Un sous-sol d’hôpital, un nouvel interne visiblement perdu qui cherche le chemin de la lingerie….
Ce sont les premières secondes du film Hippocrate. C’est un peu comme la madeleine de Proust de la recherche de la blouse…Tout de suite, des souvenirs rejaillissent. Je ferme les yeux et je me retrouve dans une blouse trop grande pleine de tâches propres à dire « Bonjour, je suis la nouvelle interne »
Tant de souvenirs de premier jour de stage..Il faut dire que l’on en a eu beaucoup des stages, du petit étudiant à l’externe et l’interne. Pas facile les premiers jours, pas facile quand on est timide et qu’ en plus on n’aime pas le café.
Je ne vous dévoilerai pas plus de ce film que je vous conseille d’aller découvrir.
Ce film, c’est comme lire le livre de Jaddo, ça parle, ce sont des moments vécus. Et ça va au delà, c’est un beau film je trouve. Il rappellera des choses aux médecins mais aux autres soignants aussi. Et pour les autres, vous verrez un peu l’envers du décor, ce que nous, nantis, avons vécu. Et puis, vous verrez peut-être les médecins étrangers qui font tourner les hopitaux d’un autre oeil…
Hippocrate, réalisé par Thomas Lilti, lui même médecin, sort au cinéma le 3 septembre.
Après, le quizz de l’été, voici le jeu-concours de l’été (oui parce que l’été n’est pas fini).
Je vous propose 5 invitations de deux personnes (offertes par LE PACTE avec qui je n’ai aucun conflit d’intérêt) pour aller voir Hippocrate, le film, valable dans tous les cinémas de France.
Pour participer, il faut me raconter une anecdote ou tout simplement un récit concernant un premier jour de stage ou de travail. Tout le monde peut participer du coup évidemment, médecin ou non médecin. C’est pour vous faire replonger dans vos souvenirs, je suis sûre que vous avez des tas de choses à raconter.
Vous pouvez me laisser le récit en commentaires de cet article ou si vous êtes timides en privé par le formulaire de la page contact.
Vous avez jusqu’au 2 septembre.
Je sélectionnerai arbitrairement les 5 gagnants comme il me le plaira.
Premier jour de stage. Externe en endocrino. J’avais réussi à trouver une blouse, j’avais bien rangé tous mes petits stylos dedans, et mon stéthoscope, et mon marteau à réflexe, et mon petit carnet. Pas mon téléphone parce que c’était y’a longtemps et que j’en avais pas.
J’avais fait bien attention à pas marcher dans le mouillé.
J’avais dit bonjour, j’avais été polie juste ce qu’il faut, pour pas me faire remarquer.
Avant de commencer la visite, j’ai fait un saut aux toilettes. à gauche c’était un peu sale, alors j’ai été dans les toilettes de droite.
Ce n’est qu’une fois assise sur les toilettes que j’ai réalisé qu’il n’y avait pas de poignée à l’intérieur. C’était les toilettes du personnel, et c’était fait exprès pour que les patients n’y aillent pas (dans une logique qui m’avait parue logique quand on m’avait expliqué à l’époque, mais qui m’échappe aujourd’hui). Pas de poignée, mais par contre la porte était bien bien fermée…
Voilà comment le premier jour de stage, je me suis retrouvée à tambouriner à la porte pour qu’on vienne me libérer des WC.
Au moins après, les infirmières et aide-soignantes voyaient très bien qui j’étais.
PS : c’est pas pour gagner les places, hein, c’est juste parce que j’aime bien le principe du concours 🙂
Quatriième année de médecine.
Poste d’infirmier au mois d’aôut à Béclère (CHU parisien).
En équipe de nuit.
Service de pneumologie.
Personne ne m’a briefé.
Trente lits avec des insuffisants respiratoires.
Un aide-soignant expérimenté. Pas d’IDE.
Première nuit : un calvaire pour moi (et un aide-soignant charmant). Je ne savais rien faire. C’était dramatique : IV, IM, sous-cutanée, perfusions, changements de sonde, et tout le reste.
Deuxième nuit : deuxième calvaire. J’avais honte pour moi et pour l’aide-soignant qui, au lieu d’avoir un aide avait un boulet.
Troisième nuit : idem mais je savais faire plein de trucs et j’avais lu des trucs à la bibliothèque.
Le lendemain j’ai demandé rendez-vous avec un « chef », ou un sous-chef (le patron était en vacances) et je lui ai expliqué la situation : il était effaré. Il n’était pas au courant.
Je me suis retrouvé affecté dans un autre service où j’ai dormi presque toutes les nuits.
Une infirmière est arrivée en pneumologie.
C’était en 1975.
Premier jour de stage dans une agence de traduction. Ils ont beaucoup de clients dans le secteur médical/pharma, je suis ravie, parce que la médecine et la pharma, je ne sais pas pourquoi, mais c’est mon dada, et puis parce que c’est dans la ville où j’habite, et que du coup, j’ai pas besoin de quitter mon amoureux pour faire ce stage. \o/
En entretien pré-stage, le directeur m’a demandé : « Pourquoi tu veux faire ce métier ? », puis m’a coupé la parole rapidement : « Oui, bon, trouver le mot juste, la phrase fidèle, faire sens, satisfaire le client et l’utilisateur, gnagnagna, super ! Mais tu sais qu’on est là pour gagner de l’argent, hein ! » Bon…
Premier jour donc. Je suis un peu timide au départ, comme un diesel, il me faut un peu de temps pour que ma vraie personnalité apparaisse, et lui, il aime bien en imposer…
« Aude, t’as rien à faire ? »
« Si, je… »
« OK, y a plus de café. »
« … »
« Y a plus de café ! »
En une demi-matinée, j’avais à peu près cerné le personnage. J’étais là pour faire de la traduction, pas du café, et puis d’abord, je bois du thé. J’ai fait du café, serré le café, un beau goudron que si tu veux tu bouches les nids-de-poule de la rue principale avec.
« Denis, le café est prêt, je vous l’apporte ? »
Retour à ma traduction. Il ne m’a plus jamais demandé de faire le café. (mais en vrai, je sais très bien faire un bon café)
Ouah alors moi je suis la reine des premiers jours de stage pourris!!
Premier jour en tant que P2 (ouh…ça date!) je me suis écroulée (malaise vagal) dans la première chambre lors de la visite
premier jour de stage en médecine interne dans gros CHU entouré de vignes et pas loin d’Arcachon ( snif souvenirs ) , il y a bien longtemps .
j’étais externe
le Patron, Grand Professeur, genre Mandarin, nous reçoit autour d’un pot de bienvenue sponsorisé
je retiens toujours l’Homme et sa phrase » les enfants, entre boire et conduire il faut choisir … j’ai choisi : je bois ! »
pendant tout le stage nous avons eu LE du Vendredi midi …
je m’autorise maintenant, aprés ces années, un débriefing avec certains internes autour de quelques nectars
merci Professeur ( RIP ) de m’avoir fait aimer mon métier !
