J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle

Aujourd’hui , je n’étais pas d’humeur empathique. 
La fatigue peut-être ou plutôt une humeur un peu particulière suite à des préoccupations personnelles, je ne sais pas mais je n’avais pas envie d’être spécialement compatissante pour les graves rhinopharyngite J1.

 En fait, moi qui suis quand-même super douée pour être très aimable, empathique, quelque soit le motif de consultation, et qui suis quand-même dans la vie en règle générale hyperpolie voire même un peu hypocrite sur les bords, je  me suis retrouvée dans l’état qui m’arrive parfois où tout ce qu’il y a dans ma tête sort de ma bouche ! C’était plutôt drôle et reposant.
Je suis restée sympathique et professionnelle, j’ai soigné avec attention les patients qui en avaient besoin, c’est juste que je ne me suis donnée aucun mal pour faire croire aux autres que je pouvais les « guérir ».
Parce que quand-même, on a beau être empathique et bienveillant: des fois trop c’est trop!

Melle C. 33 ans, qui vient parce que depuis le matin, elle ne se sent pas bien, un peu mal à la tête, et un peu gênée dans la gorge et qu’elle a préféré quitter le travail pour voir un médecin pour éviter que ça s’aggrave!

Mme G. 60 ans, attendant une heure dans la salle d’attente, accompagné de son bienveillant mari, parce qu’elle tousse et parce que elle préférait venir avant que ça tombe sur les bronches!

Mr B. 25 ans qui vient expliquer pendant dix minutes de quelle façon ça le brûle par ci,  c’est bouché par là, et que c’est vraiment insupportable, sans prendre aucun recul sur ce qu’il raconte, vraiment convaincu que c’est un vrai problème.

Moi je veux bien ceux qui viennent en disant c’est chiant mais je sais que y a pire et qu’on peut pas faire grand chose: ceux-là je les aime bien, je ne sais pas bien pourquoi ils viennent cela dit mais on réussi toujours à trouver un intérêt á la consultation, mais ceux qui croient vraiment que c’est le problème le plus important que j’ai entendu de la journée, que non seulement je vais les guérir mais que heureusement parce qu’ils ne peuvent pas rester comme ça une minute de plus, ceux là même moi qui aime tout le monde, des fois, ils m’agacent un peu .

En temps normal, je reste aimable et diplomate, j’essaie d’éduquer patiemment et doucement, en glissant de temps en temps des mots comme viral et bonne nouvelle il n’y a pas de bronchite avec un grand sourire comme si c’était vraiment une bonne nouvelle!

Parce que dire à quelqu’un que « ça n’est pas tombé sur les bronches », c’est risqué:
 
Des fois, c’est pour eux un vrai soulagement: le pire n’est pas arrivé, ouf, ils ont bien fait de venir ! Et quand-même une rhinopharyngite, c’est pas rien ça !
« Qu’est ce que c’est alors Docteur? » « Une rhinopharyngite » « Ah! Je le savais! C’est ce que j’ai toujours, mon fils en a eu une la semaine dernière » ou à la personne à côté: « Tu vois, je te l’avais dit » 

Ceux-là, je les aime bien un peu quand-même… Ils sont rassurés, ils acceptent le verdict du traitement symptomatique ( le traitement symptomatique, c’est un traitement qui sert juste à calmer les symptômes le temps que ça passe tout seul, genre doliprane, pour ma part souvent de l’ibuprofène mais c’est parce que je suis un mauvais médecin, un pschi pschit pour le nez, et même des fois un « sirop pour la toux qui sert à rien », donc rien qui guérit et surtout:pas d’antibiotiques) et ont même l’air d’être contents d’être venus. 

Mais il y a ceux pour lesquels la phrase: « ce n’est pas tombé sur les bronches » est un véritable affront!
Adieu,veaux,vaches,cochons,antibiotiques…
Non seulement, s’ils sont aussi malades, c’est que c’est forcément tombé sur les bronches, mais en plus, ça tombe toujours sur les bronches! C’est bien pour cela qu’ils sont venus d’ailleurs…

Et là commence le combat, non les antibiotiques ne servent à rien, non les antibiotiques ce n’est pas automatique, des fois je pousse même jusqu’au « les antibiotiques,si on les utilise à tort, ils deviendront moins forts. », bref j’explique plus ou moins patiemment: les virus, l’évolution naturelle des chose etc etc … Mais des fois y’en à qui s’arrêtent jamais, on dirait que c’est une question de vie ou de mort cette prescription d’antibiotiques. Il y a le classique « A chaque fois que ça m’est arrivé, j’ai du retourner voir mon médecin (parce que c’est étrange mais dans ces cas là, c’est souvent les patients d’autres médecins) et il a dû me mettre sous antibiotiques…/Moi il me faut des antibiotiques sinon ça ne passe pas/Ça fait déjà une semaine que ça dure/Aujourd’hui ça va mais peut-être que dans deux jours ça sera pire si je prends pas d’antibiotiques! »

Et précision importante:même si c’était « tombé sur les bronches », cela ne nécessiterait quand-même pas d’antibiotiques…Et oui!

