Ces médecins que l’on aime

Ah oui, là je sens que le titre vous intrigue…il y en a peu hein!

J’aurai pu continuer la série des patients que l’on aime, il y en a quand-même énormément mais j’ai voulu vous raconter ce médecin que j’aime.

Bon, d’abord, si vous m’avez suivi un peu, vous devez savoir que je n’aime pas énormément les médecins. N’y voyez pas de mal ou de condescendance, c’est juste que la vie a fait que j’en ai rencontré beaucoup et je n’en pas admiré tant que ça. Un jour peut-être je raconterai mon désarroi (faible mot) et ma solitude dans la maladie de ma mère face au corps médical.

Bref, et je pense que beaucoup seront d’accord avec moi, ça ne veut pas dire qu’il n’y en a pas, et je ne prétends d’ailleurs aucunement en faire partie mais les médecins formidables ne se trouvent pas à tous les coins de rue. Et surtout, on a tous tendance à critiquer plutôt qu’à acclamer donc moi, je veux vous raconter que j’en ai rencontrer un, une d’ailleurs, formidable!

Et je suis sûre que beaucoup me diront que leur médecin aussi est formidable…et on pensera un peu moins à tous les autres pendant quelques instants…

Je vous avais déjà parlé de mon médecin ce héros, mon médecin traitant.

Cette fois ci, il ne s’agit pas d’un de mes médecins mais d’une amie qui m’a gentiment laissé plusieurs fois assisté à sa consultation pour que moi, généraliste, j’apprenne la science obscure qu’est la dermatologie…

Oui, elle est dermatologue…en dehors de ça, elle est parfaite!

Jaddo a parlé ici de la dermatologie vue par les généralistes

La dermatologie est pour moi une science obscure parce que c’est compliqué et surtout parce que je ne l’ai jamais appris sauf dans les cours théoriques, mais c’est une discipline qui nécessite de voir les choses et d’avoir de l’expérience.

Ma première lacune, c’est le vocabulaire, c’est presque comme une langue étrangère qu’il faut connaître et que j’avoue je ne connais pas bien. Pour écrire dans les dossiers, déjà c’est limite,mais quand je fais un courrier à un dermatologue, c’est carrément la honte: « je vous adresse Mme Machin qui a des boutons rouges qui la grattent … » Bon, en faisant des efforts, je peux écrire un truc du genre « qui présente des macules prurigineuses » ,je pourrais même me la jouer en rajoutant quelque chose pour montrer que je maîtrise grave genre  « qui disparaît à la vitropression » même si ça n’a aucun rapport, mais le problème, c’est que plus j’utilise de mots savants, plus j’ai de chances de les utiliser à mauvais escient et d’avoir l’air encore plus con.

Après la phase description, il faut savoir reconnaître les choses, rien ne ressemble plus à des « boutons rouges » que d’autres « boutons rouges ». Et là, ça devient vraiment du free style. Je ne panique plus parce que j’ai compris quelque chose de fondamental lors de mon stage en cabinet.

Déjà, quand j’ai compris que même mon médecin ce héros, et la plupart des remplacés que j’ai croisés n’étaient pas beaucoup plus forts que moi, ça m’a fait du bien. J’ai surtout compris que l’important n’était pas de parfaitement bien décrire ou nommer la chose, l’important était d’avoir la conduite adaptée: reconnaître une éruption virale chez un enfant même si on ne sait pas la nommer, dire que ça va partir tout seul et c’est le cas (le cas échéant même, dire que c’est une roséole, même si c’est pas ça, mais ça sonne bien, ça fait plaisir à tout le monde de mettre un nom, même si il est faux, sur des boutons rouges), savoir reconnaître, ce qui est plutôt de la famille des champignons et donner la crème adaptée, penser à la gale tout le temps, même si souvent en excès , savoir orienter et adresser chez le dermato quand on ne sait pas en rougissant de honte à l’avance parce qu’on sait au fond de nous que même si parfois c’est justifié, on a écrit une grosse bêtise une fois sur deux .  « Je vous adresse Mr Kératose Actinique qui a un naevus que je trouve rassurant mais qui l’embête »

et puis à la fin, toute façon hein, ça va se finir par des dermocorticoïdes 🙂

Donc, même si finalement, en bidouillant, je m’en sors à peu près, j’aspire quand-même à m’améliorer, juste pour pouvoir ressentir le confort de savoir de quoi on parle, de dire « il s’agit évidemment d’une … » pour autre chose qu’une varicelle…

Les FMC que j’ai fait, m’ont fait encore plus paniquer, sur les cancers de la peau et notamment les mélanomes. Déjà parce que je ne les dépiste pas assez, je devrais examiner les patients deshabillés entièrement une fois par an, mais je ne le fais pas, ce n’est pas bien , une des raisons principales étant que je pourrais avoir un mélanome devant les yeux, que je ne le verrais pas. C’est pour cette même raison que je ne fais pas d’ECG. Pourtant, j’ai essayé et je pense que je suis pas trop mauvaise mais il y a tellement d’exceptions, comme disait Jaddo, à la fin, tu as des mélanomes qui ressemble à autre chose, le pire c’est le mélanome nodulaire, et des autres choses qui ressemblent à des mélanomes.