😉
C’était mon premier jour en tant qu’interne de médecine générale.
J’avais choisi un stage que je connaissais pour y avoir fait un stage d’externe 6 mois plus tôt. Je voulais ce stage, je l’ai choisi en conscience, en hommage à une équipe paramédicale que je savais exceptionnelle.
C’était un défi par avance.
Il serait mon stage CHU, parce que je devais le faire et que je savais bien qu’après mon esprit de généraliste n’aurait plus pu se soumettre à ce milieu que j’ai appris à abhorrer, je savais que plus tard aurait été trop tard.
Deux jours plus tôt je n’étais rien, tout juste externe. Ce jour là, je devenais médecin.
Avec une très bonne amie, C…, nous nous rendîmes en tram au lieu de nos exploits futurs. Elle angoissée, moi calme, je me revois encore lui dire de ne pas s’en faire, que le premier jour serait celui où moins que les autres elle ne serait laissée seule et que s’il devait se passer quelque chose, elle ne pouvait être seule face à son destin.
Son premier jour s’est bien passé et elle put se rassurer. Je fus heureux pour elle. De mon côté, j’ai une chance folle, je fais peu de cas des situations extérieures qui ne dépendent pas de moi, même si elles me malmènent. Je suis heureux de ça.
Nous étions six internes de médecine générale affectés à ce service. Pour quatre d’entre nous c’était le premier jour.
Je connaissais bien le service, je m’y étais investi lors de mes 3 mois de stage d’externe.
Nous fumes accueillis par l’assistant chef de clinique. Pendant une bonne demi heure il nous a présenté le service. Qui fait quoi, où et en insistant bien sur les fiertés locales : la consultation et l’hospitalisation de jour où les éminents gériatres faisaient des bilans surréalistes et enfin le service de soins intensifs gériatriques où je découvrirai plus tard qu’on peut tenter de ranimer n’importe qui n’importe comment à des âges indécents.
Rien sur le reste, c’est à dire les secteurs d’hospitalisation, qui allaient pourtant devenir mon quotidien. Rien non plus sur ce qu’allaient être notre rôle, nos fonctions. Nous devenions médecins par incarnation pure, je le sentais bien.
A l’issue de cette introduction hagiographique, nous avons appris que seuls 2 praticiens étaient en poste ce jour là, le chef de clinique et une PH (=Praticienne Hospitalière). L’un était censé superviser l’hospitalisation (les soins intensifs donc et éventuellement le reste), l’autre l’activité ambulatoire (consultations et patients hospitalisés pour un jour). Le reste, 6 médecins de tous grades, étaient tous en vacances, en même temps, au moment même du changement d’internes, alors même que les 2/3 des nouveaux étaient vierges de toute expérience médicale.
C’est par un mot ensuite qu’il nous a enjoints à nous présenter auprès de la secrétaire du Professeur afin de remplir de la paperasse. Une liste d’émargement plus tard elle était prête à nous laisser dans la nature quand elle s’est rendue compte que nous étions sans blouse et avions l’air désoeuvrés.
Elle nous a donc emmenés devant un placard metallique posé dans un coin d’un couloir et nous l’a ouvert. Nous devions y trouver nos blouses. Inutile de dire que toutes n’étaient pas propres ou défroissées et encore moins à notre taille mais en 5 minutes on a fait au mieux, un peu pressés, faut le dire, par les soupirs de notre guide qui nous faisait clairement comprendre qu’elle avait autre chose à faire.
C’est après que ça devient drôle, risible en tout cas.
Equipés comme nous pouvions et toujours aussi hébétés au milieu du couloir nous posâmes LA question à notre interlocutrice : « et maintenant on fait quoi ? » Sa réponse me fait encore sourire aujourd’hui et ça faisait à peu près : « ben j’en sais rien moi je suis secrétaire, j’ai pas eu de consignes. Vous êtes internes donc vous devriez aller faire votre visite, c’est ce qu’ils faisaient les autres mais d’abord, faut vour répartir. Par contre M le Pr .. VEUT que ce ne soit pas des premiers semestres qui soient en consult ou en réa mais sinon je ne sais pas quoi vous dire. »
Nous étions 6 dont 4 « premier semestre » la répartition s’est donc vite faite, le gars en 5eme semestre qui-voulait-faire-de-la-gériatrie irait en consultation et le camarade Cambodgien, qu’on ne connaissait pas et dont on avait compris qu’il était en équivalent stage d’interne de 5eme semestre et qui était toubib déjà chez lui mais qui causait pas trop bien le français, fut affecté en réa. Nous, les nouveaux, nous sommes répartis entre les 2 secteurs d’hospitalisation restant, 2 dans chaque. Moi, j’ai choisi le secteur que je visais où je connaissais l’équipe.
Je passe l’étape où des âmes en peine ont cherché en vain un semblant de chef dans les couloirs d’un service déserté par ses médecins et vous amène directement au chapitre suivant.
J’étais donc pour le semestre à venir affecté au secteur d’hospitalisation où j’avais été externe.
J’avais eu l’occasion de connaitre ce secteur à un moment délicat de son fonctionnement puisqu’a ce moment là il avait été désigné comme secteur hôte pour les patients porteur d’un ERV (entérocoque résitant à la vancomycine, ou germe multirésistant difficile à éradiquer et qui faisait peur aux responsables de l’hygiène hospitalière). Des baches partout, au mur et dans les couloir pour faire des sas, des produits décontaminants, l’obligation de porter masque, surblouse, surchaussure, gants… bref la panique.
J’avais vu mon interne de l’époque contrainte de s’occuper seule de 20 patients avec des mesures de protection telles que la visite quotidienne se voyait rallongée de près de 3h30 rien qu’en temps consacré à se déguiser et se désinfecter. Je l’avais vue surexploitée par ce service mais j’avais aussi vu sa ténacité et l’incroyable équipe paramedicale qui l’épaulait, je voulais, je pense, me confronter à ça pour me tester sans doute et pour le plaisir de travailler avec « les filles ».
Entre temps, la psychose avait un peu passé et surtout on s’était rendu compte que ça coutait un bras cette débauche de « précautions ». Il y avait encore des patients ERV positifs mais désormais ils pouvaient regagner leur domicile et l’isolement était devenu simple en service. Mais l’équipe n’avait pas changé.
Ce jour là A.. et P.. étaient en poste. C’étaient des infirmières jeunes compétentes dynamiques au caractère trempé, E.. était l’aide soignante.