C’est incroyable, cette incapacité des gens à intégrer qu’il n’y a rien à faire et qu’il faut juste attendre… On leur annoncerait qu’ils ont une maladie incurable et qu’il n’y a rien à faire,je comprendrais leur désarroi, mais là franchement…

En fait, c’est pas tant les antibiotiques en soi, les gens ont compris parfois l’histoire des virus et tout…c’est juste que si ce n’est pas les antibiotiques, qu’est ce qui va les aider à guérir,les aider à être en forme pour le truc super important qu’ils doivent faire le lendemain, à faire que cette toux sèche mais un peu grasse quand même ne dure pas les sept à dix jours prévus…?

C’est l’espoir et le fait de ne pas accepter sa situation, qui fait que l’humanité avance et progresse, mais c’est aussi cette caractéristique qui rempli les salles d’attente des médecins l’hiver: certains patients ne veulent juste pas accepter l’idée que des fois, y a rien à faire!

Souvent,je dis aux patients: « Je suis médecin, pas magicienne »

En même temps, c’est flatteur le pouvoir qu’on nous prête!

À Melle C., que je n’avais jamais vu et qui est arrivée à H3 pour empêcher que ça s’aggrave, j’ai dit « Ne bougez pas, je vous fais l’imposition des mains » mais je lui ai aussi dit que peut-être ça ne marcherait pas, que ça allait sûrement s’aggraver, que même je ne pouvais pas garantir que malgré sa visite préventive, ça ne tombe pas sur les bronches, et que dans huit à dix jours, ça irait surement mieux mais que la toux pouvait durer plus longtemps…

À Mme G, j’ai ajouté en plus que le sirop que je lui prescrivais ne servait à rien pour qu’il n’y ait aucun malentendu!

Entre deux patients,j’ai failli sortir mettre une affiche sur la porte disant « Je ne peux rien pour vous »

C’est d’ailleurs je pense la première phrase que j’ai prononcé à Mr.B quand il en a eu fini avec sa description de sa grave maladie…

Et je crois que j’ai réussi à ne pas lui parler de mon angine!

Quoi qu’il en soit, lundi je serai sûrement à nouveau patiente et compatissante, mais des fois ça fait du bien d’être juste franche:

« J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle: la mauvaise, c’est que je ne peux rien pour vous, la bonne, c’est que ça va passer tout seul… »

22 réflexions au sujet de « J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle »

  1. Je me reconnais un peu : « bonne nouvelle, y’a rien dans les poumons », en espérant ainsi éviter l’éternelle demande d’antibiotiques, tout en donnant l’impression que j’ai servi à quelque chose. La culpabilité de les laisser repartir sans rien donner d’autre que du paracétamol… J’espère que ça se travaille avec le temps et l’expérience…

  2. Moi aussi j’aime la médecine générale et la Seine Saint Denis 😉
    Et c’est drôle parce que cette semaine je me suis aussi dit que j’étais moins compatissante et empathique et que parfois ça faisait du bien…. même si je ne suis pas sure que ça dure…
    (PS- « je viens vous voir parce que mon fils se gratte l’oreille depuis ce matin alors je voulais vérifier… » je l’aime bien celle-là)

  3. Et il y a ceux qui ne viennent plus, apres tant de diagnostics : c est psy, c est dans la tête et qui se retrouvent paralysés aux urgences pour un neurinome vertebral jamais diagnostiqué… Oui ces angoisses nombriliques sont usantes pour vous, et dire clairement les choses est essentiel, pourtant, on passe a coté parfois croyant que le patient entre dans une certaine case alors qu il n y est pas.

  4. Bonsoir,

    En ce moment, en Rhône-Alpes, il y a une épidémie de « maladies » (toux, trachéites, laryngite, rhino,..). Et médicaments à tout de bras, arrêts de travail avec ou sans raison. Médecins débordés qui n’y peuvent mais…

    Sur le site « atmo rhône-Alpes » est annoncé un épisode de pollution aux particules depuis le 10 novembre, niveau de 6 à 8 (très important donc).
    Je l’ai indiqué à mon médecin qui a décidé de s’abonner aux nouvelles de ce site pour répondre à ses patients.
    Des fois, il suffit de suivre la pollution pour comprendre les « maladies ».

