Jusqu’ici tout va bien

 

En ce moment où la question de l’installation fait débat, appelle des questions, où les témoignages ne sont pas très encourageants, je voulais apporter mon propre témoignage.

Un peu de positivisme ne pourra pas faire de mal …
Puisque vous l’avez compris, je vis un peu dans un monde de bisounours et que je vais forcément être positive…
Avant de parler de l’installation en elle même, je vais parler de comment j’en suis arrivée là!
Je pense que j’ai eu de la chance jusqu’à maintenant, que j’ai eu des bonnes opportunités, rencontré les bonnes personnes. Je pense aussi que j’ai été maligne, que j’ai fait des bons choix, en tout cas, depuis le début de mon internat, à part peut-être un stage, je n’ai eu que des situations agréables, tant sur l’intérêt que sur la charge de travail. J’ai toujours réussi à associer le plaisir professionnel en réussissant à passer au travers des horaires épuisants. J’ai eu un internat de rêve! 
Comment j’ai fait? Des bons choix , et surtout j’ai fait de la médecine générale dans des hôpitaux de périphérie ( en Seine-Saint-Denis pour la plupart bien sûr) loin des CHU parisiens dans lesquels j’avais assez passé de temps pendant mon externat! J’étais assez bien classée pour choisir ce que je voulais et j’ai donc eu des supers stages, près de chez moi, avec des médecins humains, des horaires très cool ( vive les CV), pas de staffs et de biblios à tout bout de champs… La belle vie comparée aux récits des copains de facs qui m’entouraient. 
Bon, j’ai histoire de pouvoir me plaindre un peu subi l’exploitation de l’interne de médecine générale dans mon seul stage de CHU en gynéco…mais bon au moins j’ai pu me faire des échos à gogo pendant ma grossesse…
J’ai commencé les remplacements dès mon quatrième semestre, et j’ai tout de suite eu des bonnes opportunités, j ‘ai remplacé mes maîtres de  stage, dont une qui partait en congé mater à la fin de mon internat, ce qui fut très formateur. 
On m’a appelé alors que je n’avais rien demandé, et j’ai commencé mes remplacements réguliers chez O et B près de chez moi. J’ai eu beaucoup de chance car ils m’ont tout montré, ont été très patients surtout B. Il n’a pas bronché à la fin du premier jour quand on s’est aperçus qu’en fait j’avais cliqué sur le mauvais icône et que je n’avais passé aucune carte vitale de la journée .. Il n’a pas bronché non plus le jour où j’ai cliqué sur restauration au lieu de sauvegarde effaçant ainsi deux jours de vie du logiciel, dossier et compta de tout le cabinet. 
J’ai essayé des remplacements ailleurs en parallèle ,histoire d’avoir d’autres expériences et de lutter contre mon côté casanier. Je ne sais pas si c’est mon côté casanier, bisounours ou si je suis chanceuse, mais je suis en général tout de suite contente: j’achète une voiture en une heure, loue le premier appart que je visite, pour acheter une maison j’en visite trois quand-même, j’ai déjà choisi le prénom de mon enfant avant même d’avoir commencé à y réfléchir! Donc, j’ai essayé quand-même quelques autres choses, un peu plus loin, un peu plus rural, voir différentes choses y compris des médecins complètement nuls mais bon c’est intéressant de le voir une fois mais deux jours ça suffit!
Bref, j’étais bien là où j’étais. Le cabinet s’est séparé en deux, j’ai continué à travailler dans les deux, et puis au bout d’un (long) moment:j’ai eu ma thèse! 
Et alors, je me suis installée en tant que collaboratrice. Ça fait un an et demi et je suis toujours aussi contente! 
Alors, on pourrait dire que ce n’est pas une vraie installation,c’est un tout petit peu vrai et beaucoup faux.
Je suis un vrai docteur, j’ai ma plaque, mes ordonnances, je peux être le médecin traitant de mes patients, je peux avoir un remplaçant, bref tout est pareil! Quel est l’intérêt alors?
Je pense qu’il est plus dans la tête! C’est un statut un peu intermédiaire qui permet de se dire qu’on ne s’engage pas définitivement bien qu’en pratique lorsqu’on est installé, rien ne nous empêche de partir quand on veut.
En général, un collaborateur ne travaille pas tous les jours donc on peut continuer à faire des remplacements ailleurs ou des vacations salariées dans d’autres structures! Quand on sort de l’internat, de l’hôpital, des remplacements, on a l’habitude de faire des choses variées, de changer tout le temps d’activité, on a du mal à se lancer dans le libéral pur au même endroit à 100% et ça rassure de se laisser la possibilité de faire autre chose.