Débarquant façon cheveux sur la soupe dans le secteur, R.. mon co-interne et moi, nous rendons à l’office infirmier et faisons les présentations d’usage. C’est un grand bonheur de se faire accueillir par un sourire et de bons mots en souvenir des moments passés ici ensemble quelques mois plus tôt et je l’ai bien gouté. Mais un bonheur épicurien n’est pas fait pour durer et très vite il y eut le feu.
E.., l’aide soignante, est entrée dans l’office. J’ai eu le droit à la bise et l’accolade de cette figure maternelle de qui je peux dire, je pense, j’avais reçu la bienveillance et qui était réciproque. Mais E.. était venue pour quérir de l’aide. Une patiente en effet n’allait pas bien, elle devenait de plus en plus pâle depuis quelques jours et se sentait mal ce matin. Me connaissant plus que mon collègue et disposant d’un brin plus d’initiative, c’est moi qui me suis retrouvé aux cotés de P… au chevet de la patiente.
Le dossier était assez simple et un rapide coup d’oeil clinique me permit de voir que la patiente était en train de faire une hémorragie importante au niveau de son quadriceps droit puisque celui ci avait visiblement triplé de volume et qu’un hématome semi-récent commençait à poindre. Visiblement elle saignait, c’était pas tout neuf et ça n’allait pas en s’améliorant. Au vu du dossier j’ai pu me rendre compte qu’on lui avait fait 3 jours plus tôt une ponction fémorale. En même temps, la conjonction de la vacance de la présence en secteur du fait d’une grève des internes et des vacances des toubibs titulaires avaient laissé passé un saignement acitf sous traitement anticoagulant et antiagregeant à forte dose. Un simple avis téléphonique la veille au chef d’astreinte avait conclu, sans examen physique, à la nécessité d’un bilan biologique pantagruelique prélevé tranquilement au matin du lundi, ce matin là donc. A ma demande, mon co-interne partit à la recherche du chef de clinique. Dans l’attente des renforts, P.. et moi avons consulté les résultats biologiques et nous nous sommes rendus compte de l’anémie qui était en train d’apparaitre et du surdosage en anticoagulants. Je passe sur la longue liste de lignes en « attente des résultats » d’un bilan parapluie prescrit à l’aveugle.
C’est ce moment que A.. avait choisi pour venir en rajouter une couche. En effet, arrivée en courant, elle nous a informé que le patient de la chambre d’à côté, un homme de 96a faisait un arrêt cardio-respiratoire.
Je sens encore la poigne d’A… m’attrapper en même temps que le chariot d’urgence et nous conduire de force au chevet du patient où elle avait ordonné à une aide soignante de débuter le massage cardiaque. De suite l’ASH, sous le commandement d’A… était allée chercher le dossier du patient. Lourd comme un âne mort, des antécédents longs comme le bras et un traitement démesuré, aucune consigne toutefois sur la nécessité ou le souhait d’une réanimation au cas où n’y figurait.
Fallait donc réanimer.
L’aide soignante passant à la ventilation au ballon, et me hissant sur le lit j’ai entamé mon massage en donnant pour consigne à A.. de bipper la PH d’astreinte (ça tombe bien il y en a une) et de ramener l’appareil à ECG. A P… qui avait pris l’initiative de perfuser la patiente d’à coté et qui me demandait si elle devait injecter de la vitamine K, j’ai acquiescé en lui demandant de nous rejoindre ensuite au plus tôt.
Au bout de 10 minutes, je vois débarquer la PH. Elle est furieuse d’avoir été dérangée en consultation. Elle commence à me dire que je suis interne d’hospit et que si j’ai un problème il faut que je m’adresse à l’assistant chef de clinique.
Me fendant d’une remarque signifiant que j’étais en train de masser et ne pensant même plus à mon statut de novice je lui ai rétorqué qu’on en parlerait après mais que là ses états d’âme me challaient vraiment très peu.
Froide et sûre d’elle, elle me demanda depuis combien de temps on massait. Les 10 minutes ont du lui sembler assez puisqu’elle nous a sommé de stopper.
Elle ne connaissait rien de la situation, n’avait rien apporté et avait décidé du haut de son piédestal puis s’en est retournée sans rien dire ni demander.
Quelques instants plus tard, alors que nous venions de finir de déséquiper notre défunt patient, l’assistant est entré dans la chambre. Il était arrivé quelques minutes plus tôt dans le secteur et s’était enquis de la situation auprès d’une ASH.
Il fit son entrée le sourire aux lèvres. Visiblement lui prenait ça sur le ton de la plaisanterie. Il me dit : « ah j’ai appris ce qui t’était arrivé, eh bien pour un début on peut dire que tu fais pas les choses à moitié. Pour ta patiente, là j’ai vu bon elle fait un surdosage en AVK, tu lui as passé de la vitamine K c’est bien, tu la transfuseras dans la journée et sinon pour ton patient, bon c’est comme ça, faut pas s’en faire. T’as fait le bon bleu (=certificat de décès)?. Ah et puis je te laisse prévenir la famille, tu le connais mieux que moi ton patient. »
Nous étions un lundi, cela faisait 1h30, peut être 2 que j’étais devenu médecin et j’étais au CHU. Je garde de ce jour un souvenir en forme d’hommage au personnel paramédical qui m’épaula et un accroc de plus à l’image de la médecine hospitalière universitaire.
Cette fois ça y est, c’est mon premier jour d’internat, dans une toute nouvelle ville. J’ai trouvé sans difficultés l’hôpital, on m’a trouvé une blouse trop grande dans laquelle je nage un peu, j’ai rangé dedans mes stylos, mon petit carnet, et mon stéthoscope.
Flambant neuf, le stéthoscope, c’est mon petit cadeau à moi-même, ma petite fierté de nouvelle future pédiatre : un beau stétho coloré avec un petit pavillon, et un joli badge coloré avec un petit personnage rigolo qui dit « Jallora, interne ». Je l’ai accroché sur la poitrine, sur la poche de devant.
J’ai été sage, j’ai tout bien écouté ce qu’ils disaient à la matinée d’accueil, maintenant ils ont sorti les jus de fruits et les petits fours et je fais poliment tapisserie avec mon verre de jus d’orange à la main.
Un groupe de docteurs discute non loin. Elle là, la dame un peu forte et agée qui parle d’une voix affirmée, elle m’impressionne un peu : elle a le même nom qu’un bouquin super connu (normal m’a-t-on informée, c’est elle qui en est l’auteure…)
La voilà qui lève les yeux, me regarde, me souhaite la bienvenue. Pendant que je bafouille et rougis, ses yeux tombent sur mon joli bagde.
« – Jallora. (Silence) Il va falloir enlever ça.
