Comme par magie

Cela doit être bien de pouvoir raconter comment enfant on disait que l’on voulait être médecin, ou la classe suprême, que c’était ce que l’on voulait faire juste après dresseuse d’ours … La médecine est classiquement une vocation. Pas pour moi.

En tout cas si elle en est une, elle fut très tardive. Pas une seule fois en seize ans, être médecin ne m’est venu à l’esprit! J’ai pendant une très courte période voulu être dessinateuse, je ne sais pas pourquoi je n’ai jamais su dessiner. Ensuite, j ai voulu être maitresse ,classique mais tenace, puis prof de maths. J’ai adoré les maths, et ce fut un vrai deuil à la fin du lycée de me dire que je n’en ferai plus jamais, mais bon les maths c’est rigolo mais ça sert a rien … En terminale, j ai feuilleté consciencieusement les bouquins d’orientation, à la recherche de ce que je pourrais faire de ma vie. Pendant un temps, j’ai suivi la tendance qui consistait à dire quand on est bon élève que l’on allait peut-être faire une école d’ingénieur, mais aujourd’hui encore, je ne sais toujours pas ce que veut dire ingénieur! Ensuite j’ai eu ma période je veux faire de la recherche ( tout aussi flou mais tout aussi classe). A aucun moment je n’ai pensé à faire médecine. Je n’avais aucun médecin dans mon entourage, déjà plutôt un certaine mauvaise expérience des médecins, et en dehors de la série urgences dont j’étais la plus grande fan, pas de référence médicale à proprement parler. Et même en regardant urgences, je ne me suis jamais dit que c’est ce que je voulais faire, ça ne risquait pas, les urgences, ce n’est vraiment pas mon truc ! ( A la limite, j’aurai pu vouloir être Lucy et avoir Carter comme chef mais sa fin tragique m’en a dissuadé, j’en verse une larme rien que d’y penser et je sais que je ne suis pas la seule dans ce cas …). Je me souviens même d un week-end chez mon arrière grand mère en fin de première, où je lisais un livre intitulé docteurs. Mon père, qui s’échinait à trouver ce que je pourrais faire de ma vie et à me proposer régulièrement toutes sortes de métiers, voyant le livre me dit :et docteur , tu veux pas faire docteur ? Je me revois nettement lui dire :non c’est dommage ça serait une bonne idée mais ça m a jamais attirée…Non je ne veux pas faire docteur !

Quelques mois plus tard ,ce fut la prise de conscience, en un week-end, je suis passée de : je n ‘y ai jamais pensé à : je ne peux pas imaginer faire autre chose. A ce niveau là, on pourrait presque parler « d’appel ». Je ne pourrais pas dire comment et pourquoi c’est venu! Je me souviens juste de ce premier week-end de décembre 1998 en terminale que j’ai passé sur le grand lit de mon frère à faire trois choses: regarder les livres d’ orientation , regarder le téléthon et regarder urgences. Je ne sais pas pourquoi mais j’en suis ressortie en voulant être médecin. Je sais que je me suis rendue compte que pour faire de la recherche (ce que naïvement ou prétentieusement je croyais vouloir faire ) il fallait faire médecine. Je serais incapable de dire vraiment pourquoi. Je pourrais dire que c’est d’avoir vu les enfants malades et d’avoir voulu changer le monde, mais bon je les voyais tous les ans. Je pourrais dire que ayant toujours eu une mère malade, j’ai voulu d’une certaine façon la sauver, oui mais non. Je pourrais dire qu’après avoir vu tant de mauvais médecins, j’ai voulu faire en sorte qu’il y en ait au moins un de bien, ça c’est peut-être un peu vrai, encore aujourd’hui, je pense que très peu de médecins sont des bons médecins, très peu et c’est une profession que je ne porte pas dans mon coeur. J’ai vu tant de mauvais médecins, du côté médecins comme du côté patient. Je m’efforce tous les jours de ne pas l’être et toutes ces expériences négatives m’aident à faire cet effort quotidien, je ne sais pas si j’y arrive mais je m’y efforce.

Quoi qu’il en soit, je ne sais pas pourquoi, mais toujours est-il que je suis ressortie de ce week-end en voulant être médecin. Et depuis ce jour, je n’en ai pas démordu, j’ai été d’une motivation sans faille, je n’ai plus imaginé faire autre chose dans la vie. Avec du recul, aujourd’hui, je sais que si je n’avais pas réussi, j’aurais voulu être sage-femme. Mais à l’époque, je n’envisageais pas autre chose. Et j’ai mis tout en œuvre pour réussir et ne pas pouvoir avoir de regrets. J’ai énormément travaillé pour y arriver. J’ai eu la chance de réussir et de pouvoir faire ce que je voulais. Je suis consciente de cette chance. Et à aucun moment, je n’ai regretté une seconde ce choix venu du jour au lendemain…comme par magie.

