Le travail c’est la santé 2! La paperasse pour les nuls

Suite à mon billet d’hier et certaines discussions, je me suis dit que j’allais publier les conseils que je donne à mes internes sur le sujet .

Certaines choses semblent peut-être évidentes mais je me suis mise dans la tête de l’interne et même de la remplaçante voire du médecin installée que j’étais et c’est ce que j’aurai aimé qu’on me dise. Alors si ça peut-être utile à certains internes/remplaçants voire même installés, je me suis dit que je pouvais le publier.

Par contre, si il y a des choses fausses/incomplètes, des choses que j’aurai du mettre, n’hésitez pas à me le dire. Vos remarques et conseils seront les bienvenues

SANTE-ET-TRAVAIL-POUR-LES-NULS  (format word)

SANTE-ET-TRAVAIL-POUR-LES-NULS  (pdf)

PS: ces documents ont été modifiés suite aux remarques dans les commentaires (merci beaucoup) et la mise en page refaite par Gécé (qui a insinué quelle était pourrie mais c’est vrai alors merci!!) puis à nouveau modifiés début juin pour intégrer les remarques judicieuses d’un médecin conseil que je remercie vivement !!

Pour ceux qui ne veulent pas cliquer:

SANTE ET TRAVAIL POUR LES NULS

 

Au niveau de l’assurance Maladie, ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il y a deux branches bien distinctes : la branche maladie et la branche risques professionnels.

Quand on est en accident de travail par exemple, on ne peut jamais passer en invalidité pour le même motif.

 

 

  1. MALADIE

 

–       3 volets : 2 premiers volets pour la sécu, le 3ème pour l’employeur.

Si en ligne : imprimer le 3ème volet et le donner au patient.

–       Durée : Arrêt maladie : 3 ans maximum mais c’est rare que la sécu ne dise rien jusqu’à là.

–       Carence : 3 jours de carence sauf si en rapport avec ALD (ou sauf si reprise inférieure à 48h, dans ce cas faire une prolongation).

–       Indemnités : IJ = 50% du salaire (sous certaines conditions d’heures travaillées et avec un certain plafond ).

Si >3 enfants à charge : IJ 66.6% du salaire à partir du 31ème jour.

  • Reprise : Visite de reprise avec le médecin du travail obligatoire après 30 jours d’arrêt. Après un arrêt de 6 mois, il faut faire un protocole de soins (le même document que pour une demande d’ALD) : on peut y penser tous seuls mais sinon la sécu l’envoie). Si c’est quelqu’un qui ne travaille pas le week-end : arrêter jusqu’au vendredi. Si il reconsulte le lundi, on peut faire une prolongation (et il n’y a donc pas à nouveau 3 jours de carence).
  • -ALD : Quand les patients sont en arrêt de travail en rapport avec une pathologie déjà en ALD, il ne faut pas oublier de rattacher l’arrêt de travail en cochant la petite case « en rapport ».

2 avantages :

-Pour le médecin, on ne lui demandera pas de remplir à nouveau un protocole de soins une fois arrivé à 6 mois d’arrêt de travail.

  • Pour le patient : pas de jours de carence à partir du 2eme arrêt en rapport avec l’ALD dans l’année civile et IJ non imposables.
  • Invalidité : Lors d’un arrêt prolongé, on peut passer en invalidité :

o   Catégorie 1 : 30% du salaire

o   catégorie 2 : 50% du salaire

o   catégorie 3 : nécessité d’une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne : 50% du salaire + majoration tierce personne (de 1100 euros)

o   La sécu peut le demander ou le patient ou le médecin traitant : sur papier libre ou formulaire.

 

Concernant l’invalidité, il y a un certain nombre de conditions à remplir :

Condition médicale : il faut une diminution de la capacité de travail ou de gain des 2/3 soit 66% acquise depuis l’immatriculation (s’il existait une pathologie antérieure à l’immatriculation, on doit apporter la preuve que cette dernière s’est aggravée)

Condition administrative : obligation de 12 mois d’immatriculation, obligation d’un nombre minimum d’heures de travail effectif ou assimilé au cours d’une période de référence (800 heures au cours de l’année civile ou au cours des 4 trimestres précédents l’interruption de travail suivie d’invalidité dont 200 heures au cours du premier trimestre (le plus éloigné depuis la date d’interruption de travail))

 

  1. ACCIDENT DE TRAVAIL

 

–       4 volets : 2 premiers volets pour la sécu, le 3ème pour la victime et le 4eme pour l’employeur

–       Quand ? Présomption d’imputabilité si sur le lieu de travail.

–       On peut être en arrêt dans le cadre d’un AT ou en soins tout en continuant à travailler

–       Carence : Pas de jours de carence

–       Indemnités : IJ 60% pendant 28 jours puis 80% après 28j

Prise en charge à 100% des soins médicaux

–       Reprise : Le certificat de reprise est obligatoire.

La visite de reprise est obligatoire après 30 jours également (depuis juillet 2012, ce n’est plus 8 jours)

Quand on fait la reprise, il faut mettre des soins. Quand les soins sont finis, il faut les prolonger ou faire un certificat final = de consolidation.

–       Consolidation : Quand l’état n’est plus évolutif (et non pas quand le patient est guéri : nuance importante dont la méconnaissance fait que les patients ressentent souvent une injustice), la sécu demande souvent la consolidation, c’est-à-dire la fin de l’AT.

A ce moment-là :

o   si séquelles : le patient peut avoir soit une rente soit un capital entre une rente et un capital. Ceux-ci ne sont pas bien élevés en général sauf grosses séquelles (voir ici et ici ).

o   si pas de séquelles : guérison.

Concernant les séquelles d’accident du travail  (précisions bienvenues d’une consoeur          médecin conseil que je remercie grandement)

En fait, les patients touchent une rente mensuelle à partir de 10% d’IPP .

Il faut savoir que ce barème d’indemnisation des AT en droit social est issu du barème destiné à l’indemnisation des soldats de la guerre de 14-18. Il n’a pas été revu depuis des années et n’est donc pas à jour au niveau des données récentes de la science.

Faits marquants : la douleur n’existe pas, la psychiatrie est à peine ébauchée.

Conclusion : les séquelles douloureuses ne sont pas indemnisables en assurance maladie.

Raison pour laquelle souvent, les patients se sentent lésés car il leur est notifié une consolidation avec « séquelles non indemnisables ».

Le barème des maladies professionnelles est un peu plus large puisqu’on doit tenir compte des « séquelles fonctionnelles liées à la douleur ».

 

– Une fois que l’arrêt est consolidé, on peut remplir un formulaire de PROTOCOLE DE     SOINS POST-CONSOLIDATION pour demander la poursuite de la prise en charge des soins médicaux à 100% pour une durée définie par la sécu (par exemple 6 mois)

–       ATTENTION : Le problème, c’est que, une fois l’arrêt consolidé, on ne peut plus arrêter le patient pour ce motif (ni en AT , ni en maladie), sauf en cas de rechute, mais pour cela il faut qu’il y ait un nouvel évènement.

Si le patient n’a toujours pas repris le travail et qu’il considère qu’il ne peut pas le reprendre, il peut faire une contestation dans un délai d’un mois sur papier libre , il y aura une expertise, dans ce cas en attendant, on continue à lui faire des AT mais si l’expertise ne va pas en son sens (ce qui est souvent le cas) , il ne sera pas payé pendant tout ce temps.

On ne peut pas l’arrêter en maladie pour ce même motif.

D’où l’intérêt d’avoir agit en amont pour anticiper le problème pour ne pas en arriver là.

Il y a également la notion «  d’état antérieur » en accident de travail :

Notion importante à comprendre car elle permet parfois de « rattraper » une situation sociale inextricable mais souvent mal comprise par les patients et les médecins.

Un exemple concret :M. X 56 ans ressent une douleur vive lombaire lors d’un effort de soulèvement. Il fait une déclaration d’accident de travail. Les examens complémentaires révèlent des discopathies étagées et de l’arthrose sur tout le rachis lombaire. Au bout de 6 mois d’arrêt en accident de travail, il est toujours très douloureux et il est évident qu’il ne pourra pas reprendre son activité dans le bâtiment et que les espoirs de reconversion à son âge sont nuls.ll peut alors être plus judicieux de consolider l’accident de travail avec « séquelles non indemnisables compte tenu de l’état antérieur » et basculer en arrêt en maladie pour cet état antérieur. Ce qui permet ensuite de basculer en invalidité..Cette démarche est souvent mal comprise : « je n’avais pas mal avant », «  on ne reconnaît pas les séquelles de mon accident » alors qu’elle ne vise qu’à préserver l’intérêt du patient sur le long terme.

–       Cas particulier : la souffrance au travail

J’avais fait une formation où on m’avait dit qu’on peut faire un AT pour des problèmes de souffrance au travail s’il y a eu un évènement (discussion conflictuelle, altercation) significative sur le lieu de travail. Depuis 2012, il y aurait une jurisprudence (non retrouvée), cela peut-être une série d’évènements traumatisants ponctuels. On pourrait noter « stress post-traumatique en relation avec une dégradation des conditions de travail » ou « syndrome anxio-dépréssif réactionnel secondaire à une série d’évènements sur le lieu de travail ».

J’ai essayé plusieurs fois et cela n’est jamais passé en accident de travail. Je ne sais donc pas si c’est un bon conseil ou pas .

De manière générale, sur un arrêt de travail, on peut écrire stress post traumatique, dépression d’épuisement ou syndrôme d’épuisement professionnel, syndrôme anxio-dépressif ou anxiété réactionnelle mais il ne faut JAMAIS écrire harcèlement moral. C’est un terme juridique, un médecin peut être poursuivi pour écrire ça sur un arrêt.

(et ne pas écrire de lettre pour un avocat ou une procédure juridique, éventuellement on fait une lettre pour un spé ou médecin du travail que l’on remet au patient, il en fait ce qu’il en veut ).

En règle générale, il faut toujours écrire sur un arrêt ce que l’on constate et seulement ça et ne pas établir de relation de cause à effet.

 

  1. MALADIE PROFESSIONNELLE

 

C’est compliqué, mais en 2 mots…

–       Une maladie professionnelle est la conséquence de l’exposition plus ou moins prolongée à un risque qui existe lors de l’exercice habituel de la profession.

–       Faire une demande en MP : La demande se fait sur le même formulaire qu’un Accident de travail+ un formulaire vert (que la Sécu envoie au patient) à remplir par le patient avec plein de renseignements

–       Quelles modalités ? Il y a des tableaux. Pour tout ce qui est TMS, c’est le tableau 57.

–       Mêmes règles que l’AT, même formulaire d’ailleurs.

–       ATTENTION : Il faut bien peser les avantages et les inconvénients :

 

o   Avantages :

  • prise en charge à 100% des frais médicaux (intérêt si pas de mutuelles) et pas d’avance de frais,
  • IJ un peu supérieures,
  • accès à un reclassement professionnel,
  • reconnaissance, ce qui a un intérêt psychologique pour le patient,
  • intérêt collectif de déclarer les MP pour faire bouger les choses dans les entreprises,

MAIS…

Bien réfléchir car comme on l’a vu avant, une fois que l’état n’est plus évolutif, consolidation pour la sécu  (plus ou moins rapide ) et après impossibilité de faire un arrêt pour ce motif, impossibilité de passer en invalidité, etc.

Hop ! on déclare une tendinite de l’épaule en MP, on l’arrête de temps en temps pour ce motif quand ça fait trop mal, hop ! un an plus tard la sécu consolide, on ne peut plus l’arrêter pour son épaule, jamais… ni passer en invalidité…

L’intérêt à court terme est des IJ un peu plus élevées, mais peut être délétère au patient à long terme. Notamment pour tout ce qui est TMS.

L’intérêt des MP est, selon moi, l’accès à un reclassement professionnel

 

 

NB : tout ça c’est pour le régime général, c’est pas du tout pareil pour les autres régimes, notamment pour les fonctionnaires. Là ça devient compliqué, en gros ça n’a rien à voir, on fait des demandes sur papier libre, de Congé Longue Durée ou Congé Longue Maladie. Y’a plein de subtilités bien compliquées (par exemple vaut mieux avoir la polio, et pas 2 cancers, mais bon…) Retenir que : 3 mois de salaire à taux plein, après faut passer devant le médecin expert. Si tu veux en savoir plus, fais moi signe.