– Ah ? Ce n’est pas autorisé ? »
Elle prend un air un peu peiné
« – Ma petite, avec la tête de jeunette que vous avez, si vous vous faites appeler par votre prénom, personne ne vous prendra au sérieux. Vous devriez vous maquiller aussi, ça vous vieillira. »
Nous sommes le 3 novembre, j’ai laissé mes parents et mon petit copain à 700 km d’ici, c’est mon premier jour d’interne, j’ai 26 ans, et je regarde le fond d’un gobelet en plastique avec dans la gorge une drôle de petite boule qui me deviendra familière et une curieuse envie de pleurer.
Je suis externe mais pas que…
Dans un grand CHRU du nord de la France. Il est 8h55. Pas de bruit, des couloirs « braziliens », ça sent le papier et pas un seul patient. Je suis en stage de radiologie. Ne me demandez pourquoi, je ne sais plus.
J’avance et tape à la porte du secrétariat du Prôôôôôôfesseur. [Ton de voix 60PA] « Il est en staff d’IRM de l’autre côté ! ». Mouais… 150 mètres et une huitaine de portes battantes plus tard, je suis « de l’autre côté ». C’est pire, les portes sont vierges, j’erre au hasard. Je passe en revue une réserve de films radiologiques antédiluviens, une salle de repos, deux portes closes pour finir dans une grande salle illuminée tachetée en noir et blanc. Bingo !
Je suis externe mais pas que, je suis aussi timide.
Il y a foule et ça discute le bout de gras en pondération T2. Mon famélique « bonjour » passe inaperçu. Alors j’écoute, entrave un mot sur deux. J’ai mal aux pieds. Au bout d’une heure, la grande masse informe des blouses blanches se met en mouvement et s’éparpille en grappes. Qui est le professeur machin ? Qui est le docteur bidule ? Je finis seul dans le couloir avec mon manteau sous le bras. Je suis David McCallum.
Pris d’un sursaut d’orgueil, je trouve que ça suffira pour aujourd’hui. Il est 10h35, je termine mon premier jour de stage en radiologie.
Docdu59 @SLMahler
(Voix de psychiatre type « renforcement positif »)
Bonjour, merci d’avoir choisi l’aile d’addictologie.
Ca me fait vraiment plaisir de recevoir de nouveaux externes, et vous avez tous l’air très motivés, vous allez apprendre beaucoup ici.
Je suis désolé pour ce premier jour, l’accueil sera un peu chaotique
Malheureusement, un de nos patient vient de se pendre dans sa chambre, et toute notre équipe va avoir besoin de soutien ce matin, je n’ai pas beaucoup de temps à vous consacrer
Je vous dis à demain?
(Je triche un peu, écrit depuis longtemps, c’est le premier billet du blog)
Il y a longtemps, un peu trop longtemps à mon goût …
Je suis à l’école de sage-femme, en première année. Après des stages plus ou moins calamiteux dont l’un dans un presque mouroir trompeusement nommé service de dermatologie, j’accède au graal obstétrical, la salle d’accouchement…
La novice se doit de servir de petite main docile au reste de l’équipe. Il nous faut gagner notre place à coup de vidage de bassin, lavage de seringues et talquage de doigtiers (ça se confirme, c’était il y a bien longtemps). Nous sommes également chargées d’accueillir les « entrées » – nom générique désignant toute femme susceptible d’accoucher se présentant à la porte – le rituel d’accueil manque quelque peu de chaleur : analyse d’urine et rasage de la vulve au coupe-chou.
Après m’être acquittée des diverses tâches qui me sont dévolues, je suis enfin autorisée à pénétrer dans une salle carrelée de blanc à l’éclairage puissant. Sur un lit articulé plutôt étroit, une femme est allongée, les cuisses écartées et recouvertes de champs bleus. Elle pousse, dirigée par une très énergique sage-femme : inspirez/ bloquez/ poussez/allez-y/ALLEZ-Y/ALLEZ-Y !
Une masse de cheveux noirs commence à apparaître, avançant et reculant au rythme des efforts maternels… Mon cœur bat plus fort… J’ai toujours souhaité devenir sage-femme – une vocation ? – et pour la première fois…
Mais une voix claironne : « une entrée ! ». Une main me désigne pour aller accomplir les rites déjà cités, pipi, rasage … Je tente de négocier avec la propriétaire de la main quelques précieuses minutes de sursis qui me sont dédaigneusement refusées. Je dois quitter la pièce. Le bébé sera né depuis longtemps quand j’en aurai terminé.
Quelques heures plus tard, nous terminons notre service et je laisse exploser colère et amertume, pleurant sur cette première naissance que l’on m’a volée…
Mes amies ont tenté de me consoler : «des accouchements, tu en verras d’autres».
Je ne suis pas du tout du tout dans le domaine médical, mais historienne de l’histoire industrielle. Je passe sur les nombreuses recherches dans des coins paumés avec embourbement de la voiture au mieux dans la neige au pire dans la bouse de vache et dégagement par le tracteur du paysan hilare… Mon premier boulot « sérieux » est dans une entreprise. Le site a plus de 140 ans et est constitué de multiples bâtiments reliés entre eux par des couloirs et des escaliers: un vrai dédale. Mon chef me fait faire le tour au pas de charge, me laisse dans ce qui me semble être un coin très reculé à 9h du matin avec pour consigne de lui amener un rapport à 12h. J’étais dans une pièce sans chauffage, avec un ordinateur qui ne marchait pas, un téléphone mais pas l’annuaire interne, et aucune idée de où étaient les toilettes et encore moins le bureau de mon chef… Il a l’air surpris (en bien?) quand je suis arrivée échevelée et couverte de poussière (j’avais même une toile d’araignée dans les cheveux) à 11h59….
Premier jour d’internat.
Médecine interne.
Après une heure de présentation du service dans le bureau de la chef de pole nous nous dirigeons ma co interne et moi dans le service qui sera le notre pendant 6 moins.
On approche du bureau des internes et là, au fur et à mesure qu’on approche, on entends notre chef hurler de plus en plus au téléphone en frappant sur le clavier de l’ordinateur comme un ours « MAIS BORDEL VENEZ RÉPARER CES ORDINATEURS ÇA MARCHE JAMAIS! EN PLUS JE SUIS TOUT SEUL MES NOUVEAUX INTERNES SONT PAS LÀ JE SAIS PAS OÙ ILS SONT FOURRÉS IL EST 10H ÇA COMMENCE BIEN POUR EUX ».
Et bienvenue 🙂
Bon je disais donc:premier jour de P2,malaise vagal pendant la grande visite (eh oui on etait une vingtaine dans la chambre et il faisait chaud au CHU,mais ça je ne le savais pas encore
Avant-même d’être reçue en deuxième année, et de faire officiellement mon entrée comme stagiaire dans un hôpital, j’avais déjà eu une « première fois ».
Après mon échec au concours de première année, un de mes oncles m’a proposé de venir le rejoindre et le suivre partout dans son travail dans la petite clinique où il travaillait comme anesthésiste.
