La Reprise

7 h du mat! Ce bébé est adorable, elle a décalé ses heures de réveil pour coller à mon nouvel emploi du temps. A 2 mois, je considère qu’elle « fait ses nuits » comme on dit, un seul réveil la nuit et très court, moi je considère que c’est « faire ses nuits ». Mais entre la grande qui, ce qui n’arrive jamais m’a tenue éveillée une partie de la nuit, et le fait que stupidement je me suis couchée très tard car je voulais pas que mon congé maternité se termine et être au lendemain,et bien c’est dur ce matin.

De toute façon, tous les matins de ma vie sont durs, même me lever après une grasse mat, c’est dur…Alors, me lever à 7h du mat, après quelques petites heures de sommeil entrecoupées, après 4 mois de congés et avec un bébé à s’occuper en plus de moi-même et un peu de la grande (un peu car à part le choix des vêtements qui est toute une histoire, avouons le, le matin, c’est le papa qui gère), c’est dur!

La séparation chez la nourrice n’est pas trop difficile car le plus dur a été fait la semaine dernière (y compris la déprime) et que la nourrice est géniale et comme de la famille mais j’arrive quand-même au cabinet avec un quart d’heure de retard et en ayant oublié mes clés, je suis pas encore au point.

La journée commence, en fait elle a commencé il y a 2 heures et je suis déjà crevée. Vis ma vie de mère de famille…jsuis pas habituée.

J’ai du mal à m’y remettre mais jsuis contente de retrouver mes patients. Cela me fait vraiment plaisir en fait alors que je n’avais pas spécialement une grande envie de revenir.

Il y a beaucoup de mes patients préférés. Il y a même ma famille de patients préférée.

Certains ne savaient pas que je serai là, mais sont contents de me voir. Certains sont venus beaucoup de fois en mon absence. Certains n’ont pas été malades en 4 mois et sont malades quand je reviens: ils m’aiment tellement peut-être qu’ils tombent malades juste pour me voir, ou peut-être que je leur porte la poisse. Certains ont l’air déçu que mon remplaçant ne soit plus là.

Mon remplaçant a tout très bien géré et a été apprécié par tout le monde. En gros, le monde ne s’est pas écroulé en mon absence, personne n’est indispensable, je le savais et ça ne me gêne pas du tout, au contraire.

Il y a quand-même Mme G. qui vient pour une bonne bronchite sur terrain fragilisé qui attend depuis un mois que je rentre pour consulter. Oui, c’est gentil mais non fallait pas quoi!

Mme S. que je vois en visite tous les mois alors que finalement son état est stable mais qui ne veut pas espacer, à qui j’avais fait une ordonnance de traitement de 4 mois et qui n’a pas appelé en mon absence parce que tout allait bien et qu’elle n’avait pas envie de voir quelqu’un d’autre que moi.

Melle B. que je devais voir la veille de mon départ et qui avait annulé, qui avait un problème ancien que l’on venait de commencer à prendre en charge, est revenue le jour de mon retour pour reprendre où les choses en étaient restées il y a 4 mois.

Je revois Mr. B. avec qui je n’arrivais à rien et pour qui j’étais contente de passer la main, car j’espérais que mon remplaçant trouverait peut-être le moyen de faire avancer les choses…mais non, les choses sont malheureusement restées là aussi, où elles étaient il y a 4 mois…C’est bien pour mon égo mais j’aurais vraiment aimé que ce soit moi qui ne sache pas m’y prendre.

Donc, voilà, contente de retrouver mes patients, certains m’attendent avec des cadeaux, mes collègues aussi, ça fait plaisir. Je réponds aux mêmes questions toute la journée: « Elle s’appelle Endive » « Oui, ça s’est bien passé, comme un accouchement quoi, c’était pas non plus hyper marrant » « C’est une grosse mémère ». Je montre des photos à mes patients préférés, jfais un peu ma fière parce que tout le monde me dit qu’elle est belle (oui, ils vont pas dire le contraire mais ils pourraient se taire…et puis elle est vraiment belle).

J’essaye de rester professionnelle et de pas tout ramener à moi, mais c’est dur…surtout quand je vois des bébés de l’âge de ma fille, heureusement que je ne suis pas une vache laitière et que mes seins ne se mettent pas à couler en entendant les bébés pleurer. Je sors une couche de mon sac pour une patiente qui en a besoin. Je sors même mon tire-lait pour le montrer à une patiente qui veut que je lui en prescrive un. Oui, c’est un peu limite mais c’est elle qui a lancé le sujet et autant lui apporter les meilleures informations possibles.

