Violences…

Ce matin en garde, j’ai vu une jeune fille de 17 ans qui venait d’être placée en foyer à sa demande car elle était rouée de coup tous les soirs depuis 3 ans par son père et son frère.  Une jeune fille très courageuse qui semblait aller bien en dépit de son histoire dramatique et de tout ce qu’elle avait vécu.

J’ai compris qu’elle était en fait dissociée. Surtout, alors qu’elle venait pour son asthme, je me suis sentie à l’aise pour entamer une discussion sur ce sujet avec elle. J’ai réussi à dire autre chose que mon habituel « oh ma pauvre »  (que j’ai dit plusieurs fois néanmoins). Je lui ai parlé des mécanismes qui se passent dans de telles circonstances. Je lui ai noté sur un papier le site mémoiretraumatique.org. Elle a plié le papier et l’a mis dans sa coque de téléphone…

Je ne sais pas si ce que je lui ai dit l’a aidé ou l’aidera mais je savais quoi dire.

Je prend cette situation car c’est celle que j’ai eu ce matin mais récemment j’ai eu plusieurs situations que je pourrais raconter de patientes victimes ou ayant été victimes de violence.

Parce que maintenant je le dépiste .

Il y quelques mois, j’écrivais dans ce billet « mon prix du poster » que j’avais été sensibilisée à l’importance de dépister les violences chez mes patients.

1 FEMME SUR 10 est victime de violences conjugales

1 patiente sur 4 en médecine générale a été victime de violence au cours de sa vie

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J’avais compris qu’il fallait poser systématiquement la question aux patient-e-s, que ça pouvait tout changer.

Le poster de la thèse de Mathilde Palisse que vous pouvez revoir ici m’a fait comprendre que les femmes sont favorables à un dépistage systématique et que c’est le rôle du médecin généraliste.

Arrivée à ce stade, je n’étais pas beaucoup plus avancée, parce que maintenant je savais qu’il fallait que je demande mais je n’y arrivais pas vraiment et puis je n’étais pas armée, façe à des réponses positives.

Et puis, j’ai fait une formation passionnante. Avec des gens formidables.

Et puis j’ai compris tellement de choses .

J’ai découvert les mécanismes des psycho-traumatismes.

(si vous devez cliquer sur un seul des liens, cela doit absolument être celui ci!!)

J’ai compris pourquoi la maman de Jaddo a envie de dormir face à des victimes de violence.

Je n’ai toujours pas compris par contre pourquoi en tant que médecin, on ne m’avait jamais expliqué ça.

Il y a bien Opale que je remercie très fort qui essaie de nous expliquer à tous pourquoi on doit lire « le livre noir des violences sexuelles » de Muriel Salmona, et elle a tellement raison !!!

J’ai compris que chez 1 patiente sur 5, des violences passées ou présentes étaient la raison de tous leur maux que je ne comprenais pas,  j’ai appris comment leur en parler, j’ai appris quoi leur dire, j’ai eu plein d’infos sur le cadre juridique, les procédures à suivre, j’essaie de construire un réseau autour de mon cabinet pour les prendre en charge.

Je sais tellement plus par rapport à l’année dernière..et à la fois je ne sais rien encore, mais je suis bien décidée à apprendre.

et du coup j’ai comme l’impression que j’ai découvert un truc hyper important et j’en parle un peu tout le temps.

Mon bonheur là dedans, c’est d’avoir fait tout ce cheminement avec docteur gécé et que du coup on peut en parler de manière obsessionnelle toutes les deux.

Du coup, il faut absolument lire ce qu’elle a écrit à ce sujet « Ultra Violence »

Et puis aussi on a été ensemble cette semaine à la journée sur les violences faites aux femmes pour mobiliser les professionnels par la formation.

C’était une journée très intéressante, qui concernait tous les professionnels, soignants, travailleurs sociaux, judiciaires et l’importance de leur formation.

Docteur gécé a fait un LT sur twitter , que vous pouvez retrouver ici 

(merci hipparkhos pour le storify)

J’en profite juste pour vous faire part d’une information que j’ai appris là-bas: l’existence du numéro d’urgence 114 un numéro d’urgences par SMS pour les personnes ayant des difficultés à parler ou entendre, ou en danger et ne pouvant pas téléphoner.

Et puis, je vais continuer à être informative/obsesionnelle et vous mettre quelques liens (oui quelques car j’ai vraiment essayer de réduire)

Donc en fait si vous avez déjà cliqué sur tous les liens ci dessus

l’essentiel est :

-sur le site mémoire traumatique: toutes les infos sur les mécanismes, la législations, les prises en charge, notamment que faire si vous êtes professionnels de santé

et plein plein de documents à télécharger (plaquettes d’informations, affiches études, articles)

et

-sur le site http://stop-violences-femmes.gouv.fr 

avec plein d’outils pour les professionnels de santé

notamment les films Anna et Elisa et les plaquettes d’informations qui vont avec.