Dans mon esprit tout frais, je ne me destinais pas à une spécialité de bloc, mais après tout, je ne connaissais rien de cet univers, et si je voulais vraiment « faire médecine », je savais que j’en passerais par là de toutes façons, alors j’ai dit banco.
Mon intrusion dans le monde médical avait commencé la veille par une rapide présentation des services de la clinique, des personnages-clefs, une visite aux patients du lendemain, bien cachée derrière la blouse de mon guide, et une lecture en direct d’un électro-cardiogramme à laquelle je n’avais rien compris : du cœur, je ne connaissais que des schémas anatomiques.
Donc me voilà un matin très tôt devant une grande porte à battants garnie de ces mots magiques : » bloc opératoire » surmontés de cette mention solennelle : » accès interdit à toute personne étrangère au service ».
Inscrite en fac de médecine, pas reçue au concours, mais réinscrite avec beaucoup d’espoir, me voilà devenue sans réel statut une personne peut-être plus si étrangère au service, et par là donc un peu autorisée à pénétrer ce lieu que je ne connaissais encore qu’au cinéma.
Premier choc : je vais devoir me séparer de mon mentor pendant quelques minutes, le temps de passer chacun dans un vestiaire, lui dans celui des hommes, moi dans celui des femmes, pour revêtir une tenue. Je passe timidement la porte en priant pour bien le retrouver de l’autre côté. J’ai la sensation de rentrer dans le centre de la terre, dans ce petit cube appelé « bloc », niché au cœur de ce grand bâtiment. Je fais tout comme on m’a dit : pyjama bleu, sur chaussures en papier, calot dans lequel j’essaie de bourrer tous les cheveux.
A mon grand soulagement, je retrouve mon guide à ma sortie. Je suis sur une autre planète : il fait froid, on entends en fond le discret vrombissement des néons et de l’air conditionné, tout est bleu partout, et je vois circuler en tous sens et d’un pas décidé des individus tout habillés et coiffés à l’identique.
– Viens, on y va, tu me suis. Je suis à l’ORL, cette semaine. Avec mon associé, on tourne, on fait pour une spécialité différente chaque semaine. La semaine prochaine, tu verras l’ortho, après le digestif et l’uro, et après le vasculaire.
Au passage, il me présente successivement plein de gens, qui me saluent tous aimablement, mais je n’en différencie aucun : tous ont le même pyjama bleu, le même calot et un masque. Je réunis toute ma concentration pour mémoriser les noms et les accorder avec les regards, repérer les lieux où nous circulons, mais je suis vite débordée, alors je n’ai comme solution que de coller au plus près à mon guide.
Je regarde la chirurgien se laver les main, pendant qu’il m’explique les règles d’asepsie de base, et m’indique en gros les zones où je peux me tenir, les choses que je peux toucher, et celle dont je ne dois surtout pas m’approcher.
Tout n’est pas clair dans mon esprit, les informations se bousculent, alors je prends le parti de me faire transparente dans un coin de salle : je suis plaquée contre le mur pour éviter tout faute, et j’observe.
Le chirurgien entre en poussant du dos la porte à battants, ses mains mouillées devant lui tournées vers le haut, et se les essuie en discutant tranquillement avec mon oncle.
Au cinéma, l’atmosphère du bloc est toujours dramatique, sérieuse, un brin militaire, et je me trouve juste avant une intervention au milieu de gens qui paraissent normaux, avec des conversations banales. Ce lieu n’est peut-être pas si terrible, au fond. Il est peut-être même possible que, comme dans M.A.S.H., on y rigole de temps en temps, j’ose y croire, mais je suis surprise.
Un enfant et installé sur la table. Il est calme. Mon oncle tient un masque sur son visage, et l’enfant ferme les yeux. Il est éclairé par le scialytique, ce qui donne l’impression que c’est lui qui émet un rayonnement lumineux, tant le reste de la salle paraît sombre.
Le chirurgien continue à parler de tout et de rien à haute voix pendant qu’une infirmière placée derrière lui l’aide à passer une grande tenue stérile.
Tout en parlant, il s’assied sur un tabouret, et une infirmière lui tend un drap qu’il déplie et tend face à lui. Une autre infirmière postée derrière attrape les coins du tissu et les lui noue autour du cou, comme une immense serviette de table.
Occupée à observer ces gestes, je n’ai pas vu comment l’aide du chirurgien s’est retrouvée sur un tabouret en face de lui avec l’enfant encore endormi assis sur ses genoux.
Tout en continuant sa conversation, le chirurgien s’est installé une bassine sur les genoux.
Mon oncle le coupe:
– Là, on va faire des amygdales. Tu vas voir, c’est rien, c’est très rapide. Après tu verras des trucs plus intéressants.
Le chirurgien de la voix ferme ajoute:
– Ouais, ça, c’est vite fait et c’est pas passionnant. La chirurgie ORL, c’est assez intimiste. J’essaierai de te montrer des trucs mieux tout à l’heure.
Tout en parlant, il a empoigné une longue pince au bout arrondit.
Brutalement, tous se taisent.
D’un geste rapide et franc, le chirurgien bloque un écarteur dans la bouche de l’enfant qui est toujours en face de lui, sur les genoux de l’infirmière, et introduit puis sort rapidement la pince dans sa gorge.
L’infirmière bascule en avant la tête de l’enfant au dessus de la bassine.
Celui-ci se met à tousser, râler et pleurer en laissant échapper un flot de sang.
– On fait ça juste avant le réveil, pour pas qu’il inhale.
La salle se remplit brusquement d’un épais nuage blanc. Le bourdonnement de l’air conditionné s’amplifie. Je me tourne, le nuage s’assombrit, et deux mains empoignent mes bras. Je ne sais pas pourquoi je ne réagis pas, j’entends un rire goguenard:
– Elle a tenu pas mal de temps, quand même!
Lorsque le nuage se dissipe, je suis couchée sur le brancard du patient, et tous me regardent en rigolant:
– Et voilà: baptisée!
Deux anecdotes, succinctement, le grand écart:
1) Stage de sémiologie en P2, nous devons être formés par des chefs de cliniques. Nous sommes donc 5 étudiants à nous présenter pour notre première après-midi avec le Dr N. au service de neurologie du CHU, à l’hôpital très en périphérie de la ville, où j’ai dû faire 20 km de vélo pour y aller parce que j’ai pas de voiture. Donc nous arrivons, nous cherchons le service, et le médecin, et là on attend assis ou debout pendant pas moins de 2h que le Dr N. veuille bien nous voir. Au bout de 2h il a dit qu’il n’avait pas le temps et nous a demandé de repasser 3 jours plus tard.