    Cordialement

  5. Magique !
    Je crois que le problème est plus large que les antibios en général.
    Aux pays-bas, c’est inscrit dans les moeurs de tout le monde (patients, médecins, soignants), si tu es un patient lambda (pas trop jeune ni trop vieux, pas de co-morbidité), c’est après 5 jours de fièvre que la consultation chez le docteur devient une hypothèse, pas avant. #BonheurDuMG
    Question de culture ou de mentalité, trop d’accès aux soins justement, un côté business où le client est roi et ça enraye la mécanique. Dommage, parce qu’on est pas plus cons de notre côté de la Belgique mais un peu trop imperméable, les antibios, c’est dans notre culture !

    Beau billet comme d’habitude, j’adore cette espèce de franchise, de vérité, de simplicité qui se dégage de tes textes, c’est un agréable bol d’air que d’entendre dire tout haut ce qu’on pense tout bas, merci !

  6. Tiens moi aussi mercredi: fatigue, surmenage, etc…m’ont fait perdre beaucoup de mon empathie. Le pire pour moi ce n’est même pas la pathologie bénigne (verrues and co…) c’est la non pathologie. Genre la fille de 17 ans absolument gâtée par la nature qui est venue avec sa mère approbatrice parce que: souvent quand elle se lave les cheveux elle en retrouve dans la douche, elle trouve que les grains de beauté c’est pas beau et elle veut que je lui enlève tous (même s’ils sont bénins, et oui bien sûr 20 cicatrices ce sera mieux que 20 grains de beauté), parfois elle a la peau qui brille en fin de journée, et aussi les cheveux TRES secs et surtout quand elle fait du sport elle transpire…… Ben, pfffff, j’ai bien vu que je n’ai pas été à la hauteur de ses attentes, et moi écrire sur une ordonnance « Masque capillaire Nutrition intense au Jojoba » de Garnierprendsoindetoi…ça me satisfait moyen!

    • Pauvre dermato!
      Cette description est horrible (et hilarante) j’essaierai d’y penser à mon prochain patient consultant sur la garde aux urgences à 3h du matin pour rhume J1 « et vous me faites un papier pour mon employeur docteur, parce que j’ai pas dormi, je peux pas aller travailler quand même vous vous rendez compte?! »
      ça devrait me remonter le moral , merci 😀

  7. Trés bon, j’adooooore!

    On vit tous la même chose!

    « Docteur je viens avant que ça s’aggrave »

    (Alors là, grand numéro d’acteur, trés sérieux, en pensant  » y comprendront jamais rien, j’en ai marre de leur dire que c’est VIRAL, VIRAL, VIRAL viral un virus c’est pas une bactérie et les antib…………. »)

    « Vous avez bien fait »

    intérieurement on se dit : « ben voilà 23 € de plus, ça compensera les consultations longues et difficiles! »

  8. B’jour,
    Puis-je avoir un rendez vous pour lundi matin à 7h30 ?
    C’est que ça va pas ! J’ai le nez qui coule !
    Enfin pas encore, mais je sens que ça va commencer demain…
    Et vous savez bien, si je ne prends pas des antibiotiques INJECTABLES tout de suite ça ne passera pas…
    A lundi matin alors !
    Et euh au cas où, je viendrai un peu en avance…

  9. J’aime beaucoup ton blog, toujours aussi agréable à lire, avec des descriptions qui semblent toujours sincères et sont souvent très drôles. ça me fait sentir un peu moins « moyenne » et un peu plus « normale », tiens!
    Et je vais garder la dernière phrase aussi pour les jours où yen à marre
    🙂

  10. Très bien écrit. Et tellement vrai.
    On devrait recevoir à l’école des cours pour apprendre que ce n’est pas la peine de consulter. En angleterre, c’est dans les moeurs, aux pays bas aussi. Le contrat est différent.
    Fatigant, tellement fatigant.

  11. Ping : Spring is coming | Journal de bord d'une jeune médecin généraliste de Seine-Saint-Denis

  12. Ben, moi j’y suis allée, chez mon généraliste, la semaine dernière pour un truc viral…
    D’ailleurs, je n’ai même pas acheté le Doliprane et le sirop prescrit, parce que du Doliprane, j’en avais, ça faisait même 2 jours que j’en prenais… et le sirop ça me gave.
    La seule et unique raison de ma venue, c’est que si je ne vais pas bosser, j’ai besoin impérativement de fournir un arrêt de travail !… Même si je ne suis arrêtée que 2 jours, et que ce sont les deux jours de carence.
    Sinon mon employeur me fait de gros ennuis.

  13. C est ecoeurant. à quoi vous sers le serment d ‘hypocrate même si l’identité des gens n est pas réellement cité, pourquoi ne vous défoulez vous pas par Tchat entre vos collègues plutôt que d infligez ça aux gens qui vous lisent? Pourquoi avez vous fait des études de médecine? sachez etre un peu plus humble .
    et si vous aviez un peu d intelligence ce n est pas sur un blog que l on parle de ce genre de choses.

Répondre à sab69 Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *