Bon, ben, j’y suis allé quand-même.
Ce week-end, je suis allée aux Journées Nationales de Médecine Générale.
L’année dernière, j’y suis allée pour valider mes heures de FMC obligatoires, j’y étais déjà allée il y a plusieurs années. J’avais trouvé ça plutôt pas mal. Alors cette année, je me suis dit que j’allais y retourner.
Mais, après le billet de Jaddo: Formation Mes Couilles , je me suis sentie toute bête.J’ai bien eu l’impression qu’elle parlait du même congrès, bien que je n’en ai pas eu le même ressenti, en même temps, je suis un peu bête comme fille, peut-être mon esprit critique peu développé m’a empêché de voir les choses telles qu’elles sont.
Je sais que cet esprit critique peu développé quelque soit le domaine est à la fois ce qui fait mon charme et ma faiblesse dans la vie. Mais le billet de Jaddo ainsi que la rigueur de certains de mes confrères dans la vie et surtout de ceux que je cotoie depuis peu sur twitter m’ont fait me poser des questions sur moi-même. D’ailleurs, petite digression, depuis que je suis sur twitter, je subi je pense leur très bonne influence, je suis au courant des dernières actualités médicales, des dernières études, je lis les blogs de très bons médecins qui se remettent constamment en question, c’est un vrai enrichissement, mais je m’interroge: comment ça se fait que les médecins sur twitter et la blogosphère soient de si grande qualité? Où sont tous les mauvais médecins? Ils ne savent pas se servir d’internet? Quel biais de recrutement! Et du coup, des fois je ne me sens pas à la hauteur et je n’osais même pas dire que j’allais aux JNMG.
Certes:
– je ne reçois pas les visiteurs médicaux, en grande partie par idéologie, mais aussi en partie du fait que mes remplaçés ne les recevaient pas, je ne sais pas comment j’aurai tourner sinon…(je m’aperçois d’ailleurs que je leur dois beaucoup, j’ai eu de la chance de tomber sur des bons médecins pour mes premiers remplacements qui sont ceux qui nous formatent et B. , puisque maintenant tu es un de mes lecteurs, je vous remercie toi et O.)
– j’ai refusé de faire subventionner mon pot de thèse ou tout autre avantage que je pourrais retirer d’un labo.
– Je suis abonnée à Prescrire et à rien d’autre d’ailleurs .
– Je fais des FMC valables et n’ayant aucun conflit d’intérêt .
Bon, ben, ce n’est pas mal tout ça mais:
Il y a des choses que je n’ose pas dire parce que ce n’est pas politiquement correct, alors aujourd’hui c’est jeudi la grande confession! ( bon c’était jeudi quand j’ai écrit le début en tout cas )
-J’ai toujours mangé tout ce que je pouvais avaler aux délicieux pots offerts par les labos à l’hôpital, j’ai même pris les petits cadeaux qui allaient avec ..
-Une de mes meilleures amies travaille pour un labo et je l’aime! Et si elle arrivait à m’inviter à aller avec elle gratos à un de ses congrès au bout du monde réservé aux cardiologues, aurais-je la force de dire non ?
Attention, de pire en pire:
-J’ai appelé ma fille Lilly. Je n’ai pas choisi ce nom en hommage au Prozac mais je l’ai orthographié de cette façon parce que je ne pouvais pas le voir écrit autrement que comme le labo, et enceinte, quand je bossais en diabéto, je demandais à la dame du labo de me donner des stylos et des tasses au nom de ma fille.
-J’ai eu de la peine l’autre jour en passant à l’hôpital en voyant un visiteur médical attendre des heures dans le couloir, c’est un dur métier quand-même…Par pitié, je lui aurais presque dit de me faire son topo … ( eh je plaisante quand-même, je suis pas bête à ce point ..)
Attention, là ça devient limite innavouable ( ce doit être le smoothies du labo qui me fait perdre la tête )
-Prescrire m’énerve des fois! Si on les écoutait, on ne prescrirait jamais rien…Je les trouve parfois un peu excessifs… enfin parfois quoi…bon je sais au fond de moi qu’ils ont raison mais quand-même…quand-même des fois un rhume, c’est chiant… et moi j’avoue je prends de l’ibuprofène et le truc vert qui débouche le nez et ça marche, et c’est mieux que d’attendre sans rien prendre.
et pire ( ne me rejetez pas):
-Je prescris du sirop pour la toux ! parfois, souvent ? (Merci à Martin Winckler dans sa réponse à Borée pour son discours nuancé qui m’a fait du bien) et pleins d’autres médicaments diaboliques tels que le primpéran, l’ibuprofène, et une fois, un jour, quand j’étais remplaçante, j’ai renouvelé du médiator….
