Stop all the clocks

Stop all the clocks, cut off the telephone,
Prevent the dog from barking with a juicy bone,
Silence the pianos and with muffled drum
Bring out the coffin, let the mourners come.

Let aeroplanes circle moaning overhead
Scribbling on the sky the message He Is Dead,
Put crepe bows round the white necks of the public doves,
Let the traffic policemen wear black cotton gloves.

He was my North, my South, my East and West,
My working week and my Sunday rest,
My noon, my midnight, my talk, my song;
I thought that love would last for ever: I was wrong.

The stars are not wanted now: put out every one;
Pack up the moon and dismantle the sun;
Pour away the ocean and sweep up the wood.
For nothing now can ever come to any good.

W.H. AUDEN

Y’a-t-il un médecin dans l’avion?

Il y a quelques jours, j’étais dans l’avion et mon mari me signale au loin des jambes en l’air, ce qui n’est pas tout à fait normal, d’un blanc cadavérique louche. Il me dit « faut qu’t’y ailles t’es docteur! » « Je lui dis ça va pas, elle doit faire du yoga… »

Une fois, ils ont vraiment appelé un docteur dans l’avion, je dormais tranquille, il me secoue: « Eh, ils appellent un docteur » « Et alors? » « Ben t’es docteur! » « Ah merde! ».

Après quelques secondes de réflexion dans les brumes de mon sommeil, je me suis dit que ben fallait que j’y aille, je me lève, rattache mon pantalon et me dirige en chausettes à l’avant de l’avion et j’arrive la gueule enfarinée: « Euh jsuis médecin, vous avez appelé un médecin » « Non c’est bon, trois médecins se sont déjà présentés! »

Forcément, vu mon temps de réaction… Cool, je retourne me coucher!

Oui, c’est palpitant comme histoire, ça valait la peine de la raconter. En lisant le titre, vous vous attendiez sûrement à ce que je raconte comment j’avais sauver la vie d’un passager à l’allure de Brad Pitt en lui faisant du bouche à bouche ou comment j’avais remis une épaule luxée en lui donnant des grands coups de guide du routard…mais non!

Il y en a peut-être qui adorent les situations héroiques et qui ont toujours un stylo bille sur eux au cas où ils devraient faire une trachéotomie en urgence mais moi comme je l’ai expliqué ici ce n’est pas mon cas.

Quand je vois un accident au bord d’une autoroute, je me dis « je suis médecin, ne serais-je pas censée m’arrêter? » Mais bon je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus que les pompiers, à part mettre la personne en position latérale de sécurité et appeler les vrais secours…je n’ai même pas eu mon brevet de secouriste…

Et puis au delà de ça( parce que si je voyais quelqu’un se vider de son sang près de moi sans personne pour l’aider, je m’arrêterai quand-même, je ne lui marcherais pas dessus…) je n’imagine même pas la situation d’arriver quelque part et de dire tout fort « poussez-vous, je suis médecin! »

Il y en a peut-être qui adorent dire d’une voix satisfaite « Bonjour, je suis le Docteur X… Je suis médecin! » Moi faut vraiment me mettre le couteau sous la gorge pour que je dise « euh parce qu’en fait jsuis médecin » d’une toute petite voix!

Pourquoi, je ne sais pas , faudrait que j’en parle à ma psy…Déjà parce que d’une part, probablement je n’aime pas les médecins, comme je l’ai déjà dit, c’est une espèce que je n’affectionne pas particulièrement et à laquelle je ne meure pas d’envie de m’identifier, et puis sûrement que je ne veux pas avoir l’air de me vanter… Mais dire ça c’est encore plus prétentieux, comme si il y avait quelque chose de glorieux à être médecin…

Dans la vraie vie, il vaut mieux éviter de le clamer haut et fort, sinon on est tout de suite assailli de questions médicales mais bon ça c’est la fatalité (cf ici) et puis aussi moins peut-être avec mon grand âge, mais dire mon métier était forcément suivi d’un étonnement voire d’une incrédulité parfois limite vexante.

Mais face au corps médical, en tant que patiente ou famille de patiente , j’ai toujours préféré ne pas le dire d’emblée, du genre jsuis médecin moi aussi avec un sourire de complicité , puisqu’on est de la même espèce supérieure, on se comprend.

Je ne me vois surtout pas introduire ça dans la conversation d’emblée, du genre « bonjour, vous pouvez me parler avec des mots compliqués je suis médecin », je ne sais jamais à quel moment le dire. Du coup, ça mène à des situations ridicules où je laisse parler la personne en langage profane et ou à la fin comme moi je glisse des mots un peu plus médicaux , je finis par dire de ma petite voix « ben oui en fait je suis médecin… » (il y a un médecin qui a fait un article racontant comment il expliquait aux urgences l’infarctus à un patient qui en fait était médecin,il me semblait que c’était Jaddo ou dr foulard mais je retrouve pas et ça m’énerve beaucoup beaucoup si quelqu’un peut m’éclairer!!).

Du coup, cette semaine, j’ai emmené ma fille chez l’ORL sans placer dans la conversation que j’étais médecin…heureusement que ma fille n’a pas dit à la fin « mais maman elle sait, elle est docteur! ou « maman elle a essayé de me déboucher les oreilles mais elle a pas réussi »

Quand c’est judicieux, je le dis quand-même mais du coup parfois ça passe mal, surtout quand c’est en tant qu’accompagnant à l’hôpital. « Oui, on sait que vous êtes médecin …. » Cela doit être écrit  partout  « Sa fille est médecin…sous entendu fait chier le monde » pour que les rares personnes qui ne nous connaitraient pas soient au courant!

Et pourtant, j’essaye de ne pas faire chier le monde, j’ai même laisser parfois des situations limites dangereuses pour ne pas avoir l’air d’être « le médecin qui râle », du coup je râle encore moins que la moyenne, y compris lors de mon propre accouchement pour ne surtout pas qu’on dise que je suis prétentieuse ou emmerdeuse mais vraiment souvent j’ai pas le choix, et même en étant le genre de fille qui ce week-end au centre commercial après s’être fait violence pour demander poliment un siège et que alors que je voyais le tabouret, la dame m’a dit qu’elle en avait pas, a été acheté un tabouret à 4 euros pour pouvoir s’asseoir ( la honte cela dit ), je passe sans doute malgré moi pour la chieuse de service!

Cela dit, j’aimerai tellement que les choses se passent bien et ne pas avoir à râler (cf ici). Bref, changeons de sujet, aujourd’hui, je suis dans un grand désarroi et une certaine lassitude face à une expérience de plus au contact de l’hôpital et des médecins en général.

Ceci explique cela sûrement. Quoi qu’il en soit, c’est toujours difficile de trouver la juste place je trouve quand on est médecin. En tout cas, ça l’est pour moi…

Mais de toute façon, c’est pas grave si je ne dis pas que je suis médecin, il y a toujours quelqu’un pour le dire à ma place…

Faire les courses avec ma grand-mère qui dit à tout le monde « Bonjour, c’est ma petite fille, elle est médecin.. » est une vraie partie de plaisir (du coup j’reste dans la voiture quand elle va à la boulangerie).

Quant à mon mari, atteint lui aussi du syndrôme « j’suis fier, ma femme est médecin », il a réussi à le placer par exemple lors de mon échographie de datation pendant que j’étais partie vider ma vessie. Ah lui, il trouve toujours comment amener le sujet! Remarque, c’est un pipi qui m’a fait faire une économie puisque du coup au nom de la sacro-sainte confraternité avec laquelle je ne suis pas tout à fait à l’aise, je n’ai pas payé l’échographie! (Mais mes patients moins à l’aise financièrement, ils le payent eux le dépassement d’honoraire de 24 euros qui est désormais systématique)

Et même que le con, quand je me suis fait virer énergiquement la semaine dernière en anglais/grec du toboggan aquatique semble-t-il interdit aux femmes enceintes (j’ai réussi quand même à faire deux descentes, moi mère indigne qui ait mangé des sushis hier et fait du trampoline avant-hier), il a osé le  » but she is a doctor »..   .euh non pas là non, c’était pas la peine là…

Etre né quelque part…

 

Hier, ma journée avait plutôt mal commencée!  Voir Marine Le Pen expliquer qu’il faudrait supprimer l’Aide Médicale d’ État, renvoyer tous les sans-papiers etc , au petit dej, ça fout un coup quand-même!

Et puis je vois Mr G. dans la salle d’attente…( voir franchir la ligne et Parce que chez lui y’a rien

Comme à chaque fois, je n’ose pas me réjouir trop vite. Les flûtes en plastique attendent toujours sur l’étagère, la bouteille de jus de fruits au frais et le livre que je comptais lui offrir en cadeau le jour où il viendrait avec ses papiers prend la poussière depuis des mois. 

Mr G.  est un de mes patients préférés, un exemple de courage, de dignité et de gentillesse! Malien, il est en France depuis 1994! Il vit au foyer pas loin du cabinet. Il a fait tous les petits boulots, de balayeur à plongeur, n’ a jamais rien demandé à personne. Il espère juste depuis 18 ans pouvoir construire sa vie . 

Quand il a eu un problème de santé assez grave et qu’il s’est décidé à se faire opérer, je me suis dit que enfin, il allait peut-être avoir la chance de voir sa situation régularisée et de pouvoir simplement avoir un travail, un logement, une famille: une vie!

En octobre, après plusieurs mois d’attente, il a reçu une convocation: on lui a demandé plein de papiers, des photos d’identité et à l’accueil de la préfecture, en regardant sur l’ordinateur:on lui a dit que son dossier était accepté… J’étais sceptique, mais il m’a dit que c’était sûr, que c’était la procédure habituelle.

Il a commencé à faire des projets, avait une promesse d’embauche dans un restaurant, s’est dit qu’après 18 ans, il allait enfin pouvoir retourner au Mali et se recueillir sur la tombe de ses parents, et il s’est mis à attendre son récépissé! 

Cela fait presque 6 mois.Il est retourné plusieurs fois à la préfecture, à chaque fois on lui montre sur l’ordinateur que son dossier est accepté, qu’il faut attendre, je l’ai aidé à écrire plusieurs lettres recommandées… Il attend, en se disant que tant pis si depuis 6 mois, il pourrait travailler, avoir gagné assez d’argent pour avoir acheter un billet d’avion..cela fait 18 ans qu’il attend, il peut bien attendre quelques jours de plus…

Donc là, quand je le vois dans la salle d’attente, je me dis que cette fois ci, c’est la bonne!

Mais non, il me tend un papier de la préfecture datant du mois de novembre qu’il n’a jamais reçu, expliquant que sa demande est rejetée , que « l’absence de surveillance médicale n’entraînerait pas de conséquences graves et qu’il peut recevoir les soins nécessaires dans son pays d’origine » 

Je ne comprends rien à ce qui s’est passé! Il a fait un recours. Il me dit qu’il a encore un petit espoir…pas moi! 

Pour la première fois, je le vois abattu, il m’ à même demandé quelque chose pour dormir… pourtant c’est presque lui qui  m’a réconforté! 

Il m’a expliqué qu’il aurait pu trouver des façons pour avoir des papiers, trouver une femme, faire un enfant, avoir une promesse d’embauche et un visa temporaire mais que c’était un statut trop précaire et que la plupart du temps les papiers n’étaient pas renouvelés… Mais Mr G. veut faire les choses correctement et construire quelque chose de solide. 

Je sais que ce n’est pas de la médecine que je raconte la mais la médecine générale, ce n’est pas que de la médecine. 

Probablement, certains ne seront pas d’accord avec mon point de vue, mais moi je trouve tout cela injuste et honteux…

Mr G.  attend la réponse du recours et il m’a dit que s’il était refusé, il repartira définitivement au Mali, essayer de construire quelque chose là-bas…

J’ai pensé avec amertume que Marine Le Pen avait gagné sur ce coup-là!

 

Le CRAT mon ami

PS du février 2016: la revue Prescrire a publié très récemment un article qui mentionne des études qui montreraient des malformations cardiaques chez des patientes traitées par Zophren pendant la grossesse. En attendant plus d’informations et une éventuelle mise à jour du CRAT, il faut donc mettre l’article suivant en perspective des ses informations .

 

 

Rassurez-vous, je ne vais pas parler que de grossesse pendant neuf mois puis de couches-culottes pendant des années… Juste un peu!

Je voulais juste faire un petit article pour lutter contre l’idée reçue que lorsque l’on est enceinte on ne peut prendre aucun médicaments à part du doliprane! (et encore heureusement que Prescrire à confirmé ce mois-ci que celui-ci ne présentait aucun risque parce que même lui a été soupçonné d’effets secondaires!)

Loin de moi l’idée que l’on peut prendre tout et n’importe quoi! Non l’idée principale, c’est qu’en dehors du doliprane et du spasfon, il ne faut pas faire d’automédication et demander l’avis de votre médecin, en insistant particulièrement sur l’interdiction de prendre de l’ibuprofène ou tous les trucs en fène vendus sans ordonnance.

Mais ceci dit, avec l’avis du médecin, il y a quand-même plus de médicaments autorisés que l’on ne le croit. Et là, ce sont plutôt les médecins eux-mêmes qui je trouve pêchent par excès de précautions inutiles. Je vois relativement assez souvent des femmes enceintes qui souffrent car sous prétexte qu’elles sont enceintes, on ne peut rien faire pour elles! Ce n’est déjà pas marrant d’être enceinte, mais si en plus on doit subir une double peine! Je ne dis pas qu’il faut tout hypermédicaliser mais parfois des choses sont possibles et ce n’est pas la peine de laisser une femme enceinte souffrir d’une rage de dents ou d’une sciatique hyperalgique par exemple avec seulement du doliprane! Il faut voir la situation au cas par cas mais en cas de necessité, il y a des médicaments que l’on peut utiliser: antalgiques de palier 2, même morphiniques, corticoides, antiacides, anti-allergiques, etc et même si le cœur nous en dit un sirop pour la toux et un pchi pchit pour le nez (parce que attention la plupart de ces derniers sont formellement contrindiqués). Oui, il ne faut pas sous-estimer le bonheur de la femme enceinte de son troisième enfant dont les deux premiers sont malades et elle-même très enrhumée et épuisée qui ressort avec du pivalone et du tussidane en plus du doliprane, cela lui donne un espoir auquel elle ne pensait pas avoir droit!

Devant les discours parfois contradictoires des médecins, entre le généraliste, le gynécologue, le médecin un peu trop rigoureux et celui qui ne l’est pas assez, entre le lecteur émérite de Prescrire et le client émérite des labos, entre l’avis du pharmacien la plupart du temps de bon conseil, celui des notices des médicaments ou même du Vidal qui déconseillent la prise de à peu-près tous les médicaments sans l’avis d’un médecin, et l’avis de la voisine et de la boulangère: une seule façon de s’y retrouver et d’être certain d’avoir la bonne information: le Centre de Référence sur les  Agents Tératogènes: le CRAT qui est comme son nom l’indique la référence et en qui on peut avoir toute confiance. Il suffit de regarder sur le site internet, de taper le nom d’un médicament et on a la vraie réponse!

Précisons que le CRAT donne aussi les informations pour les femmes qui allaitent et que tout ce qui a été dit est valable pour l’allaitement car peut-être même encore plus que pour la grossesse, les femmes qui allaitent sous souvent privées de traitement auxquels elles ont droit, que ce soit les premiers jours difficiles après l’accouchement ou les mois après celui-ci!

Donc le CRAT est mon ami, l’ami de tous les médecins et probablement aussi de certaines femmes enceintes même si je pense que de toute façon toute prise médicamenteuse doit être prise avec l’avis de son médecin.

Le CRAT m’a conforté dans ce que j’ai appris il n’y a pas très longtemps et dont je voulais parler ici car je me dis que si je ne le savais pas et même si il y a plein de choses que je ne sais pas, peut-être n’étais-je pas la seule.

L’année dernière, comme je le raconte ici, j’ai été amenée à prendre du Zophren, un anti-émétique (médicament contre les nausées et vomissements) puissant que l’on  donne habituellement dans les chimiothérapies. Comparativement aux anti-émétiques classiques, il est beaucoup plus efficace. Comme tous les médicaments, il présente des effets secondaires qui sont principalement maux de tête et constipation mais pas de graves et après avoir beaucoup réfléchi à la question, je pense que si on le donne avec autant de parcimonie et sur des ordonnances d’exception, c’est probablement à cause de son coût. C’est en effet un médicament qui coûte très cher!

Je ne savais pas que l’on pouvait donner ce médicament pendant la grossesse. Et pourtant on peut!

J’ai pourtant une bonne formation en gynéco, j’ai fait un DU, j’ai fait un stage d’interne: pour les femmes qui venaient aux urgences pour vomissements incoercibles avec perte de poids etc, les « vomisseuses » comme on les appelle, je prescrivais le bilan recommandé, recherchais à l’échographie si ce n’était pas une grossesse multiple qui favorise ces symptômes et prescrivais le cocktail habituel: primpéran suppo et donormyl à fortes doses qui me valait souvent l’appel du pharmacien (quant à moi, je ne saurai jamais si le donormyl est efficace puisque à chaque fois que j’ai essayé d’en prendre, je me suis endormie! Quant au primpéran, déjà interdit chez l’enfant, et au motilium, ils font partis des médicaments dont la balance bénéfice-risque est en train de devenir défavorable et sont ils faut l’avouer peu efficaces chez la femme enceinte). Le cas échéant, la femme enceinte pouvait être hospitalisée plusieurs jours, pour être perfusée, et pouvait si vraiment rien n’y faisait être traitée par Dogmatil, un neuroleptique avec pour le coup des effets secondaires assez importants!

Dans beaucoup d’endroits, les femmes sont traitées par Zophren pendant leur hospitalisation, ce qui se révèle en général très efficace. Seulement, après quelques jours de traitement, on leur dit que l’on ne peut pas leur donner plus longtemps. Certains gynécologues disent que le traitement doit être de 10 jours maximum, ce qui est faux d’après le CRAT et d’après ce qui est fait dans certains endroits, d’autres disent que s’agissant d’un médicament à prescription sur des ordonnances d’exception, ils ne peuvent pas le prescrire, parfois ils renvoient chez le médecin traitant qui, il faut l’avouer, la plupart du temps (moi, y compris) n’est pas du tout compétent sur ce sujet. Et les femmes qui ont la chance de se le voir prescrire se trouvent souvent confrontées à devoir payer ce médicament très onéreux car non remboursé pour cette indication d’hyperemèse gravidique.

Car, que l’on ne se méprenne pas, je ne parle pas de prendre ce médicament dans le cadre des nausées matinales,ou pas d’ailleurs, de la grossesse, qui bien que difficiles n’ont pas de répercussions sur la santé. Je parle des femmes qui vomissent tout le temps,perdent dix kilos, sont hospitalisées etc, et il y en a. Certaines en viennent même à des extrémités comme celle de mettre un terme à leur grossesse pourtant désirée.

Pour ces femmes là, c’est un parcours du combattant, et le zophren pourtant efficace et me semble-t-il sans effets secondaires notables, reste méconnu.

C’est pourquoi je voulais faire cet article. Après mes propres recherches sur le sujet, je ne vois pas de raisons à cette réticence de prescription, mais je ne prétends pas avoir toutes les réponses et si quelqu’un a des informations que je n’ai pas, je serai très intéressée!

En attendant, je continue à me référer à mon ami le CRAT.:

Quel antiémétique utiliser en cours de grossesse et d’allaitement

Mise à jour : 3 février 2011

 


1- Grossesse

  • On préférera si possible la doxylamine (Donormyl®), antihistaminique H1 très bien évalué en cours de grossesse.
    En France, la doxylamine n’a pas l’AMM dans cette indication, mais au Canada c’est l’antiémétique de référence chez la femme enceinte.
  • Si la doxylamine se montre peu efficace ou mal tolérée, le métoclopramide (Primpéran®) pourra être utilisé quel que soit le terme de la grossesse.
  • En cas d’inefficacité de ces options, on pourra avoir recours à la métopimazine (Vogalène®) ou la dompéridone (Motilium®) quel que soit le terme de la grossesse.
  • En cas de vomissements incoercibles, on pourra avoir recours à la chlorpromazine (Largactil®) ou au sulpiride (Dogmatil®).
  • Si ces molécules s’avèrent également inefficaces, on pourra si nécessaire avoir recours à l’ondansétron (Zophren®), quel que soit le terme de la grossesse.

2- Allaitement

  • On préférera la dompéridone (Motilium®) ou le métoclopramide (Primpéran®) en cours d’allaitement.
  • En effet, leur passage dans le lait est faible et aucun événement particulier n’est rapporté chez des enfants allaités.

Seuls quelques noms de spécialités sont mentionnés dans ce site. Cette liste est indicative et n’est pas exhaustive.


CRAT – Centre de Référence sur les Agents Tératogènes
Hôpital Armand Trousseau, 26 avenue du Docteur Arnold Netter, 75012 PARIS
Tel/fax : ++33 (0)143412622
www.lecrat.org

Ondansétron

Mise à jour : 3 février 2011

 


ZOPHREN®


L’ondansétron est un antiémétique, antagoniste des récepteurs 5-HT3 de la sérotonine.


ETAT DES CONNAISSANCES

    • En clinique les données actuelles sont peu nombreuses mais aucun élément inquiétant n’est retenu à ce jour.
    • L’ ondansétron n’est pas tératogène chez l’animal.

EN PRATIQUE

  • Traiter une femme enceinte
    • En cas d’échec des antiémétiques « classiques », l’ondansétron pourra être utilisé quel que soit le terme de la grossesse.
  • Découverte d’une grossesse pendant le traitement
    • Rassurer la patiente quant au risque malformartif de l’ondansétron.
    • En cas d’échec des antiémétiques « classiques », l’ondansétron pourra être utilisé quel que soit le terme de la grossesse.
  • Si une de vos patientes est exposée à l’ondansétron en cours de grossesse, nous vous invitons à prendre contact avec le CRAT pour contribuer à enrichir les connaissances sur ce médicament chez la femme enceinte :

Seuls quelques noms de spécialités sont mentionnés dans ce site. Cette liste est indicative et n’est pas exhaustive.


CRAT – Centre de Référence sur les Agents Tératogènes
Hôpital Armand Trousseau, 26 avenue du Docteur Arnold Netter, 75012 PARIS
Tel/fax : ++33 (0)143412622
www.lecrat.org

 

Mon médecin, ce héros

J’ai cotoyé des centaines de médecins, j’en ai cotoyé pas mal en tant que patiente, j’en ai cotoyé encore plus en tant que proche de patients, et bien sûr encore plus en tant qu’étudiante puis médecin, stagiaire ou remplaçante. Je pense que de ce fait , mon jugement sur la qualité d’un médecin est assez juste.

J’ai vu ceux qui travaillent sérieusement, ceux qui humainement sont méprisables, ceux à qui je ne confierais pas ma famille (la seule fois où j’ai adressé ma fille aux urgences: j’ai appelé l’interne de garde que je n’avais jamais vu pour être sûre que ce soit lui et pas le chef qui la voit), ceux qui aiment leur métier, ceux qui l’aiment mais qui sans s’en rendre compte ne l’exercent pas correctement, ceux qui n’aiment pas les gens, ceux qui changent la vie de leurs patients, ceux qui ont un égo surdimensionné.

Je l’ai déjà dit, mais je n’ai pas une grande estime pour les médecins en général. J’en ai vu tellement, tellement, qui ne sont non seulement pas à mes yeux des bons médecins mais surtout qui n’ont pas les qualités humaines qu’un médecin doit avoir. Car c’est un métier difficile, et pour moi, être un bon médecin est quelque chose de complexe, qui englobe les compétences médicales et humaines ainsi que la façon d’exercer. Je pense que chez les médecins comme pour le reste de la population, il y a une proportion notable de « cons » (mon frère n’aime pas quand je dis des gros mots, mais appelons un chat un chat), mais c’est plus embêtant que dans certaines professions. Tomber sur un médecin incompétent, désagréable, intolérant a pour certaines personnes des conséquences plus importantes que quand elles tombent sur un libraire ayant les mêmes défauts ( j’aime bien les libraires , j’en ai épousé un). Mais bon, on est tous le « con » de quelqu’un …

Pour la médecine générale, en ce qui me concerne, j’ai vu pas mal de médecins, entre ma vie, mes stages, mes remplacements et j’ai comme tout le monde entendu dire du mal de médecins.

Je ne vais pas rentrer dans le débat entre Martin Winckler et Borée sur les médecins maltraitants, il est facile et dans l’air du temps pour les patients de critiquer leur médecin pour un rien, ces critiques sont parfois injustes et infondées.

Mais quand-même, moi je ne pense pas avoir le jugement facile mais il y a des médecins qui n’en méritent pas le titre.

Sans réfléchir plus de dix secondes, je peux citer :celui que j’ai remplacé qui n’avait pas de dossiers et qui renouvelait les traitements sans voir les gens depuis plus d’un an mais en faisant passer la carte vitale; celui dans ma ville chez qui les femmes attendent des heures pour se voir prescrire un régime à base de coca light et d’advil, celui qui a gardé l’ordonnance de l’enfant fiévreux un samedi soir parce que sa patiente ne s’était pas aperçue qu’il n’y avait plus de chèque dans son chéquier, celui qui m’a prescrit la première fois qu’il me voyait des antidépresseurs alors qu’à 19 ans, je venais le voir en pleurs parce que je m’étais fait plaquer la veille, etc etc c’est sans fin et personne ne peut nier qu’il y en a malheureusement beaucoup des comme ça …

Après, il y a malgré tout et heureusement un grand nombre de médecins qui font correctement leur travail. Parmi ceux-là, j’ai mes petits critères de jugement à moi mais ce ne sont que des critères personnels qui me font dire que certains médecins ne sont pas forcément ce que j’appelle moi un bon médecin: des petites choses comme ne pas écrire dans le carnet de santé des enfants, ne pas être informatisé, recevoir les labos, prescrire des PSA, ne pas être sympathique, ne pas dans l’ensemble respecter les principes dont j’ai parlé précédemment…Après ce sont plein de petites choses mais c’est surtout le contact qui est important…

Donc avec tout ça, quelle est la probabilité de tomber sur un « bon » médecin,cette définition étant à la fois objective et subjective ? Elle est quand-même assez faible je trouve …

Et bien, moi, sans exagération aucune, j’ai le meilleur médecin généraliste du monde!

Un jour, à l’âge de 15 ans, j’avais une angine et ma mère a appelé le médecin de garde ( oui c’était une autre époque), il est devenu notre médecin et avec du recul, je me dis que j’ai eu une chance extraordinaire d’avoir eu cette angine.

Parce que je m’en rends compte seulement maintenant mais non seulement il est un médecin généraliste inestimable mais en plus il a été mon maitre de stage et a probablement jouer un grand rôle dans le médecin que je suis et que je deviendrai.

Donc, mon médecin à moi: il est compétent, il est rigoureux, il a établi des règles et faut pas imaginer se pointer sans carnet de santé ou à 19 heures pour un renouvellement de traitement, il est très sympathique ou parfois très désagréable quand il faut, il aime son travail et le fait bien, il est maitre de stage, a des externes et des internes et il a la meilleure note de toute la fac même s’il habite dans le 93, il est drôle, il parle aux enfants comme si c’était des adultes , il est heureux  et en plus il est beau !

Si je devais, je pourrais lui trouver des défauts: il n’est vraiment pas aimable quand il répond au téléphone, il n’avait même pas internet quand je bossais chez lui mais cela n’est plus le cas, euh … ah oui il ne fait même pas de streptotests pour les angines … mais bon, personne n’est parfait!

En D2, j’étais déjà attirée par la médecine générale, mais je ne savais pas ce que c’était, je lui ai demandé si je pouvais assister à sa consultation. Ce fut vraiment une confirmation de ce que je sentais : la médecine générale est vraiment ce qui me plaisait. Mais à la réflexion, je me dis que c’est peut-être l’image qu’il m’a donné de la médecine générale qui m’a fait choisir sans douter cette spécialité .

Ensuite, il est devenu maître de stage (j’aime à penser que c’est un peu grâce à moi) et j’ai fait une partie de mon stage d’interne chez lui. Outre le fait que j’y ai passé des supers moments, que j’ai appris pleins de choses, que c’était très formateur, que sa patientèle était très agréable, et que je me suis, il faut le dire bien amusée…je me rends compte maintenant que ce stage a inconsciemment formaté le médecin que je suis aujourd’hui. En fait, il est ma référence et mon modèle, et même si je ne lui ressemble pas du tout et que bien des compétences me manquent par rapport à lui, j’essaie d’exercer la médecine qu’il m’a apprise, que j’ai aimée. Et je pense qu’un des points les plus importants que j’ai pu ressentir avec lui : c’est qu’il est un médecin heureux !

Bref, je ne serais probablement pas tout à fait le médecin que je suis sans lui …

Mais au-delà de ça, la chose la plus importante, c’est que j’ai la chance de l’avoir comme médecin traitant .

Beaucoup ont été surpris quand j’ai dit l’autre jour que j’emmenais ma fille chez le médecin.

Mais je pense que même un médecin doit avoir un médecin, pour lui et pour sa famille, c’est plus sain je trouve et surtout quand on a la chance d’en avoir un très bien.

Il y a quelques années, j’ai eu quelques petits soucis de santé et au lieu de  faire trop d’auto-médication , de m’auto-prescrire des examens, je suis allée régulièrement le voir, et même si j’arrivais avec mes petites idées en tête, je m’en suis remise totalement à lui et cela est très important , même en temps que médecin,encore plus en tant que médecin même,de s’en remettre à quelqu’un en qui on a toute confiance. Je mettrais ma vie ou celle de ma famille entre ses mains sans problème, c’est ça un bon médecin …

En plus, il y a ce phénomène assez remarquable, qu’en dépit du fait que j’ai été son étudiante, sa remplaçante, qu’il ait été mon maître de stage, mon jury de thèse, le médecin d’autres membres de ma famille et que (peut-être que je m’avance), nous sommes en quelque sorte peut-être des amis aussi , quand je viens pour moi, je m’assois naturellement du bon côté du bureau  et  je suis la patiente et il est le médecin sans que rien ne vienne interférer dans la relation thérapeutique.

Certes pour des raisons pratiques et logiques, je n’emmène pas ma fille quand elle a une rhino ou une angine, ce qui lui arrive très rarement en plus, je la soigne dans ces cas-là, mais pour le suivi, les vaccins ou toute autre chose, je l’emmène voir P. Docteur, comme elle dit …

En plus, comme je l’ai dit, il est super, et le voir mener une consultation avec ma fille est  un vrai exemple pour moi .

Je l’ai emmené une fois l’année dernière et une fois la semaine dernière parce qu’elle était dans une période insupportable ou j’avais envie de la jeter par la fenêtre, n’écoutait rien, faisait des crises de colère interminables, lançait des trucs, tapait etc …Une consultation et depuis elle est transformée, bon peut-être que d’autres choses entrent en jeu, j’ai moi-même changer un peu de comportement, mais cette consultation était impressionnante…

Je suis sortie en me disant : «Je veux être comme ça quand je serai grande »

Des fois, j’essaie de faire «mon P. », avec les enfants : la dernière fois, le petit n’a jamais voulu me parler et m’a tourné le dos en souriant toute la consult …bon je me dis que j’y arriverai un jour …Il y a quinze jours, j’ai essayé aussi avec un petit de 5 ans qui vomissait et qui pleurait tous les matins pour aller à l’école, je lui ai parlé, lui n’a absolument rien dit. Je l’ai revu hier : je demande des nouvelles et la maman me dit que depuis notre consultation ,il n’y a plus eu aucun problème…

Alors, je garde un peu d’espoir…

De lui ressembler un jour …

Peut-être un jour, quand je serai grande et vieille comme lui, mes patients diront : «mon médecin, c’est la meilleure … » Parce que quand ce n’est pas dit à la légère, c’est quand même un des plus beaux compliments qu’on puisse faire …

Et patients, ne désespérez pas, les bons médecins sont peut-être rares, mais ils existent (cachés dans le fond du 93)!

Bon, ça m’embête bien un peu qu’il lise cette floppée de compliments, mais avec un peu de chance, il ne se reconnaitra pas ( bon avec  beau, drôle et désagréable au téléphone, tout le monde va le reconnaître) . Dans le cas contraire, tant pis, il sait déjà je pense tout le bien que je pense de lui, tout ce qu’il m’a apporté et ce n’est qu’une occasion de plus de le remercier…

De le remercier d’être mon médecin, le meilleur, de tout ce qu’il m’a apporté mais surtout d’être la preuve pour moi et pour tout le monde qu’un bon médecin, ça existe …et ça, pour moi c’est quelque chose ….

 

JNMG: FMC?

Bon, ben, j’y suis allé quand-même.

Ce week-end, je suis allée aux Journées Nationales de Médecine Générale.

L’année dernière, j’y suis allée pour valider mes heures de FMC obligatoires, j’y étais déjà allée il y a plusieurs années. J’avais trouvé ça plutôt pas mal. Alors cette année, je me suis dit que j’allais y retourner.

Mais, après le billet de Jaddo: Formation Mes Couilles , je me suis sentie toute bête.J’ai bien eu l’impression qu’elle parlait du même congrès, bien que je n’en ai pas eu le même ressenti, en même temps, je suis un peu bête comme fille, peut-être mon esprit critique peu développé m’a empêché de voir les choses telles qu’elles sont.

Je sais que cet esprit critique peu développé quelque soit le domaine est à la fois ce qui fait mon charme et ma faiblesse dans la vie. Mais le billet de Jaddo ainsi que la rigueur de certains de mes confrères dans la vie et surtout de ceux que je cotoie depuis peu sur twitter m’ont fait me poser des questions sur moi-même. D’ailleurs, petite digression, depuis que je suis sur twitter, je subi je pense leur très bonne influence, je suis au courant des dernières actualités médicales, des dernières études, je lis les blogs de très bons médecins qui se remettent constamment en question, c’est un vrai enrichissement, mais je m’interroge: comment ça se fait que les médecins sur twitter et la blogosphère soient de si grande qualité? Où sont tous les mauvais médecins? Ils ne savent pas se servir d’internet? Quel biais de recrutement! Et du coup, des fois je ne me sens pas à la hauteur et je n’osais même pas dire que j’allais aux JNMG.

Certes:

– je ne reçois pas les visiteurs médicaux, en grande partie par idéologie, mais aussi en partie du fait que mes remplaçés ne les recevaient pas, je ne sais pas comment j’aurai tourner sinon…(je m’aperçois d’ailleurs que je leur dois beaucoup, j’ai eu de la chance de tomber sur des bons médecins pour mes premiers remplacements qui sont ceux qui nous formatent et B. , puisque maintenant tu es un de mes lecteurs, je vous remercie toi et O.)