15 réflexions au sujet de « Comme par magie »

  1. Pareil! J’étais passé par plein de trucs mais l’envie de m’inscrire à la fac de médecine m’est tombée dessus comme ça, en terminale. Comme une évidence. Et c’était ça et rien d’autre. Sauf que moi, je ne sais toujours pas quel a été l’élément déclencheur!

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  3. Tout pareil…décision de dernière minute alors que j’étais inscrite en maths sup….Pas de facteur déclenchant non plus ( enfin mon inconscient ne m’a rien dit non plus!!) et comme vous tous aucun regret et la certitude aujourd’hui que je n’aurais jamais rien pu faire d’autre!

  4. En terminale, semi-cancre (bon en maths physique et nul pour le reste), je voulais être prof. Mon père, médecin, fils de médecin, petit-fils de médecin, m’a dit « Fais médecine, tu seras prof de médecine ». Je me suis dit : pourquoi pas.

    J’ai eu P1 ricrac, dans les derniers grâce à deux ans et mes notes en sciences (stats, physique, chimie). C’était juste avant la baisse du nombre de places au concours.

    La vocation m’est venue au contact des malades. J’ai choisi la médecine générale, la plus belle des médecines à mes yeux. Pendant mes remplacements, suite à une formation, j’ai hésité à entrer dans l’industrie pharmaceutique mais j’ai décliné la proposition. Je ne l’ai pas regretté.

    J’ai fait pas mal d’enseignement de 3ème cycle et en FMC.

    Ce que j’ai adoré, c’est Antonio Casilli m’a demandé il y a un an de faire un cours au CNRS/EHESS (medecine 2.0).

    La revanche du cancre et finalement, le retour à la vocation initiale.

  5. Tout pareil ou presque.
    D’abord coiffeuse, pas dessinatrice, mais un truc manuel aussi… Et puis une phrase marquante de mon instit de CM2 (je m’en souviens encore, c’est dire!): tu as les capacités pour faire plus, ça serait « dommage » de ne pas en profiter…
    Pas forcément sympa pour les coiffeuses, mais ça m’a marqué…
    Puis prof de maths, pendant un moment aussi.
    Puis je voulais aussi faire de la recherche. Après etudes des possibilités, on peut passer par pharma, ça prend moins de temps que médecine, j’etais plutöt partie pour ça en terminale. Je n’ai meme rien écouté à la journée portes ouvertes medecine alors que je notais scrupuleusement à celle de pharma. Et puis ma maman qui me dit: fais plutôt medecine, ça laisse un peu plus de possibilités derrière si tu changes d’avis et t’éloignes de la recherche… Grand bien lui en a pris de me dire ça! Aujourd’hui généraliste (un peu à l’opposé de la recherche quand même), j’adore ce que je fais et ne regrette pas!
    En tout cas, toujours un plaisir de te lire.

  6. Tout pareil.
    J’ai voulu faire tout un tas de trucs improbables… Serveuse de bar (je rêvais de savoir porter avec classe une dizaine d’assiettes posés sur mes bras et ma tête… la vocation est passée quand j’ai su qu’il fallait aussi faire la plonge), puéricultrice (comme toutes les petites filles de ma classe à la même époque), vulcanologue (en détestant la marche en montagne), astronaute (en étant claustrophobe), chercheuse aussi (ma mère disait que je voulais plutôt être trouveuse… pas faux !).
    J’ai fini, en terminale, par envoyer mon dossier pour être candidate à Math sup, dans le but de faire ingénieur en aérospatiale, comme mes deux frères (pas forcément l’aérospatiale, mais ils étaient tous deux en école d’ingénieur). C’est quand mon père a un jour laissé échappé que ce n’était pas spécialement pour lui faire plaisir que ses trois enfants fassent une école d’ingénieur, que j’ai compris que je m’y étais inscrite pour faire suite à mes frères, pour eux, pas pour moi. J’étais reçue en Math sup, j’ai décliné, je me suis inscrite en médecine.
    2 P1, un autre redoublement en cours d’externat, et je suis aujourd’hui interne en médecine gé. La vocation de médecine, je crois que je l’ai toujours eue quelque part, la médecine gé, c’est autre chose, c’est en pratiquant que je me mets à la préférer !

