Mon médecin, ce héros

J’ai cotoyé des centaines de médecins, j’en ai cotoyé pas mal en tant que patiente, j’en ai cotoyé encore plus en tant que proche de patients, et bien sûr encore plus en tant qu’étudiante puis médecin, stagiaire ou remplaçante. Je pense que de ce fait , mon jugement sur la qualité d’un médecin est assez juste.

J’ai vu ceux qui travaillent sérieusement, ceux qui humainement sont méprisables, ceux à qui je ne confierais pas ma famille (la seule fois où j’ai adressé ma fille aux urgences: j’ai appelé l’interne de garde que je n’avais jamais vu pour être sûre que ce soit lui et pas le chef qui la voit), ceux qui aiment leur métier, ceux qui l’aiment mais qui sans s’en rendre compte ne l’exercent pas correctement, ceux qui n’aiment pas les gens, ceux qui changent la vie de leurs patients, ceux qui ont un égo surdimensionné.

Je l’ai déjà dit, mais je n’ai pas une grande estime pour les médecins en général. J’en ai vu tellement, tellement, qui ne sont non seulement pas à mes yeux des bons médecins mais surtout qui n’ont pas les qualités humaines qu’un médecin doit avoir. Car c’est un métier difficile, et pour moi, être un bon médecin est quelque chose de complexe, qui englobe les compétences médicales et humaines ainsi que la façon d’exercer. Je pense que chez les médecins comme pour le reste de la population, il y a une proportion notable de « cons » (mon frère n’aime pas quand je dis des gros mots, mais appelons un chat un chat), mais c’est plus embêtant que dans certaines professions. Tomber sur un médecin incompétent, désagréable, intolérant a pour certaines personnes des conséquences plus importantes que quand elles tombent sur un libraire ayant les mêmes défauts ( j’aime bien les libraires , j’en ai épousé un). Mais bon, on est tous le « con » de quelqu’un …

Pour la médecine générale, en ce qui me concerne, j’ai vu pas mal de médecins, entre ma vie, mes stages, mes remplacements et j’ai comme tout le monde entendu dire du mal de médecins.

Je ne vais pas rentrer dans le débat entre Martin Winckler et Borée sur les médecins maltraitants, il est facile et dans l’air du temps pour les patients de critiquer leur médecin pour un rien, ces critiques sont parfois injustes et infondées.

Mais quand-même, moi je ne pense pas avoir le jugement facile mais il y a des médecins qui n’en méritent pas le titre.

Sans réfléchir plus de dix secondes, je peux citer :celui que j’ai remplacé qui n’avait pas de dossiers et qui renouvelait les traitements sans voir les gens depuis plus d’un an mais en faisant passer la carte vitale; celui dans ma ville chez qui les femmes attendent des heures pour se voir prescrire un régime à base de coca light et d’advil, celui qui a gardé l’ordonnance de l’enfant fiévreux un samedi soir parce que sa patiente ne s’était pas aperçue qu’il n’y avait plus de chèque dans son chéquier, celui qui m’a prescrit la première fois qu’il me voyait des antidépresseurs alors qu’à 19 ans, je venais le voir en pleurs parce que je m’étais fait plaquer la veille, etc etc c’est sans fin et personne ne peut nier qu’il y en a malheureusement beaucoup des comme ça …

Après, il y a malgré tout et heureusement un grand nombre de médecins qui font correctement leur travail. Parmi ceux-là, j’ai mes petits critères de jugement à moi mais ce ne sont que des critères personnels qui me font dire que certains médecins ne sont pas forcément ce que j’appelle moi un bon médecin: des petites choses comme ne pas écrire dans le carnet de santé des enfants, ne pas être informatisé, recevoir les labos, prescrire des PSA, ne pas être sympathique, ne pas dans l’ensemble respecter les principes dont j’ai parlé précédemment…Après ce sont plein de petites choses mais c’est surtout le contact qui est important…

Donc avec tout ça, quelle est la probabilité de tomber sur un « bon » médecin,cette définition étant à la fois objective et subjective ? Elle est quand-même assez faible je trouve …

Et bien, moi, sans exagération aucune, j’ai le meilleur médecin généraliste du monde!

Un jour, à l’âge de 15 ans, j’avais une angine et ma mère a appelé le médecin de garde ( oui c’était une autre époque), il est devenu notre médecin et avec du recul, je me dis que j’ai eu une chance extraordinaire d’avoir eu cette angine.

Parce que je m’en rends compte seulement maintenant mais non seulement il est un médecin généraliste inestimable mais en plus il a été mon maitre de stage et a probablement jouer un grand rôle dans le médecin que je suis et que je deviendrai.

Donc, mon médecin à moi: il est compétent, il est rigoureux, il a établi des règles et faut pas imaginer se pointer sans carnet de santé ou à 19 heures pour un renouvellement de traitement, il est très sympathique ou parfois très désagréable quand il faut, il aime son travail et le fait bien, il est maitre de stage, a des externes et des internes et il a la meilleure note de toute la fac même s’il habite dans le 93, il est drôle, il parle aux enfants comme si c’était des adultes , il est heureux  et en plus il est beau !

Si je devais, je pourrais lui trouver des défauts: il n’est vraiment pas aimable quand il répond au téléphone, il n’avait même pas internet quand je bossais chez lui mais cela n’est plus le cas, euh … ah oui il ne fait même pas de streptotests pour les angines … mais bon, personne n’est parfait!

En D2, j’étais déjà attirée par la médecine générale, mais je ne savais pas ce que c’était, je lui ai demandé si je pouvais assister à sa consultation. Ce fut vraiment une confirmation de ce que je sentais : la médecine générale est vraiment ce qui me plaisait. Mais à la réflexion, je me dis que c’est peut-être l’image qu’il m’a donné de la médecine générale qui m’a fait choisir sans douter cette spécialité .

Ensuite, il est devenu maître de stage (j’aime à penser que c’est un peu grâce à moi) et j’ai fait une partie de mon stage d’interne chez lui. Outre le fait que j’y ai passé des supers moments, que j’ai appris pleins de choses, que c’était très formateur, que sa patientèle était très agréable, et que je me suis, il faut le dire bien amusée…je me rends compte maintenant que ce stage a inconsciemment formaté le médecin que je suis aujourd’hui. En fait, il est ma référence et mon modèle, et même si je ne lui ressemble pas du tout et que bien des compétences me manquent par rapport à lui, j’essaie d’exercer la médecine qu’il m’a apprise, que j’ai aimée. Et je pense qu’un des points les plus importants que j’ai pu ressentir avec lui : c’est qu’il est un médecin heureux !

Bref, je ne serais probablement pas tout à fait le médecin que je suis sans lui …

Mais au-delà de ça, la chose la plus importante, c’est que j’ai la chance de l’avoir comme médecin traitant .

Beaucoup ont été surpris quand j’ai dit l’autre jour que j’emmenais ma fille chez le médecin.

Mais je pense que même un médecin doit avoir un médecin, pour lui et pour sa famille, c’est plus sain je trouve et surtout quand on a la chance d’en avoir un très bien.

Il y a quelques années, j’ai eu quelques petits soucis de santé et au lieu de  faire trop d’auto-médication , de m’auto-prescrire des examens, je suis allée régulièrement le voir, et même si j’arrivais avec mes petites idées en tête, je m’en suis remise totalement à lui et cela est très important , même en temps que médecin,encore plus en tant que médecin même,de s’en remettre à quelqu’un en qui on a toute confiance. Je mettrais ma vie ou celle de ma famille entre ses mains sans problème, c’est ça un bon médecin …

En plus, il y a ce phénomène assez remarquable, qu’en dépit du fait que j’ai été son étudiante, sa remplaçante, qu’il ait été mon maître de stage, mon jury de thèse, le médecin d’autres membres de ma famille et que (peut-être que je m’avance), nous sommes en quelque sorte peut-être des amis aussi , quand je viens pour moi, je m’assois naturellement du bon côté du bureau  et  je suis la patiente et il est le médecin sans que rien ne vienne interférer dans la relation thérapeutique.

Certes pour des raisons pratiques et logiques, je n’emmène pas ma fille quand elle a une rhino ou une angine, ce qui lui arrive très rarement en plus, je la soigne dans ces cas-là, mais pour le suivi, les vaccins ou toute autre chose, je l’emmène voir P. Docteur, comme elle dit …

En plus, comme je l’ai dit, il est super, et le voir mener une consultation avec ma fille est  un vrai exemple pour moi .

