pas les mêmes et hop en très peu de temps, emballé c’est pesé!

Je fais tout à la main, sur des feuilles que je trouve, au dos des dessins de ma fille par exemple. J’ai pas de logiciel…parce que j’aime bien à la main, et parce que MagiqueMédiaSanté ils disent que avec les logiciels, on peut pas tricher retrospectivement, en cas de contrôle, on est censé avoir un logiciel agrée etc …

Du coup, je perds un peu de temps à faire mes additions.

La phase suivante est ma préféree, celle où je me transforme vraiment. Je recupère aux quatre coins de la maison encore une fois les Lettres de Média Santé, que j’accumule en me demandant bien pourquoi tout au long de l’année et je lis tout…et là je deviens une machine à tuer! Posez moi une question, à quelle ligne de la 2035 met-on mon Iphone par exemple? (ah ben non mauvais exemple, n’ayant gardé aucune facture, je ne peux pas le déduire). Je me retrouve à dire à ma collègue « Tu fais pas de DAS2 pour le secrétariat téléphonique alors que c’est obligatoire pour les sommes supérieures à 600 euros!!! » (Bon en fait c’est pas obligatoire) Je passe dans la maitrise…

Là, je suis au stade où la seule chose que j’ai envie de faire, c’est remplir ma 2035 (le but ultime tant attendu) et où je suis déchirée de devoir aller dormir, aller regarder ma série préférée avec mon mari ou m’occuper de mes enfants. J’ai même tenté de continuer avec un bébé dans les bras et une piplette de 5 ans ne me laissant aucun répit (ça c’est pour ceux qui trouvent la compta trop facile,on peut rajouter des handicaps).

Donc du coup hier soir, en rentrant de garde hier à minuit, j’ai décidé d’enfin prendre le temps tranquille de la remplir ma 2035 et j’ai été pénard jusqu’à 3heures du mat!!

A 2 heures, je jouais à plouf plouf pour décider au pif combien j’allais bien pouvoir mettre de kilomètres au barême kilométrique…

Je vous dit, j’ai la « fièvre de la compta », parce que moi-même, j’ai conscience que c’est pas tout à fait normal…surtout que jsuis large, j’ai encore une semaine!!

Et la dernière phase, un peu rabat joie,c’est de remplir le dossier de l’ AGA (association de gestion agrée qui vérifie en gros que t’as pas fait n’importe quoi dans ta comptabilité, que les choses sont cohérentes et que t’as pas trop trafiquouillé -ce qui est un peu mon genre de trafiquouiller). Faut remplir plein de lignes, faire des additions, des soustractions etc, et à la fin magie de la compta, si t’as bien tout fait comme il faut E=F!

E n’égale jamais F, je rêve qu’un jour E=F.

Cette nuit E était à 900 euros de F, et tout d’un coup, je m’aperçois que j’ai oublié un truc de 900 euros environ justement. Mon coeur s’accelère…je refais les calculs et je sens venir la joie, l’orgasme presque avant d’appuyer sur la touche de la calculatrice qui va me dire que enfin, oui enfin E=F…J’attends quelques secondes pour faire durer le plaisir de l’anticipation , j’appuie et ….

E est maintenant à 1800 euros de F …

A 9h du matin, je demandais à mon AGA quelle marge d’erreur ils tolèrent…Je vais encore devoir trafiquoter mais l’année prochaine, je le jure E SERA EGAL A F!!!!

(c’est donc mon deuxième défi ultime avec « et un jour j’arriverai au bon moment à la mater »)

Epilogue:

Vous vous demandez tous à ce stade pourquoi je n’ai pas de comptable!

Si vous avez bien suivi, la première phase est la pire pour moi, et si j’avais un comptable, je devrais être ordonnée pour lui donner ce dont il a besoin ..

C’est aussi pour ça que je me tate à avoir une femme de ménage, faudrait que je range avant qu’elle vienne.

Et puis, après, remplir la 2035, c’est pas si compliqué, avec l’aide de MagiqueMédiaSanté bien sûr.

J’ai appris progressivement, de la 2042C en microBNC à la 2035, du statut de remplaçant à la collaboration, cette année avec le congé mater, un remplaçant, ça rajoute des choses…pour l’instant , c’est assez simple, un jour prochain, j’affronterai les histoires d’immobilisations , de SCM…petit à petit, c’est tout à fait jouable! Même pour moi!

Et puis, j’ai entendu plein d’histoires de comptables qui ont fait n’importe quoi.

Et puis, ça ne m’a pas pris tant de temps que ça: une douzaine d’heures en tout: 12 heures par an!!

(bon j’ai pas encore tout à fait fini, je ne désespère pas que E soit un peu moins loin de F)

Et puis, j’aime bien..

Comme dit MagiqueMédiaSanté « Etre autonome et efficace,c’est tout le bonheur que nous vous souhaitons »

Et même si E n’égale pas (mais alors pas du tout ) F cette année, je suis fière de moi!

J’avoue, je ressens une fierté d’avoir fait ça toute seule, comme une grande! (ou presque)

 

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Ce que j’écris sur mon ordonnance

J’ai 23 ans, je suis interne, je rédige ma première ordonnance à moi toute seule! Qu’est ce que j’écris?

C’est mon premier stage, je suis en médecine interne/diabétologie. Je connais toute la médecine parfaitement sur le bout des doigts, ça va être trop fastoche ce truc de docteur!

Alors, le patient diabétique est sortant, il faut que je fasse son ordonnance de sortie.

Fastoche: j’écris:

Mr X ,  la date, de ma plus belle écriture, limite avec des ptits coeurs sur les i

Règles hygiénodiététiques bien menées

Activité physique 30 min deux fois par semaine minimum

Antidiabétiques oraux, metformine et sulfamides pour objectif glycémie à jeun <1.2

Statines (car LDL>1g)

IEC ( à visée néphroprotectrice car microalbuminurie positive)

Et ma plus belle signature (j’ai passé des heures à essayer de trouver une belle signature de docteur et j’ai pas trouvé, jfais un gribouillage)

Voilà, elle est trop belle ma première ordonnance, comme je l’ai apprise!!

Car, c’est à peu près ce que j’ai appris pendant mes 6 ans d’études!

Mais ça ne va pas, car si on m’a formaté pour apprendre des mots clés, et bien en fait on ne m’a pas appris à rédiger des ordonnances.

Bien sûr, j’ai eu des cours de pharmacologie, des tonnes même, les mécanismes des médicaments, comment ils agissent sur les cytochromes P450 et plein d’autres trucs hyper calés, j’en ai bouffé même de la pharmacologie, je sais plein de choses, que la metformine il faut l’arrêter 48h avant un scanner (à l’époque) sinon ça pouvait donner une acidose lactique, les IEC, j’ai encore en tête le schéma de leurs actions sur les artères rénales, je sais que ça fait tousser des fois et que les statines donnent des rhabdomyolyses, je peux plus voir en peinture les tableaux d’objectifs du LDL en fonction du risque cardiovasculaire, je connais même pas mal de médicaments en DCI (dénomination commune internationale), seulement voilà, ce n’est pas ce qu’on attend de moi…on attend de moi que sur l’ordonnance, je mette des noms de médicaments, des noms commerciaux en l’occurence …

Le problème, c’est que ça, on ne m’a pas appris…je connais les classes de médicaments, par exemple « statines » ou « IEC » mais à l’intérieur de chaque classe, il y en a plusieurs, prenons par exemple les statines dont on parle tout plein en ce moment : il y en a tout plein: simvastatine, pravastatine, fluvastatine, atorvastatine, rosuvastatine. Cela, c’est la DCI. A l’hôpital, parfois il y a des médecins qui prescrivent en DCI mais la plupart du temps, les médecins prescrivent en noms commerciaux…que je ne connais pas…et pour chaque DCI il y a plusieurs noms commerciaux par exemple pour la fluvastatine: Fractal et Lescol , et puis plusieurs dosages aussi …

Bon ben alors me voilà bien…en fait je ne sais rien, j’ai tout à apprendre.

Mais ouf , en fait pour mon ordonnance de sortie, j’ai simplement à recopier le traitement qui est dans le dossier du patient, celui qu’on lui donnait tous les jours..

Ouf, de ma plus belle écriture, j’écris donc:

Glucophage 1000: 1 cp 3 fois par jour

Daonil 5: 1 cp 3 fois par jour

Actos 15: 1/j

Cozaar 50: 1/j

Crestor 10mg: 1/j

Bon ,faut bien que je retienne ça! Puisque je ne connais pas les noms des médicaments, ça ne va pas être si facile que ça finalement l’internat, en plus de gérer mes patients,d’essayer de pas les tuer, de faire leurs observ, de prescrire les examens complémentaires,d’apprendre les protocoles du service, de faire les gardes aux urgences et tout plein de trucs encore, faut que j’apprenne les noms des médicaments.

Je vais retenir un ou deux noms par classes, un ou deux dosages et à force, ça va bien rentrer…allez je repète 3 fois: glucophage, daonil, actos,  cozaar, crestor…ah oui crestor c’est facile à retenir, on a eu un ptit dej pour le premier jour de stage sponsorisé par le labo, j’écris donc sur le bloc note crestor….

Oui, je sais que le cozaar n’est pas un IEC , c’est un sartan, mais je ne sais plus pourquoi, ma chef prescrivait plutôt du cozaar…Elle m’avait donné la raison, je l’ai oublié, par contre je me rend compte là tout de suite que j’utilise toujours le cozaar…

Mes premières gardes aux urgences, ma première rhinopharyngite!! Oh mon dieu, qu’est que l’on peut bien donner pour une rhino, s’il vous plait, s’il vous plait que quelqu’un me donne le nom d’un sirop pour la toux. Je suis tellement contente que mon chef me donne des noms de sirop ou autres pschit dans le nez que je les note sur mon bloc motilyo ( oui Mme Motilyo me l’a donné quand elle est passée, c’est quand-même super le motilyo, c’est pratique pour ceux qui avalent pas les comprimés, ça fond dans la bouche!!) pour pas oublier la prochaine fois!

