La solitude du couloir d’ hôpital

Tout le monde expérimente un jour la solitude du couloir d’hôpital!

Quelque soit la raison de sa venue, on se retrouve tous à un moment ou à un autre de sa vie dans un couloir d’hôpital. Il y a du monde qui s’agite tout autour, et pourtant on a rarement ressenti une si grande solitude. Chacun est tellement occupé et tellement résigné qu’il y a peu de place pour l’autre, on est focalisé sur sa propre histoire, sa propre attente, sa propre souffrance.

Je ne peux même pas imaginer le ressenti de celui qui se retrouve propulsé là pour la première fois. Quelle violence que ce couloir d’ hôpital pour l’innocent qui découvre ce no mans land sans y avoir été préparé.

Moi je connais chaque centimètre carré de ces couloirs. J ‘ai l’impression d’y avoir passé la moitié de ma vie. J’y ai fait soit en tant que médecin , soit en tant que patiente , soit en tant que proche, pratiquement tous les services. J’aimais tellement cet endroit, avant. J’y connaissais tout le monde. Deux heures après mon accouchement, je me promenais partout et quand ma fille était bébé, je l’emmenais se promener dans le service de pédiatrie en novembre en pleine épidémie de bronchiolite ( elle a dû y développer d’excellents anticorps, elle n’est jamais malade). Un jour, en plein milieu d’une garde de pédiatrie que je continuais à faire pour le plaisir, je me suis dit « Mais qu’est ce que je fous là? »  C’est comme le coup de vieux que j’ai eu il y deux jours quand je me suis trouvée à ne pas avoir envie de faire du grand huit alors que j’étais devant et qu’il n’ y avait pas de queue. Un jour j’en ai eu marre de l hôpital. Puis j’ y ai passé tellement de moments difficiles , de nuits d’angoisse, d’heures d’ennui que maintenant cet endroit me sort parfois par les yeux.

Me revoici à nouveau dans un couloir d’hôpital, impression de déjà vu …Néanmoins, dans ce couloir où le temps semble s’être arrêté, j’ai la chance d’être en territoire connu, je connais les gens, je connais les lieux, je connais la misère humaine qui gravite autour de nous et je comprends ce qui se passe. Et pourtant, je ressens une profonde solitude. Je suis résignée, j’attends que l’éternité de cet instant prenne fin.     Et j’ai de la compassion pour ceux qui m’entourent, propulsés dans un monde qu’ils ne connaissent pas. Je les regarde un à un, je ressens de l’empathie l’espace d’un instant, ressens leur souffrance puis je retourne à la mienne, à mon attente!

Soudain, une pensée me réconforte tout de même : je pourrais être l’interne de garde !

2 réflexions au sujet de « La solitude du couloir d’ hôpital »

  1. Côté blouse blanche: A l’hôpital, je me sens chez moi, presqu’en famille! J’y ai des tonnes de souvenirs (bons, tristes…forts)! Quelques mauvais aussi, en particulier la solitude des couloirs arpentés seuls des nuits de garde pour aller voir le patient qui va mal, signer le constat de décès… Le must étant mon semestre de Néphro dans un superbe Hôpital parisien tout beau, tout neuf, qui venait d’ouvrir et où rien ne marchait! La nuit il n’y avait pas de brancardage, alors quand un patient mourrait la nuit, ben tu poussais le corps toi même, jusqu’à la morgue…Comme ça t’avais bien le temps de réfléchir à tout ce que t’avais éventuellement foiré… A part ça, j’ai appris, j’ai parlé, expliqué, réexpliqué , pleuré et aussi beaucoup rit dans ces couloirs (et aussi répondu des centaines de fois à la question préféré des malades « Mademoiselle, comment on fait pour avoir la télé? »).
    Coté Blouse jaune (celle qui se ferme dans le dos et qui va bien avec les draps de la même couleur): d’autres souvenirs, des heures d’inquiétude, de solitude…et à chaque fois ce regard sur les blouses blanches qui sourient, qui rient ou qui râlent enviant leur insouciance…

  2. Oui c’est marrant de voir la différence d’un côté et de l’autre…

    Quand je suis allée accoucher dans « mon » hôpital, la seule fois où je me suis retrouvée de l’autre côté de la barrière, j’y suis allée en pleine nuit…
    J’étais heureuse d’y aller alors que d’habitude je déprimais rien qu’à voir les murs.
    J’étais heureuse de prendre cet ascenseur vide et de remonter le couloir sombre à 5h du matin, même si je douillais bien; alors que d’habitude je le fais seule, à peine réveillée, en frissonnant, en angoissant de ce que je vais trouver, en paniquant de cet énième appel d’infirmière…
    Heureuse d’y être pour ne penser qu’à ma petite personne et de ne pas me sentir responsable de tous ces gens qui n’allaient pas bien, parce que pour une fois c’était pas mon problème…
    Ça m’a réconcilier avec l’hôpital (un peu) en y mettant quelques souvenirs heureux…

    Mais ça doit être encore bien différent quand on y est pour un évènement moins heureux.

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