La semaine dernière, quand j’ai vu le nom de Mme B. sur mon agenda, je me suis dit: »oh non pas elle , pfff.. » Sans raison particulière en plus, c’est juste que quand je l’avais vu les dernières fois, je m’étais un peu sentie coincée, obligée de lui faire un arrêt de travail. Mme B. est une patiente de ma collègue,de 28ans, jeune maman d’une petite fille de 2ans. Je l’ai vu ponctuellement, à 2 ou 3 reprises pour la prolongation de son arrêt de travail qui durait depuis plusieurs mois. Faire des arrêts ne me gêne pas, mais là je ne voyais pas le motif… »je ne me sens pas bien, jsuis fatiguée depuis mon opération de la thyroide il y a un an et demi » Je sentais bien qu’il y avait quelque chose derrière, elle assurait ne pas être déprimée, que le moral ça allait bien. Ca m’ennuyait de juste renouveler l’arrêt sans comprendre la raison et sans projet derrière, une réorientation, une reprise à temps partiel, mais bon ce n’était pas ma patiente, j’ai essayé de poser des questions, le travail, la maison etc mais sans succès, peut-être et c’est légitime ne voulait-elle pas se confier à moi.
Quand je la revois, on parle déjà du sujet qui me braque. En fait elle a quitté son travail, abandon de poste pour se faire licenciée.J’avoue que j’ai encore quelque à priori, du genre « mais pourquoi » « que va-t-elle faire de sa vie ». Mais bon du coup, elle ne vient pas pour un arrêt de travail…pourquoi vient-elle d’ailleurs, je ne sais plus…pour une douleur abdo je crois. Ma collègue a noté « divorce en cours » sur son dossier la dernière fois. Après la discussion sur son avenir professionnel et ses projets (car elle en a), on aborde donc ce sujet. De fil en aiguille, sans que je ne lui tire les vers du nez, elle me confie qu’elle a réussi à jeter son mari dehors après un adultère qui fut la goutte d’eau qui a fait débordé le vase de 4 années de violences conjugales. Elle me raconte ces 4 années d’enfer,qui ont débutées le lendemain de son mariage, pendant lesquelles, au milieu d’un climat de terreur,elle assumait seule la maison , sa fille, le travail et juste à un moment le travail est devenu le truc en trop qu’elle ne pouvait pas assumer…Et elle ne peut pas y retourner car elle travaille avec la mère de son ex-mari…
Voilà…
Au moins une vingtaine de consultations chez un médecin pendant cette période, pour des motifs flous, qui moi en tout cas m’ont mis mal à l’aise…
Elle n’en a jamais parlé à personne…lui a-t-on posé la question? Moi non en tout cas.
Elle a réussi à s’en sortir toute seule, reconstruit sa vie. Elle a eu de la ressource pour y arriver seule. Cette patiente qu’on aurait pu penser tire au flanc est surtout extrêmement courageuse. Elle n’a semble-t-il plus besoin d’aide maintenant, je lui en ai proposé mais voit bien que c’est trop tard. Cela dit, je ne lui ai pas donné d’infos précises, ni dépliant, ni numéro de téléphone, ne les connaissant pas moi-même.
Lors de cette consultation, ma joie initiale « Putain je savais bien qu’il y avait quelque chose derrière », satisfaction de quand tu arrives enfin à comprendre ce qu’il y a derrière, a vite fait place à « Mais comment jsuis trop passée à coté!!!! »
Qu’aurais-je du faire?
Lui poser la question tout simplement….
C’est pour cela que je me suis arrêter longuement, frappée, devant un des posters du congrès de médecine générale la semaine dernière. C’est pour ce poster que j’ai voté (avouons le, j’ai voté mais trop tard donc ça a pas compté) car il a assurément déclencher quelque chose chez moi et va j’espère changer ma pratique.
Je n’ai pas demandé l’autorisation de le mettre sur ce blog. Je le fais pour promouvoir ce travail formidable mais si pas hasard, cela pose problème, je peux le retirer.
(par contre on voit presque rien: mais vous cliquez ici:Poster mathilde palisse )
Thèse de Mathilde Palisse (REPERAGE PAR LE MEDECIN GENERALISTE DES VIOLENCES SEXUELLES FAITES AUX FEMMES)
EN GROS :
93,1% des femmes interrogées n’ont jamais été questionnées sur les violences sexuelles.
devrait être plus systématique. 8% trouvent le dépistage trop intrusif.
Les résultats de la grande enquête auprès des étudiants en médecine font état d’un manque de connaissances global des étudiants sur le sujet des violences sexuelles mais également d’un désir de formation de la part des étudiants en médecine de deuxième cycle.
A nous donc, de nous former tous seuls et pour cela il y a de nombreux outils pour nous aider.
Un court-métrage a été réalisé, je vous conseille de le regarder .
Professionnels, un rôle essentiel dans la lutte… par droitsdesfemmes
Pendant le congrès, j’ai assisté à une conférence sur ce sujet, très intéréssante, pendant laquelle notamment j’ai vu ce film. Il a été dit que lorsqu’une patiente provoque chez nous des émotions négatives, qu’elle nous énerve, bref que l’on se dit « Oh non pas elle » quand on voit le nom sur l’agenda, souvent, souvent, il y a une histoire de violences sous-jacente. (De même que les douleurs inexpliquées pour lesquelles on multiplie les examens complémentaires sans rien trouver). Ils nous ont dit « Vous pensez à quelqu’un là, n’est ce pas? » Je pensais à Mme B….
C’est l’alarme bidale de Jaddo
INFOS UTILES
Le praticien face aux violences sexuelles
Le site http://www.stop-violences-femmes.gouv.fr/
les associations prêt de chez vous
Guide violence conjugales:le rôle des professionnels
UN NUMERO UNIQUE : le 39 19
PS: j’ai parlé des femmes mais il y a des hommes aussi
PPS: désolée pour la mise en page pourrie, il y a un bug sur le saut des lignes…
C’est sûr, on est globalement pas assez formés dans ce domaine.
Qui de toute façon n’est pas facile.
J’ai une patiente qui me l’a dit noir sur blanc, tout, l’isolement (même de ses propres enfants), l’humiliation, le contrôle…
C’était il y a un an.
Je l’ai revue récemment.
Rien n’a changé. Pourtant je lui avais donné des adresses, des conseils, ..
Je ne poserais pas ce genre de question à tous la 1° fois. Peur que l’huitre se ferme ou d’en choquer.
Oui, quand une porte s’entrouvre, mais pas autrement.
J’ai aussi des patientes dont ça fait partie du passé tout en empoisonnant leur présent. Qui sont/ont été prises en charge par psychiatre ou -chologue, ont des médoc etc.
C’est rarement simple! Il me semble qu’il vaut mieux déjà avoir une certaine confiance mutuelle?
Je retiens par contre le concept pour le planning familial!
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Merci pour ces liens très utiles!