2) Stage d’interne 3e semestre, dans un service de médecine interne, dans un hôpital militaire. 2 internes civils – dont je fais partie – pour une vingtaine de militaires. Tous accueillis par le directeur de l’hôpital, avec visite guidée de celui-ci, deux journées entières de formation au logiciel, une journée de briefing aux gestes d’urgence, présentation de tous les membres du service, et blouses personnalisées. Un accueil bien loin du « débrouille-toi » des CHU et autres hôpitaux publics périphériques.
Premier jour de mon stage ouvrier, le chef d’atelier me montre les plans d’une armoire électrique à câbler et me dit « vas y ». Je lui explique que je suis élève-ingénieur, et que donc, je ne sais rien faire de concret, encore moins lire des plans électriques pleins de symboles compliqués…
Il soupire, appelle un ouvrier qualifié et me met entre ses mains.
En fin de journée, j’avais la tête pleine de noms d’outils, nouveaux pour moi, mais l’ouvrier avait vu que, au moins, j’étais très motivé et plein de bonne volonté.
Je venais de percer un trou dans l’armoire électrique, mais le trou n’était pas tout à fait au bon endroit. Je lui demande s’il existe un outil permettant de déformer le trou, pour le déplacer quoi. Il me répond « oui, ça s’appelle une lime à épaissir, mais je n’en ai pas dans ma boite à outils, va voir le magasinier ».
Et c’est comme ça que j’ai fait le tour de l’usine à la recherche d’une lime à épaissir, chaque ouvrier faisant semblant de l’avoir prêtée à un autre… Ça les a bien tous fait rigoler !
Je me suis gentiment vengé en fin de stage en faisant chercher au nouveau stagiaire un marteau à bomber le verre et un pot de peinture écossaise 😉
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C’est le dernier premier jour de ma vie d’interne, début mai dans un petit hôpital périphérique. Cette fourmilière avec ses ouvrières, ses reines et ses soldats m’ignore de son mieux. Je me perds dans les couloirs que je connaîtrais par cœur à peine quelques semaines plus tard, je m’égare dans les secrétariats, m’excuse, je dérange encore, je m’excuse… Malgré l’habitude de la situation, celle-ci reste pesante.
Trois jours plus tôt, je buvais du mousseux en souriant aux côtés de mon infirmière préférée, célébrant mes derniers jours d’interne dans une semi-ivresse plus ou moins maîtrisée. J’avais alors regretté que mon air bourru et renfrogné et une timidité naturelle avaient sans doute dissuadé l’équipe soignante de me gratifier de la traditionnelle douche bétadinée de fin de stage. Ce rituel du départ est réservé aux plus jovials des nôtres, ceux qui rient, rassurent les infirmières d’une prescription décidée, les invitent aux soirées internat et accessoirement les dragouillent.
C’était il y a trois jours seulement, à deux cents kilomètres d’ici où m’attend un autre service, d’autres personnes, de nouvelles preuves à faire, des nouvelles complicités à explorer et des nouvelles susceptibilité à ménager, une nouvelle machine à café à apprivoiser [Ainsi que son mode d’emploi implicite : savoir où / quand / avec qui je peux m’en approcher]. Comme prévu, j’arrive à destination, croise le chef de service mes surtout mes co-internes. Je sens déjà que j’aurais dans quelques heures à essuyer les oeillades énamourées de celles qui tenteront de me laisser les gardes moisies du printemps, sous prétexte de mon statut officiel de célibataire et d’un projet de week-end en thalassothérapie avec un clef de clinique du CHU.
Le temps de se perdre une dernière fois à la lingerie, mystérieux domaine de l’hôpital, avec sa propre existence à jamais incompréhensible et nous rejoignons les médecins avec qui nous travaillerons au quotidien. J’ignore encore que l’une d’elle se proposera de m’accompagner dans une thèse sans cesse retardée qui n’aboutira que trois ans plus tard par une soutenance précipitée par l’urgence de pouvoir poursuivre mes remplacements en médecine générale. Si j’avais eu la moindre idée du dévouement et de la patience dont elle fera preuve, il va sans dire que j’aurais commencé la visite en lui baisant les pieds et aurait poursuivi ma pénitence sur les genoux.
C’était il y’a approximativement un siècle ou deux. J’habitais alors sur Mars où j’occupais la fonction d’espionne pour le compte des services secrets vénusiens. Un beau matin d’une nuit étoilée, je fus contactée par monsieur le ministre des affaires interplanétaires, en personne (à l’époque Monsieur Rnfecrxbegrk). Satisfait de mes services rendus à la Planète, il souhaitait me missionner pour « un stage extra-orbital ». Quelques décennies plus tard, je reçus ma fiche de poste (Lieu de stage : Planète Terre/ Durée : Non Communiqué/ Mission : Rédaction d’une thèse sur le romantisme des dauphins au XIXe siècle et leur impact sur la société animalière sous-marine). J’avais comme point de départ la France où j’effectuai mes premières investigations. C’est ainsi que lors de mon premier jour de stage je me suis retrouvée par un beau matin ensoleillé, au large des côtes armoricaines, en pleine mer… encerclée par une bande de dauphins mafieux ! (Si si, c’est vrai.) Ils appartenaient à la pègre dauphine du Breizh aquatic land (groupuscule bien connu des services de répression du grand banditisme et du terrorisme océanique). Bref ! J’ai bien tenté de me défendre contre cette bande de malotrus mais ce fut peine perdue. Je tombai KO après un Uchi Oroshi foudroyant que m’infligea le chef de clan aux nageoires pectorales fièrement bombées (c’te branleur). C’est dans un semi-coma flottant que s’acheva ma première journée de stage. Le lendemain, au large côtes bretonnes, le soleil était tout aussi souriant que la veille, les mouettes riaient, les algues dansaient (genre c’est trop l’paradis quoi)… Je me suis réveillée au sein de ce beau tableau ensoleillé, les yeux rivés vers le ciel… heureuse.
Premier stage d’externe dans un service de dermatologie-vénéréologie, comme on disait au début des années 80.
En fait, je connaissais déjà les rouages du CHU car, pour vivre et payer mes études, j’y travaillais depuis la première année du PCEM : petits boulots, classement d’archives et de dossiers, brancardage, ménage, toilettes des patients, stérilisation puis, ô promotion, instrumentiste dans un bloc opératoire. Avec le stage d’externe, je changeais de catégorie : sur la poche plaquée de la blouse blanche ce n’était plus « ASH » mais « Etudiant », en lettres noires entourées du monogramme bleu de l’hôpital. Ce n’était pas encore Byzance mais je voyais que les heures de ménage n’avaient pas été vaines, j’avançais dans mon cursus, j’étais enfin externe, j’allais même gagner des sous !