– j’ai refusé de faire subventionner mon pot de thèse ou tout autre avantage que je pourrais retirer d’un labo.

– Je suis abonnée à Prescrire et à rien d’autre d’ailleurs .

– Je fais des FMC valables et n’ayant aucun conflit d’intérêt .

Bon, ben, ce n’est pas mal tout ça mais:

Il y a des choses que je n’ose pas dire parce que ce n’est pas politiquement correct, alors aujourd’hui c’est jeudi la grande confession! ( bon c’était jeudi quand j’ai écrit le début en tout cas )

-J’ai toujours mangé tout ce que je pouvais avaler aux délicieux pots offerts par les labos à l’hôpital, j’ai même pris les petits cadeaux qui allaient avec ..

-Une de mes meilleures amies travaille pour un labo et je l’aime! Et si elle arrivait à m’inviter à aller avec elle gratos à un de ses congrès au bout du monde réservé aux cardiologues, aurais-je la force de dire non ?

Attention, de pire en pire:

-J’ai appelé ma fille Lilly. Je n’ai pas choisi ce nom en hommage au Prozac mais je l’ai orthographié de cette façon parce que je ne pouvais pas le voir écrit autrement que comme le labo, et enceinte, quand je bossais en diabéto, je demandais à la dame du labo de me donner des stylos et des tasses au nom de ma fille.

-J’ai eu de la peine l’autre jour en passant à l’hôpital en voyant un visiteur médical attendre des heures dans le couloir, c’est un dur métier quand-même…Par pitié, je lui aurais presque dit de me faire son topo … ( eh je plaisante quand-même, je suis pas bête à ce point ..)

Attention, là ça devient limite innavouable ( ce doit être le smoothies du labo qui me fait perdre la tête )

-Prescrire m’énerve des fois! Si on les écoutait, on ne prescrirait jamais rien…Je les trouve parfois un peu excessifs… enfin parfois quoi…bon je sais au fond de moi qu’ils ont raison mais quand-même…quand-même des fois un rhume, c’est chiant… et moi j’avoue je prends de l’ibuprofène et le truc vert qui débouche le nez et ça marche, et c’est mieux que d’attendre sans rien prendre.

et pire ( ne me rejetez pas):

-Je prescris du sirop pour la toux ! parfois, souvent ? (Merci à Martin Winckler dans sa réponse à Borée pour son discours nuancé qui m’a fait du bien) et pleins d’autres médicaments diaboliques tels que le primpéran, l’ibuprofène, et une fois, un jour, quand j’étais remplaçante, j’ai renouvelé du médiator….

Bon si après tout ça, il me reste une quelconque crédibilité, je vais raconter à ceux que ça intéresse mes trois jours aux JNMG. J’y suis donc allée, je me suis dit que l’année dernière, j’avais appris des choses, que ça allait me changer un peu du cabinet, de me faire du bien de me changer les idées, de rencontrer des gens, d’apprendre des choses et que je l’espère , je saurai faire la différence entre les discours cohérents de ceux du diable.

Je me dis que des fois, il ne faut pas être trop extrémiste dans un sens comme dans l’autre.

Bon, au début, je n’osais même pas boire un verre de jus d’orange, de peur de brûler vive sur place mais à J3, malheureusement j’ai été prise d’une fringale et je me suis jetée sur les petits fours Lenôtre d’un labo (mince je vais être obligé de prescrire autant de leur médoc que de petits fours que j’ai mangé, et tant qu’à avoir fauté, j’en ai mangé plein!) , @BaptouB fut le témoin de cet affligeant spectacle!

Alors, je vais vous livrer ma version bisounours de ces journées et je vous laisse faire des commentaires pour me signaler les choses diaboliques que je n’ai pas du remarquées .

Alors, honnêtement , je n’ai pas vu les labos en dehors du hall d’acceuil où tous les stands étaient regroupés, là d’accord, des labos, il y en avait, au milieu de stands de gens très bien d’ailleurs comme des syndicats, des organismes de FMC et le stand de la Seine-Saint-Denis qui recrutait des médecins en PMI et à la MDPH. ( si quelqu’un est intéréssé par le 93: vous pouvez me contacter …). A part un topo subventionné par coca, je n’ai pas assisté à une seule intervention subventionnée par un labo! Il y avait des présentations faites par des gens très bien, d’autres nettement moins intéressantes mais globalement j’ai trouvé ça bien ! Ben oui, aucun esprit critique ? Peut-être .

Premier jour: les médecins généralistes façe au cancer:

Alors déjà, je me dis que par rapport à l’année dernière, il y a eu du changement. L’année dernière, c’était intitulé « Etats Généraux », scéance plénière dans un grand amphi avec pleins de gens importants de l’INCA, de la ligue contre le cancer, Mme la ministre qui était venue, avait lu son papier et était repartie. On sentait bien la volonté de dire que le cancer c’était important (et que le plan cancer servait à quelque chose) et surtout de dire que les médecins généralistes étaient importants. Cet effet de mode est passé, cette année, tout le monde a l’air de s’en moquer un peu. Le congrès est gratuit pour ceux qui viennent à cette journée, c’est  dire…

Alors là j’avoue, il y a des petits cadeaux, bloc notes, stylos et des affiches partout mais c’est de la ligue contre le cancer, je me dis que j’ai le droit de me servir du style pour écrire non?

Du même principe, je n’ai pas osé faire ma Jaddo et me lever demander à l’intervenant qui est coordinateur régional du dépistage du cancer du sein ses conflits d’intérêt .

– Premier atelier: dépistage du cancer de la prostate

Trois intervenants: un médecin animateur représentant de la revue du praticien de médecine générale, un généraliste très bien et un urologue qui avait du perdre à la courte paille pour être envoyé comme ça dans la fosse aux lions défendre le PSA .

Bon, le débat fut le même qu’il l’est chaque fois, même l’urologue avait l’air peu convaincu par ses arguments.

Je retiendrai trois phrases:

« Aucune société savante ne recommande le dépistage de masse »

« Si on enlève la prostate aux urologues,qu’est ce qui leur reste? »

« La réponse est peut-être oui, mais quelle est la question? »Woody Allen

Et bien sûr, Dominique Dupagne a été cité dans la discussion …

– deuxième atelier : dépistage organisé du cancer du sein

Compte tenu de l’actualité sur ce dépistage, je me suis dit que ça pouvait être intéréssant, du coup, j’ai renoncé au colon et au col de l’utérus … et bien non: objectivement, je n’ai rien à dire d’intéressant sur ce qui a été dit …

– Scéance plénière

Tout aussi ennuyeuse, sauvée par l’intervention toujours intéressante d’Axel Kahn dans le cadre du comité éthique et cancer, malheureusement entrecoupée de très nombreux problèmes techniques de micro …

Puis je suis partie avant la fin, et j’ai loupé Mme la Ministre qui ,surprise, finalement est passée dire bonjour. Mince, mon départ précipité vous prive de la retranscription de son discours probablement passionnant .

Deuxième jour :

-Scéance plénière: la réforme du médicament: je ne sais pas, j’ai loupé ..

Ensuite, il s’agit des présentations auxquelles moi j’ai choisi d’assister, il y en avait beaucoup d’autres dont certaines probablement subventionnées par les labos

-le médecin généraliste et le kiné:

Par un kiné et un médecin généraliste de MG Form ne déclarant pas de conflits d’intérêts.

Et bien, c’était très intéresant, j’ai appris pleins de choses, la principale étant celle ci, que personnellement j’ignorais: depuis la réforme de code du travail en 2000, en fait il ne faut plus prescrire le nombre de scéance ni la localisation sur l’ordonnance: il faut prescrire simplement kinésithérapie sur l’ordonnance ( ne rien écrire comme motif sur l’ordonnance car cela va au service administratif de la sécu et que c’est rupture du secret médical) , accompagné d’un courrier explicatif pour le kiné qui dans ce cas est obligé de faire un BDK ( bilan dignostique de kiné) qu’il envoie au médecin conseil ( et à nous si on lui demande) et il décide lui même ce qu’il fait et du nombre de scéance. Si on écrit le nombre de scéances, il n’est pas obligé de faire le BDK et ne peut pas modifier nos prescriptions .

– Repas/Conférence ( c’est à dire que pendant qu’on écoute, on mange notre petit plateau repas, j’aime bien le concept) : Consommation alimentaire (et en particulier les boissons)des adolescents.

Alors là, c’était carrément subventionné par coca, c’est quand même le comble pour présenter une étude qui montre que les adolescents consomment beaucoup beaucoup de BRSA ( boissons rafraichissantes sans alcool).Ils consomment également beaucoup beaucoup de boissons avec alcool mais étonnamment, cela ne ressort pas trop dans l’enquête. En tout cas, tant qu’à aller à un topo subventionné, autant prendre le plus diabolique de tous avec coca! Ca tombait bien, moi qui n’en ai jamais bu, j’ai développé récemment une vraie addiction au coca (zéro bien sûr), du coup, j ‘ai piqué plein de canettes!