ELISA :le nouveau court métrage de la MIPROF qui montre l’impact que l’on pourrait avoir…

« pour moi,ça va tout changer… »

 

et Anna, que j’avais déjà mis dans mon précédent billet

 

 

Voilà et pour finir :

le numéro d’appel d’urgence 39 19 

et le numéro du collectf féministe contre le viol 0800 05 95 95

j’aurai plein d’autres choses à dire, mais bon je vais m’arrêter là

parce que y’a pas qu’en France évidemment..

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8 réflexions au sujet de « Violences… »

  1. Ping : Violences… | Journal de bord d'une jeune...

  2. Bonjour,

    Pour info, Muriel Salmona, sera à Rennes le 2 décembre 2014.
    http://www.questionsdegalite.org/violences-a-lencontre-des-femmes-quelles-consequences-sur-la-sante-des-victimes-comment-les-soigner/

    Je ne suis pas médecin, mais depuis 2 ans, je suis choquée, du nombre d’amies, de longue date ou récente, qui m’annonce avoir été abusée, violée…
    Comment avoir les mots justes ? Ne connaissant pas ce fonctionnement de la mémoire traumatique, ma maladresse n’a parfois fait qu’ajouter de la douleur…

    Je suis aussi élève shiatsuki, et évidement, au vu des statistiques, je rencontrerai en cabinet ce public fragile.

    Merci pour ce billet, qui m’encourage à continuer de me renseigner sur la mémoire traumatique, pour ma pratique dans le shiatsu… et peut-être aussi personnellement… qui sait ? je ne me souviens pas …

  3. Bravo pour cette envie que tu as de vouloir t’améliorer et prendre en charge ses patientes si spéciales, qui sont aussi mes clientes si spéciales (mon expérience ici http://wp.me/p4sTrJ-R)
    Pour ce qui est de mon expérience de patiente, l’année dernière, j’avais un horrible bouton de moustique sur la jambe qui ressemblait à une brulure de cigarette. Ma gynéco l’a vue et m’a immédiatement demandé ce que c’était. J’ai trouvé ca très agréable qu’elle prenne soin de maux que je ne pourrais pas exprimer. Et je pense donc que tes patientes y sont très sensibles.

  4. Je n’ai jamais caché avoir fait partie de ces femmes, j’ai relayé pendant des années cette journée, j’y suis attentive même si la plupart du temps impuissante, j’en ai parlé, à mots couverts souvent, mais sans honte, parce que le temps a pansé les plaies les plus visibles.

    http://menthealeau.net/tag/violences-faites-aux-femmes/

    Je suis heureuse de voir votre génération de médecins, de femmes médecins, se pencher sur ce problème immense.
    Merci pour elles, merci pour nous.

  5. Le chiffre de 1 femme sur 10 victime de violences conjugales est malheureusement sous estimé. Il s’agit plutôt de 1 femmes sur trois en Europe victimes une fois au moins dans leur vie de violences (http://www.france24.com/fr/20140305-violences-conjugales-rapport-pays-europeens-femmes/) .
    L’erreur fréquente est de voir ces femmes uniquement comme des personnes faibles qui subissent, alors que ce sont aussi les femmes qui résistent au désir d’emprise de leur partenaire qui subissent les violences parce qu’elles ne veulent pas céder.
    Il ne faut pas non plus mettre uniquement l’accent sur une vision « médicale » de la solution. La solution réside dans le fait que les femmes en parlent entre elles, et se mobilisent pour défendre leur droits, et participent aux programmes de lutte contre la violence conjugale au même titre que les « expert-e-s » et professionel-le-s de la santé. Sinon on va vers une pratique qui crée de la violence institutionnelle dans les structures d’hébergement d’urgences par exemple.
    Il faudrait idéalement que le coût de la prise en charge ne soit pas répercuté sur les femmes mais sur la société entière, et que la priorité soit donnée à l’indépendance économique des femmes,seules garante de leur liberté de sortir d’une relation de violences à long terme. Trop souvent les programmes de lutte se focalisent sur l’épisode de violence sans prendre en compte la précarisation économique à long terme que ce type de violence induit. Il faut introduire davantage d’empowerment des victimes et cesser de parler « sur elles ». Il faut les encourager à devenir actrices du changement, et écouter leurs propositions, ce qui n’est jamais fait: les gens préfèrent en général de focaliser sur les aspects « gores » de la violence qu’elles ont subie. Il faut les faire parler sur les stratégies gagnantes qui permettent de sortir d ela violence, pour donne des pistes d’espoir, car asséner des chiffres dramatiques et ne parler que des épisodes d’emprise eux-même peut avoir un coté « désespérant » qui renforce la sensation que ce n’est pas possible de s’en sortir.

    Une ancienne victime !

  6. Ping : Welcome Pack | Journal de bord d'une jeune médecin généraliste de Seine-Saint-Denis

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