Deux thèses à partager

J’adore assister à des thèses, c’est comme les mariages.

Plus je grandis, plus mes amis sont mariés et thésés, plus je me dis que ça m’arrivera de moins en moins .

Mais on peut toujours compter sur les amis retardataires et sur les nouveaux amis ou les petits jeunes, internes ou autres dont on fait la rencontre…

L’année à venir va me donner la joie d’assister à la thèse d’amis twittos par exemple .

L’année passée, pour la première fois et à deux reprises, j’ai  même été dans un jury de thèse.

En dehors de ça, j’ai assisté à deux thèses que je voulais partager avec vous.

La première est celle d’une amie.

Elle a mis du temps pour sa thèse, beaucoup de temps , mais celle ci est d’une grande qualité.

Elle porte sur les erreurs médicales ayant abouties à des poursuites judiciaires chez des médecins généralistes et leur vécu .

C’est un sujet qu’on connait mal.

On a beaucoup parlé des erreurs médicales au moment de la publication de Etude esprit .

Sur twitter, on a parlé du site participatif (le site REX ) sur lequel on peut de manière anonyme partager ses expériences d’erreurs médicales .

Cette thèse aborde de manière plus globale le concept d’erreur médicale et celui plus méconnu du point de vue judiciaire. Elle est vraiment très intéressante.

Vous trouverez le texte complet ici: THESE

et un entretien avec elle sur ce sujet sur egora ici (pour ceux qui peuvent se connecter)

J’en profite pour féliciter à nouveau son auteure pour sa putain de thèse qu’elle a fini par terminer brillamment.

(parce que quand-même #CacaLaThèse)

Sur le sujet de l’erreur médicale : deux articles très intéressants  à lire absolument du blog « Chroniques d’un médecin quiquagénaire »

http://30ansplustard.wordpress.com/2014/12/21/gerer-lerreur-en-medecine-une-approche-moyenageuse/

http://30ansplustard.wordpress.com/2014/12/23/comment-diminuer-les-erreurs-en-medecine-generale/

-La deuxième thèse porte sur un sujet qui me tient à coeur : le centre de ressources pour mini-réseaux de proximité.

J’en ai parlé à plusieurs reprises :

Moi aussi j’ai une fée chez moi 

Des coursiers très spéciaux

Ce concept magique, de coordonnateur d’appui, est un concept qui se développe, que j’ai toujours du mal à expliquer.

Marine en a fait le sujet de sa thèse, et elle a réussi à l’expliquer très bien.

J’ai été ravie de faire partie des médecins qu’elle a interrogés et de pouvoir déverser tout mon enthousiasme sur cette association merveilleuse et qui change ma vie au quotidien, et celle de mes patients.

Vous pouvez lire cette thèse ICI  (THESE Marine Monet) pour comprendre ce concept qui doit être développé!!

 

 

Pour ceux qui n’ont pas le courage de cliquer

 Voici la conclusion de la première thèse 

Conclusion

L’épreuve d’un procès pour un médecin généraliste libéral est loin d’être indifférente, pouvant induire des réactions psychologiques successives dignes des 5 étapes du deuil… L’expérience diffère quelque-peu de celle de l’évènement indésirable médical sans suite judiciaire ; Il ne s’agit plus d’un simple conflit avec sa conscience, mais d’une accusation portée par l’ensemble de la société, représentée par les instances judiciaires. Est-ce que cela suffit à expliquer une disparition rapide du sentiment de sa propre responsabilité dans l’incident ? Et un bénéfice pédagogique pour le médecin plus limité que dans le cas d’un EIG ? La question pourrait être à creuser ultérieurement…

Deux moments semblent particulièrement sensibles dans un procès : pendant les premières étapes de la procédure, lorsque le médecin fragilisé, perdu entre des sentiments contradictoires, risque de refouler toute responsabilité en se sentant agressé. Et après le procès, dans le cas des médecins sanctionnés, avec risque d’installation d’une amertume durable, voire de l’abandon de l’exercice libéral.