Ca y est, je suis en stage chez un médecin généraliste, chez trois même, la rhino je maitrise, j’ai pris exemple sur  l’un deux et mes habitudes sont faites maintenant, c’est doliprane, rhinofluimucil et hélicidine.

J’apprends presque tout lors de ce stage, en particulier  avec mon médecin ce héros. Je calque mes prescriptions sur les siennes.

Sur mes trois maitres de stage, une seule recoit des labos, ça change un peu, ça détend mais je sens bien que jsuis trop influençable et qu’avec mon esprit critique peu développé, jsuis une cible facile. Je me souviens que depuis que le labo est passé, je prescris du xyzall, mais je ne sais plus pourquoi…

Selon le maitre de stage, je prescris différemment, pour coller à leurs habitudes. Par exemple, pour les AINS: l’un prescrit du bi-profénid (je trouve ça plutôt bien, le labo aux urgences m’avait expliqué que il y avait une forme rapide couplée à une forme LP), l’autre prescris souvent du nexen, quand elle veut un AINS pas trop fort…Par mimétisme, j’ai prescris des années du nexen et je prescris encore souvent du bi-profénid.

Dernier stage, dans quelques jours, j’ai fini l’internat, la boucle est bouclée, je finis par un stage de diabéto..Je suis enceinte de 7 mois et demi et je m’amuse à me faire offrir des cadeaux , des tasses et des stylos par le laboratoire Lilly. Oui, ma fille va s’appeler Lilly et c’est marrant, je ne sais pas pourquoi je veux l’écrire L I L L Y, quand on y réflechit, c’est pas logique de mettre deux L mais ça me semble naturel de l’écrire comme ça, peut être l’habitude de le voir écrit ainsi….

Je mange pour deux, je dévore les ptits fours du staff du midi avec un grand plaisir…un labo est venu nous parler de nouvelles molécules hyper prometteuses dans le diabète de type 2, par un nouveau mécanisme, une histoire de dégradation du GLP1, je ne sais plus du tout mais qui semble enthousiasmer tout le monde.

J’ai 27 ans, je suis remplaçante. Chaque jour, je suis face à des situations nouvelles, j’apprends des nouvelles choses et pour le reste, je compte sur mes acquis.J’ai des automatismes, pour telle pathologie, je prescris tel médicament et je ne change pas beaucoup. Je « copie » un peu mes remplacés quand même, c’est logique.

Par exemple, pour les statines, je prends l’habitude de prescrire simvastatine et en DCI parce que mes remplacés font comme ça (et même si les cardios ne jurent que par le tahor 80 en prévention secondaire)

Après quelques remplacements divers et variés, je fais maintenant des remplacements réguliers. Mes remplacés ne recoivent pas les labos, moi non plus, du coup,ça fait un bail que je ne les vois plus non plus.

Souvent, O. Et B. me font des remarques constructives, du genre.. « tu sais les PSA, nous on ne les prescrit pas parce que … »….et sur les médicaments pareil « tu prescris beaucoup d’ibuprofène quand-même… »

J’ai 29 ans, je m’installe. Du coup, je décide de m’abonner à Prescrire,il est temps quand- même…

Un jour, je tombe sur un article sur le nexen. Oh mince, c’est vraiment pas bien le nexen …c’est même affreusement pas bien …

Mais bon, quand-même « ce sont un peu des ayatollahs Prescrire, si on les écoutait, on prescrirait plus rien et même pas de rhinofluimucil » (en fait, je me cite moi-même dans mon blog ici il y a plus d’un an), c’est comme le diantalvic qu’ils viennent de retirer, ça m’énerve!

C’est l’hiver, j’en ai marre d’écrire tout le temps la même chose! Je prépare des ordonnances type!

Rhino: doliprane/ibuprofene/rhinofluimucil/helicidine

gastro:motilium/smecta/loperamide/spasfon/doliprane

lumbago:bi-profenid/doliprane ou ixprim/+/-omeprazole/tetrazepam/voltarene emulgel

varicelle:doliprane/primalan/biseptine/septivon

Et puis, je découvre twitter,les médecins blogueurs, atoute… je subis une nouvelle influence!

et mince alors, on peut même plus prescrire un sirop pour la toux sans culpabiliser….

et le rhinofluimucil est déremboursé…et l’histoire des pilules (tiens ça me rappelle quand le labo était venu en gynéco annoncer la bonne nouvelle « varnoline continue la première pilule de 3è génération-c’est à dire moins dosée donc moins d’effets secondaires-remboursée)

je lis de plus en plus Prescrire, je viens même de m’inscrire au test de lecture pour être lecteur émérite moi aussi, y’a pas de raison….

Mes dernières barrières viennent de tomber, bon OK d’accord, il s’avère que finalement ils ont plûtot raison Prescrire! Et chaque nouveau « scandale » sanitaire leur donne raison.

Je suis passée de « Je ne me pose même pas de questions » à « Je sais qu’il faudrait que je prescrive des génériques ou je sais ce que dis Prescrire mais bon voilà quoi,ils exagèrent dès fois » à « Je sais ce qu’il faut faire, je n’y arrive pas encore mais je lutte pour essayer d’y arriver »

Pff…c’est chiant!!

C’était plus facile avant …

Je n’utilise presque plus mes ordonnances toutes faites. Le glucophage est devenu metformine depuis longtemps, le crestor n’a pas survécu longtemps, l’actos ahahah est retiré du marché, le cozaar et bien il arrive toujours dans ma tête et sur mon ordonnance en premier, la simvastatine qui est un bon choix est en train de se transformer en pravastatine qui est un encore meilleur choix, le motilium (et non pas le motilyo) est encore quotidiennement sur mes ordonnances mais avec un « C’est mal, c’est mal » à chaque fois, le primalan est en train de se muer en polaramine mais il se heurte encore à mes propres difficultés à prescrire un médicament non remboursé, le bi-profénid est talonné de très près par le diclofénac,le tétrazepam, faut que je me penche sur la question, l’ibuproféne et les sirops pour la toux ne sont plus là, sauf en cas de demande forte et le sterimar fait concurrence au pivalone, mais je suis toujours en deuil du rhinofluimucil.

Cela ne fait pas encore 10 ans que l’on m’a donné le pouvoir de prescrire, le  Permis de Tuer comme j’en parlais ici, mais déjà mes ordonnances ont évoluées…dans le bon sens j’espère…

Ce que j’écris sur mon ordonnance aujourdhui, comme ce que j’écrivais sur mon ordonnance il y a 10 ans est le résultats d’influences…

Influence de ma formation théorique mais surtout influence de ma formation sur le tas lors de mon internat. Cette formation initiale est elle-même fortement influencée par les laboratoires pharmaceutiques. J’ai subi l’influence de mes chefs à l’hôpital, des spécialistes qui donnaient des avis, des labos qui faisaient des pots et des visiteurs médicaux qui attendaient des heures dans le couloir pour me voir.J’ai subi l’influence de mes maîtres de stage, un stage de 6 mois qui a eu une énorme influence sur mes ordonnances de l’époque et d’aujourd’hui encore. Que ces maîtres de stage reçoivent ou non les labos et soient eux-même sous leur influence n’était pas à priori un critère de recrutement, qu’ils prescrivent du nexen ou des PSA non plus…J’ai eu la chance, la grande chance de remplacer deux médecins qui ne recevaient pas la visite médicale, qui lisaient Prescrire et Pratiques, je n’ai pas subi l’influence des labos depuis…J’ai eu la chance de sortir de l’obscurantisme, grâce à eux, grâce à twitter, grâce à tous ceux que j’ai rencontré, même si c’était bien plus simple avant….

Oui, je suis influençable et je le sais.Oui, je m’en rend compte maintenant, j’aurai dû mieux écouter à la fac les cours sur la lecture critique d’article et sur l’evidence base médecine. Je sais que j’ai toujours été fainéante et toujours préféré que quelqu’un en qui j’ai confiance me dise: « Ca, c’est bien, prescris ça ».

Mais, de toute façon, tout le monde est influencé par la visite médicale, qu’on se l’avoue ou non, les études le montrent.

Il ne faut pas se voiler la face et se dire « Moi, ça ne m’influence pas ». D’une part, c’est faux et d’autre part, dans ce cas là,à quoi bon les recevoir? Autant ne pas perdre son temps.

Le plus inquiétant, c’est vraiment que les labos sont omniprésents au moment où l’on débute, où tout se joue, où les automatismes se créent, où l’on est rendu vulnérable par la difficulté de ses années d’internat.

Cette influence au moment même où l’on est censé apprendre, se former ne peut pas être acceptable car c’est là on où apprend à devenir le médecin que l’on sera toute notre vie.

J’ai eu de la chance et dans mon cas, je pense que ce n’est qu’une question de chance que mes influences (Mon médecin ce héros, mes remplacés, O et B, et les médecins de twitter, Borée, Dominique Dupagne et Farfadoc mon ultime héroine) m’aient menée dans ce qui me semble être la bonne voie.

J’ai conscience que pour certains, cette influence est probablement la mauvaise et je suis peut-être une pimbêche de la secte Prescrire qui n’a aucune conscience des réalités.

Mais, ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que l’influence des labos pharmaceutiques n’est pas une influence positive, quoi que l’on veuille en dire, leur but est commercial, un point c’est tout. Leur but est de faire vendre leurs produits, ni plus, ni moins, pas de soigner les gens avec la meilleure efficacité possible et le moins d’effets secondaires. Non, ce n’est qu’une histoire d’argent.

