Un sujet méconnu à connaitre

Lorsque je me penche sur un sujet que je ne maitrise pas, lorsque je fais une formation sur un sujet que je ne connais que très mal, je me sens découragée devant l’ampleur de ce que j’ignore.

A chaque formation, je me sens honteuse de ma pratique actuelle.Dans le quotidien, on a l’impression de bien faire, mais en fait on passe à côté de pleins de choses sans s’en rendre compte. Certes, on ne peut pas maitriser chaque sujet, chaque domaine de la médecine, il y a des médecins qui vont être plus compétents sur une pathologie, et du coup soulever le sujet plus régulièrement, on ne trouve que ce que l’on cherche.

J’ai fait par exemple, il y a peu de temps une formation passionnante que je recommande à tous de MA FORM sur les troubles de l’apprentissage et les troubles neurosensoriels. Certes je suis jeune et je ne peux pas tout connaitre, en même temps c’est vraiment la honte de ne pas savoir ce que c’est une dyspraxie …En tout cas , je suis ressortie hypermotivée, j’ai acheté la petite mallette avec tout ce qu’il faut pour les enfants et maintenant je leur mets des petites lunettes sur le nez, je dépiste l’audition etc et je pense à la petite fille sourde que personne y compris moi n’a dépisté et je me demande à côté de combien d’amblyopie je suis passée et ça me fait peur!

Bref, c’est un exemple de tout ce que l’on ignore que l’on ignore. Je pense que je ne suis pas la seule dans ce cas même si je pense que l’on apprend avec le temps et l’expérience et que l’on ne peut pas tout connaitre surtout compte tenu de la mauvaise qualité de notre formation initiale. Il ne tient qu’à nous ensuite de combler ces lacunes avec des FMC de qualité, encore faut-il avoir conscience de ses lacunes.

C’est juste dommage pour les patients pour lesquels on a loupé quelque chose.

Je me suis cette semaine rendu compte encore une fois d’être passé à côté de quelque chose . J’ai eu la chance d’assister à une thèse brillante sur les mutilations sexuelles féminines, en particulier l’excision. Cette thèse intitulée « Les internes de médecine générale façe aux mutilations sexuelles féminines: Connaissances, attitudes, enseignement » , m’a vraiment, ainsi qu’à tous ceux qui y ont assisté, apporté beaucoup. Elle a été soutenue avec efficacité et passion et a rempli son but qui était à la fois d’informer et de faire prendre concience de l’absence quasi totale de formation et d’information lors des études de médecine générale.

J’ai réalisé que je ne connaissais absolument rien à propos des mutilations sexuelles féminines, que ce soit les différents types, la prévalence très importante , les possibilités de prise en charge en particulier les détails sur la chirurgie réparatrice, les obligations de signalement. C’est d’autant plus grave, que je travaille en Seine-Saint-Denis, parmi une population particulièrement touchée, il y a beaucoup de Maliens et en l’occurence de Maliennes parmi mes patientes, or plus de 90% des femmes sont excisées au Mali, mais je n’ai pas une seule fois abordé le sujet. J’ai déjà vu des femmes excisées et je n’ai rien dit. Récemment, en demandant les antécédents d’une nouvelle patiente, jeune, elle me dit qu’elle a eu une chirurgie réparatrice d’excision, je n’ai rien dit, j’ai pousuivi: » OK … et des allergies? » Et bien sûr, je n’ai jamais abordé le sujet à propos des fillettes, jamais rappelé l’interdiction par la loi.

Pourtant, il ne s’agit pas d’une intrusion, il ne s’agit pas du domaine privé, ni de la liberté de religion, il s’agit de mutilations, de maltraitance. C’est pleinement le rôle du médecin, en particulier du médecin généraliste d’en parler, d’informer, de proposer une prise en charge, psychologique, chirurgicale aux patientes. L’expérience montre que celles-ci même si parfois c’est difficile ont besoin que le médecin généraliste remplisse ce rôle .

Si je ne l’ai jamais fait jusqu’à maintenant, c’est parce que je n’y ai jamais pensé, et surtout parce que je n’aurai pas su quoi dire, je ne maitrisais absolument pas le sujet. Grâce à la thèse de Anne, je n’ai plus cette excuse. Surtout, savoir qu’il y a quelque chose à leur proposer, une prise en charge ,est primordial.

Il me reste donc à m’informer.Je pense que pour cela la thèse de Anne est à la fois concise et complète , en peu de temps, on peut déjà apprendre l’essentiel. Ensuite, je vais avoir la chance d’assister à quelques vacations au planning familial avec sa directrice de thèse qui est spécialiste dans le sujet et à l’air d’être super!