Je connaissais un peu ce service de dermatologie pour y avoir passé quelques jours auparavant à rentrer des données dans un ordinateur du secrétariat ; c’était du Windows 3.1 et je devais compléter une base de données en cours de construction. C’est ainsi que j’ai appris, par exemple, que les religieux, prêtres, séminaristes et autres « bonnes sœurs » cotisent à une caisse particulière. Et qu’il y avait une proportion non négligeable de séminaristes atteints de gonorrhée et de syphilis aux consultations externes de dermatologie. Il faut dire que le séminaire était juste à côté de l’hôpital et que les professionnelles du sexe officiaient juste en face. J’en ai perdu mes derniers atomes de foi, si j’en avais encore…
Mon premier jour de stage coïncidait avec la Grande Visite. Malheur. Du temps où je passais mon balai à frange dans les services chirurgicaux, je maudissais les Visites : d’une part, des crétins boutonneux me regardaient du haut de leur 4ème ou 5ème année de médecine en ricanant, d’autre part les internes et autres chefs de clinique en profitaient pour bien faire voir qu’ils détenait une parcelle de pouvoir : « Comment peut-on travailler correctement, regardez, ce n’est pas propre, ici. Nous sommes dans un hôpital, Mademoiselle, pas dans un hall de gare ». Et tous de rire servilement. Il n’y avait plus qu’à serpiller à nouveau puisqu’ils avaient tout sali. Puis il fallait accorder aux patients quelques mots bienveillants car la Visite n’était pas tendre avec eux non plus. « ALORS, PAPY, ON A FAIT SES GAZ CE MATIN ? » hurlait un interne. Puis s’en suivait une discussion sur le néo pancréatique du 15-fenêtre, devant ce même 15-fenêtre qui, n’étant nullement sourd, écoutait sans trop comprendre, essayait de poser des questions et se faisait rabrouer s’il interrompait le Professeur qui pérorait sur l’occlusion. Et le 15-fenêtre me demandait plus tard, quand je venais débarrasser le plateau du repas, de quoi ils avaient parlé, il n’avait pas tout compris, qui était le médecin qui le suivait, est-ce que c’était grave, qui étaient tous ces gens ? Moi non plus je ne comprenais pas grand chose mais ce manque de respect me sidérait. Alors je tentais de rassurer en débitant des fadaises : « Monsieur Dupont, vous savez, vous êtes entre de bonnes mains ici, c’est un grand Professeur. J’en ai vu passer des gens entrés gravement malades et sortis guéris… »
Mais je faisais enfin partie de la Grande Visite, je me sentais l’Élue. Les nouveaux externes avait été briffés par le cadre infirmier : nous, lithiase de couloir, nous ne devions pas nous faire remarquer, pas poser de questions, pas gêner le passage du Chef de Service, des Chefs de Clinique, des Internes, des Cadres Infirmiers, des Infirmières, de l’Assistante Sociale, et d’éventuelles Personnalités invitées à la Cérémonie hebdomadaire. Nous étions plus de vingt personnes en plus des externes à attendre au bout du couloir l’arrivée du Chef de Service de Dermatologie. Tout le monde avait des dossiers, des papiers et des carnets, les externes se reconnaissaient au fait qu’on avait les bras ballants. On ne savait pas trop que faire de nos mains : dans les poches ça faisait dilettante, dans le dos c’était pas sérieux, alors on tripotait un stylo ou le coin de la bouse pour faire passer la nervosité.
Ça y est, le Professeur arrive, entouré du premier cercle du pouvoir !
Première chambre, trois lits séparés par des paravents. On se tasse en silence autour du lit, il y a peu de place pour tant de monde. Comme je ne veux pas en perdre une miette -le savoir va tomber des lèvres de celui qui sait- j’enfreins la consigne de transparence et discrétion et je me glisse au premier rang, en face du Professeur. Dans le lit, une dame âgée, dont on ne voit que la tête apeurée ; tout ce monde en blouse blanche debout et elle, figée sous le drap impeccablement tiré. Elle est tellement fluette que son corps dessine à peine un volume. Ses yeux vont de l’un à l’autre mais personne ne la regarde, personne ne la salue, personne ne se présente. Je n’arrive pas à voir le nom de la patiente, la pancarte au pied du lit est trop loin de moi.
Dans un geste auguste, le Professeur prend le drap et le retire entièrement. La dame est complètement nue, elle essaie de couvrir son pubis de ses mains.
Il va parler, il parle : « Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, voici une gale norvégienne ». Je suis atterrée par tant d’impudeur de l’assistance, la femme pleure en silence, sa nudité exposée devant plus de vingt personnes.
Je prends le drap et je la recouvre et je dis en tremblant qu’on est pas au spectacle, que cette femme n’est pas une gale norvégienne ou suédoise ou je ne sais quoi, qu’elle a un nom et une pudeur, qu’aucun de nous n’aimerait que notre mère ou notre sœur soit traitée comme un morceau de viande. Et je me suis offert le luxe de sortir en claquant la porte et en pensant que je vais être lourdée mais je m’en fous, je n’ai de compte à rendre à personne je suis financièrement indépendante.
Mon premier stage a duré 2 heures. J’ai été virée. Game over.
Bonjour à tous,
@Ultima: le comportement de ces médecins est choquant. Et je salue votre courage. Avez-vous pu trouver un autre stage ? Sinon , je ne sais quoi faire : me faire opérer dans un CHU ou casser la tirelire pour aller dans une clinique ?
Un jour, j’avais été embauché par l’office de tourisme de Bretagne pour me déguiser en mouette rieuse pour faire croire aux touristes que les mouettes existent encore. Alors que je rigolais connement en me racontant pour la 3248 ème fois la fameuse blague : » C’est une copine d’Angelina Jolie qui la croise et qui lui demande à qui est le bras passé autour de son épaule et que cette dernière lui réponds : « Ben , c’est le Brad Pitt!! », c’est alors que je vis débarquer la fameuse super- héroïne L’eau là (si si , c’est vrai!). Elle pionçait sur le sable avec une nageoire pectorale dans la main droite, rien dans la main gauche et avec également un bazooka SR-327 à tir hélicoïdal (modèle breveté par le bureau des espions de Mars, comme chacun le sait…) dans la main droite parce qu’elle avait de grandes mains . Je peux donc certifier que son témoignage est correct.
Merci…
De rien l’eau là! J’ai beaucoup aimé ton texte, et j’en aurai moi-même rédigé un du même style si tu ne m’avais pas devancé..
Hello,
Merci pour ce concours, je tente avec plaisir!
Alors moi, je vais te raconter mon premier jour de mon job étudiant dans un bureau de tabac… alors déjà je ne fumes pas, je ne connaissais que deux ou trois noms de cigarettes… J’avais déjà utiliser une caisse donc c’est revenu assez rapidement mais je me suis noyé sous les dizaines et dizaines de cigarettes, cigares et autres produits dont je ne connaissais pas du tout l’existence. heureusement qu’il y avait les clients compréhensifs et compatissants qui m’aidaient à trouver leurs produits car malheureusement la plupart , une fois fini leur journée de travail avait juste envie de se faire servir rapidement… et du coup en devenait presque désagréable…
Bon maintenant, c’est du passé, je ne fumes toujours pas mais je suis devenu une experte en cigarettes 😉
bonne journée !!