Je l’ai emmené une fois l’année dernière et une fois la semaine dernière parce qu’elle était dans une période insupportable ou j’avais envie de la jeter par la fenêtre, n’écoutait rien, faisait des crises de colère interminables, lançait des trucs, tapait etc …Une consultation et depuis elle est transformée, bon peut-être que d’autres choses entrent en jeu, j’ai moi-même changer un peu de comportement, mais cette consultation était impressionnante…

Je suis sortie en me disant : «Je veux être comme ça quand je serai grande »

Des fois, j’essaie de faire «mon P. », avec les enfants : la dernière fois, le petit n’a jamais voulu me parler et m’a tourné le dos en souriant toute la consult …bon je me dis que j’y arriverai un jour …Il y a quinze jours, j’ai essayé aussi avec un petit de 5 ans qui vomissait et qui pleurait tous les matins pour aller à l’école, je lui ai parlé, lui n’a absolument rien dit. Je l’ai revu hier : je demande des nouvelles et la maman me dit que depuis notre consultation ,il n’y a plus eu aucun problème…

Alors, je garde un peu d’espoir…

De lui ressembler un jour …

Peut-être un jour, quand je serai grande et vieille comme lui, mes patients diront : «mon médecin, c’est la meilleure … » Parce que quand ce n’est pas dit à la légère, c’est quand même un des plus beaux compliments qu’on puisse faire …

Et patients, ne désespérez pas, les bons médecins sont peut-être rares, mais ils existent (cachés dans le fond du 93)!

Bon, ça m’embête bien un peu qu’il lise cette floppée de compliments, mais avec un peu de chance, il ne se reconnaitra pas ( bon avec  beau, drôle et désagréable au téléphone, tout le monde va le reconnaître) . Dans le cas contraire, tant pis, il sait déjà je pense tout le bien que je pense de lui, tout ce qu’il m’a apporté et ce n’est qu’une occasion de plus de le remercier…

De le remercier d’être mon médecin, le meilleur, de tout ce qu’il m’a apporté mais surtout d’être la preuve pour moi et pour tout le monde qu’un bon médecin, ça existe …et ça, pour moi c’est quelque chose ….

 

Médecin de famille

J’ai gardé 45 minutes pour une patiente qui a eu l’amabilité de me poser un lapin, alors pour passer le temps (autrement qu’en faisant comme à mon habitude la liste de ce que j’ai à faire voire en commençant à faire les choses de ma liste), je vais faire un petit billet de rien du tout juste pour dire (encore et toujours) que j’aime la médecine générale.

Tout à l’heure, j’ai eu une consultation qui je trouve représente l’essence même de la médecine générale.

Je ne suis pas médecin depuis très longtemps donc je ne peux pas encore savoir ce que ressent le médecin qui voit en consultation les enfants (petits-enfants?) de patients qu’il a connu enfant. Je ne touche encore que du bout du doigt la relation que l’on peut avoir avec des patients que l’on connait depuis des années.

Quand on découvre la médecine générale, quand on est interne, on s’enthousiasme déjà quand on voit revenir la même personne plusieurs fois de suite et que l’on commence à tisser un lien. C’est déjà un énorme changement par rapport à l’hôpital, on voit notre prat qui connait tout plein de choses sur ses patients et on est admiratif. Un jour, on voit le bébé d’une femme que l’on a vu enceinte, on sent qu’il y a quelque chose de vraiment beau dans ce métier …et le temps passe et on commence à créer des liens avec les patients, à voir les enfants grandir, à connaître les familles entière et si dès le début les consultations au cabinet nous ont plu, c’est tout un autre aspect qui se dévoile à nous au fur et à mesure .

Je suis installée depuis moins d’un an mais cela fait 5 ans que je remplace (euh officiellement pour l’URSAFF ça fait 4 ans et demi, ne me dénoncer pas hein) de manière régulière dans le même cabinet ( qui s’est séparé en deux donc j’ai mon cabinet et mon cabinet secondaire ) et si je n’ai que 22 patients dont je suis le médecin traitant officiel ( j’ai reçu la liste ce matin , je sais que c’est très peu et que je ne gagnerai que très peu d’argent avec le CAPI ou autre rémunération à la performance, mais moi je trouve ça hyper cool) travaillant dans un cabinet de groupe comme remplaçante ou maintenant collaboratrice, j’ai avec de nombreux patients commencer à tisser ce genre de lien.

Une consultation ce matin m’a fait prendre conscience de ça, que petit à petit, je devenais un vrai « médecin de famille » et que ça c’était vraiment une particularité exceptionnelle de ce métier. C’est un exemple parmi tant d’autres de plus en plus nombreux: celui de la famille S.

Une consultation avec de la fluidité, du naturel, des plaisanteries, comme quand l’on est en terrain connu. Ce ne sont pas mes patients, mais ceux du médecin que je remplace depuis plusieurs années et qui viennent me voir régulièrement quand il n’est pas disponible, bref ce sont un peu mes patients quand-même.

Ils sont venus tous les quatre , les parents et les deux enfants.Trois consultations.

– le père ne consulte pas , cela me fait tout de même plaisir qu’il soit venu, car je vois qu’il ne m’en veut pas : c’est à lui que j’ai refusé le certificat enfant malade pour sa fille pas malade …ce qui montre que quand on est juste, même si on n’accède pas à leur demande, les patients ne nous en veulent pas. J’ai été un peu gênée au début du coup mais finalement, ça a été…

– le fils : il a une angine, rien d’exceptionnel sauf que quand la maman me raconte qu’elle a été aux urgences pour fièvre à 40° à J1, je ne soupire pas, je ne me dis pas que c’est n’importe quoi… parce que je la connais, parce que je les connais, parce que je sais qu’il fait des crises convulsives quand il a de la fièvre et que pour sa grande sœur, ils ont passé des années à l’hôpital pour une épilepsie sévère (je la connaissais quand j’étais interne en pédiatrie d’ailleurs) , qu’ils sont tous les deux sous traitement anti-épileptique et que je comprends pourquoi la maman est un petit peu angoissée en cas de fièvre et préfère consulter rapidement . Et même que pour son angine, je ne lui fait pas de streptotest , je le mets sous antibios …

– la fille : elle a une angine également , c’est rapide, je la connais bien , une consultation récente de suivi a été faite. On discute surtout d’un autre membre de la famille :

– le lapin : oui c’est ça être médecin de famille : on connaît même le lapin : « Comment va le lapin ? » parce que preuve par photo ( c’est affreux !!) , le lapin a perdu ses oreilles, c’est lui qui avait eu les oreilles attachées et elles sont tombées.. Voilà ,c’est ça la médecine générale, même si celle-ci est affreuse, on a toujours la suite de l’histoire, même pour un lapin …et quand on connaît bien les gens et qu’ils font tomber les oreilles d’un lapin, on peut se permettre de rigoler…et de les réprimander aussi !!

– la mère : une rhinopharyngite mais quand on connaît les patients, la rhinopharyngite n’est pas juste une rhinopharyngite sans intérêt, c’est l’occasion de prendre des nouvelles du reste, que ce soit médical ou les nouvelles de la vie. Et elle est là la clé !! Tellement de personnes dénigrent la médecine générale en disant « Merci, soigner des rhinos toute la journée … » Moi aussi, j’en ai marre des rhinos des fois : quand ce sont des patients que je ne connais pas, quand je me force à essayer de trouver d’autres choses médicales à dire ou à faire pour que cette consultation ne soit pas complètement inutile. Mais des rhinos comme ça, c’est bien agréable.. du côté relationnel, on prend des nouvelles : donc le déménagement c’est samedi, et vous avez trouvé une maison, et patati et patata…peut-être même que la raison pour laquelle les patients consultent si facilement pour une rhino, c’est juste pour le plaisir de venir voir leur médecin et papoter avec lui (en tout cas, personnellement je serai prête à emmener ma fille pour une rhino juste pour le plaisir de voir le mien) ; et du côté médical on prend des nouvelles des vraies maladies, car croyez-le ou non, il y a aussi des vraies maladies en médecine générale. « Donc qu’a dit la spécialiste ? » « Que je continue le plaquénil ( traitement de fond d’une maladie inflammatoire rhumatologique en l’occurrence) » « Quoi, vous ne lui avez pas dit que vous ne l’aviez pas pris ??? » « Ben si je l’ai pris, depuis la dernière fois …quand vous m’aviez expliqué…je l’ai pris …et ça va bien je n’ai plus de symptômes… » voilà, j’aime la médecine générale et j’aime les rhinos … Sans cette rhino, je n’aurai pas su que mon intervention avait eu un impact, sans cette rhino, je n’aurai pas pu lui dire qu’elle avait maigri ( après avoir pris énormément de poids suite à un traitement par cortisone), sans cette rhino, je n’aurai pas pu les revoir tous avant leur déménagement et leur dire au revoir, je n’aurai pas pu me moquer du fait que en ayant passé deux jours dans leur nouvelle région au nord, ils sont tous revenus malades, je n’aurai pas pu lui dire de passer me faire remplir ou de m’envoyer le PAI des enfants pour leur nouvelle école parce que c’est plus simple, moi je les connais…sans cette rhino, je n’aurai jamais su à quoi ressemblait un lapin sans oreilles ( remarquez il aurait peut-être mieux valu ) …

Voilà, quand cette famille que je ne verrai peut-être plus est sortie du cabinet, je me suis dit que c’était bien chouette d’être médecin de famille …

PS : Finalement , erreur de secrétariat, ma patiente pour qui j’avais gardé 45 minutes est venue une heure plus tard, heureusement qu’il y en a une qui avait une heure d’avance, mais bon vlà le bordel !