Bon, alors les résultats de l’enquête pas très passionnante montrait que les ado mangent de tout mais plus de plats industriels et moins de légumes et boivent plus de sodas que les autres tranches d’âge …un scoop quoi …Bref, la morale de l’histoire: on est foutus, on mange trop! Prenez un coca pour faire passer la pilule !

Heureusement, après une nutritionniste a dit des choses très intéressantes et à priori avec deux ados à la maison avait l’air de bien connaitre le sujet, son « l’éducation, c’est dur » semblait plein de vécu. Son discours a juste été parasité par neuf  » au jour d’aujourd’hui » qui m’ont bien agacé.

– Topo sur le baclofène dans le sevrage alcoolique.

Pas de conflit d’intérêt, intervenants de l’INSERM et un des profs de ma fac qui mêne la grande étude multicentrique qui va débuter sur le sujet, mais qui est subventionnée par la sécu .

Un rappel historique et physiologique tout à fait rapide et le bienvenu pour ma part , même si j’ai un peu passé l’âge des histoires de récepteurs gamma béta inhibiteurs et de pré et post synaptiques qui me rappellent ma jeunesse…

J’ai maintenant les idées bien au clair sur cette histoire de baclofène dans le sevrage alcoolique et c’est très bien .

A  noter que le baclofène côute moins cher que le placebo! Budget de l’étude de 2,5 millions d’euros dont 250 000 euros pour le baclofène et 290 000 euros pour le placebo .

-Topo sur l’impact que peuvent avoir les polluants sur la santé et la fertilité.

par un médecin généraliste sans conflit d’intérêt, et deux chercheurs de l’inserm.

Ce n’est pas du tout un sujet qui me passionne mais c’était néammoins instructif et un tout petit peu flippant : en gros les études montrent une baisse de la fertlité avec le temps qui semblent liés à des polluants aux noms barbares tels que POP, phtalates , bisphénol A et autres perturbateurs endocriniens … bon, ça ne m’a pas empéché de dormir non plus .

– Atelier sur les nouveaux migrants en médecine générale.

Par le groupe repère, bien sûr, aucun labo ou conflits d’intérêt, réflexions en petits groupe , intervention adaptée aux demandes très intéressante de Olivier Bouchaud, chef du service de maladies tropicales d’Avicennes, bref très bien .

Troisième journée

C’est bientôt fini, promis, ça va aller vite car pour ma part, elle fut courte .

Je ne suis venue qu’à midi ,en bonne mère j’ai loupé la conférence sur les troubles fonctionnels intestinaux pour emmener ma fille à la gym (oui gym à perpèt les oies le samedi matin à 9h..) et j’ai bien fait car elle a gagné la couse en sac.

J’avais RDV avec @BaptouB devant le stand de la Seine-Saint-Denis, il y avait deux personnes mais j’ai deviné que c’était celui qui avait un téléphone dans la main ..Cela m’a fait plaisir de rencontré une personne de twitter, cela montre que ce n’est pas un monde virtuel mais que c’est bien réel et j’ai passé un très bon moment avec lui …

-Déjeuner/Débat sur être maitre de stage

Bon, avec @BaptouB, nous avons plus déjeuné que débattu ( il a pris deux paniers repas !) et surtout discuté un peu. C’était en outre agréable de pouvoir twitter sans se sentir impoli par rapport à son voisin.

Quand à la maîtrise de stage: ben oui, il en faut , c’est enrichissant et comme ça va bientôt faire un an que je suis installée, je vais pouvoir avoir des externes .. J’ai toujours voulu avoir des externes,  quand j’étais moi-même externe, je me représentais comment je m’occuperai d’eux quand je serai interne. Mais le seul stage en CHU pour lequel j’ai eu des externes, c’était la gynéco mais c’était le bordel ce stage. Bref, j’ai été une interne sans externe pour faire la basse besogne et pour satisfaire mon envie naturelle d’enseigner. Donc même si je sais que c’est difficile, je vais avoir des externes puis probablement plus tard des internes …

-Promenade dermatologique parmi les tumeurs noires.

Avec des photos de grains de beauté/mélanomes/ou truc dans le genre présenté par un médecin généraliste du réseau paris nord d’oncodermatologie ou un truc comme ça et une jolie dermatologue avec un erysipèle, sans conflit d’intérêt bien sûr , aucun autre intérêt que de faire en sorte que les médecins généralistes que nous sommes regardent leurs patients et savent reconnaitre un truc noir gentil d’un truc noir méchant. Peut-être un jour grâce à ces JNMG, je sauverai une vie .

Car pour l’instant, ce n ‘est pas gagné: j’ai dit histiocytofibrome ( oui j’en imagine, médecins ou pas médecins, qui se disent que c’est déjà bien de connaitre le mot et je le pense aussi d’ailleurs) pour un cancer baso cellulaire ainsi que pour un mélanome nodulaire ( pour ma défense celui là, c’est vraiment un vicieux) , par contre je ne l’ai pas dit car je n’osais plus pour l’histiocytofibrome…

En tout cas, encore une fois, c’était très instructif! Mais surtout, très flippant, je me suis dit mais mince j’ai oublié de le faire,que j’allais dès le soir même chercher un mélanome sur mon mari et tout du moins lui faire un « book: photos de ses grains de beauté » et l’envoyer chez le dermato !

Quant à moi, dès que tu peux, ma boutonnologue préférée, tu me dis quand je peux venir avec toi, car tout ce que je connais (y compris l’existence du mot histiocytofibrome même si je ne sais pas encore l’utiliser à bon escient) je l’ai appris de toi!

Et oui, je compte parmi mes amies, une des dermatologues les plus renommées ( pour de vrai hein!), je lui envoie des photos de mes patients pendant les consult ( la pauvre ) mais elle veut pas venir sur twitter ….

Voilà ensuite, je comptais aller pour le dernier topo à celui intitulé: le patient difficile qui m’intéressait bien mais j’ai dû y renoncer pour aller prêter main forte à ma patiente difficile à moi : Highlander qui a fait un petit tour aux urgences pour une vilaine plaie mais plus de peur que de mal. Pour rendre à César ce qui est à César, la prise en charge à été parfaite ( bon surtout à partir du moment où je suis arrivé, il est vrai). J’ai bien rigolé en croisant l’interne de chir que j’avais « agréssé », je l’ai entendu demandé dans le poste de soins l’angoisse dans la voix ce qu’on faisait là et il est reparti fissa extrèmement soulagé de savoir que ce n’était pas pour lui.

Voilà, ce billet fleuve pour vous raconter ces trois jours et me justifier d’y être allé. De mon point de vue de Bisounours, les JNMG sont plus une Formation Médicale Continue qu’une Formation Mes Couilles , cette année, pas de petit boitier , pas trop de labos, j’ai rencontrer des amis, des connaissances, une copine de promo a même fait une présentation en gynéco, j’ai appris des choses, je me suis parfois ennuyé aussi mais si je peux , j’y retournerai l’année prochaine.

Pour ceux qui ont eu le courage de tout lire, j’attends l’opprobe de vos commentaires …

 

 

Le noeud dans le ventre de C.

Les jours se suivent et se ressemblent.

Ce n’est pas la même C. , elle n’est pas dans le même collège , c’est dommage elles auraient pu être amies . Elle a 13 ans , est d’origine portugaise et elle a les mêmes yeux tristes.

C’est peut-être grâce à la C. d’ hier que j’ai pu mener cette consultation comme il faut.

Elle est venue pour mal de ventre, nausées, depuis cette semaine elle n’est pas bien, elle n’a pas été à l’école aujourd’hui car elle était trop fatiguée. Vu le nombre de gastro que j’ai vu aujourd’hui, il eût été facile, tentant voire légitime de diagnostiquer une virose et voilà, peut -être même de pousser l’erreur devant l’insistance maternelle jusqu’à aller jusqu’à un bilan sanguin si les symptômes persistaient.

Mais aujourd’hui, je ne sais ce qui m’a intrigué, quelque chose de non palpable dans sa façon de répondre « bien » à la question « comment s’est passée la rentrée? » Merci au mois de septembre et à sa traditionnelle question . Parce que finalement , ça ne va pas bien du tout au collège … impression de déjà vu , même discussion qu’hier en pire, elle est à priori la cible d’un groupe de filles , déjà l’année dernière ça a été très difficile. Sa mère a fait des pieds et des mains pour la mettre dans le privé, mais les listes d’attente sont telles qu’il fallait s’y prendre en novembre de l’année d’avant. Et depuis la rentrée, C. est déçue parce qu’elle se rend compte que ça recommence. Ce matin, C. était trop fatiguée pour aller à l’école et elle a un « noeud dans le ventre » qui l’empêche de manger.