Plantons le décor:
Petit Hôpital, service de rééducation. 2 kinés, une cadre kiné tout juste promue, ancienne collègue des 2 autres.
1er jour de mon dernier stage.
Je suis la 1ère stagiaire kiné accueillie ici . je me présente dans le service aux 2 kinés qui sont là.
Moi: Bonjour, je suis Charlotte, étudiante kiné.
Kiné 1, gros soupir
Kiné 2 : On n’a rien contre toi mais c’est la cadre qui a voulu une stagiaire, donc c’est elle qui s’en démerde.
Bon autant dire qu’il valait mieux être autonome dans ce stage!
Bonjour
Ma première rentrée de jeune « maîtresse » racontée ici :
http://souslaplace.blogspot.fr/2014/02/a-lecole-de-la-vie.html
J’y pense chaque année. Aujourd’hui n’a pas fait exception…
Je souhaite une bonne année scolaire à tous ceux qui sont concernés, parents et enfants et les autres aussi! 😉
Première journée de SMUR (c’est en suisse, c’est votre SAMU ou à peu près). Quand l’ambulance ne suffit pas, on met un médecin-asistant (celui qui débarque après 6 années d’études où il n’a pas vu autre chose que ses polycopiés) avec un infirmier qui conduit la voiture qui fait pompon et qui a des feux bleus. Et ce médecin, eh bien, il doit sauver le monde…..
Il a sa tenue de combat, ses grosses chaussures et il attend que son « pager » sonne (les téléphones portables, ça existait pas encore, ou ça pesait quelques kilos) .
Il est 16h, j’ai été 5 fois aux toilettes dans les 10 dernières minutes (on sait jamais quand ce sera la prochaine fois….) et j’ai ingurgité 3 sandwichs à la suite (là aussi, on sait pas quand on pourra manger la prochaine fois….
bzzzzz bip bzzzzz bip. C’est le pager: « ASTHME A CHESEAU-NOREAZ ». C’est parti……Je lace mes chaussures, mets ma grosse veste marquée « médecin », et m’installe à côté de l’infirmière balèze qui conduit le véhicule qui fait pompon et qui a des feux bleus. Je sort mes petites cartes anti-sèches: saturation d’O2….salbutamol…….. J’espère être à la hauteur…..
grzzzrrzzzzzz. C’est la radio: « Ici ambulance 318 à SMUR: rendez-vous à la sortie de l’autoroute, tout s’est bien passé! » Heuuuu…..ah……ah bon….si ça s’est passé…..en fait je comprends rien….
Sortie de l’autoroute, l’ambulance est là, un ambulancier sort, rayonnant: « J’ai clampé le cordon! J’ai clampé le cordon! » Aaaaaaaahaargh, c’était un accouchement…. Au moins, ça a l’air de s’être bien passé, c’est toujours ça. Mais bon, allez, en tant que médecin, faut bien que je fasse quelque chose, non? Je me sens un peu inutile, là…..
Est-ce qu’il n’y a pas un truc qui s’appelle L’APGAR? Un vague souvenir…..C’est quoi les critères? Ah oui… « Est-ce que l’enfant a crié? ». « oui! Il a crié ». Ok, ensuite…..la couleur…. Et là, sans avoir vraiment regardé la maman, je soulève la couverture isolante et je vois un bébé …..un peu gris, enfin pas rose tout à fait…… Je regarde la maman, qui est une superbe sénégalaise.
J’ai laissé tombé l’APGAR, j’ai pris la main de la maman, et l’ai félicitée. Et ça, ça a été le meilleur moment.
J’ai quand même jamais aimé le SMUR, ni les urgences…. «
commentaire de docokita qui ne veut pas passer
Premier jour de P2, malaise vagal pdt la grande visite (eh oui on était une vingtaine dans la chambre et il faisait chaud au CHU mais ça je ne le savais pas encore!)
Premier jour et premier patient en tant qu’interne:j’envoie les externes commencer à interroger un patient arrivé dans la nuit pdt que je lis son dossier « Euh c’est bizarre il répond plus le monsieur! » m’informent-ils rapidement… AH!! au secours mais je sais pas faire moi!! Appel chef, appel réa, transfert en réa… J’étais en diabéto donc plutot des bilans de diabète ou désequilibre, on avait rarement besoin de la réa quoi!
Premier jour en cardio mais j’étais déjà en 4e semestre:on a du masser la premiere patiente pdt la visite! Puis une autre entrée dans l’après midi…
Décidément! je demande aux IDE si c’était courant « Non no nc’est assez rare en fait » Effectivement je confirme après y avoir passé 6 mois!
Je suis la fille qui porte la poisse quoi!
Et mon premier jour en tant que remplaçante en MG j’ai dû appeler le SMUR ! Ça ne m’est arrivé que 2 fois dans ma (courte) carrière au total !
Allez, je ne lis pas souvent de blogs, et ma consultation est calme (d’où ma présence ici), donc avec du retard, l’un de mes premiers jours
Premier jour dans un service de cardio (5ème semestre d’internat), ou plutôt, J-15 avant ce premier jour…. J’arrive à l’hôpital pour me présenter aux chef de service avec mon futur co-interne que je ne connaissais pas.
Sur le chemin, rond point à 100m de l’hôpital, je m’arrête à la sortie du rond-point pour laisser traverser des gens, et PAF… un gros 4×4 qui emboutit l’arrière de ma Punto.
Une femme en sort, 35-40 ans, l’air anxieuse « Oh là là, désolé, mon frère est très malade à l’hôpital, je dois aller le voir »… bref, on se retrouve sur le parking de l’hôpital, on échange rapidement nos numéros et on part chacun de notre côté. (je sais, c’est une mauvais idée, mais bon…)
Je file voir mon chef de service, et on fait la rencontre d’un homme sympathique, humain, bref, un chef qui finira 4 ans plus tard dans mon jury de thèse avec beaucoup de plaisir.
Pendant la réunion, la porte s’ouvre, et je vois la femme qui m’était rentré dedans entrer en trombe et en panique, son frère allait mal. Elle me regarde, je la regarde, le chef sent que quelque chose de bizarre se passait. Ils eurent une discussion très familière entre eux… elle travaillait dans le service.
15 jours plus tard, premier jour dans le service, on ma présenté comme l’interne qui « à peine arrivé, les infirmières lui font déjà du rentre-dedans ». Et le chef ? C’est lui qui avait lancé la rumeur…
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