Des principes…mais pourquoi au fait ?

Des fois, je me dis que c’est con d’avoir des principes.

Quand j’ai commencé à être médecin, je me suis imposé moi-même des principes  auxquels je ne dois pas déroger. Ben oui si on commence à faire des exceptions , ça devient n’importe quoi !

Y’a le grand principe qui dicte tout , promesse que j ai fait quand j ai eu mon concours , genre me rappeler que j’ai de la chance d’être médecin, toujours faire de mon mieux , ne pas mal tourner comme tous les autres et autres niaiseries que je m’efforce de suivre.

Et puis, y’a tous les principes plus pratiques que je m’impose.

Pourtant, dans la vie, je ne suis pas une fille de principe. D’ailleurs, je n’en ai aucun.

Réfléchissons, si : je ne me gare pas sur les places handicapées, et je ne mens pas aux impôts. Je mens à d’autres administrations mais pas les impôts. Quand une fois que j’ai fini ma déclaration, mon mari a trouvé une lettre qui traînait du conseil général qui me rappelait de déclarer les 50 euros par mois que j’ai reçu pour frais de garde et que ça faisait passer mes impôts de zéro à 200 euros, et bien, j’ai hésité et j’ai refait ma déclaration : payer des impôts est un privilège, cela veut dire qu’on gagne de l’argent.

Bref, à part ces deux principes, je n’en vois pas d’autres. Les gens me donneraient le bon dieu sans confession, mais pourtant rien ne m’arrête, ma vie est bordélique, je suis bordélique, je téléphone au volant, j’ai déjà trompé, volé, menti, bref pas de principes dans la vie mais au travail …

Ah mais si, grosse digression, j’ai un énorme principe dans la vie, qui me gâche la vie !! Ne pas céder à ma fille, avoir une ligne de conduite qui ne change pas, des règles éducatives, pas strictes mais de bon sens ( genre on met pas les pieds sur la table, on tape pas sa mère, c’est papa et maman qui décident et surtout on ne cède pas en cas de caprice), mais qui me rendent la vie infernale vu la furie qui me sert de fille. Et ce serait tellement plus facile si je n’avais pas ces principes…Tu veux pas manger ma chérie, tiens mange une glace devant la télé et ensuite t’iras te coucher avec nous, on s’endormira en regardant Dora…et il restera une glace dans le frigo pour te calmer la prochaine fois que tu fais une crise ou pour te récompenser si tu as bien lavé tes dents ou mangé tes légumes ou quand j’aurai envie de te faire du chantage !! La belle vie quoi ! Mais non, pour je ne sais quelle raison obscure ( la raison peut-être) je ne fais pas tout ça (même si je fais pleins d’autres choses pas bien par ailleurs )

Et bien, au travail c’est pareil, j’ai pleins de principes stupides qui me rendent la vie compliquée:

–  je ne mens jamais sur un document médical. Ca parait la moindre des choses et logique comme tout, oui mais quand même, cela implique beaucoup de complications : pas d’arrêt de travail de complaisance même de petite complaisance, pas de certificats de tout et de rien de complaisance.Et pas d’antidatage : ça c’est hyper dur !

–  je ne fais pas de certificats en particulier de sport, y compris des gens de mon entourage sans examiner la personne.

–  je ne fais pas payer de consultation ( ou ne fait pas passer la carte vitale si 100% ou CMU ) si je ne vois pas la personne ( oui cela parait normal aussi mais vu l’étonnement des patients, d’autres ne doivent pas s’en priver ) et je ne fais pas dans le mesure du possible ou seulement en dépannage et en expliquant bien le caractère exceptionnel de la chose, de renouvellement de traitement  pour des patients que je ne vois pas.

–  je ne prends pas la carte vitale de quelqu’un d’autre ou ne prescrit pas au nom de quelqu’un d’autre sauf cas exceptionnel (c’est vrai que ce n’est pas un principe immuable) je fais plus facilement des actes gratuits. Par contre, et ça c’est plus par idéologie et je pense que sur ce coup là, je ne ferai pas l’unanimité, si cela est médicalement sans risque, je prescris facilement des médicaments pour des personnes au pays.

– je ne fais pas de certificat pour dire qu’un enfant nécessite une circoncision ( et donc que celle ci soit rembourser) et des fois c’est pas facile de refuser aux patients que l’on connait bien .

–  et en règle général, c’est moi qui décide, pas les patients…( comme avec ma fille…on croirait presque que j’aime ça moi avoir le pouvoir de décision !)

Bref, tout ça parait normal, de bon sens et logique. Et ça l’est. Mais ce n’est pas si logique que ça pour les patients et pour certains médecins et ça ne me facilite pas la vie.

Le plus difficile, c’est pour les proches, parce que c’est encore plus difficile d’être rigoureux en dehors du cadre du cabinet et parce que c’est encore plus dur de dire non. Je fais de mon mieux pour ne pas déroger à mes principes, j’ai fait déplacer ou je me suis déplacée de nombreuses fois pour examiner les gens pour ces p…. de certif de sport et l’autre jour, je me suis fait avoir, prise au dépourvu par la nourrice de ma fille qui est venue chez moi, tard le soir (car besoin pour le lendemain) pour que je tamponne la licence de son fils que j’ai déjà examiné et de son mari … et putain je n’en dors plus la nuit tellement j’ai des remords mais je l’ai fait : alors qu’il a 40 ans et qu’il fume et qu’il devrait peut-être même faire une épreuve d’effort. Je vais aller dès que possible lui prendre sa tension et écouter son cœur mais ça me mine, non pas qu’il lui arrive quelque chose (je lui ai déjà dit qu’elle porte pas plainte) mais parce que j’ai dérogé à mes sacro-saints principes et que pour une raison que j’ignore, ça me contrarie énormément .Parce que pour cette fois où j’ai cédé, combien de fois j’ai tenu bon, alors que c’était dur. Refuser un arrêt à une amie parce qu’elle a des problèmes de garde pour son fils, faire venir des gens ou me déplacer  parce que je veux faire les choses bien. Il m’est arrivé de faire un faux certificat enfant malade pour une amie qui venait d’accoucher pour que son mari reste avec elle un jour où elle n’en pouvait plus, ça me contrarie un peu mais je n’ai pas menti :j’ai mis que l’enfant (ma filleule)  avait besoin de la présence de son père auprès d’elle et c’était vrai !

Au cabinet, quand on est comme moi et qu’on ne sait pas dire non, c’est dur aussi.

Il y a sûrement des fois où j’ai cédé surtout pour des histoires d’arrêt antidaté, je sais qu’il ne faut pas le faire, mais des fois les gens sont de bonne foi, c’est le médecin qui était absent et ne pas le faire les met vraiment dans la merde.

Il y a des fois où même si cela est faux, il n’y a que le certificat du médecin qui peut les aider :

3 exemples où j’ai réussi à dire non, vous me direz que c’est normal mais pour moi c’était dur :

– « avant-hier, j’ai fait un malaise en allant passer une épreuve de mon BTS , je suis un peu neuneu, je suis rentrée chez moi et puis c’est tout , et ils m’ont dit que pour rattraper l’épreuve, il me faut un certificat médical sinon je perds une année » Ben oui mais non …

– « mon mari a loupé son RDV à l’ANPE la semaine dernière et il leur a dit qu’il était malade, sinon il va être radié (c’est vrai c’est des chacals à l’ANPE) » ben oui mais non…

– » la sécu m’a contrôlé hier, je n’étais pas chez moi ou même je crois que c’était j’étais chez moi mais je n’ai pas entendu, pouvez-vous me faire un certificat disant que j’étais chez vous » ben oui …mais non

Nous, médecins, nous avons un pouvoir très important avec notre tampon qui permet de certifier des choses très importantes, des choses qui peuvent avoir de graves conséquences, et il faut donc je pense être rigoureux et avoir des principes. Cela est rare, mais les problèmes arrivent, les morts subites en faisant du sport, ça arrive, les médecins qui se font radier parce qu’ils ont fait un arrêt antidaté sans le voir à quelqu’un qui a commis un délit ce jour là, beaucoup d’autres, mais pour moi ce n’est pas par peur, c’est plutôt par respect de ce rôle que j’ai, je dois le faire correctement … bref question de principe.

Alors, surtout quand c’est gros comme ça, je tiens le coup, mais faudrait me voir dire non:  » j’aimerai bien mais jpeux point, vraiment ça m’embête de vous dire non, mais je peux pas…(et ça dure dix minutes comme ça) »  j’ai même été jusqu’à expliquer cette histoire de principes …

C’est pathétique hein même si je m’efforce de suivre les conseils de Yannsud et de faire un non affirmé.

Et il y a mon argument le plus nul: moi je ne peux pas mentir mais vous, vous n’aviez qu’à mentir, la prochaine fois faut me mentir que je vous fasse votre arrêt en toute bonne foi (en même temps y’en a une qui m’a fait ça, je l’ai très mal pris …)

Quand c’est un patient que l’on ne connait pas bien, c’est plus facile mais c’est vraiment difficile quand c’est un patient qu’on connait très bien, notre patient.

Hier à mon arrivée,un de mes patients que je connais très bien, m’attend dans la salle d’attente, c’est sans rendez-vous donc il y a plein de monde, il se lève et me dit devant tout le monde: « c’est juste pour un certificat enfant malade pour ma fille » …bêtement je lui demande « et elle est malade? » ( parce que honnêtement je pense que je l’aurai peut-être fait, le fait d’être malade ne justifie pas forcément une visite chez le médecin et je pars du principe que mes patients sont honnêtes, la preuve), « non mais aujourd’hui on va dans le nord visiter une maison ( je connais l’histoire ils déménagent etc) et j’en ai besoin pour mon travail » Ben oui mais non là … et puis en plus devant tout le monde pendant qu’on y est comme ça ils pourront passer le mot…

Souvent comme je disais, le principe c’est que c’est moi qui décide, par par ego, ou par soif de pouvoir ou un truc dans ce genre, je ne sais pas pourquoi, parce que c’est important pour la relation thérapeutique , parce qu’ il faut que j’aie la sensation que je contrôle la consultation , je ne sais pas comment l’expliquer mais sinon je me sens mal .

Si le patient arrive en disant « il me faut des antibiotiques », déjà ça va m’énerver et je vais chercher toutes les bonnes raisons de ne pas lui en donner.

Les patients sont peu demandeurs d’arrêt de travail et c’est moi qui passe mon temps à essayer qu’ils s’arrêtent, j’y reviendrai, mais quand il arrive rarement que certains me demandent un peu plus que ce que moi je voudrais et que parfois je le fais, je me sens mal.

J’ai une patiente de 60 ans, cassée de partout, qui est femme de chambre dans un hôtel, je lui propose tout le temps des arrêts, elle ne les accepte que rarement. Récemment, elle vient en consultation, pour toutes ses douleurs et ses problèmes rhumato. Déjà elle réclame sa boite habituelle d’anti-inflammatoire ce qui m’embête un peu à chaque fois, et puis elle me dit qu’elle veut un arrêt cette fois ci (je suis d’accord la pauvre elle devrait être à la retraite!) « jusqu’au 18 ». Ah ben ça fait 20 jours quand-même…Pourquoi le 18 en plus, elle a l’air d’avoir bien préparé tout ça, déjà je trouve ça un peu bizarre, en plus ça fait trop long à mon avis pour les mêmes symptômes que d’habitude ( en même temps, je me contredis puisque je pense qu’elle ne devrait plus travailler du tout) et puis mince ( orgueil, sensation de ne pas controler, je ne sais pas) c’est moi qui décide. Je lui explique que ça fait beaucoup d’un coup, je l’arrête 9 ou 10 jours, la fin de semaine et la semaine d’après et je lui dis que si ça ne va pas, elle revienne et que l’on réévaluera. Je pense ne pas avoir trop mal fait mais je ne suis pas hyper sûre. Et puis quelques minutes après, elle revient avec son fils qui n’est pas content du tout, et pas très agréable non plus, je lui réexplique tout ça dans la salle d’attente, que l’on reverra à la fin de l’arrêt, il me dit que c’est pour lui faire repayer une consultation etc …bref comme je disais pas très sympathique …pff…pour une fois que je dis non ( à raison ou à tort, je ne sais pas )…

La semaine dernière, je vois le mardi soir un homme de 35 ans, rhino J1, déjà ça m’énerve un peu (beaucoup même), il a été travaillé, mais il a l’air de trouver que sa rhino est un motif de consultation normal. Je lui explique que je peux rien faire pour lui, juste donner quelques petits trucs pour le soulager un peu le temps que ça passe tout seul ( bref une rhino quoi) et que ça va durer une semaine. Il a l’air satisfait de mes explications mais me dit d’un air naif  « il faut que je m’arrête une semaine alors » , il a l’air de sincèrement croire que sa rhino l’empêche de travailler… et moi je suis trop nulle des fois, et comme il est particulièrement pénible ,au lieu de lui dire: « ca va pas la tête mon gars, c’est pas parce que t’as le nez qui coule que je vais t’arrêter la semaine », je lui dis et là ce fut mon erreur  « je vous arrête demain et si ça ne va pas, vous me rappelez et on verra » ( j’avoue, cette phrase était lâche et évasive). Le jeudi, je ne travaille pas ( yes demain c’est jeudi et c’est sport, hammam et après midi à Paris, j’adore le jeudi ), et le vendredi, j’avais un message: Mr B. veut un arrêt pour aujourd’hui et hier..ça m’a trop énerver, le lundi, il envoie sa femme chercher l’arrêt…mais bien sûr…et la marmotte …Ensuite, il m’a appelé, je lui ai expliqué que d’accord je lui avais dit de rappeler et qu’on verrai mais que puisque je n’étais pas là, il ne fallait pas tenir comme acquis que j’allais accepter, que quand son médecin (qui n’est pas moi d’ailleurs) n’est pas là, on va en voir un autre ou on va travailler, même si on a une grave rhino, que j’avais dit que je réévaluerai et que ce n’était pas à lui de décider mais que comme j’avouais qu’il y avait eu un malentendu ( j’avoue que ma phrase était ambigue), je voulais bien lui faire quand-même exceptionnellement (oui c’est pas bien, mais j’ai pas été bien sur ce coup)…il est pas venu chercher l’arrêt …je sais pas si je le reverrai …mais mince c’est moi qui décide quoi !!!

Je dois avoir l’air méchante un peu là, mais je suis tellement gentille pourtant habituellement…Aujourd’hui, je m’en veux, j’ai été méchante:

Une patiente de ma collègue, que je ne connais que pour avoir accompagné son mari que je connais bien et qui ne m’est pas sympathique mais bon, vient accompagnée d’une amie. Elle me dit d’emblée : »Je viens pour un arrêt de travail, demain je dois partir en Algérie car ma belle-soeur est décédée » Là, j’ai mon alarme à principe qui s’est déclenchée: je peux pas, présenté comme ça, c’est pas possible, cela fait parti des choses que je m’interdis de faire: « et en plus j’ai pas le droit madame, si la sécu me contrôle, pas le droit de partir en Algérie etc » …Je sais très bien que présenté autrement, cela aurait été différent: elle m’aurait dit: ma belle-soeur est décédée, ça ne va pas du tout, en plus je ne sais pas comment faire pour y aller..je l’aurai probablement arrêté, en lui expliquant qu’elle n’a pas le droit de partir sans autorisation , après elle fait ce qu’elle veut , j’ai déjà fait pour des décès…Mais peut-être qu’elle l’était sous le choc, son amie me dit à la fin « mais de toute façon, elle peut pas travailler, elle est pas bien » ben oui mais bon, fallait me dire ça, moi et mes principes à la con, on a décidé dès la première phrase que l’on ne pouvait pas ( pourquoi moi et mes principes on est comme ça je ne sais pas) et ça m’a empêcher de mener le reste de la consultation peut-être comme il l’aurait fallu.. « Mais je suis désolée pour votre belle-soeur hein … » Peut-être que ma colègue, son médecin traitant, lui fera demain ( si elle a bien compris mes messages hypocrites et subliminaux, elle va y aller en lui disant qu’elle est déprimée) .