Le retentissement psychologique peut en tout cas être relativement sévère, et une procédure judiciaire peut parfois suffire à induire un état dépressif caractérisé. Et dans ce cas, la honte diffuse encore attachée au procès poussera encore plus au repli un médecin libéral déjà peu enclin à consulter pour lui-même en général. Un médecin qui se plaindra amèrement de l’absence de confraternité, sans voir qu’il participe lui-même à sa solitude.

Les possibilités d’aides psychologiques connaissent pourtant actuellement un développement très net, dans un contexte de reconnaissance du burn out comme une source de souffrance fréquente dans la vie d’un médecin. Hélas les médecins dans leur majorité ignorent tout de ces louables initiatives. Il faut prévoir de développer la communication autour de ce type d’offre anonyme et gratuite : on peut imaginer l’envoi d’une plaquette par l’assureur dans le cadre d’un procès, le développement de l’information fournie par l’Ordre des Médecins, voire d’une plus grande implication de celui-ci dans l’état de santé de ses affiliés… Et enfin, réfléchir aux potentialités d’internet et des réseaux sociaux dans l’aide aux médecins isolés et fragilisés.

Mais comme on l’a vu, un praticien peut être difficile à aider, surtout dans le cadre d’une procédure judiciaire, et peut aller jusqu’à repousser les offres de soutien que l’on vient lui porter. Il y a sans doute encore beaucoup à faire au niveau du cursus universitaire pour faire accepter aux futurs médecins l’idée de leur propre vulnérabilité et les sensibiliser au bénéfice d’un suivi régulier assuré par un autre médecin, comme n’importe quel patient… Bref, pour sortir le médecin libéral de cette sorte de « cécité professionnelle » quand il s’agit de lui-même, et qui lui est si préjudiciable.

Mais dans le fond, cette anxiété du procès qu’on retrouve dans tous les travaux sur ce sujet, n’est-elle pas démesurée ? Pourquoi une telle difficulté à relativiser cet événement, qui risque de devenir de plus en plus banal ? Ainsi que le reconnaissent avocats, assureurs, et juristes, il s’agit en général plus de soulager le patient victime que de vilipender le médecin… Alors pourquoi les praticiens mis en cause ne peuvent-ils faire autrement que de le prendre si personnellement? Il faut sans doute faire en sorte d’aborder plus souvent les conséquences psychologiques sur le médecin d’un EIG et d’un procès pendant la formation initiale et continue, et non plus seulement leur prévention ;

Car une médecine parfaite est un pur fantasme; Et un médecin mieux préparé aux conséquences de ces propres imperfections sera capable d’en tirer des enseignements sans forcément remettre en question sa valeur et ses compétences. Sans en être la seconde victime.

 

 et le résumé de la deuxième thèse 

Introduction : La prise en charge des inégalités sociales de santé avec le développement des structures innovantes d’organisation des soins primaires, est une problématique actuelle de santé publique.

Objectif : Cette étude s’attache à décrire le Centre de Ressources pour la Coordination des Mini-Réseaux de Proximité (CRC/MRP), en expérimentation dans le département de Seine-Saint- Denis depuis 2008, qui vise à favoriser la prise en charge du patient complexe par le médecin généraliste et ainsi améliorer l’accès aux soins.

Matériel et Méthodes : Nous avons décrit le contexte historique et idéologique à l’origine de la conception de ce réseau, puis nous avons réalisé une étude qualitative auprès de 10 médecins utilisateurs du CRC/MRP. L’enquête s’est composée d’entretiens semi-qualitatifs avec chaque médecin.