C’est bien embêtant parce que c’est un lobby puissant, qui emploie de nombreuses personnes et à un impact économique certain, je ne veux m’en prendre à personne mais ce que je ne veux pas, c’est que ce que j’écris dans mes ordonnances soit sous l’influence de publicités dont le but est purement de faire de l’argent.

Après le scandale du médiator, des glitazones, des pilules de 3ème génération et tant d’autres,on ne devrait pas tolérer que la formation des médecins que ce soit la formation initiale ou la formation continue soit de près ou de loin sous l’influence de firmes dont le seul but est de faire du profit.

Si vous avez du mal à le croire, je vous invite à regarder l’émission Les Infiltrés demain sur France 2 vendredi 22/02 à 22h35.

Je vous invite très fortement à lire l’article de Farfadoc « Votre médecin, vous le voulez avec ou sans pub », et l’appel des 50 médecins généralistes en 2007

Je vous invite à lire le parcours de Matthieu Calafiore sur le sujet et l’article de Docgécé.

Et si vous voulez faire des mots croisés pour réflechir à la question, c’est ici chez euphorite.

Et surtout, je vous invite à lire les articles de Bruit des sabots (123) un interne bien plus éclairé que je ne l’étais et de signer sa pétition en ligne « Chut,pas de marques »

Oui, parce que je sais bien que ça changera pas le monde mais comme je l’ai déjà dit: les petits ruisseaux….

Petit ajout tardif:

Si vous avez loupé l’émission Les Infiltrés et c’est bien dommage, vous pouvez lire la retranscription de Dr Kalee dans son chouette blog tout neuf : 1ere partie 2eme partie

Like a rainbow

Toutes les journées ne peuvent pas être une belle journée! Hier était une journée bien grise à tous les sens du terme.

Sur twitter, une nuée d’arc-en-ciel l’a rendue belle et lumineuse, en tout cas sur mon twitter à moi, pleine de gens beaux et tolérants.

C’était beau à voir quand-même, toutes ces couleurs!

Et dans cette grisaille, j’entendis à la radio chanter : « I see you’re true colors, shining through…like a rainbow »

Et comme je suis un bisounours, même quand je vois tant de haines et d’ignorance, j’ai essayé de penser à ces belles couleurs…

et j’ai beaucoup pensé à tous ceux pour qui cette journée devait être vraiment difficile, car comme l’a écrit Doc Aste que je permet de citer ci dessous, cela ne doit pas être drôle certains  jours de porter des lunettes…

Qu’est ce qu’elles ont mes lunettes ?

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Il y a des jours comme aujourd’hui où ce n’est vraiment pas la joie… Oh rien de bien grave… un petit coup de blues passager. En fait ça fait un moment que ça dure. Plusieurs semaines. Mais aujourd’hui 13 janvier 2013 c’est le summum. Le pompon de la pomponnette !

Je m’explique : je suis quelqu’un de chanceux. J’ai un boulot, celui de généraliste, que j’adore et qui me passionne, j’ai une vie amoureuse qui m’apporte beaucoup de bonheur depuis un peu plus de onze ans, j’ai des amis formidables avec lesquels je partage des moments très chaleureux et très riches en débats, en contradictions, en passions, en émotions, toujours dans le respect des uns et des autres. J’ai la chance de pouvoir voyager. Bref, je suis libre et indépendant. Et puis j’ai des lunettes aussi. Voilà. C’est dit. J’AI DES LUNETTES! C’est la que le bât blesse.

Enfin moi ça ne me blesse pas, ça ne me pose d’ailleurs aucun de problèmes. Jusque là ça ne m’en a jamais posé. J’ai des lunettes et alors ? Evidemment elles font partie de moi mais elles ne me caractérisent pas outre mesure. Je suis un homme à lunettes voilà tout. Je suis loin d’être le seul. Ca m’a toujours semblé être un détail parmi d’autres qui participe surement à ma personnalité mais à mon avis bien moins que le fait d’être médecin… Métier passion dont je suis capable de parler des heures entières !!

Pourtant depuis plusieurs semaines j’ai la désagréable sensation que mes lunettes posent un problème. Oh ce n’est pas personnel, ce ne sont pas mes lunettes qui posent un problème, ce sont les lunettes en général je le vois bien. J’entends que non, que les gens n’ont rien contre les lunettes, que c’est juste que « bon faudrait quand même pas trop se la ramener avec nos lunettes et arrêter de demander d’être considérer comme tout un chacun, que si on mettait trop en avant nos binocles la société serait en danger », ou je ne sais quelle autre sottise. Je n’ai jamais été un militant des lunettes même si je les aime et que je les assume, mais cette fois je me sens vraiment agressé, bousculé, ramené au simple fait de porter des lunettes, comme si le reste de ce qui me caractérise n’existait plus.

C’est ça qui me donne un peu le blues. Surtout aujourd’hui où au nom de la liberté d’expression on a entendu à demi mots parfois, de façon très assumée souvent tant de rejet et de haine. Il y a là une évidente peur de la différence. Ce n’est pas nouveau. La différence a toujours fait peur. Il n’y a que l’éducation et la défense des valeurs républicaines qui réussissent à lutter contre cette peur. Approchez vous messieurs dames, allez y, n’ayez pas peur… regardez comme elles sont belles mes lunettes! Et puis vous voyez elles ne change rien à ma vie, elle me permettent juste de mieux voir le monde, d’être heureux. Et surtout elles ne changent rien à la votre… Et puis si un jour vous aussi vous avez besoin de lunettes, ou si quelqu’un que vous aimez a besoin de lunettes, ce ne sera pas si grave.

Heureusement ce blues n’est que passager, cette histoire de lunettes, on l’oubliera… enfin non, on ne l’oubliera pas mais je suis optimiste, ça deviendra « normal », je suis persuadé que dans quelques années tout le monde s’en moquera. La société française en tous cas. Il y aura toujours des individus pour utiliser la peur à des fins de haine et de rejets. Mais la liberté, l’égalité et la fraternité vaincront, je crois en la république.

Alors ce n’est qu’un mauvais moment à passer.

ps: je crois que mon ami @chatboudin a aussi un problème de lunettes… il en parle très bien .

 

Je lui dirais

J’ai tourné sept fois ma langue dans ma bouche et mes doigts sur le clavier par crainte de dire des bêtises dans le contexte d’actualité assez complexe au niveau médical. Beaucoup de choses me rendent perplexes.Je ne suis pas forcément d’accord avec certaines personnes ou certains groupes de médecins.Je ne me sens pas à la hauteur pour donner mon avis. J’ai des idées trop utopistes. Comme Farfadoc , j’ai la capacité d’analyse d’un enfant de 4 ans. Je suis naive et en même temps résignée (voir ici).

D’un côté, j’ai mes idées sur ce qu’il faudrait changer dans le système de santé actuel (pas que dans le système de santé d’ailleurs), je suis pour l’accès aux soins gratuits pour tous, contre les dépassements d’honoraires et une médecine à deux vitesses, pour un changement du déroulement des études et d’autres encore.

De l’autre côté, je sais que rien ne changera, en tout cas, pas dans le bon sens.J’ai conscience que c’est plus complexe que dans ma ptite tête. Dans le système actuel, je conçois que certains comme les chirurgiens soient amenés à faire des dépassements d’honoraires en l’absence de revalorisation tarifaire. Le monde ne sera jamais comme je voudrais qu’il soit et j’ai peu de foi en des changements d’envergure. J’attends seulement du gouvernement en place un moindre mal.

Il est bien plus facile de raconter des histoires sur ma petite vie, mais je me dis que dès fois, il faut quand-même dire des choses sérieuses.

Par exemple, si je me retrouvais en face du ministre de la santé:qu’est-ce-que je lui dirais?

Bien sûr, je n’aurais aucune légitimité à une telle rencontre. Je ne suis pas du tout qualifiée en économie de la santé, je n’ai pas fait de politique, ni de syndicalisme, je n’ai aucune idée de la réalité des choses.

Que pourrais-je lui dire qu’elle ne sait déjà? En tant que qui?

Peut-être parce que je suis authentique, une médecin de terrain, de la réalité, pas forcément représentative de la majorité des médecins, certes non, mais peut-être représentative d’une nouvelle génération de jeunes médecins, qui aiment la médecine générale mais ne veulent plus l’exercer comme leurs ainés.

Peut-être que justement, j’aurais un autre regard sur les choses, un témoignage différent des interlocuteurs avec lesquels elle a l’habitude de discuter. Peut-être qu’en tant que jeune médecin au profil « rare et recherché », c’est à dire qui veut s’installer en tant que médecin généraliste libéral dans une zone certes urbaine mais qui est considéré tout de même comme un désert médical, je pourrais avoir des choses à lui dire.

Rien de transcendant, ce que je dirais n’aurait rien de nouveau et ne semblerait n’être que des évidences.

Et pourtant, les lois et mesures prises depuis des années vont parfois à l’encontre de tout entendement. Quand on voit que pendant des années, les gouvernements ont mis en place un numerus clausus en partant du principe que moins il y aurait de médecins, moins il y aurait de dépenses de santé, on se dit que parfois l’absurdité n’a pas de limites.

Donc mes idées à moi, sur ce qu’il faudrait faire pour qu’il y ait plus de médecins qui s’installent semblent peut-être évidentes mais peut-être ne le sont-elles pas.

Quand j’étais petite, j’avais écrit ça sur ce qu’il faudrait faire pour qu’il y ait plus de médecins qui s’installent en Seine-Saint-Denis.

Je suis pas beaucoup plus grande, mais j’ai participé aux propositions des 24 blogueurs sur les déserts médicaux.

Alors, je ne me sentirais pas une totale légitimité, j’aurais peur de dire des bêtises ou des évidences mais voici ce que je dirais si d’aventure la ministre de la santé me demandait mon avis .