Moi, même si au fond de moi, je savais que c’est le cabinet qui me plaisait et que ça finirait comme ça, je me disais que je ferai des vacations en PMI, en crèche, à la prison, au CMS, en pédiatrie, etc …et puis finalement… la flemme d’un côté et le fait d’être très bien où je suis de l’autre, je n’ai rien fait de tout ça! Mais j’aurai pu!
J’ai quand-même continuer un moment à remplacer dans mon cabinet « secondaire » où je retourne occasionnellement pour dépanner, je fais des vacations dans un foyer de l’aide sociale à l’enfance, et rien ne m’empêche de faire plein d’autres choses.
Bref, être collaborateur à un intérêt psychologique dans « les étapes du développement du bébe docteur »
En pratique, l’intérêt est surtout de ne pas rentrer dans la gestion du cabinet.Je ne fais pas partie de la SCM,  les locaux et le matériel sont mis à ma disposition, je verse une redevance qui est calculée au prorata des charges du cabinet, mais étant donné que c’est une location, en Seine-Saint-Denis, avec un secrétariat téléphonique à distance, celles ci sont assez faibles. 
Donc, en pratique, vous l’aurez compris, la vie est belle! 
J’aime travailler en libéral, avec des horaires variables, que l’on choisi (en accord avec mes collègues bien sûr, pour assurer la permanence des soins) , j’aime avoir des moments de libre dans la semaine quand tout le monde travaille, pour faire la grasse matinée, récupérer ma fille à l’école le midi, aller pique niquer  ou la récupérer à 16h30 une fois de temps en temps et organiser un goûter avec des copines, m’enfermer au ciné dans une salle vide en plein milieu de la journée, et bien sûr évidemment vous me connaissez maintenant passer la journée à faire du ménage! 
Je ne culpabilise même pas, tout d’abord, parce que je travaille quand-même! Je travaille même assez fréquemment le soir et le dimanche, c’est juste que je ne travaille pas du lundi au vendredi de 9h à 18h et c’est ça que j’aime. Et j’aime la liberté et pour cela, le libéral c’est vraiment mon truc!
Ensuite, je ne laisse pas mes patients en plan, nous sommes trois médecins dans le cabinet ainsi qu’un interne et des remplaçants, il y a des plages avec et sans RDV donc la permanence des soins est assurée!
Pour l’instant, je n’ai pas un nombre trop important de patients pour ressentir le poids de la demande peser sur moi et même si je ne finis pas mes journées tard, je refuse peu de monde et accepte les urgences le cas échéant.
Je n’ai pas la pression financière des charges ou d’un prêt qui me force à travailler pour payer les charges. Je ne suis pas encore dans la spirale infernale de plus on travaille, plus on a de charges et donc plus il faut travailler! Pour l’instant, quand l’emploi du temps est léger, je me dis chouette et ne pense aucunement à l’argent, et ceci même si ma situation financière personnelle n’est pas mirobolante. Je préfère être à découvert que de renoncer à ma journée de congé!
Parce que j’applique mes propres principes: du repos et du plaisir, et que je reste persuadée qu’il est impossible de travailler correctement pendant toute une vie (personnellement je ne tiendrais même pas un mois ) au rythme effréné qui est souvent habituel chez les médecins!
Je ne dépasse presque jamais les 25 patients par jour, et ça c’est une grosse journée et je ne sais pas comment font ceux qui le font !
Je dis aux gens sans rougir « non le samedi je ne travaille pas » et « non là je dois partir chercher ma fille, je suis désolée » ( je crois que non seulement il ne m’en tiennent pas rigueur mais qu’en plus ils trouvent ça normal voire ça leur fait plaisir de voir que leur médecin à une vie, des enfants… comme eux) 
Les gens ne sont revendicateurs que si on leur donne de mauvaises habitudes et qu’on ne leur explique pas les choses! 
Et ceux qui ne sont pas contents …
Alors je préfère être un médecin fainéant, pauvre et égoïste et un médecin heureux qu’un médecin en burn-out, une maman absente et une femme toujours épuisée et qui ne participe pas aux tâches ménagères ( euh mais ça c’est moi quand-même 🙂 
Bref, tant que j’en aurai la possibilité, je continuerai comme ça mais je reste persuadée que la possibilité, c’est en partie celle que l’on se donne à soi-même. 