Merci pour les avis twittéraux sur ce coup-là, ça fait du bien d’en discuter quand on est pas sûrs de soi, et voir que les avis sont divergents est plutôt rassurant. Ca montre que c’est complexe, on essaye de faire de son mieux, c’est pas toujours facile, des fois probablement on se trompe, dans un sens ou dans l’autre, et comme on m’ a dit tout à l’heure: « de toute façon, qu’on signe l’arrêt ou pas, après on a mauvaise conscience… ». C’est vrai.

On m’a aussi dit que les patients ne devraient pas nous mettre dans de telles situations, ça c’est vrai aussi des fois ..

En tout cas, ça serait tellement plus facile de faire tout ce qu’on veut : de lui avoir fait son arrêt, de prescrire les antibios, de renouveler l’ordonnance du mari sans râler, de tamponner la licence du grand sans avoir à se retaper l’examen , et de rentrer donner des glaces et mettre Dora à ma fille …

Parce que au final, pourquoi des principes?

 

La sortie …

Pour ceux qui se poseraient la question,Highlander s’est tant bien que mal rétablie de tous ses maux et est finalement rentrée à la maison. Mais ça a dû les embêter de ne pas être parvenus à leurs fins car pour sa sortie ils se sont dit on va lui faire une dernière blague, on va faire tout à l’envers!

D’abord, il faut comprendre que cette sortie était prévue depuis une semaine: le jour, l’organisation etc…( organisation du côté d’Highlander, pas de l’hôpital bien sûr, eux ils n’organisent rien, on a eu le droit à elle sort tel jour sans se préoccuper du contexte)

Le jour J, j’arrive à 13 heures, bien avant l’ambulance, qui finalement n’a pas été appelée, rien n’est prêt pour la sortie, car on ne savait pas si une infirmière était prévue à domicile!! C’est vrai que nous ne l’avions dit que cinq fois, que la sortie n’était prévue que depuis une semaine et que de longues discussions n’avaient pas eu lieu à ce sujet … Donc dans le doute, il était logique de mettre tout en stand-by et de partir déjeuner, l’idée de me téléphoner pour me poser la question ne leur est pas venue à l’esprit, c’est logique.

Le temps de trouver un médecin au bout d’un téléphone pour qu’il donne son accord et de trouver quelqu’un qui se décide à appeler une ambulance, il s’est passé beaucoup de temps.. Puis de faire les papiers de sortie, attendre le compte rendu qui finalement n’ a pas été signé donc c’était pas la peine de l’attendre, ben il était déjà 17h…

Pendant ce temps, j’ai suggéré délicatement aux infirmières que peut-être avant que l’ambulance n’arrive, il serait judicieux de lui retirer sa sonde urinaire… J’ai eu le droit de la part des infirmiers à : » Ah elle a une sonde urinaire ? »  » Ah ben non, si on lui retire maintenant , elle ne peut pas sortir, il faut surveiller, il fallait lui retirer avant … »  Ben oui, je suis tout à fait d’accord justement mais bon …

Finalement , celle ci fut retirée une fois que les ambulanciers sont arrivés, ce qui leur a laisser le temps cela dit de retourner à l’autre bout de l’hôpital chercher dans leur ambulance une bouteille d’oxygène, puisque bien sûr, comme à chaque fois, on avait omis de leur dire qu’il fallait qu’ils l’emmènent…Ensuite ils ont été très patients le temps que tous les soins soient faits …Le médecin en me voyant attendre dans le couloir, s’est rappelé sa promesse faite plusieurs jours auparavant de mettre en place une hospitalisation à domicile, je ne l’avais cela dit pas attendu mais il se trouve que Highlander n’est pas assez malade, ce qui n’est pas vrai , donc il voulait insister (ce qui est la moindre des choses et aurait dû être fait il y a une semaine).Et il se décide donc à appeler au moment où les ambulanciers partaient … Du coup, j’ai fini par partir aussi, mais il a re re re noté mon numéro de téléphone, je suis sûr qu’il va m’appeler …

En tout cas, cette fois ci il ne manquait pas trop de médicaments sur l’ordonnance, il n’y avait que quatre erreurs, et il était même notifié « y compris week-end et jours fériés » sur l’ordonnance de l’infirmière, ce qui est assez exceptionnel pour mériter d’être souligné (mais bon depuis que les ordonnances sont toutes faites et informatisées, ça marche mieux !) .Et sur l’ordonnance , il y avait même noté : oxygène: maximum 4 litres : Bravo, ils ont enfin compris et veulent en faire profiter le pharmacien ( enfin, c’est plutôt 3 litres mais l’idée est là ).

Encore une fois, je ne veux pas avoir l’air trop critique, cela ne paraît peut-être pas , mais tous ces petits détails sont épuisants …et encore je laisse courir maintenant parce que je sais que je gère derrière mais pour les autres , ceux qui n’ont personne pour gérer derrière …( ben cela donne une insuffisance surrénale si l’interne oublie l’hydrocortisone …)

Et croyez le ou pas, mais quand highlander est rentrée chez elle, son chauffe-eau avait lui passer l’arme à gauche et sa salle de bain était innondée ….

PS: Pour rendre à César ce qui lui revient, je me dois de préciser que je viens d’avoir un message du médecin et un autre de l’hospitalisation à domicile, pour dire que ce n’était pas possible, mais quand-même …je fus mauvaise langue…je suis vraiment très mauvaise langue moi …

Le pardon

Je ne sais quoi penser.

Hier mon dimanche a été gâché, le mot est faible, par une succession d’erreurs médicales, d’erreurs humaines. Je l’ai passé au chevet de quelqu’un que nous appellerons highlander, car cette personne a tendance à résister à toutes les attaques du sort, de la maladie et quand cela ne suffit pas à l’acharnement innocent des soignants qui s’y mettent à plusieurs pour essayer de l’abattre…

Pour situer le contexte, highlander a toutes les maladies du monde même celles que personne ne connait, j’ai appris la médecine en la regardant. Pour vraiment comprendre, il faut imaginer une pièce avec plusieurs personnes dedans et une ampoule électrique qui tout d’un coup est éjectée de la lampe et fuse à toute allure à travers la pièce et atterri brulante pile poil sur l’ulcère de jambe d’highlander…voila tout  est comme ça.

A chaque fois que tout le monde est autour d’elle prêt à lui faire ses ultimes adieux, cette personne contre toute attente ouvre les yeux et demande si quelqu’un a pensé à arroser ses fleurs …

Du coup, cette fois-ci le personnel a dû se dire que nous n’étions pas très inquiets (moi j’avais foi en ses supers pouvoirs) que la situation n’avait pas l’air de nous émouvoir. Ils ont dû se dire, on va leur faire des ptites blagues …

D’abord on va jouer à combien de jours on peut tenir sans faire son pansement (pas un ptit pansement hein, un bien important du genre cause de l’infection qui est en train de l’abattre) avant que quelqu’un ( moi en l’occurrence )  râle vraiment très fort , ce qui est d’autant plus drôle que je ne sais pas râler …

Ensuite, on va jouer à combien de temps avant que quelqu’un se rende compte que l’oxygène est débranché. Sachant que de base highlander a besoin d’oxygène tout le temps, quelques heures après un choc septique ,c’est encore plus drôle. Cela donne la discussion suivante quand j’arrive : » -Quel joli bleu ces lèvres !  -Oui je respire mal  (je prends l’initiative, sans vouloir trop me la ramener de prendre la saturation en oxygène) -Ah oui 52% : tu respires mal , ah ben c’est normal le fil de l’oxygène traîne par terre (depuis longtemps à mon avis ) – pas de réponse : perte de connaissance.