Je lui dirais que j’aime mon métier et que je me considère chanceuse de l’exercer. Je ne suis pas la seule, je connais, je côtoie des médecins généralistes qui aiment profondément leur travail. Beaucoup sont heureux, plus qu’on ne le pense, car ils ne se font pas entendre, et comme m’a dit une journaliste hier « on ne va pas faire un reportage sur quelqu’un qui dit que tout va bien »…Beaucoup par contre, sont à juste titre découragés et épuisés moralement et physiquement par les nombreuses difficultés auxquelles ils doivent faire face. Cette image, bien que réelle, participe à décourager les jeunes médecins qui ont me semble-t-il une vision partielle.

Je pense que plutôt que de prendre des mesures ponctuelles, des ptits trucs par ci, des ptits trucs par là, il faut d’abord prendre le problème à la source: faire en sorte que les médecins qui sont heureux, comme moi pour l’instant le restent et ne se découragent pas, que ceux qui sont dans la difficulté soient aidés, et encourager les jeunes médecins.

Les jeunes médecins ne s’installent plus. Pourquoi le feraient-ils?

Peut-être que premièrement s’ils connaissaient une autre vision de la médecine générale, ils seraient plus motivés et deuxièmement si les conditions d’exercice étaient moins difficiles, ils seraient peut-être même nombreux à faire la queue.

Il faudrait d’abord changer le déroulement des études de médecine.

Il faudrait changer le mode de sélection de la première année qui se fait d’après moi sur des critères absurdes et pas du tout sur des qualités qui pourraient participées à faire un bon médecin.

Le déroulement des études est ensuite totalement hospitalo-centré avec une méconnaissance totale que ce soit dans les cours théoriques ou dans les stages pratiques de la médecine générale,avec une dévalorisation de la médecine générale, qui est encore aujourd’hui souvent associée à la voie de l’échec. Quel jeune médecin généraliste n’a pas entendu au moins une fois « Mais pourquoi tu ne fais pas une spécialité? ».

Ce point là est très important, il mérite d’être approfondi mais je ne veux pas alourdir cet article fleuve: j’en ai parlé de manière détaillée ici.

Il faut donc modifier le cursus d’une part en deuxième cycle, avant le choix de la spécialité et d’autre part en troisième cycle, une fois le choix de la médecine générale effectué pour que les jeunes médecins ne s’orientent pas vers un autre type de médecine générale, vers la médecine d’urgence ou autre activité pouvant être pratiquée avec le DES de médecine générale.

Parce que les jeunes médecins à la fin de leur internat ont peu connus la médecine libérale, elle leur fait peur. Ils ont travaillé en équipe toutes leurs études, être seuls les effraie.On ne leur a pas appris à gérer une entreprise libérale.

En développant les stages en médecine libérale, en sortant les études de médecine du CHU, en faisant en sorte que l’enseignement mette en valeur la médecine générale, en promouvant son exercice, en donnant les moyens à la filière universitaire de médecine générale de se développer, une grande partie du chemin serait déjà faite .

Les départements de médecine générale, le CNGE sont très dynamiques et plein d’idées. Il faut juste leur donner les moyens de se développer, permettre la création de postes de chefs de cliniques, de professeurs de médecine générale, favoriser la recherche en médecine générale, au même titre que les autres spécialités. C’est une question de moyens financiers certes mais aussi de manque de considération de cette spécialité et de mentalités qui ont du mal à évoluer. Que l’on ne vienne pas se plaindre de manquer de généralistes si on ne se donne pas les moyens pour leur formation.

Et c’est là qu’arrivent les MUST (maisons universitaires de santé) qui seraient l’équivalent d’un CHU en ville, un lieu d’apprentissage de la médecine générale, avec des externes, des internes, des chefs de clinique et des médecins séniors. Je ne vais pas redétailler ici tout ce qui est clairement expliqué dans le lien.

Faire connaitre et promouvoir la médecine générale dans les études est la première chose. Améliorer les conditions d’exercice est la deuxième.

Oui, c’est un beau métier, non ce n’est pas un métier facile et non les jeunes médecins, ces égoistes ne veulent plus faire de leur métier un sacerdoce au détriment de leur vie de famille.

N’en déplaise à certains, à beaucoup même, régler le problème du manque de médecin passe d’abord par comprendre ça.

Non, les jeunes médecins ne sont pas des nantis, non ils n’ont pas eu des études gratuites et faciles, non ils ne sont pas des fainéants, bien au contraire, mais non ils ne veulent plus exercer la médecine générale comme leurs ainés: seuls, travaillant du matin au soir, 80 heures par semaine, les nuits et le week-ends, disponibles en permanence pour leurs patients, sacrifiant leur santé, leur famille.

Et personnellement, je trouve que c’est une bonne chose, que cela s’appelle le progrès, qu’un médecin heureux qui organise sa pratique comme il le souhaite est plus utile à ses patients qu’un médecin épuisé, qui n’en peut plus, qui y laisse sa santé et son amour du métier au passage.

A titre personnel, je travaille environ 30 heures par semaine, j’organise mon temps de travail comme je le veux, je gagne correctement ma vie, je suis heureuse.

Ces propos choquent!

Pourquoi?

Parce que cela sort du caractère sacerdotal qu’on se fait de la médecine, parce que les autres avant ont fait différemment, parce que l’on « doit » quelque chose à la société.

Je ne suis pas d’accord. J’ai cette possibilité, je la prends.Je profite de mes enfants en bas âge, de la vie. Plus tard, si j’en ai envie, je travaillerai davantage.

Bien sûr, il faut organiser les choses en pratique pour que les patients n’en pâtissent pas, ce ne sera pas toujours facile, ni même possible dans certains endroits, il faut réorganiser la permanence de soins, changer les modes d’exercice, et là j’en reviens à nouveau aux MUST, tout cela est primordial mais tant que l’on aura pas admis cette évolution et surtout que l’on verra ça comme un problème, on n’avancera pas.

C’est l’image du médecin qui doit être changée, quand j’entends les propos, quand je lis les commentaires, il y a de quoi être totalement découragé mais je tiens bon. La première des barrières est celle que l’on se met à nous-même.

Il faut organiser les choses différemment, il faut écouter les plaintes des médecins et faire en sorte que les difficultés soient moindres, de supprimer certaines absurdités comme les décrit genou des alpages. Cela est possible avec un peu de volonté et de logique et en partant du terrain.

Mais je ne crois pas que les jeunes médecins ne veulent pas s’installer en libéral, ils ne veulent pas s’installer en libéral dans l’état actuel des choses. Moi, j’aime le libéral, j’aime la liberté, le choix des horaires et les possibilités multiples.

Si on leur promettait des horaires moindres, si on les accompagnait pour les difficultés administratives, la découverte des méandre de l’entreprise libérale, si on les formait à ça (dans une MUST par exemple) et si on leur montrait la richesse et le plaisir de ce métier, je crois que je ne serais pas la seule à vouloir m’installer.

Des horaires moindres, allez-vous me dire, comment est-ce possible alors que l’on manque de médecins? Et bien, cela me parait logique: trois, deux ou même un médecin à mi-temps ( entendons sur mi-temps: un mi-temps de 70 heures, c’est en fait un 35 heures), cela fait tout de même plus que zéro médecin à plein-temps.

Et puisqu’il faut parler argent, bien-sûr, il faut revaloriser les actes, bien sûr il faut réflechir à d’autres modes de rémunération, bien-sûr les médecins ne travaillent pas pour la gloire et bien sûr il y a des réfléxions à mener sur ce sujet mais je pense profondément que l’argent n’est pas la motivation première et que l’on ne choisit pas ce métier pour l’argent.

Une fois que tout cela sera fait, et que l’on aura de nombreux médecins désirant s’installer, restera encore le problème des déserts médicaux. Et là, je ne prétend pas avoir de solutions miracles. Le problème de désertifications des campagnes va bien au delà des médecins:comment peut-on demander à un jeune médecin de s’installer quand il n’y a pas de commerces de proximité, pas d’emploi pour son conjoint, pas de crèches pour ses enfants? Y’a-t-il des solutions à cela?

Je l’ignore.

Ce que je sais, c’est que les mesures coercitives sont absurdes. Peut-on demander à un jeune étudiant de s’engager au début de ces études à exercer à un endroit donné quand il ne sait pas ce que sera sa vie dix ans plus tard. Peut-on demander à un médecin qui finit ses (difficiles et éprouvantes) études, qui a la trentaine, souvent un ou une conjointe et possiblement des enfants, de laisser sa vie pour partir là où personne ne veut aller. Il n’ira pas. Je me suis installée où personne ne veut aller parce que j’en avais envie, je n’aurais pas été ailleurs si on m’avait dit d’y aller. Ma vie privée ne me l’aurait pas permis. J’aurais fait autre chose! Je ne comprends pas ceux qui ne comprennent pas ça.

En tout cas, la coercition est absurde et je vois avec plaisir que la ministre ne va pas dans ce sens.

Quelles solutions? Vous ai-je déjà parler des MUSTs?

Je connais des jeunes médecins qui aiment ou aimeraient travailler dans les campagnes. Oui, il y en a. C’est un exercice avec de nombreux attraits. Je suis sûre que certains s’installeraient si les conditions étaient différentes et s’ils avaient connus cet exercice pendant leurs études. Il faut imaginer de nouvelles solutions, comme par exemple celles que nous proposons avec des salaires aux enchères.

Encore une fois, je n’ai pas de solution miracle. Faire connaitre, promouvoir, rendre attractif. Changer l’image. Et changer la pratique.

Cela peut sembler naif ou peu concret. Les propositions concrètes sont dans les deux documents ci dessus. Le reste ce ne sont que des évidences.

Donc, voilà ce que je lui dirais si la ministre de la santé me demandait mon avis.