 

Donc, le plus important c’est…

 

ANTICIPER !

 

Ce qui est donc primordial, c’est d’anticiper le retour au travail.

Pour pas arriver à des situations bloquées et parce qu’on sent bien que le patient va pas pouvoir reprendre.

Il faut aménager le poste en amont ou envisager un reclassement.

Pour ça, il faut faire appel à nos partenaires.

 

LE MEDECIN DU TRAVAIL

 

Et l’incontournable VISITE DE PRE-REPRISE

Quand un patient est en arrêt, on peut (on doit :-)) demander une visite de pré-reprise. Enfin c’est le patient qui le demande, et nous on fait une petite lettre qui explique tout bien, comment peut-on envisager une reprise, un aménagement de poste, un temps-partiel thérapeutique etc.

Quand on arrive à avoir les coordonnées du médecin du travail, et quand celui-ci est bien (c’est vrai que c’est médecin du travail dépendant mais moi pour l’instant je suis bien tombée), c’est vraiment une grande aide.

Il ne faut pas attendre la visite de reprise où le patient reprend sans que rien n’ait été préparé.

 

Le TEMPS PARTIEL THERAPEUTIQUE

 

Le temps-partiel thérapeutique : c’est un ARRET à temps partiel. Donc on fait un arrêt de la durée souhaitée du temps-partiel thérapeutique en notant arrêt à temps partiel.

Pour l’initier : il faut que le patient, la sécu (accord de principe pour 1 mois au moins par chez moi) , et l’employeur soient d’accord et que ce soit réalisable. L’employeur n’est  pas obligé d’accepter.

Le mieux est de prendre un RDV de pré-reprise avec le médecin du travail qui organise le temps partiel thérapeutique avec l’employeur.

Quand c’est organisé, on prévoit la date de reprise et on prolonge l’arrêt de travail du patient en cochant la case « reprise à temps partiel thérapeutique » sur l’arrêt de travail et la date de fin d’arrêt (1 à 3 mois plus tard).

Si on ré-arrête le patient à temps complet, je ne sais pas comment il faut faire officiellement, moi je mets dans le motif « était en temps partiel thérapeutique, arrêt à temps complet à partir de ce jour etc. »

On a l’habitude de parler de mi-temps thérapeutique mais il s’agit de temps partiel thérapeutique : on peut faire 30%, 50%, 80%, etc. par journées/demi-journées, etc. à voir avec l’employeur…

Le temps de travail peut être modifié au fil du temps à la hausse ou à la baisse. Le temps partiel thérapeutique ne se se prescrit plus obligatoirement à la suite d’ un arrêt de travail La dernière mouture du formulaire d’arrêt de travail permet maintenant de le prescrire d’emblée.

 

 

 

L’INAPTITUDE

 

Si on pense que le patient ne pourra pas reprendre à son poste, le médecin du travail peut, le cas échéant, si son état médical l’indique, lancer une procédure d’inaptitude définitive.

(NB : il existe aussi des inaptitudes temporaires, dans ce cas, le médecin du travail déclare le patient inapte temporaire et envoie le patient chez le médecin généraliste pour faire un arrêt de travail).

Concernant la procédure d’inaptitude définitive, elle se passe forcément une fois que la personne n’est plus en arrêt. Il doit y avoir 2 visites de reprise avec le médecin du travail (en gros inaptitude à son poste puis inaptitude à tout poste dans l’entreprise) avec 2 semaines d’intervalle. L’employeur a ensuite un mois pour procéder au licenciement.

 

Pendant ce mois là : soit le motif d’inaptitude est lié à un accident de travail ou MP, et le patient peut demander auprès de la CPAM une indemnité temporaire d’inaptitude, soit ben il a pas de sous pendant un mois…

L’employeur doit dans la mesure du possible proposer un reclassement professionnel/des formations mais cela dépend de l’entreprise et en pratique il y a peu de possibilités sauf dans les grosses entreprises.

 

Une inaptitude ne se fait pas comme ça : il faut un dossier médical solide. Dans le cas d’une pathologie psy, il faut souvent l’avis d’un psy (exemple d’inaptitude que j’ai eu : patiente, stress post traumatique suite à agression à mains armées dans son magasin, n’a jamais pu y retourner, voulait démissionner : inaptitude avec avis psy).

 

Quand les patients se sentent incapable de retourner au travail dans le cadre d’une souffrance au travail, de conflits ou d’un évènement traumatisant et qu’ils disent qu’ils vont démissionner, et quand on pense que c’est justifié et que leur état médical ne leur permet pas de retourner sur leur lieu de travail (il ne s’agit pas évidemment d’encourager quelqu’un qui n’a juste plus envie de faire le travail qu’il fait), il faut les dissuader de démissionner (perte des indemnités de licenciements et ne touchent pas le chômage ), et les adresser au médecin du travail pour évoquer un aménagement de poste ou envisager un licenciement pour inaptitude ou qu’ils demandent à leur employeur une rupture conventionnelle du contrat de travail (touche les indemnités chômage). L’employeur n’est cependant pas obligé.

Le cas échéant, selon les circonstances, conseiller au patient de prendre contact avec les syndicats ou l’inspection du travail ( coordonnées IDF).

Dans les grandes entreprises, il y a aussi parfois des assistantes sociales ou un service juridique qui peut aider et conseiller les patients.

 

SERVICE SOCIAL DE LA SECU

 

Il faut également toujours penser au service social de la sécu qui peut orienter/aider le patient dans ses démarches et peut être un partenaire très important. Les patients sont informés par des informations collectives et ils voient les patients entre 4 et 6 mois d’arrêt.

On peut les contacter au 3646.

 

LA MDPH

 

Et the last but notre least, la MDPH !! (Maison Départementale des Personnes Handicapées)

Le dossier MDPH qui fait si peur quand tu es interne ou remplaçant.

En fait la MDPH est ton amie.

Le truc c’est de savoir ce qu’on demande 😉 En tant que médecin, on remplit le certificat médical mais cela n’a pas de sens si on ne sait pas ce que l’on veut obtenir avec.