Il y a beaucoup de monde.Il est 13h, j’en ai vu douze.C’est beaucoup pour moi, pour un matin sans rendez-vous. D’habitude, je finis plus tôt. Du coup, je file en courant voir ma fille. Pas trop le temps de discuter avec mon remplaçant (qui est encore là car cette semaine, il remplace ma collègue). Jpeux même pas lui faire son chèque car j’ai oublié mon chéquier. C’est peut-être un acte manqué car j’ai même pas sur mon compte la somme que je lui dois (oui je ne me plains pas mais au niveau finance le congé mater là c’est chaud!) mais je pense que c’est juste que je suis à la masse.

Je vais chez super nourrice (oui un avantage à travailler près de son domicile). Je retrouve avec joie mon bébé d’amour qui a très bien vécu sa matinée sans moi (et oui même avec ses enfants nul n’est indispensable) mais qui semble ravie de retrouver mon sein et qui se jette dessus avec tellement d’avidité, d’autant plus qu’il est anormalement plein, qu’elle me vomi tout dessus avec autant d’entrain.Vomir est un mot faible, parce que à ce stade, c’est même plus vomir, c’est une vraie douche, même ma culotte est trempée. Elle recommence une deuxième fois, j’ai la présence d’esprit de l’éviter et cette fois ci, elle vomi 1m50 plus loin, faut que je l’envoie à vidéo gag me dit la nourrice.

Bref, je me trouve devant un choix cornélien.Il me reste 20 minutes. J’ai soit, juste le temps de retourner chez moi me changer, sachant que je pourrais aussi récupérer mon chéquier, soit le temps de m’occuper de ma fille manger la succulente assiette que SuperMerveilleuseNourrice m’ a préparé. Le problème c’est que même si je rentre me changer, je ne sais pas quoi mettre parce que je suis énorme et que j’ai que trois pantalons qui me vont et qui ne sont pas des joggings et ils sont tous au sale parce que hier quelqu’un m’avait déjà vomi dessus. Et le problème, c’est que ma fille a besoin de moi
l’assiette qu’elle m’a préparé est particulièrement délicieuse et qu’elle me fait de l’oeil et que quand même j’allaite, faut que je mange (phrase à l’origine du fait que j’ai plus de pantalon à ma taille).

Je suis donc de retour au cabinet, repue, triste d’avoir laissé ma fille à nouveau et pleine de vomi. Ca ne se voit pas car j’ai un pantalon noir mais je suis encore humide et probablement malodorante. Je suis un peu fatiguée aussi.

Mais oui, c’est trop facile de travailler et d’avoir des enfants en même temps.

C’est reparti.

Ce qui est bien, c’est que je n’ai pas le temps de trop penser ni à ma fille, ni à ma fatigue, c’est le côté positif (avec son pendant négatif) de la nécessité d’abstraction de ce métier.

En plus, aujourd’hui, vraiment pas le temps de se poser. Je suis partie en été et là, et bien, c’est l’hiver!!Et tout le monde est malade. J’ai pas eu le temps de faire la transition moi. C’est violent toutes ces rhinos et ces gastros.

Il n’y a pas que ça heureusement, je fais un brillant diagnostic chez un patient qui présente une toux sèche d’effet secondaire de médicament (IEC). Bon,en fait,c’était hyper facile, c’est typique et en plus le patient a commencé la consultation par « Je tousse, est ce que ce ne serait pas à cause de ce médicament ». Mais bon, au moins une toux pour laquelle je peux faire quelque chose!

La journée est presque finie. J’ai presque trois quart d’heure de retard, ce qui me stresse, je déteste être en retard mais c’est à cause des gens, des rajouts, des j’ai RDV pour un mais l’autre est malade aussi etc.En plus, j’ai perdu l’endurance et quelques habitudes. Je confonds même des patients et leur dit pas mal de bêtises. Le secrétariat appelle une fois de plus (je leur crie ah non j’en peux plus de vos appels) pour me rajouter en dernier un bébé de 3 mois qui vomi. Je ne peux évidemment pas refuser un bébé de 3 mois (cela dit la mienne aussi elle vomi, est ce que je consulte, bon c sûr jsuis médecin et j’ai décidé qui plus est de me raisonner: non ce n’est pas une sténose du pylore, c’est un réflexe à l’éjection jsais pas quoi).