Je lui dirais que je ne suis pas économiste de la santé, que je n’ai pas de connaissances politiques mais je lui dirais de commencer par là…

Et de trouver des solutions qui pour une fois iraient dans le bon sens, ne seraient pas absurdes et faire des changements d’envergure, pas des ptits trucs par ci et d’autres par là.

Je lui dirais que je préfère être à ma place qu’à la sienne parce que cela n’est pas simple.

J’essaie quant à moi, à mon petit niveau, local ou sur ce blog, en tant que maître de stage, de faire connaitre la médecine générale, de faire connaitre mon département.C’est tout ce que je peux faire. Et peut-être influencer une ou deux personnes…

Je pense que dans le système actuel, de grands changements ne se feront pas, qu’on dira qu’il n’y a pas les moyens.

Je ne fais pas de politique mais je pense que de l’argent il y en a et qu’il faut le prendre ailleurs que chez les patients et ailleurs que chez les médecins (je laisserai gentilmari l’expliquer un jour).

Je pense surtout qu’il faut décider des moyens que l’on veut se donner. Veut-on-des médecins oui ou non?

Voilà, je n’aurais aucune légitimité mais voilà ce que je dirais si on me le demandait.

Vous allez me dire, heureusement que ça n’arrivera pas …quoi que …

 

 

 

 

 

 

Bonne journée

Il y aurait beaucoup à dire sur l’actualité médicale, mais j’ai peur de mal dire les choses sur des sujets assez complexes, les désillusions se battent avec mon côté bisounours et je tempère en tournant 7 fois ma langue dans ma bouche et mes doigts sur le clavier en réfléchissant à ce que je pourrais dire à Marisol Touraine si je la rencontrais (sait-on jamais)

En attendant, l’actualité n’étant pas que médicale, je me permets une fois de plus d’écrire un billet non médical, parce que j’en ai envie tout simplement.

Aujourd’hui, somme toute bonne journée, outre l’élection de Barack Obama, l’actualité est marquée par l’adoption par le conseil des ministres du projet de loi sur le mariage homosexuel. C’est un début…Il reste beaucoup à faire, notamment sur le droit à l’homoparentalité.

Ce qui est difficile, c’est tous les propos que l’on entend à cette occasion, que ce soit Christine Boutin, Serge Dassault ou le français moyen, les propos sont honteux et incompréhensiblse.

Je ne comprends pas…

Je n’ai jamais compris les idées de la plupart des gens cela dit.

Je ne comprends pas mais même si je ne comprends pas,cela ne me blesse pas personnellement.

Comment je vivrais ces odieuses attaques si j’étais concernée personnellement?

Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet mais je ne le ferai pas.Je ne ferai pas changer d’avis ceux qui ne valent même pas la peine qu’on fasse attention à eux.

Mais je voudrais que ceci soit lu

Parce que lui non plus ne comprend pas

« je ne comprends pas  » 

« ce petit bout de rien »

(de tout et rien)

tout simplement

Et si je fais cet article, en vérité, ce n’est pas que parce qu’aujourd’hui est quand-même une bonne journée, ce n’est pas pour lui tirer quelques larmes (ça c’est trop facile): c’est parce que je fayotte pour être invité à son mariage!

 

La journée de la prostate 2012

Aujourd’hui, c’est la journée nationale (et même européenne) de la prostate.

Le dépistage du cancer de la prostate, en particulier par les PSA est un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre et longtemps sujet à controverses.

Cette année les études ont largement été dans le sens de ceux qui alertaient depuis de nombreuses années sur les risques du dépistage généralisé.

Je ne suis pas une spécialiste du sujet et je n’ai pas une grande expérience de patients confrontés à ce problème.

Quand j’ai fait mes premiers stages en cabinet, j’ai prescris des PSA en systématique, en croyant bien faire, parce que mon maître de stage le faisait. Je n’apportais pas spécialement d’explications: je disais juste quelque chose du genre: « c’est le dépistage pour le cancer de la prostate que l’on fait aux hommes à partir de 50 ans ».

Heureusement, j’ai eu la chance d’effectuer mes premiers remplacements chez O. et B. qui m’ont beaucoup appris et m’ont beaucoup ouvert l’esprit sur des choses que je faisais mal sans le savoir. Ils m’ont expliqué le débat sur les PSA, quand sortant de l’hôpital, je n’étais pas abonnée à Prescrire, ne voyait pas le problème des visiteurs médicaux, ne faisait pas de FMC et bien évidemment ne connaissait pas twitter.

Il y a beaucoup de moyens de s’informer, de se former, mais je pense qu’en tant que jeune médecin, l’influence des médecins chez qui on effectue nos premiers stages ou nos premiers remplacements est très importante.

Y’a-t-il encore des médecins aujourd’hui qui prescrivent des PSA en systématique sans se poser de questions? J’en suis sûre.

Est ce un sujet difficile à gérer en consultation? J’en suis sûre aussi.

Tout n’est pas blanc ou noir, et informer le patient de manière claire pour lui permettre de prendre une décision éclairée n’est pas facile. Cela demande du temps, de l’énergie et la connaissance des dernières études et recommandations.

Certaines personnes ont résumé cela très bien: je ne vais pas essayer de faire mieux, ni  faire de copier-coller directement: juste vous inviter très fortement à cliquer sur ces deux liens:

Tout y est: les différentes données, les recommandations, les études etc!!!

Et si vous lisez par hasard qu’on rechigne à prescrire des PSA car cela coûte cher, c’est une erreur!! Mais après avoir lu ces deux liens, vous ne pourrez plus penser cela!

Informations destinées aux hommes qui envisagent de se soumettre à un dépistage du cancer de la prostate par dosage des PSA  par Dominique Dupagne

C’était pas la journée de la prostate de Bernard par Dr Stéphane

Et comme l’a dit Gélule : Faites l’amour, pas le TR

 

Médecine Générale 2.0

Médecine générale 2.0

Les propositions des médecins généralistes blogueurs
pour faire renaître la médecine générale.

Comment sauver la médecine générale en France et assurer des soins primaires de qualité répartis sur le territoire  ? Chacun semble avoir un avis sur ce sujet, d’autant plus tranché qu’il est éloigné des réalités du terrain.

Nous, médecins généralistes blogueurs, acteurs d’un « monde de la santé 2.0 », nous nous reconnaissons mal dans les positions émanant des diverses structures officielles qui, bien souvent, se contentent de défendre leur pré carré et s’arc-boutent sur les ordres établis.

À l’heure où les discussions concernant l’avenir de la médecine générale font la une des médias, nous avons souhaité prendre position et constituer une force de proposition.

Conscients des enjeux et des impératifs qui sont devant nous, héritages d’erreurs passées, nous ne souhaitons pas nous dérober à nos responsabilités. Pas plus que nous ne souhaitons laisser le monopole de la parole à d’autres.

Notre ambition est de délivrer à nos patients des soins primaires de qualité, dans le respect de l’éthique qui doit guider notre exercice, et au meilleur coût pour les budgets sociaux. Nous souhaitons faire du bon travail, continuer à aimer notre métier, et surtout le faire aimer aux générations futures de médecins pour lui permettre de perdurer.

Nous pensons que c’est possible.

Voici la liste des blogueurs participants, sachant que certains confrères qui ont participé au débat ne figurent pas dans cette liste. AliceRedSparrowBoréeBruit des sabotsChristian LehmannDoc MamanDoc SouristineDoc BulleDocteur MilieDocteur VDominique DupagneDr CouineDr FoulardDr Sachs JrDr StéphaneDzb17EuphraiseFarfadocFluoretteGéluleGenou des AlpagesGranadilleJaddoMatthieu CalafioreYem

Voici le lien du document dont le contenu est détaillé ci-après (la lecture y sera plus agréable): Médecine générale 2_0

Ce document est né de la révolte de jeunes médecins généralistes face à la proposition par l’Ordre des médecins de mesures coercitives pour lutter contre les déserts médicaux. Une communauté informelle d’une vingtaine de médecins blogueurs s’est constituée autour de cette révolte pour élaborer des propositions concrètes et constructives. Il ne s’agit pas de supplanter les syndicats ou les autres représentations professionnelles. Ils s’agit simplement d’utiliser nos sites pour communiquer sur notre métier et nos attentes, pour aider à reconstruire une profession aussi indispensable que malmenée depuis plus de 50 ans.

D’autres médecins blogueurs dont vous pouvez visiter les sites grâce aux liens ci dessus ont présenté ce projet de manière plus personnalisée. Je ne trouve quant à moi rien à rajouter de pertinent.

C’est un projet ambitieux auquel je suis fière de participer. Nous avons conscience qu’un long chemin est à parcourir mais je suis persuadée et heureuse que grâce à ce projet groupé, nos idées seront entendues.

Si vous souhaitez soutenir ces propositions ou participer au débat: vous pouvez le faire ici sur le site atoute.

MEDECINE GENERALE 2.0

Sortir du modèle centré sur l’hôpital

La réforme de 1958 a lancé l’hôpital universitaire moderne. C’était une bonne chose qui a permis à la médecine française d’atteindre l’excellence, reconnue internationalement.

Pour autant, l’exercice libéral s’est trouvé marginalisé, privé d’enseignants, coupé des étudiants en médecine. En 50 ans, l’idée que l’hôpital doit être le lieu quasi unique de l’enseignement médical s’est ancrée dans les esprits. Les universitaires en poste actuellement n’ont pas connu d’autre environnement.

L’exercice hospitalier et salarié est ainsi devenu une norme, un modèle unique pour les étudiants en médecine, conduisant les nouvelles promotions de diplômés à délaisser de plus en plus un exercice libéral qu’ils n’ont jamais rencontré pendant leurs études.

C’est une profonde anomalie qui explique en grande partie nos difficultés actuelles.

Cet hospitalo-centrisme a eu d’autres conséquences dramatiques :
- Les médecins généralistes (MG) n’étant pas présents à l’hôpital n’ont eu accès que tout récemment et très partiellement à la formation des étudiants destinés à leur succéder.
- Les budgets universitaires dédiés à la MG sont ridicules en regard des effectifs à former.
- Lors des négociations conventionnelles successives depuis 198a9, les spécialistes formés à l’hôpital ont obtenu l’accès exclusif aux dépassements d’honoraires créés en 1980, au détriment des généralistes contraints de se contenter d’honoraires conventionnels bloqués.

Pour casser cette dynamique mortifère pour la médecine générale, il nous semble nécessaire de réformer profondément la formation initiale des étudiants en médecine.

Cette réforme aura un double effet :
- Rendre ses lettres de noblesse à la médecine « de ville » et attirer les étudiants vers ce mode d’exercice.
- Apporter des effectifs importants de médecins immédiatement opérationnels dans les zones sous-médicalisées.

Il n’est pas question dans ces propositions de mesures coercitives aussi injustes qu’inapplicables contraignant de jeunes médecins à s’installer dans des secteurs déterminés par une tutelle sanitaire. Nous faisons l’analyse que toute mesure visant à obliger les jeunes MG à s’installer en zone déficitaire aurait un effet majeur de repoussoir. Elle ne ferait qu’accentuer la désaffection pour la médecine générale, poussant les jeunes générations vers des offres salariées (nombreuses), voire vers un exercice à l’étranger.

C’est au contraire une véritable réflexion sur l’avenir de notre système de santé solidaire que nous souhaitons mener. Il s’agit d’un rattrapage accéléré d’erreurs considérables commises avec la complicité passive de confrères plus âgés, dont certains voudraient désormais en faire payer le prix aux jeunes générations.

Idées-forces

Les idées qui sous-tendent notre proposition sont résumées ci-dessous, elles seront détaillées ensuite.

Elles sont applicables rapidement.

1) Construction par les collectivités locales ou les ARS de 1000 maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) qui deviennent aussi des maisons médicales de garde pour la permanence des soins, en étroite collaboration avec les professionnels de santé locaux.

2) Décentralisation universitaire qui rééquilibre la ville par rapport à l’hôpital : les MSP se voient attribuer un statut universitaire et hébergent des externes, des internes et des chefs de clinique. Elles deviennent des MUSt : Maisons Universitaires de Santé qui constituent l’équivalent du CHU pour la médecine de ville.

3) Attractivité de ces MUSt pour les médecins seniors qui acceptent de s’y installer et d’y enseigner : statut d’enseignant universitaire avec rémunération spécifique fondée sur une part salariée majoritaire et une part proportionnelle à l’activité.

4) Création d’un nouveau métier de la santé : « Agent de gestion et d’interfaçage de MUSt » (AGI). Ces agents polyvalents assurent la gestion de la MUSt, les rapports avec les ARS et l’Université, la facturation des actes et les tiers payants. De façon générale, les AGI gèrent toute l’activité administrative liée à la MUSt et à son activité de soin. Ce métier est distinct de celui de la secrétaire médicale de la MUSt.

1) 1000 Maisons Universitaires de Santé

Le chiffre paraît énorme, et pourtant… Dans le cadre d’un appel d’offres national, le coût unitaire d’une MUSt ne dépassera pas le million d’euros (1000 m2. Coût 900 €/m2).

Le foncier sera fourni gratuitement par les communes ou les intercommunalités mises en compétition pour recevoir la MUSt. Il leur sera d’ailleurs demandé en sus de fournir des logements à prix très réduit pour les étudiants en stage dans la MUSt. Certains centres de santé municipaux déficitaires pourront être convertis en MUSt.

Au final, la construction de ces 1000 MUSt ne devrait pas coûter plus cher que la vaccination antigrippale de 2009 ou 5 ans de prescriptions de médicaments (inutiles) contre la maladie d’Alzheimer. C’est donc possible, pour ne pas dire facile.

Une MUSt est appelée à recevoir des médecins généralistes et des paramédicaux. La surface non utilisée par l’activité de soin universitaire peut être louée à d’autres professions de santé qui ne font pas partie administrativement de la MUSt (autres médecins spécialistes, dentiste, laboratoire d’analyse, cabinet de radiologie…). Ces MUSt deviennent de véritables pôles de santé urbains et ruraux.

Le concept de MUSt fait déjà l’objet d’expérimentations, dans le 94 notamment, il n’a donc rien d’utopique.

2) L’université dans la ville

Le personnel médical qui fera fonctionner ces MUSt sera constitué en grande partie d’internes et de médecins en post-internat :

- Des internes en médecine générale pour deux de leurs semestres qu’ils passaient jusqu’ici à l’hôpital. Leur cursus comportera donc en tout 2 semestres en MUSt, 1 semestre chez le praticien et 3 semestres hospitaliers. Ils seront rémunérés par l’ARS, subrogée dans le paiement des honoraires facturés aux patients qui permettront de couvrir une partie de leur rémunération. Le coût global de ces internes pour les ARS sera donc très inférieur à leur coût hospitalier du fait des honoraires perçus.

- De chefs de clinique universitaire de médecine générale (CCUMG), postes à créer en nombre pour rattraper le retard pris sur les autres spécialités. Le plus simple est d’attribuer proportionnellement à la médecine générale autant de postes de CCU ou assimilés qu’aux autres spécialités (un poste pour deux internes), soit un minimum de 3000 postes (1500 postes renouvelés chaque année). La durée de ce clinicat est de deux ans, ce qui garantira la présence d’au moins deux CCUMG par MUSt. Comme les autres chefs de clinique, ces CCUMG sont rémunérés à la fois par l’éducation nationale (part enseignante) et par l’ARS, qui reçoit en retour les honoraires liés aux soins délivrés. Ils bénéficient des mêmes rémunérations moyennes, prérogatives et avantages que les CCU hospitaliers.

Il pourrait être souhaitable que leur revenu comprenne une base salariée majoritaire, mais aussi une part variable dépendant de l’activité (par exemple, 20 % du montant des actes pratiqués) comme cela se pratique dans de nombreux dispensaires avec un impact significatif sur la productivité des consultants.

- Des externes pour leur premier stage de DCEM3, tel que prévu par les textes et non appliqué faute de structure d’accueil. Leur modeste rémunération sera versée par l’ARS. Ils ne peuvent pas facturer d’actes, mais participent à l’activité et à la productivité des internes et des CCUMG.

- Des médecins seniors au statut mixte : les MG libéro-universitaires. Ils ont le choix d’être rémunérés par l’ARS, subrogée dans la perception de leurs honoraires (avec une part variable liée à l’activité) ou de fonctionner comme des libéraux exclusifs pour leur activité de soin. Une deuxième rémunération universitaire s’ajoute à la précédente, liée à leur fonction d’encadrement et d’enseignement. Du fait de l’importance de la présence de ces CCUMG pour lutter contre les déserts médicaux, leur rémunération universitaire pourra être financée par des budgets extérieurs à l’éducation nationale ou par des compensations entre ministères.

Au-delà de la nouveauté que représentent les MUSt, il nous paraît nécessaire, sur le long terme, de repenser l’organisation du cursus des études médicales sur un plan géographique en favorisant au maximum la décentralisation hors CHU, aussi bien des stages que des enseignements.

En effet, comment ne pas comprendre qu’un jeune médecin qui a passé une dizaine d’années dans sa ville de faculté et y a construit une vie familiale et amicale ne souhaite pas bien souvent y rester  ?

Une telle organisation existe déjà, par exemple, pour les écoles infirmières, garantissant une couverture assez harmonieuse de tout le territoire par cette profession, et les nouvelles technologies permettent d’ores et déjà, de manière simple et peu onéreuse, cette décentralisation pour tous les enseignements théoriques.

3) Incitation plutôt que coercition : des salaires aux enchères

Le choix de la MUSt pour le bref stage de ville obligatoire des DCEM3 se fait par ordre alphabétique avec tirage au sort du premier à choisir, c’est la seule affectation qui présente une composante coercitive.

Le choix de la MUSt pour les chefs de clinique et les internes se pratique sur le principe de l’enchère : au salaire de base égal au SMIC est ajouté une prime annuelle qui sert de régulateur de choix : la prime augmente à partir de zéro jusqu’à ce qu’un(e) candidat(e) se manifeste. Pour les MUSt « difficiles », la prime peut atteindre un montant important, car elle n’est pas limitée. Par rapport à la rémunération actuelle d’un CCU (45 000 €/an), nous faisons le pari que la rémunération globale moyenne n’excédera pas ce montant.

En cas de candidats multiples pour une prime à zéro (et donc une rémunération de base au SMIC pour les MUSt les plus attractives) un tirage au sort départage les candidats.

Ce système un peu complexe présente l’énorme avantage de ne créer aucune frustration puisque chacun choisit son poste en mettant en balance la pénibilité et la rémunération. De plus, il permet d’avoir la garantie que tous les postes seront pourvus.

Ce n’est jamais que la reproduction du fonctionnement habituel du marché du travail : l’employeur augmente le salaire pour un poste donné jusqu’à trouver un candidat ayant le profil requis et acceptant la rémunération. La différence est qu’il s’agit là de fonctions temporaires (6 mois pour les internes, 2 ans pour les chefs de clinique) justifiant d’intégrer cette rémunération variable sous forme de prime.

Avec un tel dispositif, ce sont 6 000 médecins généralistes qui seront disponibles en permanence dans les zones sous-médicalisées : 3000 CCUMG et 3000 internes de médecine générale.

4) Un nouveau métier de la santé : AGI de MUSt

Les MUSt fonctionnent bien sûr avec une ou deux secrétaires médicales suivant leur effectif médical et paramédical.