Pour en revenir à l’installation, si l’on admet que mon statut est un peu particulier, et que je n’ai pas à gérer tous les problèmes de gestion du cabinet médical, je n’ai absolument pas de plaintes. 
Il y a le problème des relations entre collègues qui même pour un bisounours comme moi ne sont pas idylliques. Mon expérience montre que partout, ce n’est jamais simple mais je ne m’étendrai pas la dessus ici. J’en parle juste pour dire quelque chose de négatif.
Je n’ai pas eu de soucis administratifs. 
L’installation en elle même s’est faite correctement. 
L’accueil au conseil de l’ordre à été effectivement décevant mais ils ne m’ont pas mis de bâtons dans les roues. J’ai reçu ma CPS et tout ce qu’il fallait à temps.
La CPAM ne m’embête pas! Les remboursements s’effectuent correctement et pourtant je pratique le tiers payant très majoritairement. Je ne croûle pas sous le poids de la paperasse. 
Bon le tas de paperasse à scanner s’accumule mais c’est parce que je ne m’en occupe pas régulièrement: je passais plus de temps à le faire quand je remplaçais.
Je pense que quand tout est informatisé, y compris les compte-rendus, les protocoles de soins etc, c’est quand-même plus facile que « dans le temps »
Et j’apprends progressivement les rouages de « l’entreprise libérale ». Ce n’est pas si compliqué, il faut y aller progressivement et se faire un peu aider: des collègues sympa, et personnellement j’adhère à média-santé qui m’apporte une aide discrète mais indispensable. Du coup, ce n’est ni insurmontable, ni si chronophage que ça. 
Je suis pourtant très désorganisée et absolument une catastrophe sur le plan administratif mais faire ma 2035 (déclaration d’impôt des médecins) et donc toute ma comptabilité de l’année puisque pendant un an, je n’avais absolument rien fait, ne m’a pris que quelques heures , je dirai 6-8 heures maximum réparties la dernière semaine avant l’échéance, bref une faible contrainte et j’avoue que j’y ai même pris du plaisir! J’oublie d’une année sur l’autre, mais je maîtrise à fond et j’aime même avoir ce genre de discussion avec ma collègue (« j’avais raison, mon AGA m’a confirmé que le secrétariat téléphonique, c’était sur la ligne 21 et qu’il fallait faire une DAS 2 » ) 
Pour résumé, à mon niveau et en ce qui me concerne et je ne veux absolument pas faire de généralités et que l’on comprenne bien que je ne parle que de moi, j’ai conscience des nombreux problèmes de la médecine actuelle mais personnellement, je  n’ai pas de problème depuis que je suis installée…
Il ne s’agit pas de dire que je suis représentative,il s’agit de dire que moi j’ai trouvé une situation qui me convenait, avec un contexte très favorable et que j’ai conscience de la chance que j’ai. Grâce à ce statut de collaborateur et à mes collègues, j’ai pu m’installer de cette façon, ce que ma vie personnelle ne m’aurait pas permis de faire s’il avait fallu m’investir davantage. Je pense que c’est bénéfique pour tout le monde.
Et si j’ai eu ou su créer cette chance, je pense que je ne suis pas la seule.Je ne suis donc pas représentative, mais je suis la preuve que c’est possible.
Et indépendamment  de tous les côtés pratiques et terre à terre dont on parle, j’aime surtout le fait d’être médecin! On oublie souvent que c’est le centre de notre métier car on est souvent submergé par tout ce qu’il y a autour, j’aime exercer la médecine, j’aime mes patients, ils sont gentils et ai-je besoin de le redire, ni agressifs,exceptionnellement  impolis et très peu revendicateurs. Je ne vais pas développer plus maintenant mais c’est un métier fantastique!
Pour conclure (oui ouf), sans me voiler la face, et puisque d’autres ont assez souvent développer les difficultés, je me devais de témoigner pour équilibrer la balance que pour moi JUSQU’ICI TOUT VA BIEN! 
Tout n’est peut-être pas tout rose. Mais tout n’est pas noir non plus ! 
Si vous avez envie de vous installer, si vous le faites avec intelligence et en ayant conscience de vos limites, soyez fous faites le: sur un malentendu ça peut marcher! 
Et je sais que je ne suis pas la seule à être un médecin heureuse, en Seine-Saint-Denis en tout cas, il y en a plusieurs… En tout cas, nous sommes au moins deux!

Désolée pour cette logorrhée et la longueur de ce texte, il faut dire que cela fait plusieurs heures que je suis au paradis des enfants et surtout des parents …
C’est ma fille tout en haut: elle est belle hein?