Dans le dossier que le patient rempli, il y a plusieurs choses à demander, je vérifie toujours avec eux et leur explique bien ce qu’ils doivent remplir.

 

Avec un dossier MDPH, on peut demander:

–       des aides financières, humaines (AVS) et d’établissements spécialisés pour les enfants handicapés,

–       des cartes d’invalidité ou priorité (pour la caisse du supermarché par exemple) ou des cartes de stationnement (le taux de handicap nécessaire est plus élevé, >80% je crois),

–       un statut de travailleur handicapé (RQTH),

–       +/- demande de reclassement professionnel, de formation ou de travail en ESAT,

–       l’Allocation Adulte Handicapé (AAH),

–       la Prestation Compensatrice de Handicap (PCH ).

 

Du coup, c’est pas du tout la même chose de remplir un dossier pour demande de carte de priorité que pour une RQTH ou une PCH ! Il faut savoir ce qu’on demande.

 

La rédaction du dossier médical doit être soignée et détaillée.

Si on ne connait pas le patient, en tant qu’interne ou remplaçant, il est tout à fait légitime d’attendre le médecin traitant.

Si c’est un renouvellement ou une carte, pas exemple, avec les infos nécessaires, on peut tenter

Ce qu’il faut comprendre, c’est que la branche MDPH est tout à fait indépendante à la branche sécu. Elles sont parallèles et peuvent être complémentaires.

Pour exemples :

Pour un patient qui ne peut plus travailler, on peut demander une invalidité et/ou l’ AAH.

Pour un patient qui ne peut plus rester seul, on peut demander l’invalidité 3ème catégorie avec majoration tierce personne et/ou la PCH.

Par contre, elles ne sont pas cumulatives, et la branche « invalidité » prime sur la branche MDPH.

Des exemples avec des chiffres au hasard :

Un patient peut bénéficier de l’invalidité catégorie 2 et de l’ AAH : la 1ère est de 500€, la 2ème de 600€ : il touchera 500€ de pension d’invalidité et 100€ d’AAH. Ou par exemple : 1800€ de catégorie 3 + MTP et 3000€ de PCH = 1800€ d’invalidité + 1200€ de PCH …

 

En gros, quelque soit le pb, on peut toujours demander des 2 cotés, ça ne coûte rien.

 

La PCH est complètement méconnue pourtant cela peut être magique.

Quelqu’un (de moins de moins de 65 ans bien sûr, tout cela étant pour des personnes en âge de travailler) qui a une perte d’autonomie et a besoin d’aide pour les actes de la vie quotidienne (ex: paraplégie suite à un AVP, maladie neurodégénérative…), la MDPH vient et évalue les besoins humains et techniques et ensuite finance ce qu’il faut. Une fois que la MDPH a accordé la PCH, elle finance tout ce qu’il faut, même si c’est une présence humaine 24/24 et que ça coûte 5000€ !

 

La RQTH enfin qui est ce qui nous intéresse ici

Ce statut permet d’avoir des emplois « handicapés » qui sont obligatoires dans chaque entreprise (genre 5% ou un truc comme ça) mais il n’est pas obligé de le mentionner, si le patient ne veut pas le dire à un employeur, il n’est absolument pas obligé.

Cela permet en outre d’accéder à des formations !! Prise en charge financière de bilans de compétences et de formation rémunérée afin de permettre un reclassement professionnel. Ceci est très important et il faut penser à le proposer à des patients qu’on ne considèrent pas comme « handicapés » mais dont le maintien dans leur poste à moyen terme semble compliqué.

Il ne faut pas hésiter à le demander très précocement, cela peut toujours être utile, car les délais sont longs. Dans le 93, la moyenne de traitement d’un dossier est de 6 mois.

A noter que les décisions de la MDPH sont rétrospectives ( y compris financières).

Pour la RQTH, si le maintien au poste est en jeu il existe une procédure accélérée demandée par le médecin du travail. D’où l’intérêt de la visite de pré-reprise

 

Le dossier MDPH concerne effectivement majoritairement le handicap mais peut concerner aussi la maladie lorsqu’on se doute qu’elle va durer plusieurs mois, notamment dans le cas de l’AAH, si une personne n’a pas de droits aux IJ ou a des IJ très faibles, et dans le cas de la RQTH, car elle est toujours attribuée pour une durée limitée dans le temps (comprise entre 1 et 5 ans en général) et réévaluée.

Ce qu’il faut retenir c’est que la RQTH est à envisager dès que le problème de santé a une conséquence sur l’emploi.

 

Et que la notion de handicap telle qu’elle doit être comprise lors de la rédaction de ce dossier (par les médecins comme par les patients) n’est pas une liste de pathologies, ce n’est pas être en fauteuil roulant non plus, c’est un retentissement fonctionnel . « toute personne qui a du mal à conserver un emploi du fait de problème de santé »

80% des personnes RQTH en France sont atteintes de handicap dit invisible.

 

 

 

 

 

Le Monde

Bon, je me permets ce billet un peu narcissique parce que l’article ci-joint est tout d’abord très intéréssant mais surtout il faut l’avouer parce que je suis fière d’avoir été citée dans le journal « Le Monde », bien plus fière que ma prestation à i télé de la semaine dernière!

Par contre, si j’avais su quand j’ai choisi mon pseudo pour twitter, que premièrement je ferai un blog et surtout que je serai citée dans « Le Monde », j’aurais réfléchi plus de cinq minutes avant de le choisir …

Merci et bravo pour son article très juste à la journaliste Laetitia Clavreul qui m’a contacté suite à mon article sur les arrêts de travail et à Dominique Dupagne qui est semble-t-il encore une fois le  » cerveau  » derrière tout ça…

euh par contre, je plaide pas vraiment pour une sensibilisation aux conséquences des abus…ce n’est pas trop mon rôle, mais pour une non stigmatisation des malades oui ça c’est vrai …

Le Monde du 23/11/11

Bande de fainéants…

Les gens sont tous des fainéants et qui plus est, ils ont aussi le défaut d’être non seulement avides d’argent mais en plus égoistes…(un égoiste, c’est quelqu’un qui ne pense pas à moi ). Les malades sont des irresponsables, n’est ce pas Mr Wauquiez?