C’était une consultation difficile, je me suis trouvée encore une fois désarmée, et un peu inutile mais quelque part une consultation un peu satisfaisante. Pour une fois j’ai osé, j’ai osé dire, il n’y a rien de médical, j’ai osé dire que le noeud dans le ventre, c’est que ça ne va pas à l’école. Quand on a connu ce noeud dans le ventre, on sait, on sait tout ce que l’angoisse peut faire, et la maman de C. elle aussi, elle a connu le noeud dans le ventre. Elle a un peu lutté contre l’idée et dit que oui c’est vrai mais que quand-même l’année dernière, ça n’allait pas mais elle continuait à manger mais au fond elle a bien compris et n’a pas réclamé la prise de sang. C. n’a pas démenti, ses larmes qui coulaient ont gentiment confirmé mon diagnostic.

Vous allez me dire qu’il n’y a rien de glorieux, que c’était évident, que encore heureux je ne lui ai pas prescrit de prise de sang , que je n’ai fait que mon travail, oui en fait c’est moi qui me dit ça, et c’est vrai, pour une fois j’ai fait mon travail et j’avoue que ce n’est pas toujours le cas car des fois quand-même c’est un travail difficile.

Combien de personnes consultent pour des problèmes somatiques alors que le problème est ailleurs?

Il y a ceux qui n’en ont pas conscience et le médecin non plus, comme ça tout le monde est content, on soigne la lombalgie ou les migraines et on ne va pas plus loin.

Il y a peut-être ceux qui savent au fond d’eux que ça ne va pas mais qui ne se permettraient jamais de le dire, ils consultent pour un bon problème somatique, essayent de tendre des perches  mais le médecin, moi peut-être, n’est pas réceptif, ne creuse pas ou ne se rend pas compte. J’aurais vraiment pu passer à côté pour C. même si elle, elle savait, pas tout à fait mais au fond elle savait.

Il y a ceux où on sent bien que le problème est ailleurs, qui multiplient les consultations, pour des problèmes toujours un peu difficiles, des vertiges, une fatigue, un mal de ventre, mais qui disent toujours que tout va bien. Personnellement, j’ai beaucoup de mal à savoir comment m’y prendre, au bout d’un moment, j’essaye quand-même: je leur dis « et le moral ça va? » (vous noterez la subtilité) et dès fois j’essaye encore plus, je dis que des fois quand le moral ne va pas c’est le corps qui parle (vous noterez la profondeur) et dès fois j’essaye vraiment fort  mais ça ne marche pas. Il doit y avoir peut-être une façon de faire que je ne connais pas , on a très peu été formé pour ça, il faut se débrouiller comme on peut. Et je pense que de toute façon quand on tend la perche, et que la personne n’est pas réceptive, c’est qu’elle n’est pas prête. Et c’est dur, en tout cas moi je trouve ça dur de dire, d’affirmer que le problème n’est pas là où les gens veulent qu’il soit .Alors dès fois, souvent, qu’on en ait conscience ou pas, on est mauvais. J’ai lu tout à l’heure un dossier où j’avais écrit « je pense que c’est le moral mais je prescris un bilan » …

Et dès fois le masque tombe, ces personnes que l’on a vu pour de multiples motifs de consultations mais qui disent toujours qu’elles vont bien, un jour elle dise ça va pas. Et là ça fait un drôle d’effet …J’aime à penser que peut-être, je dis bien peut-être c’est parce que une ou deux fois je leur ai lancé une de mes phrases profondes et subtiles, peut-être étaient-elles simplement prêtes. Ces cas là nous rappellent que l’être humain est beaucoup plus complexe qu’il n’y parait et que mêmes les patients qui semblent aller très bien ou ceux qui ont des conduites étranges portent en fait de lourds fardeaux …

Il y  a trois jours , Melle D. 30 ans est arrivée en pleurant dans mon cabinet, elle a complètement changer de visage. Elle et sa famille, une famille haute en couleur,un vrai roman, sont suivies depuis toujours dans le cabinet. Elle a toujours l’air joyeux , je la vois souvent pour son fils qu’elle élève seule ou pour elle qui a quelques problèmes de santé et surtout qui est enceinte presqu’une fois par an. Combien de fois j’ai pesté contre elle, à chaque nouvel IVG ou chaque mois quand elle ne vient pas au RDV pour poser son stérilet. Je ne comprends pas une telle insouciance, en plus elle a un côté sympathique qui fait qu’on ne peut pas la détester, ce qui serait plus simple. Les dernières fois que je l’ai vu, je sentais bien que ça n’allait, et entre les dosages de fer, de thyroide (oui je fais trop de bilans pour rien enfin elle, elle a quand-même une hyperthyroidie de Basedow) et le traditionnel mensuel test de grossesse (négatif ouf), je lui ai lancé quelques perches. Et un matin à 9 heures, elle arrive en pleurs en disant « Là ça va pas du tout, il faut que je fasse un bilan » Je trouve cette phrase très intéressante, c’était sa dernière défense …Et après, elle m’a tout raconté: sa vie, l’angoisse et le noeud dans le ventre le matin au réveil. Ce n’était pas la même personne. Cela laisse à réflechir sur les gens qui nous entourent et qui souffrent en silence. Ce matin, elle est revenue. En la voyant, je me suis dit, elle fait comme je lui ai dit, elle revient me parler, parce que je suis un bon docteur et qu’elle s’est sentie à l’aise, oui mais non, elle revenait pour une rhinopharyngite (et un retard de règles …), elle n’a pas pris mes médicaments, et elle m’a dit qu’elle allait beaucoup mieux. Je pense que ses défenses sont revenues, qu’elle ne peut pas se permettre de se laisser aller tout le temps. Je pense aussi que vider son sac lui a fait du bien et qu’elle sait qu’elle peut revenir me parler et que pour l’instant ça lui suffit . Et à chaque fois, je lui lancerai subtilement un  » Et le moral? »

Cela nous amène à la dernière catégorie de personnes, celle pour qui on a établi que ça n’allait pas bien, pour qui on a osé dire que c’était le moral le problème. Et après? Parce que ça non plus, on ne nous a pas appris. Oui il faut détecter le risque suicidaire, certes mais une fois qu’on a demandé (plus ou moins subtilement) à la personne si elle avait envie de mourir et que non heureusement, qu’on a éliminé ou pas un véritable syndrôme dépressif, quand on a passé l’étape du diagnostic et qu’il n’y a rien de pathologique mais seulement une souffrance façe aux problèmes de la vie, souffrance souvent bien légitime, parce que quand-même la vie elle n’est pas facile pour tout le monde, mais pour certains elle est vraiment très dure , qu’est ce qu’on dit? On se débrouille, on dit ce qu’on croit être sage, on se sert de sa propre expérience (ce qui est hyperpratique à 30 ans) sans non plus tomber de l’écueil de parler de soi, on écoute , on fait pour le mieux. Mais quand-même cette partie majeure de notre travail, c’est du « free style » et j’espère que je ne m’en sors pas trop mal.

En tout cas, comme souvent, pour C., je me suis sentie vraiment désarmée.Je pense que cette consultation leur a fait du bien quand-même du certaine façon mais quand elles sont parties je leur ai dit un truc du genre « Désolée, si ça avait été une gastro, j’aurai pu te soigner plus facilement ». Ca l’a fait sourire, c’est déjà ça mais c’est vrai, une gastro ça aurait été quand-même plus facile …

Deux mains gauches

Une discussion aujourd’hui sur twitter m’a donné l’idée de parler de mes deux mains gauches. Il est toujours agréable de se rendre compte que l’on n’est pas la seule dans ce cas. Mais quand-même, moi c’est cogné.

Je n’ai jamais été vraiment douée de mes mains. Je n’ai jamais su découper correctement, je ne sais toujours pas tenir ma fourchette comme il faut, je ne sais même pas étendre le linge ( bon peut-être que pour ça, je n’ai pas fait d’immenses efforts ). En CP, je n’arrivais pas à mettre un élastique autour de dix allumettes pour faire une dizaine. Et sans mon amie de toujours, qui m’aidait en cachette, je n’aurai peut-être pas fait les études que j’ai faites. ( Oui M. je sais que je radote à raconter toujours la même histoire mais encore une fois merci!)

Si bien qu’il aurait été fou de me mettre un scalpel dans les mains… et pourtant on m’en a mis, et la dernière fois que c’est arrivé je n’ai pas trouvé de meilleure idée que de me le planter dans la main, mais je vais y revenir.

La première fois que j’ai tenu un scalpel, c’était en deuxième année, pour disséquer un corps humain, âmes sensibles s’abstenir. Je ne raconterai pas les détails, tout ce que je dirai, c’est de ne pas, de ne surtout pas léguer votre corps à la science!