Résultats : Les médecins généralistes interrogés expriment leur intérêt pour ce réseau innovant, qui vient apporter son soutien aux patients présentant des difficultés administratives et sociales. Le CRC/MRP est décrit comme un réseau social à la prise en charge élargie, qui vient combler un vide dans le système de santé. Les résultats apportés aux utilisateurs sont positifs, puisque le centre de ressources permet d’assurer la prise en charge globale des patients, tout en préservant un certain confort aux médecins. De plus, lors de cette étude, des modifications de la pratique quotidienne des médecins sont explicitées avec le sentiment d’améliorer leurs conditions de travail, la prise en charge médicale et la relation médecin/patient. Les Coursiers Sanitaires et Sociaux (CSS) piliers du CRC/MRP, sont décrits comme efficaces, disponibles et mobiles, et les médecins pensent qu’une formation sociale leur est nécessaire. La majorité des médecins interrogés semble d’accord pour généraliser le concept, Enfin, les médecins expriment des idées différentes et un sentiment partagé sur les modalités de financement de cette structure.

Conclusion : D’après les médecins utilisateurs, le CRC/MRP est un concept intéressant, ainsi qu’une structure alliant disponibilité et mobilité grâce aux CSS pour réaliser un travail social indispensable.

To be or not to be anonymous ? ( et ta thèse ?)

Telle est la question !

Bien sûr, à l’instar de la plupart de mes confrères blogueurs, je me suis dit qu’il fallait respecter mon anonymat , secret médical, tout ça. Il est vrai que j’imagine mal que les patients aient accès à ce que j’écris.Même si le secret médical est respecté, ils pourraient perdre confiance et prendre peur que ce qu’ils confient soit raconté. D’autre part,c’est surtout moi qui n’aimerait pas savoir que ce que j’écris sera lu par des patients .

Déjà qu’il m’est difficile de me dire que beaucoup de gens que je connais vont lire tout ça,d’autant plus que j’ai écris beaucoup de choses en croyant ne jamais être lu. Je n’ai pas trop réfléchi avant de me lancer et je suis un peu dépassée par les évènements .Déjà 800 visites grâce à la solidarité twittérale. Maintenant que c’est lancé, c’est trop tard pour faire marche arrière et prendre le temps de me poser des questions fondamentales : Pourquoi ? Quelle drôle d’idée ? A quelle douce folie est-ce que cela répond ? et plus terre à terre :Anonymat obligatoire ? et sûrement bien d’autres qui viendront à fur et à mesure.

Quel est le problème avec l’anonymat me direz-vous?

Un problème majeur: il prive l’univers de ma thèse !! Bon pour restituer les choses , elle n’a rien d’exceptionnelle ( la médaille ne fut même pas d’argent ) c’est juste que moi je l’aime bien … Elle parle de choses dont personne ne parle et que mon petit côté militant aimerait partager .C’est comme quand on a envie que tout le monde voit son bébé comment il est beau et tout mignon même s’il est pas plus beau qu’un autre ( bon la mienne l’était mais c’est comme ma thèse il se peut que je manque d’objectivité ).

Et puis la gestation fut tellement longue que même si j’en ai fait qu’un , j’aurai eu le temps d’en faire plusieurs des vrais bébés pendant ce temps là. Je me rappelle que je disais que je m’y mettrai pendant mon congé maternité. La bonne blague, un peu plus ma fille aurait pu assister à ma soutenance tellement j’ai mis du temps ( et puis regarder les sept saisons de gilmore girls m’a pris tout mon temps libre) .Mais bon dernière licence de remplacement expirée et la menace de quadruplement de ma dernière année, il a bien fallu s’y mettre .

Tous ceux qui sont passés par là ont probablement eu a subir cette éternelle question : et ta thèse?

La phrase qui tue d’autant plus qu’elle peut s’étaler sur de nombreuses années quand comme moi on remet toujours à plus tard ce qu’on pourrait faire le jour-même. Maintenant que c est fini depuis plusieurs mois, cela parait loin mais c’est comme le permis de conduire, j’ai bien cru que cela n’en finirait jamais. Le plus dur fut de s’ y mettre et cela est d’autant plus difficile que la fin des études est loin et qu on a perdu l’habitude de bosser tout le temps. On se demande même comment on a pu passer autant d’années à ne rien faire d’autre. Ça parait fou.