« Le sujet sur cette histoire du délai de carence, c’est pas la fraude. C’est juste la responsabilisation. On comprend bien que si jamais, quand vous tombez malade, ça n’a aucun impact sur votre indemnité et votre salaire, ben le résultat quand même c’est que c’est pas très responsabilisant. Et que du coup on a un peu l’impression que la Sécurité sociale est quelque chose sur lequel on peut tirer sans que ça ait un impact (…). Donc dans le cadre de l’effort collectif qui doit être fait, c’est important qu’il y ait aussi ce signal de responsabilisation: « Attention, c’est pas gratuit! » L.Wauquiez

Loin de moi l’idée de faire de la politique ou de remettre en cause des décisions prises par des gens si intelligents et qui connaissent si bien les gens.. c’est une décision absurde parmi tant d’autres dans un monde absurde. ( et comme je ne veux pas émettre d’opinions trop personnelles, je ne dirai même pas que ma seule petite consolation, c’est de penser à tous ceux qui ont voté pour ce gouvernement et qui pour une fois se retrouvent visés par quelque chose qui les embête bien fort).

Donc, je voulais juste rendre compte de mon expérience à moi, moi qui ne doit pas être vraiment intelligente et qui ne doit pas connaitre les gens …

Parce que moi, mes patients, ils ne sont ni fainéants, ni égoistes, ni irresponsables…

Alors, oui, je l’accorde, il y en a quelques uns qui réclament des arrêts pour pas grand chose ou qui tirent un peu sur la corde ( « tant qu’à avoir perdu 3 jours , mettez moi la semaine tant qu’à faire »), et oui même, il y a quelques fonctionnaires qui se permettent facilement un arrêt sachant qu’il n’y a pas de perte de salaire (« On a le droit à 90 jours alors… »). Comme partout il y a des gens qui veulent profiter, mais, et je ne parle pas du fait que ces gens-là n’ont pas forcément la vie facile et que ce ne sont pas eux qui font le trou de la sécu, ces patients là sont vraiment très peu, ce problème est vraiment très marginal… Des demandes injustifiées de la sorte, je dirai que j’en ai environ une ou deux par mois…et il ne tient qu’au médecin de les refuser. Mais j’oubliais que les médecins aussi sont égoistes et irresponsables …

Donc, comme toujours, on pointe du doigt une minorité, pour rendre les gens coupables de problèmes qui n’ont rien à voir. Quand on sait que moins de 3% des indemnités journalières sont versées pour des arrêts de moins de 8 jours, alors que 60% des versements concernent des arrêts de plus de 3 mois, on mesure l’indécence qu’il y a à faire des patients des cibles…

Mais, surtout, moi au quotidien, ce n’est pas ça que je vis. Moi, au quotidien, je me bats avec les gens pour les arrêts de travail mais pour qu’ils les acceptent ! Et la plupart du temps je perds..

C’est fou ça mais les gens sont vraiment un peu irresponsables avec leur santé en effet: ils refusent les arrêts quitte à mettre celle ci en péril!

-Mme B. est gardienne, elle avait une tendinite du coude, elle a refusé à de nombreuses reprises mes arrêts que pourtant j’avais rédigé et lui avais donné. Elle ne veut pas s’arrêter, son travail c’est toute sa vie, elle est hyperactive. Elle a tenu le coup jusqu’à ce que le tendon se déchire et maintenant cela fait plus d’un mois qu’elle est en arrêt.

-Mr C. est chauffeur-livreur, il a une forte douleur d’épaule, j’ai réussi à l’arrêter deux jours quand vraiment il ne pouvait plus bouger mais pas plus. Sa raison: il ne peut pas laisser ses collègues dans l’embarras….

-Mme R. est déprimée, sa fille de 16 ans a été violée récemment , elle a besoin de la présence de sa mère et Mme R. est épuisée physiquement et moralement …en plus, elle a une angine. Je ne peux rien pour sa peine mais je pense que quelques jours de repos lui seraient bénéfiques. Elle refuse…financièrement, elle ne peut pas.

-Mr A. doit se faire opérer du genou depuis 2 ans, il attend toujours car cela implique un arrêt de travail de plusieurs semaines que financièrement il ne peut pas se permettre.

-Mme S. est ATSEM, elle a des lombalgies. Cette fois ci j’ai réussi à l’arrêter car vraiment elle était bloquée mais la plupart du temps, elle refuse, pour ses collègues, pour les enfants…en dépit du fait qu’elle soit fonctionnaire et qu’elle n’ait pas de jour de carence .

-Melle B. est serveuse, elle a un virus pour lequel on ne peut rien faire mais est pas bien du tout, elle n’accepte pas l’arrêt parce qu’il n’y a personne pour la remplacer et que son patron lui met la pression…

Je m’arrête là mais je pourrais continuer des heures..Si les patients qui profitent du système sont très occasionnels, je vois ceux-ci en une demi-journée, tous les jours, tout le temps …

Alors, ma patientèle n’est peut-être pas représentative, les habitants de la Seine-Saint-Denis sont peut-être des gens particulièrement courageux et avec une situation financière précaire, mais mes patients à moi ne sont ni fainéants, ni tires-au-flanc, ni irresponsables,ni profiteurs, et oui l’argent est un critère important mais dans le mauvais sens. Ce sont des gens courageux, honnêtes, travailleurs. Certains réclament des arrêts un peu exagérés mais beaucoup plus les acceptent par obligation avec contrariété ou les refusent. Ils les refusent parce qu’ils aiment travailler, parce qu’ils ont une conscience professionnelle, pour ne pas laisser leurs collègues dans l’embarras. Certains subissent une telle pression au travail qu’ils ne peuvent se permettent d’accepter l’arrêt. Certains aussi ne veulent pas justement profiter du système et être payés à rien faire. Beaucoup surtout, ne peuvent pas se permettre d’accepter l’arrêt, financièrement, trois jours de carence  cela fait près de 10%,quand on gagne le SMIC,c’est énorme, et rappelons qu’après ces trois jours, le salaire n’est payé qu’à 50%, sans parler du fait que le paiement arrive longtemps après. Certaines personnes ne peuvent tout simplement pas se le permettre.