J’ai essayé avec mon mari chez son dermato « Et celui-là, il,est irrégulier, ce n’est pas bien? » « Oui,mais,comme il est comme ci et comme ça en fait ça va! » « ..ah…ok »

Et puis, j’ai la chance d’assister aux consultation de ce médecin formidable dont je vous parle. Hospitalière, elle travaille également dans un centre de santé municipal.

« Je te préviens, me dit-elle,on va rien voir de très intéressant, c’est de la dermatologie de base.. »

Ah, ah ,ah…si elle savait…

Si elle savait à quel point je ne connais rien, à quel point c’est mon quotidien la dermatologie de base, à quel point je bois ses paroles, à quel point les notes que j’ai prise montrent que j’ai besoin de la dermatologie de base…

Si elle savait que j’espérais que l’on voit des verrues, des mycoses et autres cheveux qui tombent…

Donc, j’ai appris plein de choses, la plupart du temps, j’aurais fait le bon diagnostic et approximativement le bon traitement mais la différence, c’est le approximativement et surtout le discours qui va avec …

Entre « Ce sont des boutons rouges, je ne sais pas bien ce que c’est mais mettez cette pommade à base de cortisone et ça va surement passer » et toute une série d’explications et de conseils simples, clairs et pratiques sur la conduite à tenir et un diagnostic que l’on voit bien qu’il n’est même pas inventé, il y a tout un monde …

Entre: « Ce grain de beauté n’est pas méchant » et « Ce n’est pas un grain de beauté, c’est une kératose actinique », le résultat est le même certes ….

Entre « Les verrues, c’est un peu mystérieux, dès fois ça part tout seul, ma belle soeur elle trouve que le citron ça marche bien, moi je pense qu’on peut la traiter par le mépris » et une explication sur la physiopathologie virale de la verrue et des conseils compétents, ça fait pas le même effet je pense…

Bref, c’était trop bien, j’y retournerai!!

J’y retournerai pour apprendre la dermato et j’y retournerai pour le plaisir de voir de mes yeux à nouveau que c’est possible…

que c’est possible d’être un médecin comme tous les patients en rêvent

que c’est  possible d’être d’une amabilité et d’une gentillesse sans faille avec ses patients, de prendre le temps d’expliquer de manière détaillée et concise les choses, que ce soit sur le diagnostic, les traitements, les conseils pratiques

que c’est possible d’expliquer les choses avec le même respect de la personne et la même considération que ce soit un enfant, un psychotique, un étranger ne parlant que peu français ou un membre du personnel

que c’est possible d’être brillantissime, de savoir tout sur tout, de soigner des maladies rares et compliquées et de prendre autant de temps pour parler d’une verrue ou d’un ongle incarné que pour prescrire des immunosuppresseurs

que c’est possible d’être sympathique et drôle par la dessus et d’utiliser des expressions comme « Elle est à la frontière du réel,votre plaque »

que c’est possible de dire « montrez-moi » quand à la fin de la consultation, un patient dit « Et aussi, j’ai un problème au pied!! »

voilà, donc des médecins formidables, il y en a, j’en ai rencontré une …

et en plus, elle est propre 😉

 

 

 

 

6 réflexions au sujet de « Ces médecins que l’on aime »

  1. La soif d’apprendre encore et encore, bravo !
    Soulignez la qualité de certains toubibs, c’est important, dans ce monde de critiques permanentes, et de s’en inspirer c’est idéal.
    Apprendre à examiner les patients de la tête … aux pieds 😉

  2. Il me semble que je l’adorerais aussi!…
    la dermato pour les nuls devrait être ma bible, même après toutes ces années…. Et les parents sont de plus en plus à l’affût du moindre petit bouton:  » mais si, là…. Regardez bien….c’est grave?…. »
    Une que j’avais adoré aussi, c’était la pédiatre de mes propres enfants, qui savait leur faire un vrai examen car elle savait que les cordonniers sont les plus mal chaussés… Tout en écoutant les inquiétudes d’une mère d’autant plus hypocondriaque qu’elle avait quelques connaissances. Malheureusement, elle a disparu peu de temps après avoir pris sa retraite…..je rencontre encore quelquefois des personnes qui l’ont connue et ont un sourire en l’évoquant…

  3. Ayant juste passé l’examen d’externat de Dermato, je me retrouve assez bien dans ce billet! C’est vrai que c’est une science obscure, et que dans 2-3 semaines, je suis sure d’avoir tout oublier!
    Bon courage en tout cas!

  4. moi aussi je vais suivre ton exemple : trouver un(e) dermato sympa qui voudra bien de moi pendant quelques heures histoire de (re)voir les bases et même le reste ça m’interesse!

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