Mais c’est une question d’endurance et une fois qu’on est reparti, on trouve même une certaine satisfaction à se servir à nouveau de son cerveau (c’est à dire pour autre chose que pour regarder des séries) , à produire quelque chose, à dire: « je peux pas , je bosse ma thèse …  » Et une fois qu’on est lancé, il vaut mieux éviter de reposer la fameuse question : et ta thèse? Car là, la réponse risque d’être longue , très longue car parfois il peut nous échapper que ce sujet puisse ne pas passionner notre interlocuteur.

Il est vrai que même si j’ai mis du temps à l’écrire , en partie par procrastination , en partie par perfectionnisme , j ‘y ai mis tout mon coeur. J’aurais pu choisir n’importe quel sujet que l’on nous propose lors des stages à l’hôpital, qui sont livrés presque clés en main,mais dont l’intérêt est juste celui, certes non négligeable,de se débarrasser de cette obligation. Mais j’ai eu envie de choisir un sujet qui me tenait à coeur,je l’ai trouvé toute seule, ai tout fait toute seule dans mon coin,j’y ai mis tout mon coeur et je suis avouons le ,fière de moi.Oui je ne me vante pas de grand chose dans la vie, mais de ma thèse je suis fière. Et pourtant, rien de transcendant, je ne sais pas si beaucoup de personnes ont eu le courage (en dehors des insomniaques ) de la lire en entier.

Car, en plus , elle est longue, très longue …

Et si c’était quelque chose dont j’aurais pu me vanter, je pourrais même dire qu’elle est remontée jusqu’à l’ Elysée lors d’un simulacre de rencontre avec huit médecins , dont a fait parti par un concours de circonstance mon directeur de thèse ( simple généraliste de banlieue ) avec Elisabeth Hubert et notre président au moment où celui ci faisait semblant de s’intéresser à la médecine générale …

Et aujourd’hui, j’ai tapé mon nom sur google (pour accéder à ma thèse ) ,et je suis tombée par hasard sur un article de la diffusion d’une interview sur Radio France Internationale donnée il y a plusieurs mois par un des membres de mon jury de thèse où il cite mon nom et parle de ma thèse …

Donc forcément maintenant tout le monde a envie de la lire. D’ailleurs je lui ai réservée une page sur le site en prenant bien soin de retirer la première page avec mon nom … Mais juste après j’ai réfléchi qu’avec le titre, on pouvait retrouver mon nom sur google puisqu’elle est en ligne et que niveau anonymat , cela n’est pas terrible …Donc au bout de quelques heures ( oui j’ ai un temps de réaction un peu long ) je l’ai retirée .

Je ne peux même pas dire de quoi elle parle parce que serait facile de la trouver …

Et là je me repose la question : mon anonymat vaut-il le prix de priver l’univers de ma thèse ?

En plus, je  ne pourrai même pas parler de la journaliste qui par un autre concours de circonstance est venue me voir la semaine dernière avec un photographe pour une double page dans un magazine que même s’ il est gratuit et peu connu je ne peux pas nommer ( euh c’est pas voici moi )

Je vois que pour préserver son anonymat , on peut refuser le plaisir de dédicacer son livre ou de faire une émission de radio .D’autre part , certains « éminents blogeurs  » ne sont pas anonymes. Cela pose -t-il problème ? Et à  partir du moment  où mon nom n’apparait pas sur le blog ?

Donc pour l’instant, tant pis… Si des fois dans ce que j’écris, il y a des passages qui semblent un peu plus sérieux ( pour ne pas dire ennuyeux ) , c’est que j’essaierai discrètement d’en passer quelques extraits ..

Et si certains de mes confrères sont intéressés ( ou insomniaques )  je peux éventuellement vous la donner en privé. Je n’ai pas de patients médecins alors c’est bon  ..

Je sais que mes confrères blogueurs ne manqueront pas de me donner leur avis et je les en remercie.J’en profite pour les remercier sincèrement ainsi que toute la communauté twittérale pour leur accueil, leur soutien, leurs retwetts , leurs commentaires encourageants, constructifs et surtout très gentils. J’en suis émotionnée et je vais peut-être finir par aimer un peu les médecins finalement …