Cela conduit à des retards de traitement, à l’aggravation de la situation médicale, et en tant que médecin et citoyenne, cela me désespère et me met en colère tous les jours et maintenant cela va être pire encore…

Les seules personnes avec lesquelles on n’était pas embêté par le problème financier, c’était les fonctionnaires et maintenant, même cela est remis en cause…

Et en plus, comme d’habitude, on monte les gens les uns contre les autres, au lieu de niveler la situation vers le haut en partant du fait que les acquis de la fonction publique sont une chose positive, on les fait encore une fois passer pour des fainéants et on les pointe du doigt comme responsables et au lieu de voter un progrès tel que la diminution du délai de carence à deux jours, on nivèle tout par le bas…et tout le monde est perdant: ceux qui ont eu l’irresponsable idée de tomber malade, ceux qui ont eu l’irresponsable idée de prendre un arrêt de travail et qui sont montrés du doigt, ceux qui ont eu l’idée encore plus irresponsable de les refuser et dont l’état de santé s’aggrave et coûte encore plus cher à la sécu…et moi qui assiste impuissante à tout ça ….

 

Des principes…mais pourquoi au fait ?

Des fois, je me dis que c’est con d’avoir des principes.

Quand j’ai commencé à être médecin, je me suis imposé moi-même des principes  auxquels je ne dois pas déroger. Ben oui si on commence à faire des exceptions , ça devient n’importe quoi !

Y’a le grand principe qui dicte tout , promesse que j ai fait quand j ai eu mon concours , genre me rappeler que j’ai de la chance d’être médecin, toujours faire de mon mieux , ne pas mal tourner comme tous les autres et autres niaiseries que je m’efforce de suivre.

Et puis, y’a tous les principes plus pratiques que je m’impose.

Pourtant, dans la vie, je ne suis pas une fille de principe. D’ailleurs, je n’en ai aucun.

Réfléchissons, si : je ne me gare pas sur les places handicapées, et je ne mens pas aux impôts. Je mens à d’autres administrations mais pas les impôts. Quand une fois que j’ai fini ma déclaration, mon mari a trouvé une lettre qui traînait du conseil général qui me rappelait de déclarer les 50 euros par mois que j’ai reçu pour frais de garde et que ça faisait passer mes impôts de zéro à 200 euros, et bien, j’ai hésité et j’ai refait ma déclaration : payer des impôts est un privilège, cela veut dire qu’on gagne de l’argent.

Bref, à part ces deux principes, je n’en vois pas d’autres. Les gens me donneraient le bon dieu sans confession, mais pourtant rien ne m’arrête, ma vie est bordélique, je suis bordélique, je téléphone au volant, j’ai déjà trompé, volé, menti, bref pas de principes dans la vie mais au travail …

Ah mais si, grosse digression, j’ai un énorme principe dans la vie, qui me gâche la vie !! Ne pas céder à ma fille, avoir une ligne de conduite qui ne change pas, des règles éducatives, pas strictes mais de bon sens ( genre on met pas les pieds sur la table, on tape pas sa mère, c’est papa et maman qui décident et surtout on ne cède pas en cas de caprice), mais qui me rendent la vie infernale vu la furie qui me sert de fille. Et ce serait tellement plus facile si je n’avais pas ces principes…Tu veux pas manger ma chérie, tiens mange une glace devant la télé et ensuite t’iras te coucher avec nous, on s’endormira en regardant Dora…et il restera une glace dans le frigo pour te calmer la prochaine fois que tu fais une crise ou pour te récompenser si tu as bien lavé tes dents ou mangé tes légumes ou quand j’aurai envie de te faire du chantage !! La belle vie quoi ! Mais non, pour je ne sais quelle raison obscure ( la raison peut-être) je ne fais pas tout ça (même si je fais pleins d’autres choses pas bien par ailleurs )

Et bien, au travail c’est pareil, j’ai pleins de principes stupides qui me rendent la vie compliquée:

–  je ne mens jamais sur un document médical. Ca parait la moindre des choses et logique comme tout, oui mais quand même, cela implique beaucoup de complications : pas d’arrêt de travail de complaisance même de petite complaisance, pas de certificats de tout et de rien de complaisance.Et pas d’antidatage : ça c’est hyper dur !

–  je ne fais pas de certificats en particulier de sport, y compris des gens de mon entourage sans examiner la personne.

–  je ne fais pas payer de consultation ( ou ne fait pas passer la carte vitale si 100% ou CMU ) si je ne vois pas la personne ( oui cela parait normal aussi mais vu l’étonnement des patients, d’autres ne doivent pas s’en priver ) et je ne fais pas dans le mesure du possible ou seulement en dépannage et en expliquant bien le caractère exceptionnel de la chose, de renouvellement de traitement  pour des patients que je ne vois pas.

–  je ne prends pas la carte vitale de quelqu’un d’autre ou ne prescrit pas au nom de quelqu’un d’autre sauf cas exceptionnel (c’est vrai que ce n’est pas un principe immuable) je fais plus facilement des actes gratuits. Par contre, et ça c’est plus par idéologie et je pense que sur ce coup là, je ne ferai pas l’unanimité, si cela est médicalement sans risque, je prescris facilement des médicaments pour des personnes au pays.

– je ne fais pas de certificat pour dire qu’un enfant nécessite une circoncision ( et donc que celle ci soit rembourser) et des fois c’est pas facile de refuser aux patients que l’on connait bien .

–  et en règle général, c’est moi qui décide, pas les patients…( comme avec ma fille…on croirait presque que j’aime ça moi avoir le pouvoir de décision !)

Bref, tout ça parait normal, de bon sens et logique. Et ça l’est. Mais ce n’est pas si logique que ça pour les patients et pour certains médecins et ça ne me facilite pas la vie.