On papotte,on papotte et la journée est enfin terminée.J’ai vu 26 patients.Pour moi, c’est une énorme journée. J’arrive chez SuperNourrice qui a récupéré la grande à l’école (comment ferions-nous sinon??)  Les deux dorment. Il fait nuit, il fait froid, il faut trimbaler les sacs, le cosy, la grande veut que je la porte.

Je suis chez moi, il est 19h45. Il faut faire manger la grande, faire tout le rituel du coucher, tout en s’occupant du bébé. Il faut que je tire mon lait. Je suis là, debout, au milieu de ma maison en bordel (oui parce que depuis 3 jours, je déprime et je fous rien histoire de profiter de mon congé mater jusqu’au bout ce qui je m’en aperçois maintenant est peut-être une erreur) et j’ai un énorme, énorme coup de fatigue…voire même un moment de découragement!

Et je me pose la question: Mais comment font les femmes? Mais comment font les gens?

Parce que moi, j’ai de la chance et j’ai la vie facile!

-J’ai une super nourrice qui est comme de la famille et lui laisser mon bébé de 2 mois est un réconfort extrème.

-Je n’ai que 2 enfants et elles ont 5 ans d’intervalle.

-J’ai un travail que j’aime et qui m’a apporté plein de joie aujourd’hui

-Je n’ai pas un travail physique.

-Je n’ai pas de transport.

-Demain matin, je ne travaille pas, jeudi je ne travaillerai pas. Et oui, on peut penser que je suis fainéante et ne pas comprendre mon choix de ne travailler « que 30 heures » mais je ne crois pas que je tiendrais autrement. Peut-être que j’ai des capacités inférieures aux autres ou peut-être que s’il fallait le faire, je le ferai, mais à quel prix? En tout cas, puisque je peux le faire, là ce soir, je ne regrette pas mon choix…

-J’ai twitter qui m’a soutenu toute le journée, merci à tous. J’ai ce blog où je sais que je vais pouvoir m’épancher. Je ne sais pas d’ailleurs quand je vais avoir le temps de raconter cette journée (NDLR aujourd’hui 15j plus tard lors d’une matinée à 2 patients)

-J’ai un mari génial qui fait tout, s’occupe de la maison, des enfants, se lève la nuit, et qui justement ouvre la porte…Par chance, il rentre tôt (20h) aujourd’hui et pendant que je m’affale comme une merde, prend les choses en main.

Mais comment font les gens?

 

 

 

9 réflexions au sujet de « La Reprise »

  1. Bah tu sais quoi? Ils font exactement comme toi! Comme ils peuvent avec ce qu’ils ont!
    Moi aussi je n’ai « que » 2 enfants même s’ils sont un peu plus rapprochés et que c’est 2 petits monstres, j’ai une nounou, à domicile, je ne travaille pas à temps plein. Et même quand je bosse pas je la fait venir quand même pour avoir le temps de faire autre chose que de m’occuper des gnomes…
    S’il fallait se débrouiller pour en faire plus, on le ferait bien, mais peut-être que dans quelques mois/années on serait en burn out sous anti-dépresseurs et un petit stilnox le soir…
    Il y a beaucoup de mamans (et aussi de papas) qui sont au bout du rouleau, alors si on peut se préserver un minimum, il faut en profiter.
    Déjà l’allaitement en reprenant le boulot, moi j’ai jamais réussi à gérer…
    Allez bon courage, petit à petit tu trouveras ton rythme de croisière, avec des marées hautes et des marées basses!

  2. Je me souviens de mon second choix de stage d’interne: j’étais enceinte à 38 SA, la fac m’avait refusé une procuration et j’ai donc du faire 200km en train + bus pour venir dans un amphi où j’ai poireauté jusqu’à 17H30, mon mari venait de perdre son boulot, ma voiture était en rade, l’hôpital avait perdu mon arrêt de travail. J’ai rencontré un copain qui avait eu son premier enfant en 3ième année, et qui s’était démerdé sans le soutien ni de ses parents ni de ses beaux-parents. Il m’a dit un truc que j’ai toujours en tête: « tu sais, on y arrive toujours, même les cas sociaux, ils y arrivent ».
    Je suis maintenant installée, j’ai un 3ième enfant depuis peu, et j’ai décidé que ma maison ne serait pas parfaite, que le linge se pliait sans se repasser, que je serais injoignable le mercredi, par exemple.
    Les attentions des patients quand tu reviens après une maternité sont très émouvantes. On dirait que, comme ils t’ont vue enceinte, ils réalisent que tu as réellement des enfants à la maison.
    Bon courage pour ta reprise. Sortir le nez des couches, ça a aussi du bon.

  3. Je me demande aussi très souvent comment font les gens…
    Mes patientes s’extasient sur ma capacité à gérer « le boulot, la maison, les courses, 4 enfants » touça touça… Mais en fait ce qu’elles ne savent pas c’est que je ne gère rien du tout… Enfin si, le boulot, je gère à fond! Mais pour tout le reste, mon homme au foyer fait son job tout bien comme il faut (et même mieux que ça, chuis pas sûre que je ne lui laisserais pas un peu de ménage le WE si les rôles étaient inversés!)
    Parfois je me sens coupable d’oser me plaindre, d’être fatiguée, de me sentir débordée, en consultant comme toi une 30taine d’heures par semaine et en étant soulagée de toutes les tâches ménagères…
    Alors que certains confrères bossent au bas mot 60h/semaine…
    Alors que certaines femmes ont deux boulots, et toute la charge de la famille en plus, et ont du mal à joindre les 2 bouts…
    Alors plutôt que de me laisser ronger par la culpabilité, ben je me dis que j’ai de la chance et j’essaye d’en profiter. J’ai quand même fait pas mal de sacrifices pour en arriver là… Et quand ça ne va pas, ben j’essaye de m’autoriser à me plaindre quand même!
    J’espère que tu as (re)trouvé ton rythme, et que tout se met doucement en place… Et puis dis-toi que certains aspects de ta vie sont sans doute « faciles », mais que se séparer de son bébé tout petit, c’est quand même pas simple… du tout…

  4. Bravo pour l’allaitement à la reprise. Les miens ont 18 mois d’écarts et finalement ça fait peut être pas plus de boulots qu’avec 5 ans d’écart puisqu’à la naissance du second, la grande avait encore un rythme de bébé, de grand bébé mais bébé quand même. Sur, c’était comme ça parce que c’était une grosse journée. Je bosse 8h par jour, 4 jours sur 7, je n’ai jamais été débordée mais c’est un équilibre fragile qui aurait vite basculé avec un rythme de boulot différent. Les semaines passant, tu vas prendre l’habitude et le rythme; la grande va devenir encore plus grande; la petite aura moins besoin de toi et tout s’arrangera.

  5. Tout pareil. 5 ans d’écart entre les deux. La deuxième à 9 mois. Mon job je l’aime.
    Ben, nous courons, le 50/50 existe dans notre foyer.
    Par contre quand ma Docteur qui n’a pas d’enfant me demande si j’ai besoin d’un arrêt alors que les 2 ont ou ont eu la gastro, je souris intérieurement.
    Je ne le demande pas et je ne le prendrais pas cet arrêt parce qu’il ne servira à rien et hue cocotte on y retourne.
    Bref, on fait comme tout le monde, on se débrouille et à 45 ans on commencera à souffler…avec un peu de chance.

  6. Si ça peut te donner du courage, j’ai allaité la dernière jusqu’à 10 mois 1/2 en reprenant le boulot à 2 mois.
    Je partais au cabinet avec mon tire-lait et ma glacière.
    On s’est même retrouvées à deux à tirer notre lait en même temps entre midi et deux pendant une formation, et à aller ensemble le stocker dans le frigo des cuisines de l’hôtel où ça avait lieu. C’était plutôt sympa.
    Après une journée à galoper dans tous les sens, je fais manger tout le monde, je mets les deux grandes au lit, je prends un bain, et, une fois détendue, je vais faire manger la petite dernière qui a dormi jusque là en la câlinant, ET C’EST BON.

  7. On fait toutes comme on peut… Vétérinaire, en ce qui me concerne, 5 à 6 jours de boulot, 1 grand de 4 ans, 1 petit de 7 mois. Deux chats et un perroquet. Une nounou vraiment pas terrible mais on fait avec pour l’instant. Je cours tout le temps, je suis parfois un peu au bord du pétage de plomb. Surtout que mon chéri est absent du mardi au vendredi. Et le pire dans tout ça, c’est que j’en voudrais bien un troisième !!

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