Mais la nouveauté que nous proposons est la création d’un nouveau métier : Agent de Gestion et d’Interfaçage (AGI) de MUSt. Il s’agit d’un condensé des fonctions remplies à l’hôpital par les agents administratifs et les cadres de santé hospitaliers.

C’est une véritable fonction de cadre supérieur de santé qui comporte les missions suivantes au sein de la MUSt : — Gestion administrative et technique (achats, coordination des dépenses…). — Gestion des ressources humaines. — Interfaçage avec les tutelles universitaires — Interfaçage avec l’ARS, la mairie et le Conseil Régional — Gestion des locaux loués à d’autres professionnels.

Si cette nouvelle fonction se développe initialement au sein des MUSt, il sera possible ensuite de la généraliser aux cabinets de groupes ou maisons de santé non universitaires, et de proposer des solutions mutualisées pour tous les médecins qui le souhaiteront.

Cette délégation de tâches administratives est en effet indispensable afin de permettre aux MG de se concentrer sur leurs tâches réellement médicales : là où un généraliste anglais embauche en moyenne 2,5 équivalents temps plein, le généraliste français en est à une ½ secrétaire  ; et encore, ce gain qualitatif représente-t-il parfois un réel sacrifice financier.

Directement ou indirectement, il s’agit donc de nous donner les moyens de travailler correctement sans nous disperser dans des tâches administratives ou de secrétariat.

Une formule innovante : les « chèques-emploi médecin »

Une solution complémentaire à l’AGI pourrait résider dans la création de « chèques-emploi » financés à parts égales par les médecins volontaires et par les caisses [1].

Il s’agit d’un moyen de paiement simplifié de prestataires de services (AGI, secrétaires, personnel d’entretien) employés par les cabinets de médecins libéraux, équivalent du chèque-emploi pour les familles.

Il libérerait des tâches administratives les médecins isolés qui y passent un temps considérable, sans les contraindre à se transformer en employeur, statut qui repousse beaucoup de jeunes médecins.

Cette solution stimulerait l’emploi dans les déserts médicaux et pourrait donc bénéficier de subventions spécifiques. Le chèque-emploi servirait ainsi directement à une amélioration qualitative des soins et à dégager du temps médical pour mieux servir la population.

Il est beaucoup question de « délégation de tâche » actuellement. Or ce ne sont pas les soins aux patients que les médecins souhaitent déléguer pour améliorer leur disponibilité : ce sont les contraintes administratives  ! Former des agents administratifs est bien plus simple et rapide que de former des infirmières, professionnelles de santé qualifiées qui sont tout aussi nécessaires et débordées que les médecins dans les déserts médicaux.

Aspects financiers : un budget très raisonnable

Nous avons vu que la construction de 1000 MUSt coûtera moins cher que 5 ans de médicaments anti-Alzheimer ou qu’une vaccination antigrippale comme celle engagée contre la pandémie de 2009.

Les internes étaient rémunérés par l’hôpital, ils le seront par l’ARS. Les honoraires générés par leur activité de soin devraient compenser les frais que l’hôpital devra engager pour les remplacer par des FFI, permettant une opération neutre sur le plan financier, comme ce sera le cas pour les externes.

La rémunération des chefs de clinique constitue un coût supplémentaire, à la mesure de l’enjeu de cette réforme. Il s’agit d’un simple rattrapage du retard pris dans les nominations de CCUMG chez les MG par rapport aux autres spécialités. De plus, la production d’honoraires par les CCUMG compensera en partie leurs coûts salariaux. La dépense universitaire pour ces 3000 postes est de l’ordre de 100 millions d’euros par an, soit 0,06 % des dépenses de santé françaises. À titre de comparaison, le plan Alzheimer 2008-2012 a été doté d’un budget de 1,6 milliard d’euros. Il nous semble que le retour des médecins dans les campagnes est un objectif sanitaire, qui justifie lui aussi un « Plan » et non des mesures hâtives dépourvues de vison à long terme.

N’oublions pas non plus qu’une médecine de qualité dans un environnement universitaire est réputée moins coûteuse, notamment en prescriptions médicamenteuses. Or, un médecin « coûte » à l’assurance-maladie le double de ses honoraires en médicaments. Si ces CCUMG prescrivent ne serait-ce que 20 % moins que la moyenne des autres prescripteurs, c’est 40 % de leur salaire qui est économisé par l’assurance-maladie.

Les secrétaires médicales seront rémunérées en partie par la masse d’honoraires générée, y compris par les « libéro-universitaires », en partie par la commune ou l’intercommunalité candidate à l’implantation d’une MUSt.

Le reclassement des visiteurs médicaux

Le poste d’Agent de Gestion et d’Interfaçage (AGI) de MUSt constitue le seul budget significatif créé par cette réforme. Nous avons une proposition originale à ce sujet. Il existe actuellement en France plusieurs milliers de visiteurs médicaux assurant la promotion des médicaments auprès des prescripteurs. Nous savons que cette promotion est responsable de surcoûts importants pour l’assurance-maladie. Une solution originale consisterait à interdire cette activité promotionnelle et à utiliser ce vivier de ressources humaines libérées pour créer les AGI. En effet, le devenir de ces personnels constitue l’un des freins majeurs opposés à la suppression de la visite médicale. Objection recevable ne serait-ce que sur le plan humain. Ces personnels sont déjà répartis sur le territoire, connaissent bien l’exercice médical et les médecins. Une formation supplémentaire de un an leur permettrait d’exercer cette nouvelle fonction plus prestigieuse que leur ancienne activité commerciale. Dans la mesure où leurs salaires (industriels) étaient forcément inférieurs aux prescriptions induites par leurs passages répétés chez les médecins, il n’est pas absurde de penser que l’économie induite pour l’assurance-maladie et les mutuelles sera supérieure au coût global de ces nouveaux agents administratifs de ville. Il s’agirait donc d’une solution réaliste, humainement responsable et économiquement neutre pour l’assurance maladie.

Globalement, cette réforme est donc peu coûteuse. Nous pensons qu’elle pourrait même générer une économie globale, tout en apportant plusieurs milliers de soignants immédiatement opérationnels là où le besoin en est le plus criant.

De toute façon, les autres mesures envisagées sont soit plus coûteuses (fonctionnarisation des médecins libéraux) soit irréalisables (implanter durablement des jeunes médecins là où il n’y a plus d’école, de poste, ni de commerces). Ce n’est certainement pas en maltraitant davantage une profession déjà extraordinairement fragilisée qu’il sera possible d’inverser les tendances actuelles.

Calendrier

La réforme doit être mise en place avec « agilité ». Le principe sera testé dans des MUSt expérimentales et modifié en fonction des difficultés rencontrées. L’objectif est une généralisation en 3 ans. Ce délai permettra aux étudiants de savoir où ils s’engagent lors de leur choix de spécialité. Il permettra également de recruter et former les maîtres de stage libéro-universitaires  ; il permettra enfin aux ex-visiteurs médicaux de se former à leurs nouvelles fonctions.

Et quoi d’autre  ?

Dans ce document, déjà bien long, nous avons souhaité cibler des propositions simples et originales. Nous n’avons pas voulu l’alourdir en reprenant de nombreuses autres propositions déjà exprimées ailleurs ou qui nous paraissent dorénavant des évidences, par exemple :

- L’indépendance de notre formation initiale et continue vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique ou de tout autre intérêt particulier.
- La nécessité d’assurer une protection sociale satisfaisante des médecins (maternité, accidents du travail…).
- La nécessaire diversification des modes de rémunération. Si nous ne rejetons pas forcément le principe du paiement à l’acte – qui a ses propres avantages – il ne nous semble plus pouvoir constituer le seul socle de notre rémunération. Il s’agit donc de :
— Augmenter la part de revenus forfaitaires, actuellement marginale.
— Ouvrir la possibilité de systèmes de rémunération mixtes associant capitation et paiement à l’acte ou salariat et paiement à l’acte.
— Surtout, inventer un cadre flexible, car nous pensons qu’il devrait être possible d’exercer la « médecine de famille » ambulatoire en choisissant son mode de rémunération.
- La fin de la logique mortifère de la rémunération à la performance fondée sur d’hypothétiques critères « objectifs », constat déjà fait par d’autres pays qui ont tenté ces expériences. En revanche, il est possible d’inventer une évaluation qualitative intelligente à condition de faire preuve de courage et d’imagination.
- La nécessité de viser globalement une revalorisation des revenus des généralistes français qui sont aujourd’hui au bas de l’échelle des revenus parmi les médecins français, mais aussi en comparaison des autres médecins généralistes européens. D’autres pays l’ont compris : lorsque les généralistes sont mieux rémunérés et ont les moyens de travailler convenablement, les dépenses globales de santé baissent  !

Riche de notre diversité d’âges, d’origines géographiques ou de mode d’exercice, et partageant pourtant la même vision des fondamentaux de notre métier, notre communauté informelle est prête à prendre part aux débats à venir.

Dotés de nos propres outils de communication (blogs, forums, listes de diffusion et d’échanges, réseaux sociaux), nous ambitionnons de contribuer à la fondation d’une médecine générale 2.0.

 

Les petits ruisseaux …

Pour ceux qui ont réussi à passer à côté des JO du buzz du moment sur la dignité des patients et les blouses d’hôpital, lancé il y a une semaine par le désormais célèbre article de farfadoc (suivi de cet article) qui a fait suite lui-même  à l’article de Leya MK (dignité mes fesses), je ne peux que vous conseillez de lire ces liens.

Pour introduire le sujet, je n’ai pas le talent de Jaddo (mon cul c’est du poulet) (qui en avait d’ailleurs déjà parlé ici il y a longtemps), ni celui de Sous la Blouse (qui en avait d’ailleurs déjà parlé ici il y a longtemps, mais si plusieurs personnes, médecins, kinés, soignants sans se concerter initialement puis ensemble ont ressenti le besoin de parler de ce sujet, c’est que ce n’est pas anodin.