Il y a aussi le chirurgien viscéral qui est très joueur , à partir du moment où il a décidé (par téléphone) que le syndrome occlusif n’était pas chirurgical, il joue à son jeu préféré : cache-cache et à non jamais je ne mettrai de mots dans le dossier .Et quand j’ai un peu râlé et réussi à voir l’interne, celui-ci a eu peur parce que je lui ai posé une question … il  a appelé son chef illico et a appelé le médecin des urgences pour dire que je l’agressais ( ce qui est très drôle car ceux qui me connaissent savent à quel point je suis agressive …), mais bon il a réussi à ne pas pleurer … Enfin je le note , pour un incompétent question = agression .

Il y a aussi la réa qui pour éviter toute possibilité de prise en charge correcte a décidé d’être fermée depuis 10 jours pour cause de microbe très dangereux , en même temps , j’aurai dû leur dire qu’à highlander ça lui fait même pas peur les microbes très dangereux ( même si sans faire exprès la dernière fois, le chirurgien lui a ripé la rate au passage ).

Des fois ils sont gentils, ils me laissent des indices, le dossier ouvert sur la prise de sang d’il y a 48 heures . C’est un peu comme une chasse au trésor … Ca y est j’ai compris , c’est à cause du potassium: il est à 3!  Dis moi gentil médecin du dimanche qui essaye de sauver la vie d’Highlander, tu crois pas qu’il faudrait lui recontrôler son bilan et lui donner un peu de potassium …enfin j’dis ça j’dis rien …

Pour être sûr que ça marche, devant un cas si complexe , on ne va pas faire de transmissions trop précises ,déjà on a de la chance , les équipes tournent tout le temps et en plus c’est le week-end , on va pas dire à l’équipe qu’elle a une machine ( VNI pour les intimes ) à lui mettre qui l ‘aide à respirer, on ne va pas leur expliquer ( car on a pas tout compris de toute façon ) les signes à rechercher , que quand elle devient agressive , c’est pas ( seulement en tout cas ) qu’elle est chiante et que ce n’est pas le moment de fermer la porte de sa chambre et que quand elle dort des fois ça s’appelle le coma (note pour moi -même faire une petite affiche : quand highlander dort bizarrement ,c’est le coma ) .

Et tôt le dimanche matin, en se disant que personne ne viendrait avant plusieurs heures (et ben râté ) , l’infirmière s’est dit ( jsuis méchante parce que ça partait d’une bonne intention ) qu’elle allait lui mettre l’oxygène à fond parce que quand même elle respirait pas bien et qu’elle était un peu « somnolente  » ( enfin c’est quand-même mieux que chiante ). Ce qui est dommage, c’est que précisément dans le cas d’highlander c’est ce qu’il ne fallait surtout pas faire .

Du coup, en arrivant de bon matin , une chance quand-même ,  j’ai trouvé highlander dans ce qu’on peut appeler une sorte de coma ( PCO2 à 102 c’est le coma hein ?) appelé également « somnolence » par certains , j’ai fait ce que je déteste faire , j’ai râlé, revendiqué, suggéré, ordonné même parfois, géré quoi ! C’est tombé sur mon préféré en plus, le plus gentil qui sortait de garde mais bon tant pis pour lui, il va peut-être falloir que quelqu’un se bouge le cul !

Et pour le coup tout le monde s’est donné du mal,même le grand chirurgien en chef a fait bien tout ce qu il fallait faire, et pour le coup il n y avait rien à redire. Je ne suis même pas sûre que l’on m’ait trouvée si pénible que ça et que l’on ait trouvé mes exigences inadaptées ( interne de chir mis à part ). Il faut dire que si d’aucuns me trouvent parfois exigeante , je trouve quant à moi que mes revendications sont rarement exagérées ( à bon entendeur…).Malheureusement, la situation ne s’améliorait pas et quand la PCo2 a atteint 132, je me suis même dit que cette fois ,c’était la bonne! Il a fallu prendre des décisions pas faciles . Le réanimateur sans réanimation (SRF)  est tout de même venu ce qui a permi de s’apercevoir qu’une Po2 à 348 n’était pas nécessaire et qu’il fallait baisser la FIO2 à 30% car 100% , c’est trop!  Vous ne comprenez rien, je ne comprends pas tout moi-même, en gros la machine ( VNI pour les intimes ) n’était pas bien réglée …

Du coup, avec les bons réglages, highlander s’est réveillée très rapidement !! Ils n’avaient quand-même pas osé aller jusqu’à lui couper la tête .

Tout ça pour ça , pour me faire des ptites blagues, pour me plomber mon dimanche …

Je ne sais pas quoi penser. Je vis un peu dans un monde de bisounours , j’ai beaucoup de mal à être en colère, à en vouloir aux gens. Je suis non seulement très compréhensive mais en plus très peu revendicatrice ( du genre excusez-moi de vous déranger, vous êtes sûre que vous ne voulez pas me réinjecter un peu de produit dans la péridurale qui ne fait plus du tout effet depuis deux heures , s’il vous plait ? Non , c’est pas grave merci quand-même !) D’autant plus quand c’est une situation médicale et que je ne veux pas me la ramener du genre je suis médecin . Enfin bref, je suis un peu con comme fille. Heureusement que je ne reçois pas les visiteurs médicaux, parce que non seulement je goberais tout ce qu’ils me disent mais je serais capable de prescrire leurs médoc par politesse .

Bref , je suis sûre que n’importe qui d’autre aurait fait un scandale, serait choqué, aurait peut-être même été impoli. Je pense que mon attitude calme ( question/agression de l’interne de chir exceptée ) et adaptée est la plus efficace et de cela je serai toujours convaincue, mais je ne sais pas ce que je dois en penser au fond de moi .

En dehors de certains incompétents ( vous l’avez reconnu, ne l’accablons pas ) ou fainéants ( oui même moi je dois l’avouer, même si c’est plus ou moins une copine , passer l’après midi à discuter et téléphoner et dire à la fin qu’on a pas eu le temps de faire le pansement, c’est moyen ) , la plupart des personnes de cette histoire ne sont pas mauvaises , elles ont cru bien faire .

L’infirmière qui a monté l’oxygène a cru bien faire, un tuyau qui se débranche ça arrive , l’état de santé d’highlander est complexe et pas adapté à une structure où tout le monde tourne tout le temps et n’a pas la possibilité d’effectuer une surveillance constante, les conditions de travail sont difficiles …

Une rate qui est abîmée pendant une opération , est-ce une faute ? J’ai tendance à penser que c’est un aléa thérapeutique. Ils ne l’ont pas fait exprès .

Il y a une différence entre la faute et l’aléa thérapeutique. Est considéré comme aléa thérapeutique l’accident médical survenu sans responsabilité d’un professionnel de santé .

Comment en vouloir au médecin qui a fait de son mieux toute la journée, a été vraiment gentil avec moi d’avoir mal réglé la machine ?

Je n’ai pas le jugement facile. Bien-sûr sans moi je pense qu’Highlander n’aurait pas survécu ( bravo encore une vie de sauvée, mais toujours la même !) . Mais y’a-t-il eu faute ? C’est une conjonction d’erreurs humaines dans une situation difficile.

Bon, dans ce cas, ils y ont vraiment été forts et même dans mon monde de bisounours, j’ai depuis longtemps une mauvaise opinion du corps médical. J’ai été confrontée trop souvent à des incompétents.

J’ai beaucoup moins d’indulgence pour les cons, ceux qui n’écoutent pas, qui ne prennent pas le temps ,qui se prennent pour les meilleurs, qui sont tout ce que je déteste .

Mais ceux et il y en a quand-même qui essaient de faire au mieux , qui sont loin d’être parfaits mais qui font quand même ce qu’ils peuvent .Faut-il leur en vouloir ?

J’ai d’autant plus de mal à porter un jugement que je ne suis moi-même pas à l’abri , à chaque minute de faire une erreur/faute , de tuer quelqu’un tout en ayant fait de mon mieux .

Il m’est très difficile de raconter cela mais puisque je me suis permis de taper sur les autres, il est juste de me taper dessus aussi .

Quand j’étais interne, il y a un patient pour lequel j’avais tout fait parfaitement et même plus. Je lui avais pris rendez-vous avec plein de spécialistes, j’avais fait plein de courriers , j’avais fait des belles ordonnances de ma plus belle écriture , je lui ai tout bien expliqué. Seulement de ma belle écriture, j’avais juste oublié de recopier son traitement principal ( de l’hydrocortisone ). Il a été réhospitalisé , a eu pleins de complications et puis à moyen terme , il est mort …

Qui suis-je pour juger? Je dois seulement prier pour que dans ma vie , je fasse le moins d’erreurs possibles et que pour celles que j’ai faites ou que je ferai, on me pardonne .