Le plus difficile, c’est pour les proches, parce que c’est encore plus difficile d’être rigoureux en dehors du cadre du cabinet et parce que c’est encore plus dur de dire non. Je fais de mon mieux pour ne pas déroger à mes principes, j’ai fait déplacer ou je me suis déplacée de nombreuses fois pour examiner les gens pour ces p…. de certif de sport et l’autre jour, je me suis fait avoir, prise au dépourvu par la nourrice de ma fille qui est venue chez moi, tard le soir (car besoin pour le lendemain) pour que je tamponne la licence de son fils que j’ai déjà examiné et de son mari … et putain je n’en dors plus la nuit tellement j’ai des remords mais je l’ai fait : alors qu’il a 40 ans et qu’il fume et qu’il devrait peut-être même faire une épreuve d’effort. Je vais aller dès que possible lui prendre sa tension et écouter son cœur mais ça me mine, non pas qu’il lui arrive quelque chose (je lui ai déjà dit qu’elle porte pas plainte) mais parce que j’ai dérogé à mes sacro-saints principes et que pour une raison que j’ignore, ça me contrarie énormément .Parce que pour cette fois où j’ai cédé, combien de fois j’ai tenu bon, alors que c’était dur. Refuser un arrêt à une amie parce qu’elle a des problèmes de garde pour son fils, faire venir des gens ou me déplacer  parce que je veux faire les choses bien. Il m’est arrivé de faire un faux certificat enfant malade pour une amie qui venait d’accoucher pour que son mari reste avec elle un jour où elle n’en pouvait plus, ça me contrarie un peu mais je n’ai pas menti :j’ai mis que l’enfant (ma filleule)  avait besoin de la présence de son père auprès d’elle et c’était vrai !

Au cabinet, quand on est comme moi et qu’on ne sait pas dire non, c’est dur aussi.

Il y a sûrement des fois où j’ai cédé surtout pour des histoires d’arrêt antidaté, je sais qu’il ne faut pas le faire, mais des fois les gens sont de bonne foi, c’est le médecin qui était absent et ne pas le faire les met vraiment dans la merde.

Il y a des fois où même si cela est faux, il n’y a que le certificat du médecin qui peut les aider :

3 exemples où j’ai réussi à dire non, vous me direz que c’est normal mais pour moi c’était dur :

– « avant-hier, j’ai fait un malaise en allant passer une épreuve de mon BTS , je suis un peu neuneu, je suis rentrée chez moi et puis c’est tout , et ils m’ont dit que pour rattraper l’épreuve, il me faut un certificat médical sinon je perds une année » Ben oui mais non …

– « mon mari a loupé son RDV à l’ANPE la semaine dernière et il leur a dit qu’il était malade, sinon il va être radié (c’est vrai c’est des chacals à l’ANPE) » ben oui mais non…

– » la sécu m’a contrôlé hier, je n’étais pas chez moi ou même je crois que c’était j’étais chez moi mais je n’ai pas entendu, pouvez-vous me faire un certificat disant que j’étais chez vous » ben oui …mais non

Nous, médecins, nous avons un pouvoir très important avec notre tampon qui permet de certifier des choses très importantes, des choses qui peuvent avoir de graves conséquences, et il faut donc je pense être rigoureux et avoir des principes. Cela est rare, mais les problèmes arrivent, les morts subites en faisant du sport, ça arrive, les médecins qui se font radier parce qu’ils ont fait un arrêt antidaté sans le voir à quelqu’un qui a commis un délit ce jour là, beaucoup d’autres, mais pour moi ce n’est pas par peur, c’est plutôt par respect de ce rôle que j’ai, je dois le faire correctement … bref question de principe.

Alors, surtout quand c’est gros comme ça, je tiens le coup, mais faudrait me voir dire non:  » j’aimerai bien mais jpeux point, vraiment ça m’embête de vous dire non, mais je peux pas…(et ça dure dix minutes comme ça) »  j’ai même été jusqu’à expliquer cette histoire de principes …

C’est pathétique hein même si je m’efforce de suivre les conseils de Yannsud et de faire un non affirmé.

Et il y a mon argument le plus nul: moi je ne peux pas mentir mais vous, vous n’aviez qu’à mentir, la prochaine fois faut me mentir que je vous fasse votre arrêt en toute bonne foi (en même temps y’en a une qui m’a fait ça, je l’ai très mal pris …)

Quand c’est un patient que l’on ne connait pas bien, c’est plus facile mais c’est vraiment difficile quand c’est un patient qu’on connait très bien, notre patient.

Hier à mon arrivée,un de mes patients que je connais très bien, m’attend dans la salle d’attente, c’est sans rendez-vous donc il y a plein de monde, il se lève et me dit devant tout le monde: « c’est juste pour un certificat enfant malade pour ma fille » …bêtement je lui demande « et elle est malade? » ( parce que honnêtement je pense que je l’aurai peut-être fait, le fait d’être malade ne justifie pas forcément une visite chez le médecin et je pars du principe que mes patients sont honnêtes, la preuve), « non mais aujourd’hui on va dans le nord visiter une maison ( je connais l’histoire ils déménagent etc) et j’en ai besoin pour mon travail » Ben oui mais non là … et puis en plus devant tout le monde pendant qu’on y est comme ça ils pourront passer le mot…

Souvent comme je disais, le principe c’est que c’est moi qui décide, par par ego, ou par soif de pouvoir ou un truc dans ce genre, je ne sais pas pourquoi, parce que c’est important pour la relation thérapeutique , parce qu’ il faut que j’aie la sensation que je contrôle la consultation , je ne sais pas comment l’expliquer mais sinon je me sens mal .

Si le patient arrive en disant « il me faut des antibiotiques », déjà ça va m’énerver et je vais chercher toutes les bonnes raisons de ne pas lui en donner.

Les patients sont peu demandeurs d’arrêt de travail et c’est moi qui passe mon temps à essayer qu’ils s’arrêtent, j’y reviendrai, mais quand il arrive rarement que certains me demandent un peu plus que ce que moi je voudrais et que parfois je le fais, je me sens mal.