Bien sûr, il y a des sujets plus importants, bien sûr le sujet précis des blouses d’hôpital n’est que la partie visible de l’iceberg de la façon dont les patients sont traités à l’hôpital où même en général. Personnellement, si j’ai beaucoup de rancoeur ou de désillusion façe à la prise en charge de la personne en tant que telle dans le parcours difficile que nous avons vécu mes proches et moi, je n’ai jamais expérimenté la blouse ouverte de l’hôpital en dehors du jour de mon accouchement mais en même temps ce jour là au point où tu en es….mais je pense que ce sont les petits ruisseaux qui font des grandes rivières et que prendre conscience que les patients doivent être traités avec considération est très important! (Surtout que j’y retourne bientôt la mettre ma blouse d’hôpital!)

Alors un grand merci à tous ceux qui ont contribué à ce mouvement…

lisez les liens, ils valent la peine et surtout  signez la pétition en ligne

PS: Discutant à l’instant avec Dr Who: il me signale qu’il faut bien préciser si on parle des blouses des patients ou de celles des infirmières….

« C’est quand-même plus sympa une blouse ouverte quand l’infirmière te demande si tu vas bien le matin »

« Ah vous les médecins, vous ne vous mettez pas à la place des gens! »

Donc bien sûr, il s’agit des blouses de patients….

 

 

 

 

Le Monde

Bon, je me permets ce billet un peu narcissique parce que l’article ci-joint est tout d’abord très intéréssant mais surtout il faut l’avouer parce que je suis fière d’avoir été citée dans le journal « Le Monde », bien plus fière que ma prestation à i télé de la semaine dernière!

Par contre, si j’avais su quand j’ai choisi mon pseudo pour twitter, que premièrement je ferai un blog et surtout que je serai citée dans « Le Monde », j’aurais réfléchi plus de cinq minutes avant de le choisir …

Merci et bravo pour son article très juste à la journaliste Laetitia Clavreul qui m’a contacté suite à mon article sur les arrêts de travail et à Dominique Dupagne qui est semble-t-il encore une fois le  » cerveau  » derrière tout ça…

euh par contre, je plaide pas vraiment pour une sensibilisation aux conséquences des abus…ce n’est pas trop mon rôle, mais pour une non stigmatisation des malades oui ça c’est vrai …

Le Monde du 23/11/11

Bande de fainéants…

Les gens sont tous des fainéants et qui plus est, ils ont aussi le défaut d’être non seulement avides d’argent mais en plus égoistes…(un égoiste, c’est quelqu’un qui ne pense pas à moi ). Les malades sont des irresponsables, n’est ce pas Mr Wauquiez?

« Le sujet sur cette histoire du délai de carence, c’est pas la fraude. C’est juste la responsabilisation. On comprend bien que si jamais, quand vous tombez malade, ça n’a aucun impact sur votre indemnité et votre salaire, ben le résultat quand même c’est que c’est pas très responsabilisant. Et que du coup on a un peu l’impression que la Sécurité sociale est quelque chose sur lequel on peut tirer sans que ça ait un impact (…). Donc dans le cadre de l’effort collectif qui doit être fait, c’est important qu’il y ait aussi ce signal de responsabilisation: « Attention, c’est pas gratuit! » L.Wauquiez

Loin de moi l’idée de faire de la politique ou de remettre en cause des décisions prises par des gens si intelligents et qui connaissent si bien les gens.. c’est une décision absurde parmi tant d’autres dans un monde absurde. ( et comme je ne veux pas émettre d’opinions trop personnelles, je ne dirai même pas que ma seule petite consolation, c’est de penser à tous ceux qui ont voté pour ce gouvernement et qui pour une fois se retrouvent visés par quelque chose qui les embête bien fort).

Donc, je voulais juste rendre compte de mon expérience à moi, moi qui ne doit pas être vraiment intelligente et qui ne doit pas connaitre les gens …

Parce que moi, mes patients, ils ne sont ni fainéants, ni égoistes, ni irresponsables…

Alors, oui, je l’accorde, il y en a quelques uns qui réclament des arrêts pour pas grand chose ou qui tirent un peu sur la corde ( « tant qu’à avoir perdu 3 jours , mettez moi la semaine tant qu’à faire »), et oui même, il y a quelques fonctionnaires qui se permettent facilement un arrêt sachant qu’il n’y a pas de perte de salaire (« On a le droit à 90 jours alors… »). Comme partout il y a des gens qui veulent profiter, mais, et je ne parle pas du fait que ces gens-là n’ont pas forcément la vie facile et que ce ne sont pas eux qui font le trou de la sécu, ces patients là sont vraiment très peu, ce problème est vraiment très marginal… Des demandes injustifiées de la sorte, je dirai que j’en ai environ une ou deux par mois…et il ne tient qu’au médecin de les refuser. Mais j’oubliais que les médecins aussi sont égoistes et irresponsables …

Donc, comme toujours, on pointe du doigt une minorité, pour rendre les gens coupables de problèmes qui n’ont rien à voir. Quand on sait que moins de 3% des indemnités journalières sont versées pour des arrêts de moins de 8 jours, alors que 60% des versements concernent des arrêts de plus de 3 mois, on mesure l’indécence qu’il y a à faire des patients des cibles…

Mais, surtout, moi au quotidien, ce n’est pas ça que je vis. Moi, au quotidien, je me bats avec les gens pour les arrêts de travail mais pour qu’ils les acceptent ! Et la plupart du temps je perds..

C’est fou ça mais les gens sont vraiment un peu irresponsables avec leur santé en effet: ils refusent les arrêts quitte à mettre celle ci en péril!

-Mme B. est gardienne, elle avait une tendinite du coude, elle a refusé à de nombreuses reprises mes arrêts que pourtant j’avais rédigé et lui avais donné. Elle ne veut pas s’arrêter, son travail c’est toute sa vie, elle est hyperactive. Elle a tenu le coup jusqu’à ce que le tendon se déchire et maintenant cela fait plus d’un mois qu’elle est en arrêt.

-Mr C. est chauffeur-livreur, il a une forte douleur d’épaule, j’ai réussi à l’arrêter deux jours quand vraiment il ne pouvait plus bouger mais pas plus. Sa raison: il ne peut pas laisser ses collègues dans l’embarras….

-Mme R. est déprimée, sa fille de 16 ans a été violée récemment , elle a besoin de la présence de sa mère et Mme R. est épuisée physiquement et moralement …en plus, elle a une angine. Je ne peux rien pour sa peine mais je pense que quelques jours de repos lui seraient bénéfiques. Elle refuse…financièrement, elle ne peut pas.

-Mr A. doit se faire opérer du genou depuis 2 ans, il attend toujours car cela implique un arrêt de travail de plusieurs semaines que financièrement il ne peut pas se permettre.

-Mme S. est ATSEM, elle a des lombalgies. Cette fois ci j’ai réussi à l’arrêter car vraiment elle était bloquée mais la plupart du temps, elle refuse, pour ses collègues, pour les enfants…en dépit du fait qu’elle soit fonctionnaire et qu’elle n’ait pas de jour de carence .

-Melle B. est serveuse, elle a un virus pour lequel on ne peut rien faire mais est pas bien du tout, elle n’accepte pas l’arrêt parce qu’il n’y a personne pour la remplacer et que son patron lui met la pression…

Je m’arrête là mais je pourrais continuer des heures..Si les patients qui profitent du système sont très occasionnels, je vois ceux-ci en une demi-journée, tous les jours, tout le temps …

Alors, ma patientèle n’est peut-être pas représentative, les habitants de la Seine-Saint-Denis sont peut-être des gens particulièrement courageux et avec une situation financière précaire, mais mes patients à moi ne sont ni fainéants, ni tires-au-flanc, ni irresponsables,ni profiteurs, et oui l’argent est un critère important mais dans le mauvais sens. Ce sont des gens courageux, honnêtes, travailleurs. Certains réclament des arrêts un peu exagérés mais beaucoup plus les acceptent par obligation avec contrariété ou les refusent. Ils les refusent parce qu’ils aiment travailler, parce qu’ils ont une conscience professionnelle, pour ne pas laisser leurs collègues dans l’embarras. Certains subissent une telle pression au travail qu’ils ne peuvent se permettent d’accepter l’arrêt. Certains aussi ne veulent pas justement profiter du système et être payés à rien faire. Beaucoup surtout, ne peuvent pas se permettre d’accepter l’arrêt, financièrement, trois jours de carence  cela fait près de 10%,quand on gagne le SMIC,c’est énorme, et rappelons qu’après ces trois jours, le salaire n’est payé qu’à 50%, sans parler du fait que le paiement arrive longtemps après. Certaines personnes ne peuvent tout simplement pas se le permettre.

Cela conduit à des retards de traitement, à l’aggravation de la situation médicale, et en tant que médecin et citoyenne, cela me désespère et me met en colère tous les jours et maintenant cela va être pire encore…

Les seules personnes avec lesquelles on n’était pas embêté par le problème financier, c’était les fonctionnaires et maintenant, même cela est remis en cause…

Et en plus, comme d’habitude, on monte les gens les uns contre les autres, au lieu de niveler la situation vers le haut en partant du fait que les acquis de la fonction publique sont une chose positive, on les fait encore une fois passer pour des fainéants et on les pointe du doigt comme responsables et au lieu de voter un progrès tel que la diminution du délai de carence à deux jours, on nivèle tout par le bas…et tout le monde est perdant: ceux qui ont eu l’irresponsable idée de tomber malade, ceux qui ont eu l’irresponsable idée de prendre un arrêt de travail et qui sont montrés du doigt, ceux qui ont eu l’idée encore plus irresponsable de les refuser et dont l’état de santé s’aggrave et coûte encore plus cher à la sécu…et moi qui assiste impuissante à tout ça ….