  7. C’est sympa de lire toutes ces « voies ». Je vais pas faire original, je voulais pas faire médecine non plus (j’ai aussi pensé à des trucs improbables comme vulcanologue, astronome et archéologue), j’ai même fait un an d’ingénieur, puis j’ai aussi voulu faire de la recherche et me voilà médecin généraliste…je me sens moins seule! (bon, avant de faire MG j’ai fait un peu de recherche quand même, médecin aux urgences et médecin scolaire)

  8. Meuse : un médecin broyé par l’administration
    Un médecin dans un petit village de campagne, broyé par l’administration. C’est le récit d’un ancien docteur ardéchois installé désormais à Neuville-sur-Ornain. Témoignage.

    L’histoire de Robert Escande se déroule en Ardèche, mais elle pourrait tout aussi bien se passer dans la Meuse.
    Dans ces petits villages parfois loin de tout pour qui le médecin est synonyme de survie, au sens propre et figuré.
    Installé à Neuville-sur-Ornain depuis deux ans, il raconte dans un roman, « Médecin, quand reviendras-tu ? », sa vie de toubib de campagne dans la vallée de Saint-Etienne en Montagne. Ses 4.000 patients par an, ses 10.000 actes annuels et « une incohérence totale entre le discours des pouvoirs publics et la réalité du terrain ».
    « J’étais médecin propharmacien dans un petit village de 550 habitants, à une heure de route en été de l’hôpital le plus proche, quasiment inaccessible en hiver. Lorsque je me déplaçais pour une urgence, j’apportais avec moi les médicaments, ce qui était tout à fait légal », explique Robert Escande.
    Infarctus de stress : « On m’a posé neuf stents, un record en France en une seule intervention »
    Jusqu’à ce que le fisc veuille le faire payer trois fois : sur ses revenus de médecin, sur ses revenus de pharmacien et sur ses revenus de… vétérinaire.
    « Mais je n’ai aucune activité de vétérinaire. C’est juste parce que les vétérinaires sont aussi propharmacien. C’est une façon de me taxer, pour me dégoûter du métier. Si j’avais payé, j’aurais travaillé sans faire aucun bénéfice. »
    De ses ennuis avec l’administration, à la jalousie des médecins du secteur et à la curiosité de certains habitants du village qui trouvent que le « toubib » mène grand train (« Ils ont tiqué quand j’ai acheté un 4×4 Humer, mais c’est le seul véhicule qui permet d’accéder aux coins les plus reculés en hiver ») sa vie est devenue un enfer.
    Pour autant, Robert Escande, médecin commandant des pompiers, diplômé en urgence et réanimation, n’a jamais voulu lâcher ses patients.
    « J’avais un certain train de vie, mais je travaillais sans compter, disponible 24h/24, 330 jours par an. »
    Plainte au conseil de l’ordre, procès et Conseil d’Etat, le docteur est relaxé partout. Mais garde quand même un goût amer dans la bouche, la vague sensation que l’Administration veut le broyer, lui et ses quelque 400 confrères médecin propharmacien qui subissent le même sort. « C’est complètement ridicule. Ça ne sert à rien que j’aille voir des patients au beau milieu de la nuit, que je leur fasse une ordonnance et que je les laisse se débrouiller pour aller à la pharmacie, 20 km plus loin, quand ils sont âgés ou très malades. »
    Lors d’un séjour en Meuse, Robert Escande se sent mal. « Une forte douleur dans la poitrine. J’ai tout de suite su ce que c’était ».
    A l’hôpital de Bar-le-Duc, le chef de service des urgences l’envoie à Nancy, tout de suite.
    Le diagnostic tombe : infarctus de stress, à 47 ans. Une situation impossible à gérer a failli avoir raison de lui. « On m’a posé neuf stents (des petits ressorts qui écartent les artères pour laisser passer le sang, NDLA), un record en France en une seule intervention. »
    En invalidité, Robert Escande ne retravaillera plus jamais. Il a écrit ce livre pour témoigner. « Je ne suis pas un donneur de leçons et je sais bien que ça ne changera pas les choses. Je rapportais de l’argent à la collectivité. Ils ont fait cesser tout ça en tentant d’en gagner plus. »
    Le village de Saint-Etienne en Montagne a installé une maison de santé dans laquelle un médecin consulte une demi-journée par semaine, sur rendez-vous.
    Les médecins alentours, selon Robert Escande, ne veulent pas se déplacer. « Ils préféreraient que les patients viennent à eux. » Au final, ce sont les urgences du coin qui voit leur affluence augmenter.
    Selon la formule consacrée, toute ressemblance avec une situation réelle en Meuse ne serait que fortuite ou une pure coïncidence…
    Marion JACOB

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