 

abstraction

Certaines journées sont plus dures que d’autres .Pour être médecin généraliste, il faut pouvoir à chaque nouvelle consultation faire abstraction des ses propres problèmes , de ses propres sentiments. Il faut une certaine disponibilité du corps et de l’esprit pour consacrer à chaque consultation l’attention qu’elle mérite.

Pour le corps , c’est parfois difficile , quand la liste de patients est longue le matin au réveil, il faut vraiment une grave maladie pour ne pas y aller et encore plus de courage -sauf super secrétaire- pour annuler tous les patients. Donc rhume, angine, migraine, gastro, grossesse (oui je sais la grossesse n’est pas une maladie enfin quand-même ) ,rien de tout ça n’arrête le généraliste. Alors les journées sont longues, à écouter des gens se plaindre de la même chose ou de moins, à leur faire des arrêts ( je ne me plains pas, personne ne m’a empêchée d’être salariée, je suis jalouse c’est pas pareil) , à se concentrer pour faire son travail, patient après patient. L’avantage c’est que l’on peut partager ses expériences et ressentir de l’empathie pour le patient « oui , je connais les nausées du 1er trimestre, c’est affreux, horrible,plus jamais j’aurai d’enfants, et les hémorroides vous en avez ? non vous ça va ah bon… ». On peut se prendre en exemple « Vous voyez moi je vous tousse dessus depuis tout à l’heure , et bien je n’ai pas d’antibiotiques ! ». Bon être aphone, c’est plus difficile , et en plus je fais peur aux enfants , mais on se débrouille , quand on n’en peut plus, on ferme la porte , on pleure un bon coup et on fini par voir la fin de la journée.

Pour l’esprit, c’est plus difficile . Quand les soucis sont petits, ça va, au contraire,  parfois l’abstraction est telle qu’on n’y pense pas pendant toute la consultation .Rien de tel que de s’occuper des autres pour oublier ses propres problèmes. Mais quand la souffrance ou la préoccupation est telle qu’elle nous submerge, qu’on ne peut pas penser à autre chose, qu’on ne peut pas détacher ses yeux du télephone posé à côté, il se passe un phénomène un peu bizarre de détachement de soi, comme si on s’observait faire les choses (et les faire mal en plus) mais qu’on pensait à autre chose pendant ce temps ( Ma fille est malade , ma mère est en réanimation, est ce qu’il va m’appeler, ma meilleure amie est en train d’accoucher ).Comment s’occuper correctement des patients et de leur besoins quand on ne pense qu’à ses propres besoins ,envies et angoisses.

Alors je demande pardon aux patients, victimes de mon égocentrisme passager. Ont-ils remarqué aujourd’hui que mon but était d’en finir au plus vite ?( au point de ne même pas en faire payer certains ), ont-ils remarqué mon manque de zèle ,mon manque d’intérêt pour leurs problèmes? J’ai essayé de donner le change  mais bon…Et merci à tous ceux qui sont restés chez eux aujourd’hui…J’essaierai  de faire mieux la prochaine fois , mais même un médecin à le droit  d’avoir des problèmes personnels  ,d’être malade , triste amoureux ou inquiet …

Certifié certifié #CertifALaCon

Je crois que je suis coupable de faux et usage de faux !

En ce moment , c’est la mode des certif à la con et je crois que je ne suis pas la seule à trouver ça insupportable !

Qui suis-je en effet pour certifier que telle personne est apte physiquement et psychologiquement à la vie en collectivité, à la fonction d’enseignant ( oui ma cousine je sais que tu l’es et je suis sûre que tu seras la meilleure, enfin doucement quand même avec eux …) ou autre !

Est-ce mon diplôme de docteur en médecine, ma formation en biochimie , mon stage d’externe en psychiatrie qui me permet d’apposer ma signature sacrée donnant foi à la capacité de telle personne à exercer telle activité? Parce que pour une raison obscure, les certificats médicaux pour tout et rien sont très à la mode !

Certificat de non contre-indication au sport qui justifierait à lui seul une discussion complète sur laquelle je vais passer en lui accordant une éventuelle légitimité médicale ; certificat d’absence scolaire ou jours enfants malades, arrêt de travail: je passerai également sur l’absurdité de la nécessité de ma signature sacrée pour justifier une abscence d’une journée (ne pourrait-on pas juste considérer que les gens sont de bonne foi ? Quelle idée folle!) qui oblige les gens à consulter alors que le mal est déjà passé tout seul ( et tant pis pour le trou de la sécu et le surbooking des médecins); je n ai rien de mal à dire contre les certificats de coups et blessures ou d’agression en dehors du fait que faits par un généraliste, ils n’ont aucune valeur médico-légale et que si il doit amener sur des poursuites judiciaires, il faut réadresser le patient aux urgences médico-judiciaires; le certificat de décès bien que pas très joyeux est néammoins indispensable ( même si je dois l’avouer quand on m’appelait à l’hôpital la nuit et que l’on me laissait toute seule dans la chambre, je regardais de loin le patient visiblement très mort et ne vérifiais pas , j’espère que je ne suis pas passé à côté d’un faux mort !) ; j’aime bien faire les certificats de vaccination: si tout est fait comme il faut, les vaccins sont à jour ( je suis notons le pro-vaccination -oui il parait que l’on peut être contre-) et notés dans le dossier…

En revanche, les certificats d’aptitude pour un emploi ou à la vie en collectivité me laissent perplexe. Quel est la valeur d’un tel certificat? Pourquoi faire ? Et surtout quelles sont les contre-indications à cet emploi ou à la vie en collectivité que je suis sensée décelées moi le grand docteur ? Alors comme je ne sais pas pourquoi, en dehors du cas où c’est l’occasion de faire le point avec un patient qui ne vient jamais, je ne fais même pas de consultation ( je ne fais pas payer non plus ne cautionnant pas le coût inutile de ces consultations) , cela est d’un haut niveau du genre :et vous êtes apte? Ok alors ? J’ai vu récemment beaucoup de jeunes filles qui venaient pour avoir un certificat d’aptitude nécessaire pour animer le festival de l’été de la ville. Elles emmenaient leurs copines que je n’avais jamais vues : que dire ? vous êtes aptes ? Ou à la copine : elle est apte vous êtes sûre ? Tant qu’à faire des faux , autant arrêter de faire semblant de le faire sérieusement. Alors, si vous avez besoin d’un certif à la con , venez me voir, j’en fais sur simple demande …

Peut-être que je me trompe  et qu’il y a de bonnes raisons et des contre-indications à déceler lors de ces certificats? Si quelqu’un les connait, je suis preneur ! En tout cas, quand j’inscris ma fille de quatre ans à l’éveil musical et qu’on me demande un certificat médicale d’aptitude à la vie en collectivité, je me dis que l’absurdité est à son comble et que j’ai de la chance d’être médecin, je peux faire un faux avec usage de faux …

Un jour de congé

Comme tout le monde, il est nécessaire de temps en temps d’avoir un jour de congé pour se ressourcer.

Je pense qu’il y a des métiers ou plutôt des emplois ( car tout le monde n’a pas la chance d’exercer un métier qu’il a choisi mais la plupart des gens occupent un emploi par nécessité) bien plus difficiles que le mien. J’ai conscience tous les jours de la chance que j’ai: faire ce que j’ai choisi , exercer en libéral et choisir mes horaires , faire quelque chose qui n’est pas physique ( pour moi c’est précieux) , se sentir utile. Parfois, je l’oublie un peu mais jamais très longtemps et fréquemment je m’efforce de me souvenir de la promesse que je me suis faite de toujours être à la hauteur de cette chance et de ne jamais oublier que je suis privilégiée.

Donc loin de moi l’idée de me plaindre de mon travail ou de ma vie.

Mais quand-même, parfois ce n’est pas facile, c’est fatiguant moralement,consultation après consultation, il faut écouter, réfléchir, être empathique, faire abstraction de ses propres pensées , parler/écouter/réflechir/écrire dans les dossiers/faire abstraction de l’enfant qui pleure/twitter tout ça en même temps. Il faut quand on raccompagne le patient à la porte remettre les compteurs à zéro et recommencer encore et encore. Surtout, il faut porter sur ses épaules le poids de chaque histoire, de la maladie, de la souffrance, de la misère d’une part et d’autre part le poids de la responsabilité, de savoir qu’à chaque consultation d’une manière ou d’une autre ,on a la vie de quelqu’un entre ses mains.   Et des fois les journées sont longues et dures. Physiquement et moralement il faut tenir !