Après, il faudra que j’essaie de mettre ces informations en pratique, d’en parler avec mes patientes, je sais que ce ne sera pas facile mais au moins je sais maintenant que j’ai un rôle a joué , même si je ne le rempli pas comme il faudrait, au moins maintenant j’en aurai conscience .

Je vous conseille vivement de jeter un oeil sur cette thèse, qui rappelle brièvement les principales choses à savoir. On trouve en outre à la fin les coordonnées des associations de référence, la plaquette informative que l’on peut se fournir, la liste des centres pratiquant la réparation vulvaire ainsi qu’une proposition de schéma d’aide à la consultation.

Et Anne, si tu lis cela, je te dis bravo, mes félicitations ne font que s’ajouter à celles de tous les autres, de ton jury et de tout le monde, mais elles sont sincères.

THESE sur les mutilations sexuelles féminines  par Anne Doucouré

RESUME DE LA THESE EN QUESTION:

Entre 42000 et 61000 femmes en France sont concernées par les Mutilations Sexuelles Féminines (MSF), avec des conséquences médicales, sexuelles et psychologiques importantes. Face à ces mutilations, les médecins généralistes jouent un rôle essentiel de dépistage, de prise en charge et de prévention. Afin de concrétiser ce rôle, la circulaire interministérielle DGS/SD 2 C n° 2007-98 du 8 mars 2007 demande l’introduction de l’enseignement des MSF dans le cursus médical.

Cette étude se penche sur l’état des connaissances des Internes en Médecine Générale (IMG) sur les MSF, l’enseignement reçu, et celui qu’ils aimeraient recevoir.

Il s’agit d’une étude descriptive qui repose sur l’analyse de 400 questionnaires remplis par les IMG d’Ile de France, récoltés lors des choix hospitaliers en avril 2010.

Il en ressort que les IMG veulent jouer un rôle face aux MSF. Leurs connaissances médicales sont insuffisantes et ils doivent intensifier leur vigilance en matière de dépistage. Ils connaissent les dispositions législatives mais ont des réticences à les appliquer. Leurs connaissances sont essentiellement issues de la vie privée, même si le sujet a parfois été abordé en stage ou à la faculté. Très peu d’internes ont reçu de cours sur les MSF, mais on note une progression du nombre de ces cours depuis deux ans pendant le deuxième cycle des études médicales. Les IMG jugent l’enseignement reçu insuffisant et iraient en cours si on leur en proposait un sur les MSF. Ils ont peu de préférence sur la forme que devrait prendre ce cours, mais aimeraient qu’il soit centré sur la prévention et la prise en charge médicale et psychologique.

L’enseignement des MSF aux étudiants en médecine et en particulier aux IMG doit être généralisé pour une meilleure prise en charge des patientes. Un schéma de consultation, proposé au décours de cette étude, doit aider à aborder le sujet en consultation de médecine générale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

6 réflexions au sujet de « Un sujet méconnu à connaitre »

  1. Cette sensation permanente de ne pas savoir, de ne pas être au point, sur des trucs qui paraissent à la fois simple et essentiels… oui je vois très bien !
    Avoir toujours à s’améliorer, et réaliser que le temps qu’on fasse le tour de toute la médecine, il faudra recommencer; parce qu’on a oublié, et que tout aura changé…

    Pfff motivant et parfois… décourageant en même temps !
    Mais à chaque fois que je fais une nouvelle formation, FMC, groupe de pairs… je me sens tellement motivée pour essayer de mieux faire les choses !

    Je met cette thèse de côté, je ne sais pas si je rencontrerais souvent ce problème, mais ça paraît effectivement essentiel de pouvour s’en occuper !

  2. Bon, forcément, vu mon boulot et l’endroit où j’exerce, je suis quasi certaine de ne pas rencontrer ce genre de cas. Par contre, c’est vrai que chaque formation que j’ai faite m’a apportée un regard différent sur ma pratique, et c’est ça que j’aime. Apprendre, me remettre en question, changer.

  3. Je l’ai lue! Et bien sûr j’ai appris tant de choses… C’est un sujet auquel je suis confrontée de manière pas si rare, du fait de l’endroit où j’exerce et de mon recrutement très orienté « pathologies muqueuses »… Je ne doute pas que ce travail me sera utile. Merci.

  4. Merci pour la thèse! Je me permets de vous coller un résumé d’un livre jeunesse sur l’excision dont le titre ne laisse rien présager: Pourquoi? de Moka;

    Pourquoi ?
    Auteur : Moka
    Ecole des Loisirs (L’), Médium – Septembre 2005
    Wafa, 14 ans, vit avec sa famille d’origine somalienne à Cherbourg. Sa grand-mère veut la marier à son cousin, et sa petite sœur Makeda approche de l’âge de l’excision.

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