Bon si après tout ça, il me reste une quelconque crédibilité, je vais raconter à ceux que ça intéresse mes trois jours aux JNMG. J’y suis donc allée, je me suis dit que l’année dernière, j’avais appris des choses, que ça allait me changer un peu du cabinet, de me faire du bien de me changer les idées, de rencontrer des gens, d’apprendre des choses et que je l’espère , je saurai faire la différence entre les discours cohérents de ceux du diable.
Je me dis que des fois, il ne faut pas être trop extrémiste dans un sens comme dans l’autre.
Bon, au début, je n’osais même pas boire un verre de jus d’orange, de peur de brûler vive sur place mais à J3, malheureusement j’ai été prise d’une fringale et je me suis jetée sur les petits fours Lenôtre d’un labo (mince je vais être obligé de prescrire autant de leur médoc que de petits fours que j’ai mangé, et tant qu’à avoir fauté, j’en ai mangé plein!) , @BaptouB fut le témoin de cet affligeant spectacle!
Alors, je vais vous livrer ma version bisounours de ces journées et je vous laisse faire des commentaires pour me signaler les choses diaboliques que je n’ai pas du remarquées .
Alors, honnêtement , je n’ai pas vu les labos en dehors du hall d’acceuil où tous les stands étaient regroupés, là d’accord, des labos, il y en avait, au milieu de stands de gens très bien d’ailleurs comme des syndicats, des organismes de FMC et le stand de la Seine-Saint-Denis qui recrutait des médecins en PMI et à la MDPH. ( si quelqu’un est intéréssé par le 93: vous pouvez me contacter …). A part un topo subventionné par coca, je n’ai pas assisté à une seule intervention subventionnée par un labo! Il y avait des présentations faites par des gens très bien, d’autres nettement moins intéressantes mais globalement j’ai trouvé ça bien ! Ben oui, aucun esprit critique ? Peut-être .
Premier jour: les médecins généralistes façe au cancer:
Alors déjà, je me dis que par rapport à l’année dernière, il y a eu du changement. L’année dernière, c’était intitulé « Etats Généraux », scéance plénière dans un grand amphi avec pleins de gens importants de l’INCA, de la ligue contre le cancer, Mme la ministre qui était venue, avait lu son papier et était repartie. On sentait bien la volonté de dire que le cancer c’était important (et que le plan cancer servait à quelque chose) et surtout de dire que les médecins généralistes étaient importants. Cet effet de mode est passé, cette année, tout le monde a l’air de s’en moquer un peu. Le congrès est gratuit pour ceux qui viennent à cette journée, c’est dire…
Alors là j’avoue, il y a des petits cadeaux, bloc notes, stylos et des affiches partout mais c’est de la ligue contre le cancer, je me dis que j’ai le droit de me servir du style pour écrire non?
Du même principe, je n’ai pas osé faire ma Jaddo et me lever demander à l’intervenant qui est coordinateur régional du dépistage du cancer du sein ses conflits d’intérêt .
– Premier atelier: dépistage du cancer de la prostate
Trois intervenants: un médecin animateur représentant de la revue du praticien de médecine générale, un généraliste très bien et un urologue qui avait du perdre à la courte paille pour être envoyé comme ça dans la fosse aux lions défendre le PSA .
Bon, le débat fut le même qu’il l’est chaque fois, même l’urologue avait l’air peu convaincu par ses arguments.
Je retiendrai trois phrases:
« Aucune société savante ne recommande le dépistage de masse »
« Si on enlève la prostate aux urologues,qu’est ce qui leur reste? »
« La réponse est peut-être oui, mais quelle est la question? »Woody Allen
Et bien sûr, Dominique Dupagne a été cité dans la discussion …
– deuxième atelier : dépistage organisé du cancer du sein
Compte tenu de l’actualité sur ce dépistage, je me suis dit que ça pouvait être intéréssant, du coup, j’ai renoncé au colon et au col de l’utérus … et bien non: objectivement, je n’ai rien à dire d’intéressant sur ce qui a été dit …
– Scéance plénière
Tout aussi ennuyeuse, sauvée par l’intervention toujours intéressante d’Axel Kahn dans le cadre du comité éthique et cancer, malheureusement entrecoupée de très nombreux problèmes techniques de micro …
Puis je suis partie avant la fin, et j’ai loupé Mme la Ministre qui ,surprise, finalement est passée dire bonjour. Mince, mon départ précipité vous prive de la retranscription de son discours probablement passionnant .
Deuxième jour :
-Scéance plénière: la réforme du médicament: je ne sais pas, j’ai loupé ..
Ensuite, il s’agit des présentations auxquelles moi j’ai choisi d’assister, il y en avait beaucoup d’autres dont certaines probablement subventionnées par les labos
-le médecin généraliste et le kiné:
Par un kiné et un médecin généraliste de MG Form ne déclarant pas de conflits d’intérêts.
Et bien, c’était très intéresant, j’ai appris pleins de choses, la principale étant celle ci, que personnellement j’ignorais: depuis la réforme de code du travail en 2000, en fait il ne faut plus prescrire le nombre de scéance ni la localisation sur l’ordonnance: il faut prescrire simplement kinésithérapie sur l’ordonnance ( ne rien écrire comme motif sur l’ordonnance car cela va au service administratif de la sécu et que c’est rupture du secret médical) , accompagné d’un courrier explicatif pour le kiné qui dans ce cas est obligé de faire un BDK ( bilan dignostique de kiné) qu’il envoie au médecin conseil ( et à nous si on lui demande) et il décide lui même ce qu’il fait et du nombre de scéance. Si on écrit le nombre de scéances, il n’est pas obligé de faire le BDK et ne peut pas modifier nos prescriptions .
– Repas/Conférence ( c’est à dire que pendant qu’on écoute, on mange notre petit plateau repas, j’aime bien le concept) : Consommation alimentaire (et en particulier les boissons)des adolescents.
Alors là, c’était carrément subventionné par coca, c’est quand même le comble pour présenter une étude qui montre que les adolescents consomment beaucoup beaucoup de BRSA ( boissons rafraichissantes sans alcool).Ils consomment également beaucoup beaucoup de boissons avec alcool mais étonnamment, cela ne ressort pas trop dans l’enquête. En tout cas, tant qu’à aller à un topo subventionné, autant prendre le plus diabolique de tous avec coca! Ca tombait bien, moi qui n’en ai jamais bu, j’ai développé récemment une vraie addiction au coca (zéro bien sûr), du coup, j ‘ai piqué plein de canettes!
Bon, alors les résultats de l’enquête pas très passionnante montrait que les ado mangent de tout mais plus de plats industriels et moins de légumes et boivent plus de sodas que les autres tranches d’âge …un scoop quoi …Bref, la morale de l’histoire: on est foutus, on mange trop! Prenez un coca pour faire passer la pilule !
Heureusement, après une nutritionniste a dit des choses très intéressantes et à priori avec deux ados à la maison avait l’air de bien connaitre le sujet, son « l’éducation, c’est dur » semblait plein de vécu. Son discours a juste été parasité par neuf » au jour d’aujourd’hui » qui m’ont bien agacé.
– Topo sur le baclofène dans le sevrage alcoolique.
Pas de conflit d’intérêt, intervenants de l’INSERM et un des profs de ma fac qui mêne la grande étude multicentrique qui va débuter sur le sujet, mais qui est subventionnée par la sécu .
Un rappel historique et physiologique tout à fait rapide et le bienvenu pour ma part , même si j’ai un peu passé l’âge des histoires de récepteurs gamma béta inhibiteurs et de pré et post synaptiques qui me rappellent ma jeunesse…
J’ai maintenant les idées bien au clair sur cette histoire de baclofène dans le sevrage alcoolique et c’est très bien .
A noter que le baclofène côute moins cher que le placebo! Budget de l’étude de 2,5 millions d’euros dont 250 000 euros pour le baclofène et 290 000 euros pour le placebo .
-Topo sur l’impact que peuvent avoir les polluants sur la santé et la fertilité.
par un médecin généraliste sans conflit d’intérêt, et deux chercheurs de l’inserm.
Ce n’est pas du tout un sujet qui me passionne mais c’était néammoins instructif et un tout petit peu flippant : en gros les études montrent une baisse de la fertlité avec le temps qui semblent liés à des polluants aux noms barbares tels que POP, phtalates , bisphénol A et autres perturbateurs endocriniens … bon, ça ne m’a pas empéché de dormir non plus .
– Atelier sur les nouveaux migrants en médecine générale.
Par le groupe repère, bien sûr, aucun labo ou conflits d’intérêt, réflexions en petits groupe , intervention adaptée aux demandes très intéressante de Olivier Bouchaud, chef du service de maladies tropicales d’Avicennes, bref très bien .
Troisième journée
C’est bientôt fini, promis, ça va aller vite car pour ma part, elle fut courte .
Je ne suis venue qu’à midi ,en bonne mère j’ai loupé la conférence sur les troubles fonctionnels intestinaux pour emmener ma fille à la gym (oui gym à perpèt les oies le samedi matin à 9h..) et j’ai bien fait car elle a gagné la couse en sac.
J’avais RDV avec @BaptouB devant le stand de la Seine-Saint-Denis, il y avait deux personnes mais j’ai deviné que c’était celui qui avait un téléphone dans la main ..Cela m’a fait plaisir de rencontré une personne de twitter, cela montre que ce n’est pas un monde virtuel mais que c’est bien réel et j’ai passé un très bon moment avec lui …
-Déjeuner/Débat sur être maitre de stage
Bon, avec @BaptouB, nous avons plus déjeuné que débattu ( il a pris deux paniers repas !) et surtout discuté un peu. C’était en outre agréable de pouvoir twitter sans se sentir impoli par rapport à son voisin.
Quand à la maîtrise de stage: ben oui, il en faut , c’est enrichissant et comme ça va bientôt faire un an que je suis installée, je vais pouvoir avoir des externes .. J’ai toujours voulu avoir des externes, quand j’étais moi-même externe, je me représentais comment je m’occuperai d’eux quand je serai interne. Mais le seul stage en CHU pour lequel j’ai eu des externes, c’était la gynéco mais c’était le bordel ce stage. Bref, j’ai été une interne sans externe pour faire la basse besogne et pour satisfaire mon envie naturelle d’enseigner. Donc même si je sais que c’est difficile, je vais avoir des externes puis probablement plus tard des internes …
-Promenade dermatologique parmi les tumeurs noires.
Avec des photos de grains de beauté/mélanomes/ou truc dans le genre présenté par un médecin généraliste du réseau paris nord d’oncodermatologie ou un truc comme ça et une jolie dermatologue avec un erysipèle, sans conflit d’intérêt bien sûr , aucun autre intérêt que de faire en sorte que les médecins généralistes que nous sommes regardent leurs patients et savent reconnaitre un truc noir gentil d’un truc noir méchant. Peut-être un jour grâce à ces JNMG, je sauverai une vie .
Car pour l’instant, ce n ‘est pas gagné: j’ai dit histiocytofibrome ( oui j’en imagine, médecins ou pas médecins, qui se disent que c’est déjà bien de connaitre le mot et je le pense aussi d’ailleurs) pour un cancer baso cellulaire ainsi que pour un mélanome nodulaire ( pour ma défense celui là, c’est vraiment un vicieux) , par contre je ne l’ai pas dit car je n’osais plus pour l’histiocytofibrome…
En tout cas, encore une fois, c’était très instructif! Mais surtout, très flippant, je me suis dit mais mince j’ai oublié de le faire,que j’allais dès le soir même chercher un mélanome sur mon mari et tout du moins lui faire un « book: photos de ses grains de beauté » et l’envoyer chez le dermato !
Quant à moi, dès que tu peux, ma boutonnologue préférée, tu me dis quand je peux venir avec toi, car tout ce que je connais (y compris l’existence du mot histiocytofibrome même si je ne sais pas encore l’utiliser à bon escient) je l’ai appris de toi!
Et oui, je compte parmi mes amies, une des dermatologues les plus renommées ( pour de vrai hein!), je lui envoie des photos de mes patients pendant les consult ( la pauvre ) mais elle veut pas venir sur twitter ….
Voilà ensuite, je comptais aller pour le dernier topo à celui intitulé: le patient difficile qui m’intéressait bien mais j’ai dû y renoncer pour aller prêter main forte à ma patiente difficile à moi : Highlander qui a fait un petit tour aux urgences pour une vilaine plaie mais plus de peur que de mal. Pour rendre à César ce qui est à César, la prise en charge à été parfaite ( bon surtout à partir du moment où je suis arrivé, il est vrai). J’ai bien rigolé en croisant l’interne de chir que j’avais « agréssé », je l’ai entendu demandé dans le poste de soins l’angoisse dans la voix ce qu’on faisait là et il est reparti fissa extrèmement soulagé de savoir que ce n’était pas pour lui.
Voilà, ce billet fleuve pour vous raconter ces trois jours et me justifier d’y être allé. De mon point de vue de Bisounours, les JNMG sont plus une Formation Médicale Continue qu’une Formation Mes Couilles , cette année, pas de petit boitier , pas trop de labos, j’ai rencontrer des amis, des connaissances, une copine de promo a même fait une présentation en gynéco, j’ai appris des choses, je me suis parfois ennuyé aussi mais si je peux , j’y retournerai l’année prochaine.
Pour ceux qui ont eu le courage de tout lire, j’attends l’opprobe de vos commentaires …