Ensuite vint le temps des sutures. J’aimais bien les sutures mais j’en avais peur quand-même, surtout j’étais gêné pour la perte de chance pour ceux à qui je faisais une jolie cicatrice. Je me souviens de la première fois où j’ai dû suturer toute seule! Un homme de 50 ans, bien propre sur lui et visiblement attaché à son physique et à son visage , j’étais externe à l’Hotel-Dieu, plaie de la joue…Inquiet, il me demande si j’ai l’habitude de faire ça. Je lui réponds: « Non c’est la première fois… Mais non je plaisante je fais ça tous les jours, bien sûr » A chaque nouvelle première fois, je me devais au moins de faire semblant d’avoir l’air sûre de moi par égard pour le patient. De ce patient, j’ai la vision de lui partant avec une énorme pansement fait-maison sur la joue. Je fais toujours les mêmes pansements aujourd’hui.. De ce temps (révolu) des sutures, j’ai plusieurs images qui me reviennent: les batailles avec les gants stériles, l’incroyable casse-tête de rester stérile et de ne rien toucher quand on est toute seule et qu’il faut attraper des choses, les champs qui ne tiennent pas, des plaies qui n’avaient même pas la bonne idée d’être bien droites, bien propres et bien placées, de ma grande difficulté . Je me souviens d’une de mes premières sutures: je passe l’aiguille, le fil passe, je ressors l’aiguille, je ressors le fil avant d’avoir fait le noeud, mince un coup pour rien …bon c’est pas grave je recommence, je fais un point , un deuxième, le patient me dit: ça fait trois là .. euh non ça fait deux … ben non j’ai senti trois points me dit-il … ben euh..c’est à dire que …  Maintenant je ne suture plus, mes remplacés n’ayant plus de kit de sutures depuis longtemps,j’ai perdu l’habitude,ça me manque des fois mais  je m’en passe volontiers, j’ai déjà parfois énormément de mal quand je dois enlever des fils …

Puis vint le stage en chirurgie…Trois fois, je suis tombée dans les pommes, j’étais pas impressionnée pourtant, c’était malaise vagal sur malaise vagal malgré moi. J’étais tout le temps stressée et concentrée à essayer de faire ce qu’il fallait. J’ai mal dormi pendant une semaine parce qu’un jour en tenant les trucs ( je ne trouve pas de mot plus adapté ) de la coelioscopie, j’en ai levé un un peu trop haut et j’ai touché la lampe ( là, le mot je le connais, c’est scialytique mais je ne voulais pas frimer). Je n’ai pas osé le dire et j’ai eu très peur jusqu’à sa sortie que le patient fasse une grave infection. Oui je sais, c’est très grave… Le pire, c’est qu’en plus, j’aimais bien la chirugie. Je n’aurais jamais été capable d’être  chirurgien: pas assez habile et très loin de là, incapable de rester debout plusieurs heures , trop humaine ( han c’est pas bien de dire ça mais je le dis quand même…) mais malgré tout j’aimais bien. Je garde un souvenir ému de la seule opération que j’ai faite presque toute seule …avec Camille, le beau et sexy interne de chir …C’était une opération très compliquée, c’est pour ça qu’on m’a laissé la faire, l’ablation d’un port-à-cath, les petits boitiers qu’on met dans la poitrine pour injecter les produits de chimiothérapie: tu ouvres, tu tires, tu refermes. Je l’ai faite toute seule, c’est le cas de le dire, je mettais tellement de temps à suturer (points surjets s’il vous plait) que les infirmières sont sorties en me disant de les appeler quand j’aurai fini…me laissant seule avec la patiente qui malheureusement était sous anesthésie locale : »C’est normal que ça dure aussi longtemps? » me dit-elle …

Tout le long de mes études, bien que d’un côté je trouvais ça enthousiasmant, j’ai eu tendance à éviter les gestes « techniques ». J’ai encore la sensation affreuse de l’aiguille cherchant l’artère de Mr L. lors de mes premiers gazs du sang. J’en ai fait très peu d’ailleurs, ainsi que de ponction lombaire (PL) ou autre ponctions . Le lendemain de ma première PL, le patient est mort, mais aucun lien de cause à effet heureusement. Surtout, je ne voulais pas imposer mon manque d’expérience aux patients. Il y avait toujours un autre plus motivé ou plus doué que moi. Et puis après,je savais que cela ne me serait pas utlie de savoir faire certaines choses pour être généraliste. Quand j’essayais quand -même, parfois j’y étais obligée, dès que je voyais que je n’y arrivais pas ( maudites PL où je butais toujours contre la vertèbre) je n’insistais pas longtemps car je pensais au pauvre patient et je passais la main très rapidement …Bref, comme Jaddo, je n’ai jamais appris …

Quand j’étais interne et que je trimais comme une esclave aux urgences gynéco où l’organisation était en tous points catastrophique, il n’y avait qu’une infirmière pour le bloc et pour bilanter les femmes des urgences. Parfois, mes patientes devaient attendre plusieurs heures pour une simple prise de sang, alors j’ai eu l’idée folle de vouloir faire les prises de sang moi-même.J’ai dû en réussir quelques une je pense mais ce fut très laborieux, je me souviens d’une patiente qui m’a dit « Non, tant pis, laissez-tomber, je préfère attendre. »

Je continue encore aujourd’hui à me battre pour aspirer avec mon aiguille les vaccins à reconstituer. Si quelqu’un peut m’avouer que je ne suis pas la seule à vivre des moments de solitude à me battre pour aspirer toutes les gouttes, ça me fera chaud au coeur. J’ai quand-même fait des progrès depuis mes premiers vaccins: il faut quand-même comprendre que même si c’est pas compliqué, personne ne nous a jamais appris à faire des vaccins, cela devait paraitre trop simple et bien moins utile dans la vie que de savoir faire une biopsie des glandes salivaires. Lors de mon stage en cabinet, je me suis retrouvée toute seule à faire un vaccin ROR à un pauvre petit enfant de 2 ans , et à tellement lutter pour attraper le produit que j’en ai tordu l’aiguille et que ( je ne sais pas pourquoi ni comment mais il ne devait pas y en avoir d’autre) j’ai planté une aiguille tordue dans le bras du petit garçon … honte sur moi …

C’est pas ma faute, j’ai deux mains gauches …

Des fois, j’oublie, je veux y croire quand-même, je veux être un médecin qui met des implants contraceptifs et qui les enlève aussi.J’en ai posé et enlevé quand j’étais interne mais j’étais assistée de deux infirmières, il y avait les autres internes, on s’y mettait à plusieurs. Arrivée au cabinet, je ne l’ai pas cherché mais quand l’occasion s’est présentée, je me suis dit  » tu peux le faire » .J’ai mis un implant à une jeune fille si profond que quand un médecin voudra lui enlever, je l’entendrai me maudire de là où je suis, ou peut-être même que c’est après cette jeune fille qu’ils ont décidé de le rendre radio-opaque.

Récemment, une de mes patientes, la première je crois en plus à avoir signé le papier médecin traitant désire enlever son implant, je lui dis OK je vais le faire .Cela m’avait l’air facile, on le sentait très bien, il dépassait, je n’avais qu’à faire une petite incision et tirer…Mais oui bien sûr!! Docfanny je pense à toi, tu as du vivre les mêmes moments que moi , ce petit bout de plastique qui te nargue, s’éloigne quand tu crois l’attraper, quand tu tires fort dessus mais que en fait c’est un bout de graisse sur lequel tu as tiré ,  la patiente qui te dit d’arrêter mais tu veux essayer encore parce qu’il est juste là. Pour le coup, je pense que ce n’est pas juste nous, même ceux qui sont plus doués galèrent avec ce p. d’implanon…

Par chance, ma collègue est venue m’aider mais c’était affreux, je l’ai dérangé entre deux consult, elle n’y arrivait pas non plus ( elle a fini par y arriver heureusement) , la patiente criait, je n’osais pas dire à ma collègue de faire gaffe quand-même, que la patiente était séropositive, je ne trouvais pas ça très courtois vis-à-vis de la patiente , et comme j’étais plantée là à regarder, un peu tremblante, le scalpel à la main , je n’ai pas trouvé de meilleure idée que de me piquer le doigt avec le scalpel plein de sang …ne me demandez pas comment, je n’ai pas compris ….

Triple fail !

La morale de l’histoire c’est que quand on a deux mains gauches, on assume. Plus jamais ( ne jamais dire jamais mais quand-même ) je ne touche à un implant .

Pour ceux qui seraient effrayés par la chute de cette histoire, je vais très bien. Cette histoire m’a apporté beaucoup, être sous trithérapie pendant un mois, sentir le regard différent du pharmacien quand on va chercher son traitement , subir les effets secondaires terribles pendant un mois en comptant les jours mais surtout en pensant que pour certains c’est toute la vie, prendre du zophren pour tenir debout ,découvrir que le zophren est permis au premier trimestre de la grossesse et envisager une prochaine grossesse avec moins de peur, tout ça en valait peut-être la peine ! Allez la prochaine fois je me casse une jambe pour voir ce que ça fait!