J’ai une patiente de 60 ans, cassée de partout, qui est femme de chambre dans un hôtel, je lui propose tout le temps des arrêts, elle ne les accepte que rarement. Récemment, elle vient en consultation, pour toutes ses douleurs et ses problèmes rhumato. Déjà elle réclame sa boite habituelle d’anti-inflammatoire ce qui m’embête un peu à chaque fois, et puis elle me dit qu’elle veut un arrêt cette fois ci (je suis d’accord la pauvre elle devrait être à la retraite!) « jusqu’au 18 ». Ah ben ça fait 20 jours quand-même…Pourquoi le 18 en plus, elle a l’air d’avoir bien préparé tout ça, déjà je trouve ça un peu bizarre, en plus ça fait trop long à mon avis pour les mêmes symptômes que d’habitude ( en même temps, je me contredis puisque je pense qu’elle ne devrait plus travailler du tout) et puis mince ( orgueil, sensation de ne pas controler, je ne sais pas) c’est moi qui décide. Je lui explique que ça fait beaucoup d’un coup, je l’arrête 9 ou 10 jours, la fin de semaine et la semaine d’après et je lui dis que si ça ne va pas, elle revienne et que l’on réévaluera. Je pense ne pas avoir trop mal fait mais je ne suis pas hyper sûre. Et puis quelques minutes après, elle revient avec son fils qui n’est pas content du tout, et pas très agréable non plus, je lui réexplique tout ça dans la salle d’attente, que l’on reverra à la fin de l’arrêt, il me dit que c’est pour lui faire repayer une consultation etc …bref comme je disais pas très sympathique …pff…pour une fois que je dis non ( à raison ou à tort, je ne sais pas )…

La semaine dernière, je vois le mardi soir un homme de 35 ans, rhino J1, déjà ça m’énerve un peu (beaucoup même), il a été travaillé, mais il a l’air de trouver que sa rhino est un motif de consultation normal. Je lui explique que je peux rien faire pour lui, juste donner quelques petits trucs pour le soulager un peu le temps que ça passe tout seul ( bref une rhino quoi) et que ça va durer une semaine. Il a l’air satisfait de mes explications mais me dit d’un air naif  « il faut que je m’arrête une semaine alors » , il a l’air de sincèrement croire que sa rhino l’empêche de travailler… et moi je suis trop nulle des fois, et comme il est particulièrement pénible ,au lieu de lui dire: « ca va pas la tête mon gars, c’est pas parce que t’as le nez qui coule que je vais t’arrêter la semaine », je lui dis et là ce fut mon erreur  « je vous arrête demain et si ça ne va pas, vous me rappelez et on verra » ( j’avoue, cette phrase était lâche et évasive). Le jeudi, je ne travaille pas ( yes demain c’est jeudi et c’est sport, hammam et après midi à Paris, j’adore le jeudi ), et le vendredi, j’avais un message: Mr B. veut un arrêt pour aujourd’hui et hier..ça m’a trop énerver, le lundi, il envoie sa femme chercher l’arrêt…mais bien sûr…et la marmotte …Ensuite, il m’a appelé, je lui ai expliqué que d’accord je lui avais dit de rappeler et qu’on verrai mais que puisque je n’étais pas là, il ne fallait pas tenir comme acquis que j’allais accepter, que quand son médecin (qui n’est pas moi d’ailleurs) n’est pas là, on va en voir un autre ou on va travailler, même si on a une grave rhino, que j’avais dit que je réévaluerai et que ce n’était pas à lui de décider mais que comme j’avouais qu’il y avait eu un malentendu ( j’avoue que ma phrase était ambigue), je voulais bien lui faire quand-même exceptionnellement (oui c’est pas bien, mais j’ai pas été bien sur ce coup)…il est pas venu chercher l’arrêt …je sais pas si je le reverrai …mais mince c’est moi qui décide quoi !!!

Je dois avoir l’air méchante un peu là, mais je suis tellement gentille pourtant habituellement…Aujourd’hui, je m’en veux, j’ai été méchante:

Une patiente de ma collègue, que je ne connais que pour avoir accompagné son mari que je connais bien et qui ne m’est pas sympathique mais bon, vient accompagnée d’une amie. Elle me dit d’emblée : »Je viens pour un arrêt de travail, demain je dois partir en Algérie car ma belle-soeur est décédée » Là, j’ai mon alarme à principe qui s’est déclenchée: je peux pas, présenté comme ça, c’est pas possible, cela fait parti des choses que je m’interdis de faire: « et en plus j’ai pas le droit madame, si la sécu me contrôle, pas le droit de partir en Algérie etc » …Je sais très bien que présenté autrement, cela aurait été différent: elle m’aurait dit: ma belle-soeur est décédée, ça ne va pas du tout, en plus je ne sais pas comment faire pour y aller..je l’aurai probablement arrêté, en lui expliquant qu’elle n’a pas le droit de partir sans autorisation , après elle fait ce qu’elle veut , j’ai déjà fait pour des décès…Mais peut-être qu’elle l’était sous le choc, son amie me dit à la fin « mais de toute façon, elle peut pas travailler, elle est pas bien » ben oui mais bon, fallait me dire ça, moi et mes principes à la con, on a décidé dès la première phrase que l’on ne pouvait pas ( pourquoi moi et mes principes on est comme ça je ne sais pas) et ça m’a empêcher de mener le reste de la consultation peut-être comme il l’aurait fallu.. « Mais je suis désolée pour votre belle-soeur hein … » Peut-être que ma colègue, son médecin traitant, lui fera demain ( si elle a bien compris mes messages hypocrites et subliminaux, elle va y aller en lui disant qu’elle est déprimée) .

Merci pour les avis twittéraux sur ce coup-là, ça fait du bien d’en discuter quand on est pas sûrs de soi, et voir que les avis sont divergents est plutôt rassurant. Ca montre que c’est complexe, on essaye de faire de son mieux, c’est pas toujours facile, des fois probablement on se trompe, dans un sens ou dans l’autre, et comme on m’ a dit tout à l’heure: « de toute façon, qu’on signe l’arrêt ou pas, après on a mauvaise conscience… ». C’est vrai.

On m’a aussi dit que les patients ne devraient pas nous mettre dans de telles situations, ça c’est vrai aussi des fois ..

En tout cas, ça serait tellement plus facile de faire tout ce qu’on veut : de lui avoir fait son arrêt, de prescrire les antibios, de renouveler l’ordonnance du mari sans râler, de tamponner la licence du grand sans avoir à se retaper l’examen , et de rentrer donner des glaces et mettre Dora à ma fille …

Parce que au final, pourquoi des principes?