Donc quand-même, c’est pas toujours très facile et quand un jour de congé arrive, cela fait du bien. On en profite à fond bien sûr. On laisse tout derrière soi, on ne pense pas au patient qui va mal , on ne culpabilise pas du fait que si un patient a besoin de nous , nous ne sommes pas disponibles , on ne fait pas de paperasse, de compta, on ne s’arrache pas les cheveux tout un week-end à faire sa première 2035, on ne pense pas au cas qui nous a posé problème, on n’a pas de lecture médicale, on n’essaie pas de se former, on ne lit pas prescrire aux toilettes. On fait le vide total.

Prenons l’exemple d’une journée de congé où aucune vraie contrainte ne m’attend ( ce qui arrive disons le à peu-près jamais.Je passe sur toutes les tâches du quotidien (rangement,ménage,paperasse,courses etc ) que clairement je ne fais pas! Déjà,il faut l’avouer,je ne suis pas une parfaite femme d’intérieur/épouse/maman , mais en plus si par hasard il se trouve que j’ai une journée de congé, je ne vais quand-même pas la passer à faire tout ce que je n’ai jamais le temps de faire mais qu’il faudrait faire quand-même, je vais la passer à faire ce que j’ai envie ,c’est à dire rien. Donc imaginez que les moments manquants de ce récit sont comblés par le visionnage de séries télé, un bon bain et dans le meilleur des cas une sieste.

Donc, dans ce monde idéal où je n’ai rien à faire, je me dis que je vais enfin pouvoir faire la grasse matinée. A 9h, après avoir vaguement entendu mon parfait mari se lever pour préparer et emmener ma fille à l’école et avoir fait dans un demi-sommeil un bisous à celle-ci, j’entends un texto mais je fais la sourde oreille, puis la vibration à nouveau du téléphone qui sonne. Le texto,c’est une amie qui me demande si c’est normal qu’elle n’ait pas eu ses règles à l’arrêt de sa pilule et le coup de fil c’est l’adorable secrétaire de mon cabinet secondaire ( oui je suis comme ça moi, j’ai un cabinet secondaire!) qui ne sait pas que je ne travaille pas mais qui me demande si je peux faire une visite d’un patient que je connais bien dont le médecin est absent ( je dis non car je suis une mauvaise personne et que c’est mon jour de congé , et je répond non au texto aussi parce que ce n’est pas normal ) Gentil mari repasse parce qu’il a oublié quelque chose .Bon ça y est je suis réveillée, autant en profiter pour faire quelque chose ( c’est à dire rien). Pendant cette matinée à ne rien faire, je reçois quelques appels: le médecin de ma mère en visite chez elle veut savoir ce qu’il doit noter sur l’ordonnance, ma grand-mère très gentille m’appelle pour prendre des nouvelles ( honte sur moi que ce ne soit pas l’inverse ) et me raconte de long en large ses non-problèmes de santé en concluant comme à son habitude que « enfin ,ce n’est pas grave ,il y a pire  » et mon père veut savoir ce que je pense des gouttes pour les oreilles que le médecin a prescrit la veille à ma ( très) petite soeur.

C’est déjà l’heure d’aller chercher ma fille à l’école, ça passe très vite, j’arrive cheveux mouillés en courant. Je dis bonjour à la camarade de classe de ma fille qui est aussi ma patiente occasionnelle, et la maman de son copain préféré, mon amie par ailleurs, me rappelle de ne pas oublier de tamponner le certificat de colonie de son ainé. Je demande à la merveilleuse nourrice de ma fille sur qui je peux toujours compter et sans qui je ne survivrais pas de la prendre à 16h30 parce que moi j’ai un truc à faire ( ou pas), elle me dit que je prenne mes ordonnances  parce que un de ses fils tousse et que elle, elle a la rate qui se dilate ( non je ne me moque pas de son hypocondrie ) .

En bonne mère que je suis, j’emmène ma fille manger au quick, car je n’ai pas eu le temps de faire à manger, trop occupée à ne rien faire. Pendant qu’une de mes patientes (bon quand je dis mes patients, j’exagère un peu, je veux dire patients des 2 cabinets où je travaille depuis plusieurs années voire même des trois quatres autres des environs où j’ai travaillé et de l’hôpital en face où j’ai fait à peu près tous les services en tant qu’interne: du coup, ça fait beaucoup de monde mais ce ne sont pas littéralement mes patients ) me prépare ma commande, je regarde autour de moi voir combien de « patients » je vais rencontrer.Je pourrais aller au Mac Do mais c’est pareil, j’ai aussi une patiente qui y travaille et puis j’y suis allé hier,il faut équilibrer son alimentation. Pour faire le trajet jusqu’au manège de l’autre côté du centre commercial, c’est statistique je rencontre au moins un voire deux visages familiers. Ce qui est plus rare mais qui arrive quand-même , c’est de rencontrer un patient au rayon sous-vêtements .

Tout le monde à ce moment de la lecture est en train de se dire, mais il ne faut jamais travailler près de là où on habite. C’est vrai mais …

J’habitais la ville d’à coté mais j’ai voulu habiter cette ville car je l’aime vraiment bien, je voulais habiter à côté de ma perle de nourrice pour que ma fille aille à l’école ( taguée ) près de chez elle, parce que c’est un quartier chaleureux à l’opposé de mon cabinet et que si j’évite le centre commercial et les fêtes municipales, je suis à peu près tranquille .Et puis il y a probablement une partie de moi que ça ne gêne pas tant que ça .J’aime bien cette atmosphère petite ville où tout le monde se connait plutôt que anonymat des grandes villes .Et je pense que j’aime que mes patients sentent que je suis comme eux, on peut discuter de différentes activités proposées par la ville, on a des choses en commun. C’est juste un peu la honte quand ma fille pique le seau et la pelle d’une patiente au bac à sable.

Après avoir déposé ma fille à l’école, je vaque à diverses activités.Il n’est pas impossible que pour me détendre, je regarde une série médicale dont je ne me lasse jamais . Je reçois un texto pour un certificat d’aptitude au sport  et mon mari me demande si je peux rappeler son cousin qui s’inquiète parce que son bébé à de la fièvre.

D’ici le soir, j’aurai également rappeler une amie pour les résultats de prise de sang de sa belle-mère et reparler à mon père car ma soeur a toujours mal à l’oreille , lui d’ailleurs a toujours ses douleurs dans les jambes qui l’empêchent de dormir.

Et gentil mais douillet mari a un lumbago, il va encore trouver que je manque de compassion.

Je me dis que quand-même aujourd’hui, j’ai été un peu sollicitée mais cela me fait penser qu’il y a eu pire. Je me souviens de la fois  en troisième année de médecine dans le bus où mon père m’a lu les résultats de son échographie :c’est quoi un séminome ? ( un cancer qui n’en était pas un) , le repas chez ma tante où une voisine que je n’ai pas depuis plus de dix ans me montre dans la cuisine entre le fromage et le dessert son frottis dont les résultats étaient un petit peu cancéreux, la fois ou la grand-mère de mon mari a été enfin d’accord pour être hospitalisée mais seulement dans mon service, les décisions de ne pas réanimer, et tant d’autres  …

Cela est sans fin, bien évidemment, c’est parfois difficile à porter pour des petites épaules mais que ceux qui ont pu se reconnaitre m’excusent si j’ai donné l’impression de me moquer ou de me plaindre. Surtout, surtout , continuez à me solliciter , n’hésitez pas car non seulement je le fais avec la meilleure volonté du monde et en plus c’est souvent le seul moyen que j’ai pour vous rendre tout l’amour ou l’amitié dont vous m’entourez, pour me sentir moins redevable de tous les services que vous me rendez .Surtout , surtout ne m’enlevez pas ce plaisir…

Quant à ceux qui ont dans mon entourage été très malades, la difficulté d’avoir eu à assumer le rôle de médecin et de proche à la fois est compensée largement par tout ce que le fait d’avoir été médecin m’a permis de leur apporter, en terme de prise en charge, et de soulagement et par le lien que j’ai pu grâce à cela partager  avec eux .

En tout cas , cela fait du bien une journée de congé, de se vider la tête …Je vais pouvoir partir dormir chez ma mère malade détendue prête à aborder le nouveau challenge médical que la nuit viendra m’apporter …